Jurisprudence : TGI Paris, 29-11-2011, n° 10/05909

TGI Paris, 29-11-2011, n° 10/05909

A1185H4N

Référence

TGI Paris, 29-11-2011, n° 10/05909. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/5651023-tgi-paris-29112011-n-1005909
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Abstract

La décision était attendue avec une impatience non dissimulée en raison du caractère exemplaire du litige portant sur la Convention Syntec et singulièrement sur la licéité des différences catégorielles introduites par les partenaires sociaux entre les catégories de salariés identifiées par l'accord. La Haute juridiction a énoncé dans plusieurs arrêts du 8 juin 2011 (Cass. soc., 8 juin 2011, deux arrêts, n° 10-14.725, FS-P+B+R+I et jonction, n° 10-11.933 à n° 10-13.663, P+B+R+I) que "repose sur une raison objective et pertinente la stipulation d'un accord collectif qui fonde une différence de traitement sur une différence de catégorie professionnelle, dès lors que cette différence de traitement a pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d'une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d'exercice des fonctions, à l'évolution de carrière ou aux modalités de rémunération".






TRIBUNAL

DE GRANDE

INSTANCE

DE PARIS

1/4 social

N° RG:

10/05909

N° MINUTE H JUGEMENT

rendu le 29 novembre 2011

Assignation du :

16 avril 2010

DÉBOUTÉ


DEMANDERESSE

“m6 DEC, 20. FEDERATION NATIONALE DES PERSONNELS DES SOCIETES D’ETUDES - DE CONSEIL ET DE PREVENTION

GATE Qee:X - 263 rue de Paris

Case 421

A Frjpechion tu, 93514 MONTREUIL CEDEX

représentée par Me Karim HAMOUDI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0282

DÉFENDERESSES

FEDERATION DES SYNDICATS DES SOCIETES D’ETUDES ET DE CONSEILS (SYNTEC)

3 rue Léon Bonnat

75016 PARIS

CHAMBRE DE L’INGENIEFRIE ET DU CONSEIL DE FRANCE (CICF)

4 avenue du Recteur Poincaré

75016 PARIS

représentées par la SCP AUGUST & DEBOUZY ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0438

exécutoires

délivrées le :



(UDIENCE DU 29 NOVEMBRE 2011

/4 SOCIAL

FEDERATION CFDT DE LA COMMUNICATION, CONSEIL, CULTURE (F3C CFDT)

4749 avenue Simon Bolivar

75950 PARIS CEDEX 19

représentée par Me Franceline LEPANY DE LA SEP LACHAUD LEPANY MANDEVILLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #W06

FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRES CGT - FORCE OUVRIERE (FEC FO)

28 rue des Petits Hôtels

75010 PARIS

représentée par Me Stéphane KADRI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0316

FEDERATION NATIONALE DU PERSONNEL DE L’ENCADREMENT DES SOCIETES DE SERVICES INFORMATIQUES, DES ETUDES, DU CONSEIL ET D’INGENIERIE (FIECI CFE CGC)

35 rue du Faubourg Poissonnière

75009 PARIS

représentée par Me Jérôme BORZAKIAN de la SELARL WEIZMANN BORZAKIAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire G242

FEDERATION COMMERCE, SERVICES ET FORCE DE VENTE DE LA CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS (CSFV CFTC)

251 rue du Faubourg Saint Martin

75010 PARIS

non représentée


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Anne LACQUEMANT, Vice-Président

Président de la formation

Monsieur Maurice RICHARD, Vice-Président

Madame Juliette LANÇON, Juge

Assesseurs

assistés de Elisabeth AUBERT, Greffier

DÉBATS

A l’audience du 11 octobre 2011

tenue en audience publique



UDIENCE DU 29 NOVEMBRE 2011

4 SOCIAL

JUGEMENT

Prononcé en audience publique

Réputé contradictoire

En premier ressort

Sous la rédaction de Madame A

A la suite d’une assignation délivrée le 16 avril 2010, la Fédération nationale des personnels des sociétés d’études, de conseil et de prévention CGT, désignée par la Fédération CGT dans le présent jugement, demande, aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 20 septembre 2011, au visa des articles L. 2132-3, L. 2251-12, L.2261-22 et L.2271-1 du code du travail et du principe jurisprudentiel de l’égalité de traitement, de :

