Jurisprudence : CA Rouen, 05-10-2011, n° 10/04421, Confirmation



R.G 10/04421
COUR D'APPEL DE ROUEN 1ERE CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 05 OCTOBRE 2011
DÉCISION DÉFÉRÉE
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DU HAVRE du 30 Septembre 2010

APPELANTS
Maître Jean-Marie Z
né le 15 Août 1939

LE HAVRE
représenté par la SCP COLIN VOINCHET RADIGUET ENAULT, avoués à la Cour,
assisté de Me Gérard SALLABERRY, (SCP KUHN), avocat au barreau de PARIS
SCP GILLOT ET GILLOT-COSSARD, anciennement dénommée SCP Z ET GILLOT

LE HAVRE
représentée par la SCP COLIN VOINCHET RADIGUET ENAULT, avoués à la Cour,
assistée de Me Gérard SALLABERRY, (SCP KUHN), avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS
Monsieur Jean-Paul W
né le ..... à CONFLANS SAINTE HONORINE

MAURECOURT
représenté par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour,
assisté de Me Marc DESURMONT, avocat au barreau de LILLE
Madame Marie-Véronique VW épouse VW
née le ..... à TANANARIVE

MAURECOURT
représentée par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour,
assistée de Me Marc DESURMONT, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 22 Juin 2011 sans opposition des avocats devant Madame LE BOURSICOT, Président de Chambre, en présence de Monsieur GALLAIS, Conseiller, rapporteur
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de
Madame LE BOURSICOT, Président de Chambre
Monsieur GALLAIS, Conseiller
Madame BOISSELET, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS
Monsieur HENNART, Greffier
DÉBATS
A l'audience publique du 22 Juin 2011, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 Octobre 2011
ARRÊT
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 05 Octobre 2011, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LE BOURSICOT, Président de Chambre et par Monsieur HENNART, Greffier présent à cette audience.

*
* *
La Société Compagnie Viking (ci-après Société Viking) construit ou fait construire, commercialise et exploite des navires de pêche.
Dans le courant de l'année 1995, elle a proposé au public la souscription de parts de copropriété, dites quirats, du navire de pêche dénommé "Viking Explorer" devant permettre de bénéficier de la défiscalisation prévue par l'article 238 bis HA III quater du code général des impôts issu de la loi dite loi Pons.
C'est dans ce contexte que, par acte du 26 décembre 1995 reçu par Maître Jean-Marie Z,
notaire au HAVRE associé de la SCP Z ET GILLOT, Monsieur Jean-Paul W et son épouse, Madame Marie-Véronique V, ont acquis, pour un prix de 800'000 Francs, 32 quirats.
Par la suite, l'administration fiscale a considéré que les conditions exigées par la loi n'étaient pas réunies et a procédé à une notification de redressement auprès des époux W. Ceux-ci en ont contesté le bien-fondé mais la position de l'administration a été approuvée successivement par le tribunal administratif de VERSAILLES le 6 juillet 2004 et la Cour administrative d'appel de VERSAILLES du 24 janvier 2006 ; l'arrêt rendu par celle-ci a été confirmé par le Conseil d'État le 14 février 2007.
C'est dans ces conditions que, le 6 octobre 2008, les époux W ont assigné, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, Maître Z et la SCP GILLOT ET GILLOT-COSSARD (anciennement X ET GILLOT) devant le tribunal de grande instance du HAVRE aux fins d'indemnisation de leur préjudice.

