Décision AMF, 08-09-2011, A L'EGARD DE LA SOCIETE DUBUS SA, sanction

Décision AMF, 08-09-2011, A L'EGARD DE LA SOCIETE DUBUS SA, sanction

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L3546IRR



DECISION DE SANCTION

DU 8 SEPTEMBRE 2011

A L'EGARD DE LA SOCIETE DUBUS SA

La 2ème section de la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (ci-après " AMF ") ;

Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 533-12, L. 621-14 et L. 621-15, dans leur rédaction en vigueur à l'époque des faits, R. 621-5 à R. 621-7 et R. 621-38 à R. 621-40 ;

Vu le règlement général de l'AMF, notamment ses articles 314-10 et 314-11, dans leur rédaction en vigueur à l'époque des faits ;

Vu les arrêtés des 17 juin 2005 et 2 juillet 2007 relatifs au cantonnement des fonds de la clientèle des entreprises d'investissement ;

Vu la notification de griefs adressée le 15 avril 2009 à la société Dubus SA ;

Vu la décision du 27 mai 2009 du président de la Commission des sanctions désignant M. Joseph Thouvenel, membre de la Commission des sanctions, en qualité de rapporteur ;

Vu la lettre du 9 juin 2009 adressée à la société Dubus SA, l'informant de ce qu'elle disposait de la faculté de demander la récusation du rapporteur ;

Vu les observations écrites en réponse à la notification de griefs, en date du 30 juin 2009, déposées par Maître Eric Delfly, pour le compte de la société Dubus SA ;

Vu le procès-verbal d'audition par le rapporteur, le 28 janvier 2010, de M. Benoît Smagghe, président du directoire de la société Dubus SA qu'il représente ;

Vu les observations écrites complémentaires et rectificatives en réponse à la notification de griefs, en date des 3 et 5 février 2010, déposées par Maître Eric Delfly, pour le compte de la société Dubus SA ;

Vu le rapport de M. Joseph Thouvenel en date du 11 février 2010 ;

Vu la lettre de convocation à la séance de la Commission des sanctions du 25 mars 2010 à laquelle était joint le rapport du rapporteur, adressée le 12 février 2010 à la société Dubus SA ;

Vu la lettre en date du 5 mars 2010 informant la société Dubus SA de la composition de la formation de la Commission des sanctions lors de la séance, et lui précisant la faculté de demander la récusation de l'un ou l'autre de ses membres ;

Vu les observations en réponse au rapport du rapporteur, en date du 23 mars 2010, déposées par Maître Eric Delfly, pour le compte de la société Dubus SA ;

Vu la décision de la Commission des sanctions, en date du 25 mars 2010, ordonnant un complément d'instruction ;

Vu les observations relatives au complément d'instruction, en date du 15 janvier 2011, déposées par Maître Eric Delfly, pour le compte de la société Dubus SA ;

Vu les observations relatives au complément d'instruction, en date du 17 janvier 2011, déposées par le Secrétaire général de l'AMF ;

Vu le rapport complémentaire de M. Joseph Thouvenel en date du 8 avril 2011 ;

Vu la lettre de convocation à la séance de la Commission des sanctions du 8 septembre 2011 à laquelle était joint le rapport du rapporteur, adressée le 27 juin 2011 à la société Dubus SA ;

Vu les observations en réponse au rapport complémentaire du rapporteur, en date du 4 août 2011, déposées par Maître Eric Delfly, pour le compte de la société Dubus SA ;

Vu la lettre en date du 22 août 2011 informant la société Dubus SA de la composition de la formation de la Commission des sanctions lors de la séance, et lui précisant la faculté de demander la récusation de l'un ou l'autre de ses membres ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu au cours de la séance du 8 septembre 2011 :

- M. le rapporteur en son rapport ;

- M. Simon Janin, représentant le directeur général du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d'observations à formuler ;

- Mme Michaëla d'Hollande d'Orazio, représentant le Collège de l'AMF ;

- la société Dubus SA représentée par M. Benoît Smagghe, Président du directoire ;

- Maître Eric Delfly, conseil de la société Dubus SA ;

les personnes mises en cause ayant eu la parole en dernier.