- juger la Fédération CGT recevable en son action,

- juger que les partenaires sociaux ne peuvent faire échec au principe d'égalité de traitement,

- juger que les articles 15, 19, 37, 43, 59 et 70 de la convention collective nationale SYNTEC violent le principe d'égalité de traitement, en l'absence de raison objective et pertinente,

- déclarer les Fédérations patronales irrecevables en leur demande de nullité et, subsidiairement mal fondées, la violation de l’égalité de traitement devant entraîner l'application de l'avantage le plus favorable,

en conséquence,

- ordonner aux organisations SYNTEC et CICF de convoquer l’ensemble des organisations syndicales représentatives à une négociation collective en vue de mettre en conformité la convention collective avec le principe d'égalité de traitement, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la signification du jugement à intervenir,

- condamner les organisations SYNTEC, CICF et CFE-CGC à verser chacune à la Fédération CGT la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

- prononcer l'exécution provisoire.

A l’appui de ses demandes, la Fédération CGT invoque le caractère illicite de six articles de la convention collective nationale SYNTEC, qui prévoient des avantages différents pour les salariés ingénieurs et cadres, dit les IC, et les salariés employés, techniciens et agents de maîtrise, dit les ETAM, faisant valoir que l’appartenance à une catégorie professionnelle ne peut justifier en soi une différence de traitement et qu’en l’espèce les différences instaurées ne sont pas justifiées par les spécificités propres à chacune des catégories professionnelles.

Elle précise, tout en indiquant que la catégorie professionnelle des cadres n’est pas définie de façon univoque et renvoie à des réalités très différentes (salaires, responsabilités, formations.), qu’elle n’entend pas remettre en cause le principe des classifications conventionnelles qui



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fonde les minimas salariaux par catégorie professionnelle mais considère qu’à partir du moment où le système de classification prend en compte les responsabilités assumées et les connaissances mises en application résultant du rôle dévolu aux ingénieurs et cadres pour leur octroyer a priori de meilleurs salaires, rien ne justifie que cette catégorie perçoive, au-delà de la rémunération, des avantages plus favorables qui ne sont pas la contrepartie directe du travail habituel, que les différences de traitement ne doivent pas reposer sur le critère catégoriel mais sur d’autres critères proportionnés et en rapport direct avec l’objet de chaque avantage considéré.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 28 juin 2011, la Fédération CFDT de la communication, conseil, culture, dite la F3C-CFDT, faisant valoir que l’octroi d’avantages ou de compensations doit se faire en prenant en compte la situation objective de travail des salariés, quel que soit leur statut et que, dès lors que ces derniers sont liés à une activité professionnelle commune et constituent une communauté de travailleurs salariés, ils se trouvent dans une même situation objective et doivent bénéficier du même traitement, soutient, comme la Fédération CGT, que les articles 19, 37, 43, 59 et 70 de la convention collective Syntec portent atteinte au principe d’égalité de traitement en ce que la différence entre IC et ETAM qu’ils prévoient ne repose sur aucune raison objective.

En revanche, la F3C-CFDT considère que la différence de traitement entre les IC et les ETAM résultant de l’article 15 relatif au préavis peut être objectivement justifiée dès lors que la durée du préavis est le dispositif miroir de la période d’essai pour laquelle la différence de traitement entre cadres et non cadres est prévue par le code du travail et qu’il est certain qu’il faut plus de temps pour remplacer un cadre qu’un non cadre.

Elle sollicite en conséquence que les ETAM bénéficient des indemnités de licenciement, des indemnités en cas d’incapacité temporaire de travail et des moyens de transports prévus pour les IC par les articles 19, 43, 59 et 70 de la convention collective, que les IC bénéficient des compensations prévues à l’article 37 pour les ETAM en cas de travail habituel de nuit, du dimanche et des jours fériés.

A titre très subsidiaire, elle demande que soit ordonné aux organisations patronales et salariales de revoir d’un commun accord les articles litigieux au regard du principe de l’égalité de traitement, et ce conformément à la déclaration liminaire de la convention collective Syntec.

