Jurisprudence : Cass. soc., 17-11-2011, n° 10-17.950, F-D, Rejet

Cass. soc., 17-11-2011, n° 10-17.950, F-D, Rejet

A9515HZG

Référence

Cass. soc., 17-11-2011, n° 10-17.950, F-D, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/5631974-cass-soc-17112011-n-1017950-fd-rejet
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SOC. PRUD'HOMMES LG
COUR DE CASSATION
Audience publique du 17 novembre 2011
Rejet
M. BÉRAUD, conseiller le plus ancien faisant fonction de président
Arrêt no 2385 F-D
Pourvoi no T 10-17.950
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par M. André Z, domicilié Marolles-lès-Bailly,
contre l'arrêt rendu le 24 mars 2010 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. Panayotis Y, domicilié 23 Thetidos, Ekali (Grèce),
défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 18 octobre 2011, où étaient présents M. Béraud, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Sabotier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Geerssen, conseiller, Mme Taffaleau, avocat général, Mme Becker, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Sabotier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Z, de la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat de M. Y, l'avis de Mme Taffaleau, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 24 mars 2010), qu'engagé le 25 novembre 1994 en qualité de gardien du château de Chacenay par M. Y, M. Z a été licencié pour faute grave par lettre du 21 novembre 2001 ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de juger le licenciement fondé sur une faute grave et de le débouter de l'ensemble de ses demandes, alors, selon le moyen
1o/ que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'en l'espèce, l'employeur reprochait au salarié "la présence de substances illicites dans l'enceinte du château" ; qu'en retenant comme motif de licenciement la fabrication d'alcool illicite, grief qui n'était pas invoqué dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 et L. 1232-1 du code du travail ;
2o/ qu'un fait de la vie personnelle, même commis au temps et au lieu de travail ne peut justifier un licenciement disciplinaire ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué qui ne relève nulle part en quoi les faits reprochés de stockage d'alcool illicite constituaient un manquement aux obligations professionnelles, a violé les articles L. 1234-1 et L. 1331-1 du code du travail ;
3o/ que les agissements tolérés par l'employeur pendant plusieurs mois ne sont pas de nature à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que M. Z faisait valoir dans ses conclusions d'appel que M. Y savait depuis le mois d'août 2001 qu'il stockait son vin dans la cave sans avoir formulé le moindre reproche sur ce point ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si l'employeur n'avait pas toléré le stockage d'alcool appartenant à son salarié dans les caves du château, de sorte que ce fait, à le supposer fautif, n'était pas de nature à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la période du préavis, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1234-1,
L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
4o/ qu'à la supposer établie, la faute isolée d'un salarié comptant plusieurs années d'ancienneté n'est pas de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis ; qu'en jugeant que le licenciement était fondé sur une faute grave sans prendre en considération ni l'ancienneté de M. Z, ni le fait que celui-ci n'avait jamais fait l'objet du moindre reproche pendant les sept années durant lesquelles il a exercé ses fonctions de gardien au service de
M. Y, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, sans sortir des limites du litige fixées par la lettre de licenciement et effectuant la recherche prétendument omise, la cour d'appel, qui a constaté que le salarié avait profité de ses fonctions de gardien et de la confiance que lui faisait l'employeur, pour stocker et fabriquer de façon illicite de l'alcool dans les dépendances du château dans des conditions telles qu'elles impliquaient un véritable trafic, a pu décider que cette utilisation abusive des moyens mis à sa disposition dans des conditions susceptibles de mettre en cause l'employeur, se rattachait à la vie de l'entreprise et était de nature ày rendre impossible le maintien de l'intéressé et constituait une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. Z
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR jugé que le licenciement reposait sur une faute grave et D'AVOIR débouté Monsieur Z de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QU' il est justifié par l'employeur lors de deux visites domiciliaires du service des douanes les 30 octobre et le 1er novembre 2001 et aux termes des procès-verbaux établis le 1er et le 8 novembre, il a été constaté la présence dans la cave du château de 39 l d'alcool à 90o représentant 35,10 l d'alcool ; dans le cellier dont Monsieur Z avait l'usage exclusif, 133 bouteilles de vin mousseux, 490 bouteilles de ratafia, trois bouteilles de champagne et 25 bouteilles terminées de vin mousseux ; que dans le procès-verbal il était mentionné que la cave contenait également plus d'un millier de bouteilles de vins tranquilles à 0.75 l, du matériel destiné à la