FAITS ET PROCEDURE

La société Dubus SA (ci-après " Dubus ") est une entreprise d'investissement agréée dont le siège est à Lille. Son activité consiste en la réception, la transmission et l'exécution d'ordres pour le compte de tiers et la négociation pour son propre compte. Elle est membre d'Euronext et de Xetra. Elle propose à ses clients d'intervenir sur les marchés au travers d'une plate-forme internet de passation d'ordres et assure également les fonctions de teneur de compte conservateur et de compensateur.

La société Dubus est détenue à 84 % par la holding " Dubus Management ", dont M. Claude Dubus détenait 69,5 % du capital. Elle était dirigée par MM. Claude et César Dubus, respectivement président-directeur général et directeur général à la date des faits. M. Benoît Smagghe en était le directeur général adjoint. Depuis le décès de M. Claude Dubus, intervenu en janvier 2010, M. Benoît Smagghe assure la présidence du directoire de la société Dubus.

La société Dubus a fait l'objet en 2008 d'un contrôle de l'AMF portant sur le respect par ce prestataire de ses obligations professionnelles, et plus particulièrement sur les conditions dans lesquelles la société proposait à sa clientèle de gérer sa trésorerie, dans le cadre d'une " Convention de gestion déléguée de trésorerie ".

En effet, lorsqu'un client demande à la société Dubus d'acquérir des titres sur Euronext Paris, en bénéficiant du service de règlement différé (SRD), ce prestataire achète au comptant les titres correspondants sur le marché. Il en résulte nécessairement un besoin en trésorerie pour financer ces achats.

La société Dubus a donc imaginé un mécanisme sui generis, appelé " services EFR " (Emplois de Fonds en Report), qui lui permet de financer les demandes d'acquisition de titres par sa clientèle, avec service de règlement différé, en utilisant la trésorerie disponible que lui confie cette dernière.

Dans le cadre d'une " convention de gestion déléguée de trésorerie ", les clients prêtent leur trésorerie disponible à la société Dubus, laquelle leur cède en contrepartie temporairement des titres dont elle est propriétaire. Les clients conservent la propriété de ces titres jusqu'à ce que le prestataire leur restitue les fonds prêtés.

Les encours gérés par Dubus SA dans ce cadre s'élevaient à la date du contrôle à 25 millions d'euros.

Présenté par la société Dubus SA comme " une alternative aux placements de trésorerie en SICAV ", ce mécanisme, tel qu'il ressort des stipulations de la convention, fonctionne plus précisément comme suit :

- le client délègue au prestataire la gestion de sa trésorerie à hauteur d'un montant qu'il détermine et qui ne peut être inférieur à 100 € ;

- le prestataire procède en contrepartie à l'achat de titres pour le compte du client - titres qu'il acquiert sur le marché du Service à règlement livraison différée (SRD) - et garantit à ce client la contre-valeur de la trésorerie confiée. Un compte titres (ligne intitulée " Unité de comptes ") est ouvert au profit du client ; il rend compte de la valeur quotidienne des titres ;

- le prestataire se rémunère par la perception d'une commission mensuelle de 0,02 % calculée prorata temporis sur le montant de la trésorerie confiée ;

- les titres appartiennent " sous transfert temporaire de propriété au client " ;

- le dénouement de l'opération, qui intervient lorsque le client entend récupérer ses fonds, est fondé sur des engagements réciproques : celui du client de céder les titres au prestataire et celui de ce dernier de les acquérir sur la base d'une valeur de rachat calculée en fonction du montant des sommes investies, majoré du taux de report mensuel calculé prorata temporis.

Cette gestion déléguée de trésorerie est présentée, selon les termes même des conventions, comme un placement sans risque pour lequel le portefeuille de titres garantit la contre-valeur des capitaux confiés au prestataire jusqu'au terme de l'opération.

Le Service de contrôle de l'AMF s'est notamment attaché à vérifier l'effectivité de la garantie ainsi offerte par la société Dubus à ses clients, ainsi que la clarté de l'information délivrée à ces derniers.