Enfin, elle sollicite, outre l’exécution provisoire de la décision à intervenir, la condamnation des fédérations patronales Syntec et CICF à lui payer la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.


Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 5 septembre 2011, les organisations syndicales patronales, la Fédération des Syndicats des Sociétés d’Etudes et de Conseils, dite la Fédération SYNTEC, et la Chambre de l’Ingénierie et du Conseil de France, dite la CICF, soulèvent, faute de qualité à agir, l’irrecevabilité de la demande de la Fédération CGT qui tend à voir ordonner l’ouverture de négociations collectives, faisant valoir, d’une



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part, que l’article L. 2261-7 du code du travail ne permet qu’aux seuls Syndicats signataires de l’accord initial et à ceux qui y ont adhéré ultérieurement de conclure un accord de révision, d’autre part, que l’article 82 de la convention collective précise que cette dernière est révisable à tout moment par accord unanime des parties contractantes.

À titre subsidiaire, sur le fond, elles soutiennent que les avantages conventionnels remis en cause par la Fédération CGT se justifient par les spécificités liées à la situation des IC et des ETAM, spécificités que ces différences de traitement catégorielles visent à prendre en compte et qui en constituent autant de raisons objectives et pertinentes.

A titre très subsidiaire et reconventionnellement, si le tribunal faisait droit à la demande de la Fédération CGT, elles demandent que soit prononcée la nullité des articles 15, 19, 37, 43, 59 et 70 de la convention collective afin de permettre aux parties de renégocier dans des conditions équitables.

Elles sollicitent la condamnation de la Fédération CGT à verser à chacune d’elles la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 20 septembre 2011, la Fédération nationale du personnel de l’encadrement de l’informatique, des études, du conseil et de l’ingénierie, dite la FIECI CFE-CGC, invoque l’irrecevabilité de la demande de la Fédération CGT qui n’a pas qualité pour solliciter la révision de la convention ou dénoncer celle-ci.

Elle soutient, à titre subsidiaire, que la demande porte atteinte à la négociation syndicale et à l’autonomie des partenaires sociaux érigée en principe constitutionnel, que par ailleurs une convention collective constitue un ensemble contractuel indivisible et que l’équilibre d’ensemble interdit de discuter de la légitimité, au regard du principe d’égalité, de tel ou tel avantage pris isolément, que la seule conséquence de l’illégalité des dispositions litigieuses est la nullité de celles-ci et non, comme le sollicite la Fédération CGT l’obligation d’ouvrir de nouvelles négociations ou l’application des avantages les plus favorables à tous les salariés sans distinction.

A titre infiniment subsidiaire, elle considère qu’il n’existe pas de principe général d’égalité de traitement entre les salariés et qu’une différence de traitement peut être opérée entre des salariés placés dans des situations différentes, ce qui est le cas des IC et des ETAM s’agissant des clauses discutées.

Elle sollicite reconventionnellement la condamnation de la Fédération CGT à lui verser la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 15 février 2011, la Fédération des employés et cadres CGT-Force Ouvrière ne discute pas le fait qu’une convention collective doive respecter le principe constitutionnel d’égalité mais soutient qu’il ne peut être considéré que toute différenciation conventionnelle entre cadres et non cadres serait a priori illicite et illégale, faisant observer que la notion de catégories professionnelles constitue un socle incontournable non seulement dans



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h

l’histoire du droit conventionnel, mais aussi dans l’ensemble des dispositions légales et réglementaires relatives aux droits et obligations des travailleurs et employeurs, toute la construction du droit du travail, du droit social, de la sécurité sociale et du droit de la négociation collective s’étant élaborée sur la base de cette différenciation entre catégories professionnelles.

Elle conclut que la Fédération CGT est mal fondée à soutenir que les dispositions relatives aux différenciations et aux catégories professionnelles contenues dans la convention collective nationale Syntec seraient a priori attentatoires au principe de l'égalité de traitement au motif qu’elles disposeraient différemment selon l’appartenance des salariés à telle ou telle catégorie.

Elle ajoute qu’il n’appartient pas au juge d’ordonner aux organisations patronales de convoquer l’ensemble des organisations syndicales représentatives à une négociation collective.