fabrication du vin ; qu'au domicile de Monsieur Z et dans sa chambre, les douanes découvraient de nombreuses armes, 14 bidons de 10 l d'alcool à 90o et dans le salon 129,10 l d'eau de vie ; que dans le débarras face à la maison, les services des douanes découvraient des bouteilles d'eau de vie, ratafia, plusieurs bidons vides ou pleins, du matériel destiné à la distillation ; qu'enfin dans l'atelier de menuiserie, il était découvert un alambic ; que par un jugement du Tribunal correctionnel de Reims en date du 16 décembre 2003 confirmé par l'arrêt de la Cour d'appel de Reims du 17 février 2005, Monsieur André Z a déclaré coupable d'avoir au cours de l'année 2001 commis les délits suivants prise de position d'entrepositaire agréé sans déclaration, fabrication de ratafia sans déclaration et sans paiement des droits de consommation, fabrication et détention d'alcool et sans paiement des droits de consommation, fabrication à l'intérieur de la Champagne viticole délimitée de vin mousseux ou autre que ceux pouvant prétendre à l'appellation champagne ; que l'arrêt de la Cour d'appel retient notamment que, au cours de son audition du 19 novembre 2000, Monsieur Z a reconnu qu'il ne disposait pas du privilège de bouilleur de cru et qu'il procédait ainsi depuis plus de cinq ans sans effectuer aucune déclaration auprès du service des douanes et de droits indirects et sans régler les droits afférents à la production d'alcool ; que l'arrêt mentionne également que son épouse a reconnu qu'elle s'occupait de ses achats d'alcool pour un volume de 200 litres environ ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que Monsieur Z, gardien de la propriété du château et à ce titre bénéficiant de l'attribution d'un logement de fonction au sein de la propriété, s'est livré dans les dépendances du château et pas seulement du logement dont il avait l'usage exclusif, à un stockage et à la fabrication d'alcool illicite portant sur des quantités importantes impliquant un véritable trafic ; qu'il ne peut pas prétendre sérieusement que si l'employeur indépendamment du logement prévu dans le contrat de travail, lui laissait user de certaines dépendances, il pouvait y stocker des marchandises prohibées et s'y livrer à la fabrication de boissons alcoolisées sur une grande échelle ; qu'il est manifeste que Monsieur Z a profité de ses fonctions de gardien et de la confiance que lui faisait son employeur, et alors qu'il était seul présent sur ce site tranquille, sachant que son employeur habitait en Grèce, pour mettre en place son activité délictueuse ; que la faute grave dénoncée dans la lettre de licenciement est dès lors suffisamment établie sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs surabondants (étant toutefois précisé qu'il apparaît que la présence des armes dans le logement mis à la disposition de Monsieur Z ne peut lui être reprochée comme relevant de sa vie privée) ; que ces agissements rendaient en effet impossible le maintien de la relation de travail y compris pendant la durée de préavis ;
ALORS, d'une part, QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'en l'espèce, l'employeur reprochait au salarié "la présence de substances illicites dans l'enceinte du château" ; qu'en retenant comme motif de licenciement la fabrication d'alcool illicite, grief qui n'était pas invoqué dans la lettre de licenciement, la Cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 et L 1232-1 du Code du travail ;
ALORS, d'autre part, QU'un fait de la vie personnelle, même commis au temps et au lieu de travail ne peut justifier un licenciement disciplinaire ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué qui ne relève nulle part en quoi les faits reprochés de stockage d'alcool illicite constituaient un manquement aux obligations professionnelles, a violé les articles L 1234-1 et L 1331-1 du Code du travail ;
ALORS, encore, QUE les agissements tolérés par l'employeur pendant plusieurs mois ne sont pas de nature à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que Monsieur Z faisait valoir dans ses conclusions d'appel (p. 10) que Monsieur Y savait depuis le mois d'août 2001 qu'il stockait son vin dans la cave sans avoir formulé le moindre reproche sur ce point ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si l'employeur n'avait pas toléré le stockage d'alcool appartenant à son salarié dans les caves du château, de sorte que ce fait, à le supposer fautif, n'était pas de nature à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la période du préavis, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L 1234-1, L 1234-5 et L 1234-9 du Code du travail ;
ALORS, en tout état de cause, QU'à la supposer établie, la faute isolée d'un salarié comptant plusieurs années d'ancienneté n'est pas de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis ; qu'en jugeant que le licenciement était fondé sur une faute grave sans prendre en considération ni l'ancienneté de Monsieur Z, ni le fait que celui-ci n'avait jamais fait l'objet du moindre reproche pendant les sept années durant lesquelles il a exercé ses fonctions de gardien au service de Monsieur Y, la Cour d'appel a violé les articles L 1234-1, L 1234-5 et L 1234-9 du Code du travail.

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