Lors de l'examen de la situation de six clients ayant investi des montants importants au 31 décembre 2007, les contrôleurs ont relevé que, sur un encours total de 23,187 millions d'euros mis à disposition de la société Dubus par ses clients, les titres déposés en représentation des EFR représentaient seulement 16,602 millions d'euros. Le rapport de contrôle en conclut qu'à hauteur de la différence, soit 6,585 millions d'euros, " il apparaît que le prêt des liquidités des clients à Dubus ne semblait pas systématiquement collatéralisé par des titres à l'issue de la journée du 31 décembre 2007 ", de sorte que les termes de la convention précitée n'auraient pas été respectés et que de surcroît, dans l'information diffusée à ses clients, la société Dubus ne satisferait pas à ses obligations en la matière.

Le rapport de contrôle, établi le 23 mai 2008, a été adressé le 7 juillet 2008 par le Secrétaire général de l'AMF à la société Dubus, prise en la personne de son représentant légal, M. Claude Dubus, président-directeur général. La société Dubus a répondu le 14 octobre 2008 en contestant les conclusions de ce rapport.

Conformément à la décision prise lors de sa séance du 16 mars 2009 par la Commission spécialisée n° 3 du Collège de l'AMF, constituée en application de l'article L. 621-2 du code monétaire et financier, le Président de l'AMF a notifié à la société Dubus, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 15 avril 2009, le grief aux termes duquel il lui était reproché d'avoir méconnu les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'information adressée aux clients, dès lors que les informations fournies ne présentaient pas un contenu exact, clair et non trompeur et ne permettaient pas aux investisseurs d'apprécier les risques afférents au service de gestion déléguée de trésorerie. En cela, la société Dubus aurait méconnu les dispositions de l'article L. 533-12 du code monétaire et financier et des articles 314-10 et 314-11 du règlement général de l'AMF.

La société Dubus a été informée par cette même lettre du délai de deux mois dont elle disposait pour présenter des observations écrites en réponse aux griefs, ainsi que de la possibilité de se faire assister de toute personne de son choix et de prendre connaissance des pièces du dossier dans les locaux de l'AMF.

Le Président de la Commission des sanctions, saisi par lettre du 15 avril 2009 de cette notification de griefs, a, le 27 mai 2009, désigné M. Joseph Thouvenel en qualité de rapporteur. Celui-ci, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 9 juin 2009, en a informé la société Dubus, en lui rappelant la possibilité d'être entendue, à sa demande, dans les locaux de l'AMF, en application du I de l'article R. 621-39 du code monétaire et financier.

Par courrier enregistré le 1er juillet 2009 par le secrétariat de la Commission des sanctions, Maître Eric Delfly, agissant pour le compte de la société Dubus, a versé à la procédure des observations en réponse contestant les griefs notifiés.

Le rapporteur a entendu, le 28 janvier 2010, M. Benoît Smagghe, président du directoire de la société Dubus.

A la suite de cette audition, des observations complémentaires et un mémoire en défense rectificatif, enregistrés respectivement les 3 et 5 février 2010, ont été présentés pour la société Dubus par Maître Eric Delfly.

Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 12 février 2010, auquel était joint le rapport du rapporteur du 11 février 2010, M. Benoît Smagghe, représentant légal de la société Dubus, a été convoqué à la séance de la Commission des sanctions du 25 mars 2010.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 5 mars 2010, la société Dubus a été informée de la composition de la Commission des sanctions ainsi que du délai de quinze jours dont elle disposait, en application de l'article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander la récusation, dans les conditions prévues aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4, de l'un de ses membres appelés à délibérer.

Le 23 mars 2010, Maître Eric Delfly a, pour le compte de la société Dubus, présenté des observations en réponse au rapport.

Par une décision en date du 25 mars 2010, notifiée à la mise en cause par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 3 mai 2010, ainsi qu'au Président de l'AMF à cette même date, la Commission des sanctions de l'AMF a ordonné un complément d'instruction.

Le 10 novembre 2010, Maître Eric Delfly a, pour le compte de la société Dubus, présenté des observations relatives au supplément d'instruction.

Le 15 janvier 2011, le Secrétaire général de l'AMF a adressé à la Commission des sanctions ses observations relatives au supplément d'instruction.

Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 27 juin 2011, auquel était joint le rapport du rapporteur du 8 avril 2011, M. Benoît Smagghe, représentant légal de la société Dubus, a été convoqué à la présente séance de la Commission des sanctions.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 22 août 2011, la société Dubus a été informée de la composition de la Commission des sanctions ainsi que du délai de quinze jours dont elle disposait, en application de l'article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander la récusation, dans les conditions prévues aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4, de l'un de ses membres appelés à délibérer.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception reçue le 8 août 2011, Maître Eric Delfly a, pour le compte de la société Dubus, présenté des observations, en date du 4 août 2011, en réponse au rapport complémentaire.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur les exceptions de procédure

Considérant, en premier lieu, que les mêmes faits peuvent faire l'objet de deux procédures distinctes, l'une devant la Commission bancaire, l'autre devant la Commission des sanctions de l'AMF, dès lors que ces deux instances ont vocation à sanctionner des manquements distincts ; que l'allégation de la société Dubus selon laquelle l'AMF aurait pris " le relais " de la Commission bancaire, qui aurait antérieurement tenté en vain de la sanctionner, méconnait la spécialisation des compétences de chacune de ces autorités ; que ce moyen, qui ne repose sur aucun élément probant, sera donc écarté ; que, par ailleurs et en tout état de cause, une coopération entre la Commission bancaire - dont la fusion avec d'autres institutions a conduit à la formation de l'Autorité de contrôle prudentiel - et l'AMF est expressément prévue par l'article L. 631-1 du code monétaire et financier, qui dispose qu'elles " se communiquent les renseignements utiles à l'accomplissement de leurs missions respectives " ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société Dubus soutient que la Commission des sanctions de l'AMF n'est pas en mesure de se prononcer dans des conditions respectant les stipulations du § 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH) eu égard, d'une part au mode de financement et aux conditions de désignation et de rémunération de ses membres et, d'autre part, au cumul par le collège des fonctions de poursuite et de notification des griefs ; que, cependant, l'attribution par la loi à une autorité administrative du pouvoir de fixer les règles dans un domaine déterminé et d'en assurer elle-même le respect, par l'exercice d'un pouvoir de contrôle des activités exercées et de sanction des manquements constatés, ne contrevient pas aux exigences rappelées par ces stipulations dès lors que ce pouvoir de sanction est aménagé de telle façon que soient assurés le respect des droits de la défense, le caractère contradictoire de la procédure ainsi que l'indépendance et l'impartialité des membres de la Commission des sanctions ; que les allégations de la société Dubus relatives au mode de financement de l'AMF, à la rémunération de ses membres et aux modalités de désignation des membres de la Commission des sanctions - qui sont au demeurant strictement encadrés par la loi et le règlement - ne sont pas de nature à créer un soupçon de défaut d'impartialité en ce qui concerne les décisions rendues par la Commission des sanctions ; que le reproche formulé à ce titre par la société Dubus ne s'appuie sur aucun fait particulier relatif à la procédure la concernant ; que ce moyen sera ainsi écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que la conformité de la procédure de sanction à l'article 6 § 1 de la CESDH est assurée par le respect des droits de la défense, le caractère contradictoire de la procédure et l'indépendance et l'impartialité des membres de la Commission des sanctions ; qu'il existe une séparation organique entre le Collège, organe de poursuite, et la Commission, organe de sanction ; que le représentant du Collège devant la Commission des sanctions formule des observations au soutien des griefs notifiés et dans la limite de ces derniers ; que les mis en cause ont toujours la parole en dernier et ainsi l'opportunité de répondre ; que ni le représentant du Collège ni le rapporteur ne participent au délibéré ; qu'ainsi, en l'absence de faits spécifiques à la procédure conduite à son encontre, la société Dubus ne saurait se prévaloir d'une rupture de l'égalité des armes ; que le moyen sera donc écarté ;

2. Sur le grief concernant l'information des clients de Dubus SA

2.1 Les textes applicables

Considérant que les faits litigieux s'étant déroulés entre fin 2007 et janvier 2008, les textes, bien que peu modifiés depuis, seront examinés dans leur version applicable durant cette période ;

Considérant que l'article L. 533-12 du code monétaire et financier disposait que :

" I. - Toutes les informations, y compris les communications à caractère promotionnel, adressées par un prestataire de services d'investissement à des clients, notamment des clients potentiels, présentent un contenu exact, clair et non trompeur. Les communications à caractère promotionnel sont clairement identifiables en tant que telles.