Elle conclut enfin au rejet des demandes de la Fédération Syntec et de la CICF tendant à l’annulation des articles 15, 19, 37, 43, 59 et 70 de la convention collective Syntec et demande la condamnation de la Fédération CGT et de la Fédération Syntec aux dépens.

Pour un plus ample exposé de l’argumentation des parties, il est renvoyé, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions précitées.

La CFTC n’a pas constitué avocat.


MOTIFS

Attendu que la convention collective nationale SYNTEC a été signée le 15 décembre 1987 par la Fédération syndicale des sociétés d’études et de conseil (Syntec) et la chambre des ingénieurs conseils de France (la CICF), d’une part, l ODERTES-CGC et le SNAT CGT-FO, d’autre part ;

Qu'elle a été étendue par arrêté ministériel du 13 avril 1988 ;

Que plusieurs organisations y ont adhéré : la FECTAM-CFTC le 3 janvier 1989, l’Union nationale des professionnels de l’ordonnancement et de la coordination (UNAPOC) le 22 décembre 1989, la Fédération des services CFDT le 30 janvier 1996, le SPECIS FECTAM-CFTC le 18 mai 2000 et la Fédération des commerces et des services UNSA le 6 décembre 2004 ;

Que la Fédération CGT n’est ni signataire, ni adhérente de la convention litigieuse ;

Que cette convention couvre un champ d’application professionnel qui regroupe les cabinets d’études techniques, les cabinets d’études économiques et sociologiques, les cabinets d’études informatiques et d’organisation, les travaux à façon informatique, les cabinets de conseils en information et documentation, les sociétés dont l’activité principale est l’organisation ou l’accueil de manifestations économiques types foires, salons, congrès et réunions d’entreprise, ou les prestations de services liées à ces activités ;



AUDIENCE DU 29 NOVEMBRE 2011

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Attendu que la Fédération CGT et la F3C-CFDT contestent la licéité de diverses clauses de la convention collective Syntec soutenant qu’elles portent atteinte au principe d’égalité des salariés en ce qu’elles prévoient des avantages différents pour la catégorie des ETAM et celle des IC sans que cette différence soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes ;

Qu’en conséquence de l’illicéité invoquée, les deux organisations syndicales forment à titre principal des demandes différentes, la Fédération CGT sollicitant du tribunal qu’il ordonne aux organisations syndicales patronales de convoquer l’ensemble des organisations syndicales représentatives à une négociation collective en vue de mettre les dispositions qu’elle critique en conformité avec le principe d’égalité de traitement, la F3C-CFDT demandant que les avantages les plus favorables soient étendus à l’ensemble des salariés ;

Sur la recevabilité

Attendu que la recevabilité des demandes de la F3C-CFDT n’est pas discutée ;

Attendu que l’action de la Fédération CGT ne s’inscrit pas dans le cadre d’une demande en révision ou en dénonciation de la convention en application des dispositions L. 2261-7 et L. 2261-9 du code du travail mais tend à voir sanctionner des dispositions conventionnelles qu’elle juge contraires à l’égalité de traitement des salariés ;

Que les développements sur le défaut de qualité à agir de la Fédération CGT pour solliciter une révision d’une convention sont dès lors inopérants ;

Attendu qu’une organisation syndicale, signataire ou non, est recevable à invoquer, dans l’intérêt collectif de la profession, le caractère illicite des clauses d’une convention collective, celle-ci aurait-elle fait l’objet d’un arrêté d’extension, un tel arrêté n’ayant pas pour effet de conférer à la convention une validité ;

Qu’une disposition conventionnelle est illicite non seulement lorsqu’elle est discriminatoire mais aussi lorsqu’elle porte atteinte au principe d’égalité des travailleurs qui constitue un principe général du droit ;

Que la légitimité des partenaires sociaux à négocier ne peut faire échec à ce principe en les exonérant de son respect ;

Qu’il appartient ainsi au juge, non pas de contrôler l’opportunité des résultats de la négociation collective et des choix effectués par les partenaires sociaux, mais de s’assurer qu’à travers ces choix il n’a pas été porté au principe d’égalité de traitement des salariés placés dans des situations identiques ;

