Jurisprudence : CAA Marseille, 6e, 07-11-2011, n° 08MA01604

CAA Marseille, 6e, 07-11-2011, n° 08MA01604

A9777HZ7

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CAA Marseille, 6e, 07-11-2011, n° 08MA01604. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/5632702-caa-marseille-6e-07112011-n-08ma01604
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Abstract

Est ici demandée l'annulation de la délibération par laquelle l'assemblée de Corse a attribué à un groupement la délégation de service public de la desserte maritime entre le port de Marseille et les ports de Corse.



N° 08MA01604


SOCIETE CORSICA FERRIES


Mme Sill, Président de la Cour

Mme E. Felmy, Rapporteur

Mme Markarian, Rapporteur public


Audience du 19 octobre 2011


Lecture du 7 novembre 2011

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

La cour administrative d'appel de Marseille


6ème et 1ère chambres réunies


Vu la requête, enregistrée le 21 mars 2008, présentée pour la SOCIETE CORSICA FERRIES, dont le siège est au Palais de la Mer 5 bis rue Chanoine Leschi BP 275 à Bastia (20296), par Me Ayache, avocat ; la SOCIETE CORSICA FERRIES demande à la cour :


1°) d'annuler le jugement n° 0700904 du 24 janvier 2008 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à :


- l'annulation de la délibération n° 2007/108 en date du 7 juin 2007 par laquelle l'assemblée de Corse a attribué au groupement constitué de la Société Nationale Corse Méditerranée (SNCM) et la Compagnie Méridionale de Navigation (CMN) la délégation de service public de la desserte maritime entre le port de Marseille et les ports de Corse et de la décision en date du 7 juin 2007 par laquelle le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Corse a signé la convention de délégation dudit service,


- et à ce qu'il soit enjoint à la collectivité territoriale de Corse, à titre principal, de résilier la convention et, à titre subsidiaire, de saisir le juge du contrat pour qu'il prononce la nullité de ladite convention, dans un délai de neuf mois, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;


2°) d'annuler lesdites décisions ;


3°) d'enjoindre, dans un délai de neuf mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à la collectivité territoriale de Corse, à titre principal, de résilier la convention et, à titre subsidiaire, de saisir le juge du contrat pour qu'il prononce la nullité de ladite convention, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;


4°) de mettre à la charge de la collectivité territoriale de Corse et l'Office des transports de la Corse (OTC) la somme de 6 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


..........................................................................................................


Vu l'ordonnance en date du 25 janvier 2011 fixant la clôture d'instruction au 28 février 2011, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu le Traité instituant la communauté européenne ;


Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;


Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;


Vu le règlement (CEE) n° 3577/92 du 7 décembre 1992 concernant l'application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l'intérieur des Etats membres (cabotage maritime) ;


Vu le code général des collectivités territoriales ;


Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;


Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;


Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;


Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 octobre 2011 :


- le rapport de Mme E. Felmy, conseiller,


- les conclusions de Mme Markarian, rapporteur public,


- et les observations de Me Ayache, avocat, représentant la société Corsica Ferries, de Me Delvolvé, avocat aux Conseils, représentant la collectivité territoriale de Corse et l'Office des transports de Corse, de Me Pezin, avocat, représentant la Société Nationale Corse Méditerranée et de Me Bouchet, avocat, représentant la Compagnie Méridionale de Navigation ;