II. - Les prestataires de services d'investissement communiquent à leurs clients, notamment leurs clients potentiels, les informations leur permettant raisonnablement de comprendre la nature du service d'investissement et du type spécifique d'instrument financier proposé ainsi que les risques y afférents, afin que les clients soient en mesure de prendre leurs décisions d'investissement en connaissance de cause " ;

Considérant que l'article 314-10 du règlement général de l'AMF prévoyait que :

" Le prestataire de services d'investissement veille à ce que toute l'information, y compris à caractère promotionnel, qu'il adresse à des clients, remplisse les conditions posées au I de l'article L. 533-12 du code monétaire et financier.

Le prestataire veille également à ce que toute l'information, y compris à caractère promotionnel, qu'il adresse à des clients non professionnels ou qui parviendra probablement à de tels destinataires remplisse les conditions posées aux articles 314-11 à 314-17 " ;

Considérant que l'article 314-11 du même règlement énonçait que :

" L'information inclut le nom du prestataire de services d'investissement.

Elle est exacte et s'abstient en particulier de mettre l'accent sur les avantages potentiels d'un service d'investissement ou d'un instrument financier sans indiquer aussi, correctement et de façon très apparente, les risques éventuels correspondants.

Elle est suffisante et présentée d'une manière qui soit compréhensible par un investisseur moyen de la catégorie auquel elle s'adresse ou auquel il est probable qu'elle parvienne.

Elle ne travestit, ni ne minimise, ni n'occulte certains éléments, déclarations ou avertissements importants " ;

2.2. L'examen du grief

Considérant que, selon la notification de griefs, la société Dubus aurait méconnu les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'information adressée à ses clients, dès lors que les informations fournies ne présentent pas un contenu exact, clair et non trompeur, et ne permettent pas aux investisseurs d'apprécier les risques afférents au service de gestion déléguée de trésorerie ;

Considérant que les conventions de gestion déléguée de trésorerie conclues entre la société Dubus et ses clients stipulent que :

" Le placement est sécurisé par un mécanisme juridique de transfert de propriété de titres. Ce mécanisme donne à l'investisseur la garantie d'une propriété en titres sans risque de marché (…).

La gestion déléguée de trésorerie est un placement sans risque. Vous connaissez par avance la valeur de rachat de votre " portefeuille-titres ", lequel est totalement indépendant du cours instantané des instruments financiers qui le composent. Corrélativement, la gestion déléguée n'est pas non plus un placement spéculatif puisque la garantie d'un prix de rachat vous préserve de tout risque de marché (…) " ;

Considérant qu'ainsi, ces conventions de gestion déléguée de trésorerie prévoient que les sommes confiées à la société Dubus par ses clients doivent être intégralement garanties par l'inscription de titres d'une valeur équivalente sur les comptes de ces derniers et que la propriété de ces titres constitue ainsi la garantie des liquidités versées par les clients ;

Considérant qu'il est cependant établi, et non contesté, que la totalité des sommes versées au titre de la gestion déléguée de trésorerie n'a pas été gagée par l'inscription de titres sur les comptes des clients et qu'il demeurait un écart entre les sommes versées et la valeur des titres inscrits ; qu'au 31 décembre 2007, cet écart était compris entre 27 % et 84 % pour cinq clients de la société Dubus ayant investi des fonds importants ; que cette situation n'a été régularisée que le 8 janvier 2008 ;

Considérant que les conventions conclues entre la société Dubus et ses clients ne prévoyaient la garantie du placement en trésorerie que par la propriété de titres ; que le moyen selon lequel l'affectation du portefeuille en titres à 100 % serait impossible est donc inopérant ;

Considérant que les capitaux non représentés par des titres en portefeuille l'ont été sous forme d' " emplois en dépôts bancaires rémunérés " (ci-après " EDBR ") cantonnés auprès d'un établissement de crédit ; que les clients ne pouvaient pas avoir connaissance de cette modalité de placement à la signature de la convention ; que seule la mention " dont EDBR " figurant sur leurs comptes pouvait en informer les clients lors de la consultation de l'extrait de leur portefeuille sur internet ;