Que la demande de la Fédération CGT qui a pour objet de voir déclarer illicites les dispositions critiquées en raison de la violation de ce principe, est recevable ;

Attendu que la question de savoir quelles conséquences peuvent être tirées de l’illicéité prétendue, ne relève pas de la recevabilité de la demande, mais de l’examen au fond ;



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Qu’à cet égard, le caractère illicite d’une disposition conventionnelle au motif qu’elle porterait atteinte à l’égalité de traitement des salariés ne saurait avoir pour effet d’appliquer l’avantage le plus favorable à l’ensemble des salariés, comme le sollicitent la F3C-CFDT à titre subsidiaire et la Fédération CGT à titre principal ;

Qu’une telle solution porterait atteinte à la volonté des partenaires sociaux et à l’équilibre global de la convention ;

Que si le seul moyen de réparer l’irrégularité substantielle résultant de la violation du principe d’égalité dans l’octroi de divers avantages aux IC et aux ETAM et de préserver l’intérêt collectif de l’ensemble des salariés, est d’engager de nouvelles négociations, il n’appartient pas à la juridiction saisie d’ordonner l’ouverture de telles négociations en dehors de toute procédure de dénonciation ou de révision de la convention, étant en outre observé que la Fédération CGT n’a pas qualité pour dénoncer ou solliciter la révision de la convention en cause ;

Que le tribunal qui serait amené à considérer que les dispositions critiquées seraient contraires au principe d’égalité de traitement des salariés, ne pourrait que les annuler, les partenaires sociaux devant en tirer toutes conséquences ;

Sur le fond

Attendu que la branche professionnelle concernée emploie environ 750.000 salariés ; que selon les éléments fournis par la Fédération Syntec et la CICF résultant du rapport de branche 2010 et de l’étude socio démographique, 90 % des entreprises de la branche emploient moins de six salariés, la main d’oeuvre est très diplômée, la branche compte une proportion très élevée d’ingénieurs et cadres, dit les IC : 74 % contre 26 % d’employés, techniciens et agents de maîtrise, dit les ETAM ;

Que le préambule de la convention collective nationale Syntec souligne la spécificité des sociétés relevant de son champ d’activité, celles-ci devant prendre en charge des interventions d’études et de réalisation très diverses dans leur ampleur, dans leur technicité, dans leur localisation et dans le temps ;

Qu’aux termes de l’article 2 de la convention collective Syntec qui définit les deux catégories professionnelles ETAM et IC, sont considérés comme ETAM, les salariés dont les fonctions d’employés, de techniciens ou d’agents de maîtrise sont définies en annexe par la classification correspondante, sont considérées comme IC, les ingénieurs et cadres diplômés ou praticiens, dont les fonctions nécessitent la mise en oeuvre de connaissances acquises par une formation supérieure sanctionnée par un diplôme reconnu par la loi, par une formation professionnelle ou une pratique professionnelle reconnue équivalente dans la branche d’activité ;

Que l’annexe I de la convention collective précise que le personnel de la catégorie des ETAM peut remplir trois fonctions : des fonctions d’exécution, des fonctions d’études ou de préparation ou des fonctions de conception ou de gestion élargie, et institue une classification en trois fonctions, chacune d’elle étant subdivisée en un certain nombre de positions auxquelles sont affectés des coefficients ; que l’annexe détaille le contenu de chacune des fonctions ;



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Que l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail prévoit trois modalités de gestion des horaires :

- modalités standard : concernent les ET AM, les IC pouvant également en relever

- modalités de réalisation de missions : tous les IC sont a priori concernés, à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale. Nature des tâches : responsabilités particulières d’expertise technique ou de gestion qui ne peuvent s’arrêter à heures fixes, utilisation d’outils de haute technologie mis en commun, coordination de travaux effectués par des collaborateurs travaillant aux mêmes tâches….)