Par jugement du 30 septembre 2010, le tribunal a considéré pour l'essentiel que
- si l'absence de déclaration de créance par les époux W entre les mains des organes de la procédure collective concernant la Société Viking les empêche de rechercher la condamnation de cette dernière, cette circonstance ne les empêche pas de rechercher la responsabilité du notaire en raison des fautes qu'il aurait commises,
- il appartenait au notaire de s'assurer que l'acte d'acquisition permettait bien la défiscalisation et Maître Z s'est contenté d'un seul procès-verbal de recette, manquant ainsi à ses devoirs de vérification, de prudence et de conseil,
- les demandeurs ont subi des préjudices fiscal, financier et moral dont ils sont bien fondés à demander réparation.
Le tribunal a donc
- déclaré Maître Z responsable, en application de l'article 1382 du code civil, du préjudice subi par les époux W,
- condamné en conséquence solidairement Maître Z et la SCP notariale François ... et Hélène ... à leur payer les sommes de
* 163'634,35 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice financier,
* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral,
* 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 8 octobre 2010, Maître Jean-Marie Z et la SCP GILLOT ET GILLOT-COSSARD ont interjeté appel de cette décision.
Dans leurs conclusions du 27 janvier 2011 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, ils font valoir pour l'essentiel que
- il appartenait aux époux W de faire jouer la garantie légale du vendeur et, ne l'ayant pas fait puisqu'ils ont omis de déclarer leur créance, ils ne peuvent se prévaloir d'un préjudice certain imputable directement à Maître Z,
- celui-ci, au moment de la réception de son acte, et compte tenu des documents dont il disposait, se trouvait face à une situation claire et non équivoque qui ne lui permettait pas de douter de la bonne fin de l'opération de sorte qu'aucune faute ne peut être retenue à son encontre,
- le lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice fait défaut car ce sont les époux W qui se trouvent eux-mêmes directement à l'origine du préjudice qu'ils invoquent et, par ailleurs, même si le notaire était parvenu à les convaincre de renoncer à une opération de défiscalisation, ils n'auraient pas eu le temps matériel de souscrire avant la fin de l'année une autre opération du même type,
- sur le préjudice fiscal, les époux W ne sont pas fondés à demander que le notaire prenne en charge à leur place le règlement de leurs impôts sur le revenu, les demandes au titre du préjudice financier ne sont pas fondées et le préjudice moral résulte de la faute de la Société Viking et non de celle du notaire.
Les appelants concluent en conséquence à la réformation du jugement, au rejet de l'ensemble des demandes des époux W et à la condamnation de ces derniers au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par conclusions du 6 avril 2011 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, Monsieur Jean-Paul W et son épouse, Madame Marie-Véronique V, exposent principalement que
- l'intérêt de l'opération était purement fiscal,
- le notaire n'a pas procédé aux vérifications qui s'imposaient,
- leur préjudice est à la fois fiscal, moral et économique,
- le lien de causalité est vainement contesté par les appelants,
- la responsabilité de la Société Viking n'exonère pas le notaire de sa propre responsabilité.
Les époux W sollicitent ainsi, au visa des articles 1382 et 1383 du code civil, la confirmation du jugement sauf à porter le montant de leur préjudice moral à 20'000 euros.
Ils sollicitent en conséquence la condamnation solidaire de Maître Z et de la SCP notariale à leur payer
- 108'614,59 euros au titre du préjudice fiscal,
- 20'000 euros au titre du préjudice moral,
- 49'391,26 euros au titre du préjudice financier,
soit un total de 178'005,83 euros à majorer des intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
ou subsidiairement,
- 177'372,18 euros au titre du préjudice fiscal et financier,
- 20'000 euros au titre du préjudice moral,
soit un total de 197'372,18 euros à majorer des intérêts au taux légal à compter de l'assignation.
Ils réclament une indemnité de 10'000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er juin 2011.