Considérant ainsi que la société Dubus n'a pas informé ses clients du fait que, contrairement aux termes des conventions conclues avec eux, les liquidités qui lui étaient confiées pouvaient ne pas être en permanence et en totalité garanties par la propriété de titres ; que le manquement tiré de l'information inexacte est par suite caractérisé ;

Considérant cependant que, devant la Commission des sanctions, lors de la séance du 25 mars 2010, la société Dubus a soutenu, en se référant notamment à l'arrêté du 17 juin 2005 relatif au cantonnement des fonds de la clientèle des entreprises d'investissement, abrogé et remplacé à compter du 1er novembre 2007 par l'arrêté du 2 juillet 2007, que les espèces donnant lieu à ce cantonnement dans un établissement de crédit auraient, en cas de faillite de la part de la société, bénéficié de la même protection que celles intégralement employées et garanties conformément au seul processus d'emploi des fonds en report décrit dans la convention de gestion ;

Considérant que ces affirmations ont conduit la Commission des sanctions à ordonner, le 25 mars 2010, un complément d'instruction ;

Considérant qu'il est établi que lorsque la société Dubus cantonne les espèces confiées par ses clients auprès d'un établissement de crédit, ces derniers sont exposés au risque de faillite de la société Dubus d'une part, et de l'établissement de crédit d'autre part ; qu'il existe donc, en tout état de cause, un cumul des risques ;

Considérant également qu'en cas de faillite de l'établissement de crédit, la société Dubus percevrait la garantie des dépôts prévue par la réglementation à hauteur de 100 000 €, et devrait la partager entre ses propres clients, alors qu'en cas de dépôt direct par le client auprès de l'établissement de crédit, il bénéficierait directement de l'intégralité de la garantie des dépôts ; qu'il s'en déduit que les espèces donnant lieu à ce cantonnement par le biais de la société Dubus ne bénéficiaient pas de la même protection que celles inscrites sur un compte de tiers ;

Considérant dès lors que, si le cantonnement des espèces prêtées sécurise leur représentation, la sécurité juridique qui en résulte n'est pas pour autant comparable aux garanties offertes par la propriété de titres ; que la société Dubus se devait donc d'informer ses clients des risques inhérents aux choix de gestion des liquidités non couvertes par des titres afin de leur laisser le choix de déposer directement ces fonds auprès d'un établissement de crédit et bénéficier ainsi d'une protection optimale ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces constatations que le manquement tenant à la méconnaissance des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'information adressée aux clients est caractérisé sans que la société mise en cause puisse se prévaloir de l'absence de conséquences de l'inexactitude de cette information ;

3. Sur les sanctions et la publication

Considérant que l'ensemble des manquements retenus sont antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ; qu'aux termes de l'article L. 621-15, III du code monétaire et financier dans sa rédaction alors en vigueur, les sanctions applicables sont " pour les personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11° et 12° du II de l'article L. 621-9, l'avertissement, le blâme, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des services fournis ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 1,5 million d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public " et que " le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements " ;

Considérant qu'eu égard à l'inexactitude de l'information donnée par la société Dubus à ses clients en ce qui concerne le service d' " emploi de fonds en report " et au caractère erroné de l'appréciation des risques à laquelle ils étaient par là conduits, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en prononçant à l'encontre de la société Dubus un avertissement et une sanction pécuniaire de 10 000 euros ;

Considérant que la publication de la présente décision ne risque ni de perturber gravement les marchés ni de causer un préjudice disproportionné à la personne qui y est sanctionnée ;

PAR CES MOTIFS,

Et après en avoir délibéré sous la présidence de M. Jean-Claude Hassan, par Mme Marie-Hélène Tric et MM. Bernard Field, Guillaume Jalenques de Labeau et Pierre Lasserre, membres de la 2ème section de la Commission des sanctions, en présence du secrétaire de séance,

DECIDE DE :

- prononcer à l'encontre de la société Dubus SA un avertissement et une sanction pécuniaire de 10 000 € (dix mille euros) ;

- publier la présente décision sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers et dans le recueil des décisions de la Commission des sanctions.

A Paris, le 8 septembre 2011.

Le Secrétaire de séance, Marc-Pierre JANICOT

Le Président, Jean-Claude HASSAN


Cette décision peut faire l'objet d'un recours dans les conditions prévues à l'article R. 621-44 du code monétaire et financier.

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