- modalités de réalisation de missions avec autonomie complète ;

Que la nature des missions confiées aux IC et aux ETAM résultant de la classification précisée par la convention collective qui s’impose à toutes les entreprises relevant de la branche professionnelle en cause, il ne peut être utilement soutenu que les IC et les EFTAM ont vocation à occuper des postes équivalents ;

Attendu qu’au regard des définitions des catégories IC et ETAM précisées par la convention collective, de la spécificité des tâches confiées aux uns et aux autres et des régimes différenciés dans l’organisation et la durée du travail, ces catégories de personnel sont placées dans des situations de travail objectivement différentes ;

Que cependant la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l’attribution d’un avantage, une différence de traitement, résultant d’un accord collectif ou d’une convention collective, entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont il convient de contrôler la réalité et la pertinence ;

Que repose sur une raison objective et pertinente la stipulation ou d’un accord collectif ou d’une convention collective qui fonde une différence de traitement sur une différence de catégorie professionnelle, dès lors que cette différence de traitement a pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d’une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d’exercice des fonctions, à l’évolution de carrière ou aux modalités de rémunération ;

Que sous ces réserves, les partenaires sociaux sont libres d’envisager différemment la situation des IC et des FTAM en prévoyant notamment des avantages différents pour les uns et pour les autres, l’opportunité d’instaurer de telles différences relevant de leurs prérogatives ;

Attendu qu’en considération des situations objectivement différentes du personnel IC et du personnel ETAM travaillant au sein de la branche d'activité couverte par la convention collective Syntec et comportant les particularités ci-dessus énoncées, il convient d’examiner la pertinence du traitement différencié opéré par les dispositions litigieuses entre ces deux catégories professionnelles ;

Que, s’agissant d’une contestation élevée par des syndicats en dehors de tout litige individuel, la spécificité des situations des salariés IC, d’une part, et ETAM, d’autre part, au regard de l’avantage considéré, ne peut s’apprécier qu’in abstracto ;



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Qu'en effet, s’il est toujours possible que des constatations générales soient contredites au cas par cas dans certaines situations individuelles, il ne peut être exigé d’une convention collective qu’elle règle de manière strictement égalitaire chacun des cas particuliers qui peut être amené à se poser au cours de son exécution ;

Sur l’article 15 : durée du préavis en dehors de la période d’essai

Attendu que cet article prévoit, en cas de rupture du contrat de travail, une durée de préavis de trois mois pour les IC, et de un à deux mois pour les ETAM selon leur ancienneté (plus ou moins deux ans) ou leur coefficient hiérarchique conventionnel quelle que soit l’ancienneté acquise ;

Que ce préavis s’applique tant dans l’hypothèse d’un licenciement que dans celle d’une démission ; qu’il ne peut dès lors être retenu qu’il n’est instauré que dans l’intérêt du salarié, comme le soutient la Fédération CGT ;

Attendu que, compte tenu de la nature des missions et des responsabilités confiées aux IC de la branche d’activité concernée (chef de projet, intervention auprès des clients, organisation des missions…), la nécessité de finaliser des projets en cours, d’en d’informer les autres collaborateurs ainsi que la difficulté plus grande pour l’employeur de remplacer un IC et de vérifier l’adéquation d’un candidat IC au poste proposé, l’étude sociodémographique produite confirmant que les entreprises du secteur de l’informatique et de l’ingénierie ont des difficultés à recruter du personnel qualifié, la durée supérieure du préavis applicable aux salariés IC apparaît justifiée au regard de la spécificité de leurs fonctions ;

Que tenant compte de cette spécificité, l’article L. 1221-9 du code du travail prévoit que les durées maximales des périodes d’essai sont différentes selon les catégories professionnelles, ouvriers et employés, agents de maîtrise et techniciens, cadres ;

Que l’article 7 de la convention collective en cause qui envisage des périodes d’essai d’une durée inférieure à la durée maximale légale, fixe des durées différentes pour les ETAM et les IC ;

Qu’ainsi à une période de préavis plus longue pour les IC correspond une période d’essai plus longue ;

Que l’article 15 de la convention n’encourt pas le reproche qui lui est fait et ne sera pas déclaré illicite ;

Sur l’article 19 : indemnité de licenciement

Attendu que cet article définit un montant différent de l’indemnité de licenciement pour les ETAM et les IC :

- pour les ETAM :

* pour une ancienneté acquise entre 2 et 20 ans : 0,25 mois par année de présence,

* à partir de 20 ans d’ancienneté : 0,30 mois par année de présence, sans pouvoir excéder un plafond de 10 mois,