Sur ce, la Cour
Attendu que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, la mise en jeu de la responsabilité du notaire n'a pas un caractère subsidiaire ; qu'elle n'est subordonnée ni à une poursuite préalable d'autres débiteurs ni à l'impossibilité d'obtenir réparation des éventuels coresponsables ;
Que, par conséquent, l'absence d'action exercée par les époux W à l'encontre de la Société Viking comme l'absence de déclaration de créance de leur part dans le cadre de la procédure collective dont cette société a été l'objet, ne les empêchent pas d'agir contre le notaire et la SCP notariale ;
Que le succès de leur action suppose seulement que, conformément à ce qu'exigent les règles fondées sur l'article 1382 du code civil applicables dans les rapports entre Maître Z et les époux W, soit rapportée la preuve d'une faute ainsi que d'un préjudice présentant un lien de causalité avec elle ;
Attendu que pour apprécier l'éventuelle faute commise, il importe de relever qu'il n'est ni contestable ni même contesté que l'opération litigieuse avait essentiellement un but fiscal en ce que les époux W - comme les autres acquéreurs de parts de copropriété dans le navire de pêche 'Viking Explorer' - entendaient bénéficier des avantages résultant des dispositions de l'article 238 bis HA du code général des impôts ; que d'ailleurs toute la documentation alors éditée pour décrire cette opération émanant spécialement de la Société Viking (communiquée par les intimés dès la première instance sous le n° 8) faisait état de ces avantages
fiscaux ; qu'au surplus Maître Z avait un rôle central dans cette construction juridique puisqu'il était l'unique notaire désigné pour recevoir les actes, comme le révèle, en page 3 de la brochure intitulée 'copropriété de navire 'Viking Explorer", la mention suivante 'les formalités d'acquisition et d'enregistrement seront assurées par Maître Z, notaire au HAVRE' ; que c'est dans ces conditions qu'il a reçu le 26 décembre 1995 l'acte de cession de quirats par la Société Viking aux époux W, étant observé qu'à la même date il a aussi établi la convention de copropriété du navire 'Viking Explorer' ;
Attendu que c'est dans ce contexte que doit s'apprécier le double devoir pesant sur le notaire, d'une part de conseil, d'autre part d'assurer l'efficacité de l'acte dont il est le rédacteur ;
Or, attendu qu'il est constant que l'acte du 26 décembre 1995 auquel ont été parties les époux W n'a pas eu l'efficacité attendue puisque l'objectif fiscal n'a pas été atteint ; qu'il a en effet été jugé par les juridictions administratives (jugement du tribunal administratif de VERSAILLES du 6 juillet 2004, arrêt confirmatif de la Cour administrative d'appel de VERSAILLES du 24 janvier 2006 et arrêt du Conseil d'État du 14 février 2007 déclarant non admise la requête en annulation de cet arrêt confirmatif) que les époux W ne pouvaient bénéficier des avantages fiscaux escomptés, les conditions légales n'étant pas remplies ; qu'il résulte en effet de ces décisions que le transfert de propriété du navire à la Société Viking n'a pas eu lieu avant le 1er janvier 1996 de sorte que la date de réalisation de l'investissement n'a pas eu lieu au cours de l'année 1995 mais au cours de l'année 1996 et que les quirataires ne pouvaient se prévaloir des dispositions fiscales susvisées ;
Que les juridictions administratives ont notamment relevé à cet effet que le permis de navigation et l'acte de francisation n'ont été délivrés que le 26 avril 1996, que le navire n'a été assuré par la copropriété qu'à compter du 2 mai 1996 et que le procès-verbal de recette a été établi le 3 mai 1996 ;
Attendu, ceci étant, que les appelants font valoir qu'au regard des documents dont disposait Maître Z lors de la réception de l'acte le 26 décembre 1996, il n'a cependant pas commis de faute ;
Attendu, assurément, comme ils le soutiennent, que sa faute ne peut être appréciée qu'au regard des documents alors existants et qu'il ne pouvait connaître ceux qui seront édités en 1996 ;
Attendu que pour tenter de démontrer qu'il n'a pas commis de faute, Maître Z se prévaut ainsi d'un document du 5 juillet 1995 intitulé 'projet d'acte de francisation' portant le cachet de l'administration des douanes, et notamment la mention de la construction du navire en 1995 aux SABLES-D'OLONNE ainsi que celle selon laquelle il 'a été reconnu appartenir à la Société française Compagnie Viking ayant son siège à Le Havre' ;
Mais attendu que Maître Z ne pouvait ignorer que ce document, comme le mentionne son intitulé en lettres particulièrement apparentes, n'était qu'un 'projet (c'est la Cour qui souligne) d'acte de francisation' ; qu'au bas de ce document, il était d'ailleurs aussi précisé qu'il ne s'agissait que d'un 'document provisoire délivré pour servir le dossier comptable' ;
