Jurisprudence : CAA Bordeaux, 1ère, 12-05-2010, n° 09BX01483



N° 09BX01483


M. et Mme Victor DUVAL


M. Leducq, Président

M. Péano, Rapporteur

M. Zupan, Rapporteur public


Audience du 18 mars 2010


Lecture du 12 mai 2010

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

La Cour administrative d'appel de Bordeaux


(1ère Chambre)


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 26 juin 2009 par télécopie sous le n° 09BX01483, régularisée le 29 juin 2009, présentée pour M. et Mme Victor DUVAL, demeurant Le Manoir route de Monterfil à Montfor-sur-Mer (35160), par Me L. Vermot, avocat ;


M. et Mme DUVAL demandent à la cour :


1°) d'annuler le jugement n° 0800804 du 26 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Basse-Terre, saisi par le préfet de la Guadeloupe, les a condamnés, pour contravention de grande voirie, à payer une amende de 1.500 euros, ainsi qu'une somme de 20 euros au titre des frais du procès-verbal, et leur a enjoint de démonter l'enrochement d'une surface de 31 m², édifié au droit de la parcelle AW 20 située sur le territoire de la commune de Saint-François, et à enlever hors du domaine public les produits du démontage, afin de rétablir les lieux dans leur état initial, dans un délai de 3 mois à compter de la notification du jugement, en autorisant l'administration à procéder d'office à la suppression de ces aménagements à leurs frais, risques et périls, en cas d'inexécution par eux passé ce délai ;


2°) à titre principal, de les relaxer des fins de la poursuite engagée à leur encontre, à titre subsidiaire, de désigner un expert au frais de l'Etat ;


3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5.000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Ils soutiennent que les poursuites engagées, conduites en violation des droits de la défense, n'ont pas été régulières ; qu'il n'y a pas eu d'enquête alors qu'une telle mesure s'imposait ; qu'en supposant qu'il y ait eu une enquête, elle a été menée en violation du contradictoire dès lors que les propriétaires concernés n'ont pas été invités à la suivre et à présenter leurs observations ; que le terme de plage privée ne convient pas de même que l'expression d'entrave au passage des piétons ; qu'il ressort tout au contraire d'un constat d'huissier qu'il n'y a pas d'occupation du domaine public, que les enrochements sont naturels et que le passage des piétons a été aménagé ; que le rapport du cabinet missionné par l'administration n'est pas probant ; qu'ils ne peuvent être considérés comme étant les personnes sous la garde de laquelle se trouvait l'aménagement à l'origine des poursuites ; qu'en tout état de cause, la parcelle cadastrée a été cédée par le préfet au promoteur qui a réalisé l'opération par acte des 2 et 10 juillet 1975, comme l'a confirmé le directeur des services fiscaux dans son courrier du 3 mars 2000 ; qu'ils n'ont fait ainsi qu'entretenir un appontement qu'il n'ont pas construit et dont ils n'ont pas la propriété, et ce, dans le but d'assurer l'ensablement du lagon et sa stabilité ; que de tels aménagements existent dans de nombreux endroits de l'île ;


Vu le jugement attaqué ;


Vu le mémoire, enregistré le 21 octobre 2009, présenté par le ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;


Le ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat conclut au rejet de la requête ;


Il fait valoir que le procès-verbal à l'origine des poursuites retrace bien les constatations et le résultat des investigations réalisées sur place par l'agent verbalisateur, dûment compétent au regard de l'article L. 2132-21 du code général de la propriété des personnes publiques, puisqu'il a la qualité d'officier de police judiciaire ; que le tribunal administratif n'était pas tenu de désigner par ordonnance une autre personnalité qualifiée pour constater la réalisation de la contravention de grande voirie ; que les poursuites n'ont pas à être contradictoires ; que la circonstance que la date de rédaction du procès-verbal soit erronée est sans conséquence quant au bon déroulement des poursuites ; que le plan d'état des lieux réalisé dans le secteur de l'anse Champagne le 27 novembre 2008 par le cabinet de géomètres experts constitue, en tout état de cause, un élément supplémentaire de preuve de la réalisation d'empiètements illégaux sur le domaine public maritime, justifiant la contravention de grande voirie ; que la société qui l'a établi a convoqué les propriétaires riverains à la réunion ayant pour objet de définir la limite du domaine public maritime au droit de leurs parcelles, afin de recueillir leurs observations ; que le constat dressé par un huissier de justice à la demande des requérants ne remet pas en cause le fait que des installations ont été illégalement édifiées sur le rivage même si l'huissier estime qu'elles ne sont pas de nature à gêner le passage de promeneurs ; qu'en l'absence de demande en ce sens, l'administration n'est nullement tenue de procéder à la délimitation du domaine public maritime, alors qu'il appartient au tribunal administratif, saisi d'un procès-verbal de contravention de grande voirie, de reconnaître les limites du domaine public naturel et de dire si les terrains sur lesquels ont été commis les faits en raison desquels le procès-verbal a été dressé se trouvent ou non compris dans ces limites même lorsqu'il n'existe pas de délimitation officielle du rivage ; que M. et Mme DUVAL ne peuvent utilement faire valoir qu'ils ne sont pas l'auteur des constructions litigieuses sur le domaine public maritime pour échapper aux poursuites engagées à leur encontre dès lors qu'il est établi que l'appontement illégal est bien destiné à leur usage privatif ; qu'ils avaient donc en cette qualité le pouvoir de prendre toutes les dispositions pour libérer le domaine public maritime et peuvent ainsi être considérés comme le gardien des ouvrages constitutifs de l'infraction ; que la circonstance que la parcelle sur laquelle se trouve la villa a été légalement aliénée par actes administratifs des 2 et 10 juillet 1975 est sans incidence sur les poursuites dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que les enrochements et ouvrages illicites sont édifiés sur le rivage de la mer et non sur cette parcelle ; qu'il en va de même de la circonstance selon laquelle l'Etat aurait réalisé des travaux sur la plage de l'anse Champagne puisque l'ordre de service datant de 1973 transmis à titre de justification ne concerne pas les aménagements reprochés, mais des opérations de déroctage et ne précise pas la localisation des travaux ; que pour les mêmes raisons, sont sans incidence sur le présent litige l'allégation selon laquelle des ouvrages similaires auraient été autorisés dans d'autres secteurs de l'anse, notamment pour protéger les coraux et lutter contre l'envasement et le fait qu'il n'y aurait pas d'entrave à la libre circulation des piétons le long du littoral ; qu'au total, c'est à bon droit que le tribunal administratif a condamné M. et Mme DUVAL pour contravention de grande voirie, à payer une amende de 1.500 euros et à remettre en l'état le domaine public ;