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H

- pour les IC : après 2 ans d’ancienneté : 1/3 de mois par année de présence sans pouvoir excéder un plafond de 12 mois ;

Attendu qu’il convient de rappeler que les indemnités de licenciement présentent un caractère indemnitaire et ont pour objectif de compenser les préjudices résultant de la perte d’emploi ;

Que pour des salariés IC ayant des rémunérations plus élevées que celles des salariés FTAM, la perte financière en cas de perte d’emploi est plus importante ;

Qu’en outre, les IC dont les fautes dans l’exercice de leurs missions sont appréciées différemment et plus sévèrement au regard des responsabilités qui leur sont confiées, ne sont pas placées dans une situation identique à celles des ETAM au regard du risque de licenciement ;

Que compte tenu de ces éléments mais aussi du caractère mesuré de la différence instaurée entre les indemnités de licenciement complémentaires accordées aux IC, d’une part, et aux ETAM, d’autre part, aux termes de l’article 19 de la convention collective, cette disposition n’apparaît pas contraire au principe d’égalité de traitement des salariés au regard de la spécificité de leurs situations respectives ;

Sur l’article 37 : paiement du travail habituel de nuit, du dimanche et des jours fériés

Attendu que cet article qui ne concerne que les ETAM prévoit que lorsque l’organisation du travail nécessite le travail habituel de nuit, du dimanche ou des jours fériés, les heures de travail ainsi effectuées bénéficient d’une majoration de 25 % appliquée sur le taux horaire découlant du minimum hiérarchique, sous réserve que ces heures soient incluses dans un poste comportant au moins 6 heures consécutives et précise que pour apprécier si cette majoration est perçue par l’intéressé, il est tenu compte des avantages particuliers déjà accordés à ce titre dans l’entreprise et soumis à cotisations sociales ;

Que la Fédération CGT et la Fédération CFDT font grief à cette disposition d’exclure les IC de la compensation conventionnelle qu’elle prévoit, bien qu’ils puissent être amenés à travailler dans les mêmes conditions ;

Que la Fédération Syntec et la CICF expliquent qu’au niveau de la branche, la convention collective ne prévoit le travail habituel de nuit, du dimanche et des jours fériés que pour les ETAM en raison du contenu même de leur emploi et de leur mission ;

Attendu que l’article 36 de la convention collective ne définit effectivement le travail habituel de nuit, du dimanche et des jours fériés que pour les ETAM ;

Qu'’ainsi, la disposition litigieuse n’instaure pas une différence de traitement entre les IC et les ETAM au regard de la compensation pécuniaire en cause, mais définit la compensation accordée à ces derniers lorsqu’ils travaillent habituellement de nuit, le dimanche ou les jours fériés, le travail habituel de nuit, des dimanches et des jours fériés des IC n’étant pas prévu par la convention collective ;



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+ SOCIAL

Que la disposition litigieuse n’emporte dès lors pas de rupture d’égalité ;

Que s’agissant du travail exceptionnel du dimanche et des jours fériés, les deux catégories de personnel sont rémunérées dans les conditions des articles 35, 35-1 et 35-2 de la convention collective et de l’avenant du 28 avril 2004 relatif aux dispositions financières du travail du dimanche et des jours fériés pour certaines entreprises ;

Sur l'article 43 : incapacité temporaire de travail

Attendu que l’article 43 de la convention collective prévoit que tant les IC que les ETAM percevront une allocation destinée à compléter, durant trois mois, dès le premier jour d’absence, sans condition d’ancienneté dans le cas d’incapacité par suite d’accident du travail ou de maladie professionnelle survenus au service de l’employeur, à compter d’un an d’ancienneté dans les autres cas, les indemnités versées en application des lois sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et les lois sur l’assurance maladie ainsi que les indemnités versées le cas échéant en compensation de la perte de salaire par un tiers responsable d’un accident, déduction faite des indemnités versées par le régime de prévoyance souscrit par l’employeur, jusqu’à concurrence des appointements ou fractions d’appointements suivants :

-pour les ETAM :