Considérant que le 24 mars 2006, l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale de Corse a donné mandat à l'Office des transports de la Corse (OTC) de mettre en œuvre la procédure de sélection pour la délégation du service public maritime entre le port de Marseille et cinq ports corses (Bastia, Ajaccio, Balagne, Porto-Vecchio et Propriano) pour la période 2007-2013 et en a adopté le règlement particulier d'appel d'offres et le cahier des charges ; qu'à la suite d'une décision du 15 décembre 2006 par laquelle le Conseil d'Etat a annulé la procédure de passation de cette convention, la collectivité territoriale de Corse a intégralement repris la procédure ; que se sont présentés d'une part un groupement constitué de la Société Nationale Corse Méditerranée (SNCM) et de la Compagnie Méridionale de Navigation (CMN) qui présentait des offres sur chacune des cinq lignes ainsi qu'une offre globale sur l'ensemble et, d'autre part, la société Corsica Ferries, qui présentait des offres sur les lignes d'Ajaccio, Porto-Vecchio et Propriano, ou une offre globale pour ces trois destinations avec une date de mise en service repoussée au 12 novembre 2007 ; qu'après négociations avec les deux candidats, le conseil exécutif de la collectivité de Corse a adopté un rapport proposant à l'assemblée de Corse de retenir l'offre du groupement SNCM-CMN ; que par une ordonnance du 27 avril 2007, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia, saisi par la société CORSICA FERRIES, a annulé la seule phase de négociation de la procédure de passation ainsi que la décision du président du conseil exécutif de Corse et du président de l'OTC de retenir la candidature du groupement précité puis jugé qu'il appartenait à la collectivité territoriale de Corse et à l'OTC de reprendre la procédure de discussion avec les entreprises ayant présenté une offre, en les autorisant à modifier le contenu de la clause de sauvegarde prévue dans le règlement particulier d'appel d'offres dans des conditions respectant les obligations de publicité et de mise en concurrence ; qu'après une nouvelle phase de négociations, l'OTC a proposé de rejeter l'offre de CORSICA FERRIES au motif que la société n'était pas en mesure de fixer de manière ferme et définitive la date à laquelle elle serait capable d'exploiter la délégation et qu'elle ne répondait pas par ailleurs à la condition d'âge maximum des navires fixée par le règlement particulier d'appel d'offres ; par la délibération n° 07/108 en date du 7 juin 2007, l'assemblée de Corse a attribué au groupement constitué de la SNCM et la CMN la délégation de service public de la desserte maritime entre le port de Marseille et les ports de Corse, et par décision en date du 7 juin 2007, le président du conseil exécutif de la collectivité de Corse a signé la convention de délégation dudit service ; que la société CORSICA FERRIES interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions et à ce qu'il soit enjoint à la collectivité de résilier la convention ou saisir le juge du contrat pour qu'il en constate la nullité ;


Sur la légalité des décisions attaquées, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :


En ce qui concerne la méconnaissance du règlement n°3577/92 du Conseil du 7 décembre 1992 sur le cabotage maritime :


Considérant qu'aux termes de l'article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 3577/92 : " À partir du 1er janvier 1993, la libre prestation des services de transport maritime à l'intérieur d'un Etat membre (cabotage maritime) s'applique aux armateurs communautaires exploitant des navires immatriculés dans un Etat membre et battant pavillon de cet Etat membre, sous réserve que ces navires remplissent toutes les conditions requises pour être admis au cabotage dans cet Etat membre, y compris les navires immatriculés dans le registre Euros dès que ce registre aura été approuvé par le Conseil. " ; que l'article 4, paragraphe 1, du même règlement énonce : " Un Etat membre peut conclure des contrats de service public avec des compagnies de navigation qui participent à des services réguliers à destination et en provenance d'îles ainsi qu'entre des îles ou leur imposer des obligations de service public en tant que condition à la prestation de services de cabotage. Lorsqu'un Etat membre conclut des contrats de service public ou impose des obligations de service public, il le fait sur une base non discriminatoire à l'égard de tous les armateurs communautaires. (...) " ; que ces dispositions autorisent les Etats à soumettre à l'obtention d'une autorisation administrative préalable la prestation de services réguliers de cabotage maritime à destination et en provenance d'îles ainsi qu'entre îles à condition, ainsi qu'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt du 20 février 2001, Asociación Profesional de Empresas Navieras de Líneas Regulares (Analir) (C-205/99), qu'un besoin réel de service public en raison de l'insuffisance des services réguliers de transport dans une situation de libre concurrence existe et que ce régime d'autorisation administrative préalable soit nécessaire et proportionné au but poursuivi et fondé sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à l'avance des entreprises concernées ;