Que la simple lecture de ce document, a fortiori par un professionnel comme l'est le notaire, ne pouvait tromper sur sa portée particulièrement limitée et provisoire ; que la prudence élémentaire lui incombant commandait qu'il s'informât auprès de l'administration compétente pour connaître l'évolution de la situation ; qu'il s'est au contraire limité à porter dans l'acte du 26 décembre 1995 'Dès l'obtention de l'acte de francisation définitif, le vendeur s'oblige à en justifier à l'acquéreur', ce qui laisse entendre qu'en réalité, un tel acte de francisation n'existait pas encore ;
Attendu que Maître Z se prévaut par ailleurs d'un document intitulé 'procès-verbal de recette du catamaran long-liner de 24,95 m 'Viking Explorer", portant la signature et le cachet de la Société Océa et de la Société Viking, daté du 26 décembre 1995 et faisant état de ce que le navire 'a subi avec succès les essais prévus au contrat', que 'le chantier OCEA SA a remis les documents de bord habituels', que 'la jauge et le franc-bord aux essais sont satisfaisants' et que 'en conséquence de ce qui précède, le navire est considéré comme livré à la date du 26/12/95 à 18 h 00 et pris en charge par l'armateur' ;
Mais attendu qu'aucune certitude n'existe sur la date prétendue de ce document ; que spécialement, la Cour observe qu'aucune référence n'est faite à celui-ci dans l'acte authentique, effectivement dressé à cette date du 26 décembre 1995 par Maître Z, aux fins d'acquisition des quirats par les époux W ; qu'à l'inverse et bien que s'agissant d'une question aussi importante que la date du transfert de propriété, le notaire s'est limité, dans cet acte, à la simple stipulation selon laquelle 'Le navire de pêche 'Viking Explorer' appartient au vendeur pour le faire construire au cours de l'année 1995" ; qu'une telle clause contraste avec la précision à juste titre généralement observée dans les actes notariés quant à la date du transfert de propriété ;
Qu'en réalité Maître Z n'a pas attaché de véritable importance à ce procès-verbal (daté du 26 décembre 1995, mais - ainsi qu'il a été dit - dont la date reste parfaitement incertaine), puisque les intimés font justement valoir que son absence ne l'avait pas empêché de recevoir précédemment d'autres actes de cession de quirats ; qu'ils citent la cession à Monsieur ... le 15 décembre 1995 et la cession à Mademoiselle ... le 31 juillet 1995 et la réalité de ces cessions se trouve vérifiée par leur mention en pages 2 et 3 de la convention de copropriété dressée par Maître Z le 26 décembre 1995 ;
Attendu que le notaire a ainsi, lors de la réception de l'acte de cession de quirats aux époux W, manqué de la rigueur et de la prudence nécessaires pour s'assurer de l'efficacité de l'acte au regard des conséquences fiscales clairement envisagées par les acquéreurs de parts de copropriété du navire de pêche ;
Que la référence que font les appelants à deux autres documents est inopérante en ce que, en contradiction avec leur argumentation précédente, ils invoquent deux documents dont la date est postérieure à l'acte de cession litigieux ;
Qu'il s'agit en effet d'une part d'une facture de vente du navire par la Société Viking à la copropriété 'Viking Explorer' portant la date du 31 décembre 1995 (donc postérieure à l'acte litigieux), d'autre part d'un permis de navigation délivré par l'administration le 28 décembre 1995, en tout état de cause qualifié de 'provisoire' et ne valant que pour des essais à la mer sur la seule journée du 28 1995, ce qui, au demeurant, est bien peu compatible avec les termes du procès-verbal de recette daté du 26 décembre 1995, mentionné plus haut, et sur lequel la Cour a déjà ci-dessus exprimé des réserves ;
Que, pour l'ensemble de ces raisons, la faute du notaire se trouve caractérisée ;
Attendu, ceci étant, que les appelants contestent le lien de causalité existant entre cette faute et le préjudice allégué par les intimés ;
Qu'ils prétendent ainsi que les époux W sont eux-mêmes directement à l'origine de leur préjudice pour avoir perdu leur créance, faute de déclaration de cette créance, à l'encontre de la Société Viking, fautive et en liquidation judiciaire ;
Mais attendu, d'une part, qu'il a déjà été exposé ci-dessus que la responsabilité du notaire n'a pas un caractère subsidiaire ;
Que, d'autre part, les intimés qui reconnaissent ne pas avoir fait de déclaration de créance, démontrent que le mandataire liquidateur a informé ceux des quirataires qui avaient fait une telle déclaration, que leur créance est irrecouvrable ;
Qu'il est ainsi établi qu'en tout état de cause, les époux W n'auraient pas obtenu réparation de leur préjudice par le biais d'une déclaration de créance dans le cadre de la liquidation judiciaire de la Société Viking ;
Attendu, par ailleurs, que les appelants contestent encore le lien de causalité ou, en tout état, soutiennent qu'il n'y aurait pour les époux W qu'une perte de chance en ce que, d'une part, il n'est pas sûr que, dûment informés, ils auraient renoncé à l'opération car les 'investisseurs, avides de gain, et mis en condition par les agents commerciaux ... acceptent très rarement d'écouter les conseils de prudence', et, d'autre part, seulement informés le 26 décembre 1995, ils n'auraient pas eu le temps matériel de souscrire avant la fin de l'année une opération du même type ;