* moins de cinq ans d’ancienneté : un mois à 100 %, les deux mois suivant à 80 %

* plus de cinq d’ancienneté : deux mois à 100 %, le mois suivant à 80 %

- pour les IC : 100 % durant les trois mois,

étant précisé que les primes et gratifications ne sont pas comprises dans le calcul du salaire ainsi maintenu ;

Attendu que les allocations conventionnelles ayant pour objet de compléter, à concurrence de leurs salaires dans les proportions ci- dessus et sans considération d’un plafond, les indemnités versées aux IC et aux ETAM au titre de l’assurance maladie et du régime de prévoyance, l’argument tiré des modalités de calcul des indemnités journalières en ce qu’elles ne prennent pas en compte les sommes excédant le plafond de la sécurité sociale, est inopérant pour justifier la différence de traitement instituée entre les IC et les ETAM par l’article 43 litigieux puisque le complément versé intégrera la totalité du montant excédant le plafond de la sécurité sociale ;

Que le montant plus élevé des cotisations patronales versées au titre de la retraite et de la prévoyance sur les salaires des cadres, ne permet pas davantage de justifier la différence entre les indemnités complémentaires versées aux IC et aux FTAM en cas d’arrêt de travail pour maladie ou accident, dès lors que la nature de l’indemnisation est différente ;

Qu’en revanche, dans la mesure où les primes et gratifications ne sont pas prises en compte dans le calcul du salaire devant être maintenu dans les proportions ci-dessus, et alors qu’il n’est pas discutable que de manière générale, la rémunération des IC intègre des primes et



JDIENCE DU 29 NOVEMBRE 2011

+ SOCIAL

H

gratifications dans des proportions plus importantes que celle des ETAM, la différence de traitement entre les IC et les ETAM à compter du deuxième ou troisième mois d’arrêt de travail, s’agissant du calcul de l’indemnité complémentaire pour maladie conventionnelle, permet de compenser la perte plus importante subie par les IC au titre des primes et gratifications et apparaît justifiée par les modalités spécifiques de rémunération de chacune de ces catégories professionnelles ;

Qu’ainsi, Particle 43 de la convention collective nationale Syntec ne revêt pas de caractère illicite ;

Sur les articles 59 et 70 : moyens de transport, voyages et transports

Attendu qu’aux termes de ces dispositions, les déplacements professionnels effectués en France ou hors de France en train et bateau, s’effectuent en 2° classe ou confort équivalent pour les ETAM, en 1” classe ou confort équivalent pour les IC ;

Attendu qu’il ne peut être contesté que les déplacements professionnels des IC, en raison des responsabilités assumées par ces derniers et de la nature des missions qui leur sont confiées, leur sont plus fréquemment imposés et sont souvent plus longs ; qu’il n’est pas davantage discutable que cette catégorie de personnel est le plus souvent amenée à travailler durant les trajets ainsi effectués ;

Qu’en considération de ces conditions d’exercice des fonctions d’IC, les partenaires sociaux ont pu, sans porter atteinte au principe d’égalité, opérer une différence de traitement entre les IC et les ETAM à l’occasion des déplacements qu’ils effectuent dans le cadre professionnel ;

Que les articles 59 et 70 ne seront pas déclarés illicites ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Attendu que la Fédération CGT qui a engagé la présente action et succombe dans toutes ses demandes sera condamnée aux dépens, à l’exception des dépens engagés par la F3C-CFDT qui resteront à la charge de cette dernière ;

Que des considérations tirées de l’équité commandent de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Que les demandes formées de ce chef seront rejetées ;


PAR CES MOTIFS

Statuant en audience publique, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,

Déclare les demandes de la Fédération CGT et de la F3C-CFDT recevables ;



AUDIENCE DU 29 NOVEMBRE 2011

1/4 SOCIAL

N° }

Déboute la Fédération CGT et la F3C-CFDT de leurs demandes tendant à voir déclarer illicites les articles 15,19,37,43,59 et 70 de la convention collective nationale Syntec ainsi que de leurs demandes subséquentes ;

Déboute les parties de leurs demandes formées au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à la charge de la F3C-CFDT les dépens qu’elle a exposés ;

Condamne la Fédération CGT au surplus des dépens.

Fait et jugé à Paris le 29 novembre 2011

Le Greffier Le Président

.A RT A. A

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