Considérant que le point I. du cahier des charges de la délégation de service public en cause distingue le service permanent " passager et fret " que le groupement SNCM-CMN doit assurer pendant toute l'année et le service complémentaire passager à fournir pour les pointes de trafic, couvrant environ 37 semaines sur les lignes Marseille-Ajaccio et Marseille-Bastia et la période de mai à septembre pour la ligne Marseille-Propriano ; que la société Corsica Ferries soutient que ce service complémentaire ne répond pas à un besoin réel de service public et que l'absence de carence de l'initiative privée se présume de la seule évolution de la desserte maritime, dont il résulte que l'offre des opérateurs privés a permis d'assurer une part significative du trafic vers la Corse ;


Considérant que la conclusion en l'espèce de la délégation de service public avec le groupement SNCM-CMN et l'imposition d'obligations de service public pour fournir aux usagers des services de transports devaient, ainsi qu'il a été dit, être justifiées par l'insuffisance des services de transport régulier ; qu'il ressort des pièces du dossier que si les capacités offertes par le marché durant certaines périodes " creuses " n'étaient pas en mesure de répondre aux attentes des usagers et correspondaient à un réel besoin de service public justifiant l'existence des obligations de service public imposées au délégataire et leur contrepartie financière, les opérateurs privés pouvaient en revanche satisfaire à de tels besoins au printemps, à l'été et à l'automne ; que la collectivité territoriale de Corse ne justifie pas la carence de l'initiative privée sur la période précitée qui aurait existé lors de la passation de la délégation de service public alors pourtant que la société CORSICA FERRIES a produit des éléments tendant à établir sa capacité à répondre au besoin induit par la période " de pointe ", faisant ainsi disparaître la nécessité d'imposer des obligations de service public durant cette période ; que, par conséquent, le niveau des obligations de service public instauré pour le service complémentaire a constitué une restriction non justifiée à la libre prestation de service en raison de la globalité de l'offre de desserte maritime existante ; que par suite, et sans qu'il soit besoin de demander à la SNCM la communication du taux de remplissage de ses navires, la société requérante est fondée à soutenir que les stipulations du cahier des charges de la desserte maritime instaurant un service complémentaire ont méconnu les dispositions du règlement du Conseil du 7 décembre 1992 sur le cabotage maritime ;


En ce qui concerne la méconnaissance des articles 87 et 88 du traité instituant la Communauté européenne (traité CE) devenus les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) :


Considérant que la société CORSICA FERRIES soutient que les stipulations de la clause de sauvegarde, combinée à la clause tarifaire, constituent une aide d'Etat qui aurait dû être notifiée préalablement à la Commission européenne, dès lors notamment que ladite clause ne remplirait pas les conditions auxquelles la Cour de justice de l'Union européenne, en présence d'un avantage représentant la contrepartie d'obligations de service public imposées à un opérateur, accepte d'écarter la qualification d'aide d'Etat ; qu'elles ne répondraient pas davantage aux conditions fixées par la décision 2005/842/CE du 28 novembre 2005 de la Commission européenne concernant l'application aux aides d'Etat des stipulations de l'article 86, paragraphe 2, du traité CE, devenu l'article 106 TFUE, relatives aux compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ;


Considérant, d'une part, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité CE, alors applicable, devenu l'article 107 TFUE : " Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 88 de ce traité, alors applicable, devenu l'article 108 TFUE : " Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine..." ; qu'aux termes du paragraphe 3 de ce même article : " La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale. " ; qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles visées par l'article 107 TFUE est ou non, compte tenu des dérogations prévues par le traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité des dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres la dernière phrase du paragraphe 3 de l'article 108 TFUE, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions contestées ont institué des aides d'Etat au sens de l'article 107 TFUE ;

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