Mais attendu, sur le premier point, qu'il résulte amplement de la documentation établie pour inciter à souscrire à l'opération mise en place par la Société Viking que l'accent était mis sur les avantages fiscaux et il n'est nullement excessif, de la part des intimés, d'expliquer que leur intérêt était purement fiscal ; qu'il s'ensuit qu'à l'évidence, ils n'auraient pas consenti à l'acte du 26 décembre 1995 si le notaire les avait dûment informés de ce que les seuls éléments en sa possession ne permettaient pas d'affirmer que les conditions exigées par les dispositions fiscales étaient effectivement réunies ;
Et attendu, sur le second point, qu'une information donnée aux époux W - si elle l'avait été - aussi tardivement dans l'année (26 décembre) ne leur aurait assurément plus permis de souscrire à une autre opération, mais ils ne réclament pas l'indemnisation de cette impossibilité - ce qui serait une perte de chance - puisqu'au contraire ils sollicitent la réparation du préjudice résultant de la conclusion d'une convention fiscalement inefficace, ce qui n'est pas simplement une perte de chance ;
Attendu que, dans ces conditions, les époux W sont bien fondés à réclamer réparation intégrale du préjudice résultant, pour eux, de la faute de Maître Z ;
Attendu qu'il est établi qu'à la suite des redressements opérés, les époux W ont dû verser à l'administration des impôts, la somme incontestée de 108 614,59 euros qui constitue ainsi le préjudice fiscal dont ils peuvent, ainsi qu'ils le font, demander réparation ;
Qu'ils prétendent aussi avoir supporté un préjudice financier qu'ils chiffrent à 49 391,26 euros et décomposent en six éléments ;
Que, comme le font valoir les appelants, certains d'entre eux doivent être écartés dans la mesure où ils sont liés à l'acquisition même des quirats ; que même si cette acquisition ne leur a pas permis d'atteindre les objectifs fiscaux escomptés, il n'en reste pas moins que l'acte reçu par Maître Z leur a permis de devenir propriétaires des quirats de sorte que doivent être rejetées les demandes concernant les intérêts et frais de l'emprunt contracté à cet effet (32 201,73 euros, 1 238,44 euros) ainsi que les frais d'acte notarié (4 495,42 euros) ;
Qu'en revanche, ils peuvent prétendre au remboursement des honoraires qu'ils ont dû exposer pour leur défense dans le cadre de la procédure fiscale, soit 4 963,40 euros, ainsi qu'à l'indemnisation du coût de la mainlevée de l'hypothèque qu'ils avaient dû consentir au Trésor Public, soit 863,27 euros ;
Qu'enfin, la somme de 5 629 euros réclamée comme représentant l'impôt sur la plus-value qu'ils ont réglé en cédant prématurément un immeuble pour le paiement des droits ne constitue qu'un préjudice indirect qui ne peut être pris en considération ;
Qu'il s'ensuit que le préjudice dit financier réparable s'élève à
4 963,40 euros + 863,27 euros = 5 826,67 euros ;
Attendu, enfin, qu'aucun élément particulier n'est fourni devant conduire à augmenter la somme allouée aux époux W par les premiers juges au titre de leur préjudice moral justement évalué à
5 000 euros ;
Attendu que la décision entreprise se trouvant réformée du chef du préjudice dit financier, c'est une somme globale de 108 614,59 euros + 5 826,67 euros + 5 000 euros = 119 441,26 euros qui doit être allouée aux intimés en réparation de l'ensemble de leur préjudice ; que, par application de l'article 1153-1 du code civil, il sera dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la date du jugement, soit le 30 septembre 2010 ;
Que Maître Z et la SCP GILLOT ET GILLOT-COSSARD seront condamnés in solidum à leur paiement ;
Attendu que les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens doivent être maintenues ;
Que les appelants qui succombent dans l'essentiel de leur recours devront supporter les dépens y afférents et verser aux intimés, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité complémentaire équitablement fixée à 1 800 euros ;

PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de la somme allouée aux époux W en indemnisation de leur préjudice, Le réformant de ce chef,
Condamne in solidum Maître Jean-Marie Z et la SCP notariale GILLOT ET GILLOT-COSSARD à payer à Monsieur Jean-Paul W et Madame Marie-Véronique V, son épouse, en indemnisation de l'ensemble de leur préjudice, la somme globale de 119 441,26 euros,
Ajoutant au jugement,
Dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du
30 septembre 2010,
Condamne in solidum Maître Z et la SCP notariale GILLOT ET GILLOT-COSSARD à payer aux époux W la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Maître Z et la SCP notariale GILLOT ET GILLOT-COSSARD aux dépens d'appel avec droit de recouvrement au profit de la SCP HAMEL-FAGOO-DUROY, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président

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