Vu le mémoire, enregistré le 12 mars 2010, présenté pour M. et Mme DUVAL, par Me L. Vermot, avocat ;


M. et Mme DUVAL concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;


Vu le procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 23 septembre 2007 ;


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu le code pénal ;


Vu le code de procédure pénale ;


Vu le code général des propriétés des personnes publiques ;


Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;


Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mars 2010,


- le rapport de M. Péano, président-assesseur ;


- les observations de Me Vermot, avocat de M. et Mme Victor DUVAL ;


- et les conclusions de M. Zupan, rapporteur public ;


La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;


Considérant qu'un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 23 septembre 2007, sur la base de constatations effectuées le 12 juin 2007, à l'encontre de M. et Mme DUVAL pour avoir notamment implanté, sans autorisation, sur le domaine public maritime, un enrochement constituant une digue faisant obstacle au libre passage des piétons devant la villa n° 14 au droit de la parcelle cadastrée sous le n° AW 20, située au lieu-dit anse du Mancenillier ou anse Champagne sur le territoire de la commune de Saint-François ; que M. et Mme DUVAL relèvent appel du jugement n° 0800804 du 26 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Basse-Terre, saisi par le préfet de la Guadeloupe, les a condamnés, pour contravention de grande voirie, à payer une amende de 1.500 euros, ainsi qu'une somme de 20 euros au titre des frais du procès-verbal, et leur a enjoint de démonter l'enrochement d'une surface de 31 m², édifié au droit de la parcelle AW 20, et à enlever hors du domaine public les produits du démontage, afin de rétablir les lieux dans leur état initial, dans un délai de 3 mois à compter de la notification du jugement, en autorisant l'administration à procéder d'office à la suppression de ces aménagements à leurs frais, risques et périls, en cas d'inexécution par eux passé ce délai ;


Considérant que le procès-verbal établi le 23 septembre 2007 par un officier de police judiciaire, sur la base des constatations effectuées le 12 juin 2007, contient des indications permettant d'identifier la nature, les circonstances et les auteurs de la contravention et de connaître les motifs de droit et de fait de l'infraction reprochée à M. et Mme DUVAL ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ce procès-verbal, dont aucune disposition législative ou réglementaire n'exige qu'il soit dressé contradictoirement en présence du contrevenant à la suite d'une enquête approfondie, comporte des indications de nature à les induire en erreur et à les empêcher de produire leurs observations en défense ; que la circonstance que le procès-verbal, qui est suffisamment motivé, comporte une date de rédaction erronée ne fait pas légalement obstacle à ce que le préfet de la Guadeloupe défère M. et Mme DUVAL au Tribunal administratif de Basse-Terre comme prévenus de la contravention ; qu'avant de saisir le tribunal administratif d'un procès-verbal de contravention de grande voirie, le préfet n'est nullement tenu de procéder à la délimitation des terrains sur lesquels l'infraction a été constatée et à celle du domaine public maritime, en l'absence de demande en ce sens des propriétaires riverains ; qu'ainsi le moyen tiré de l'absence de respect par le préfet de la Guadeloupe de ces formalités doit être écarté ;


Considérant que la juridiction administrative, saisie d'un procès-verbal de contravention de grande voirie, est tenue, même d'office, de rechercher si les faits constatés par le procès-verbal transmis par le préfet constituent une infraction et de reconnaître les limites du domaine public naturel afin de déterminer si les terrains sur lesquels ont été commis les faits en raison desquels le procès-verbal a été dressé se trouvent ou non compris dans ces limites ; qu'aucune règle ni aucun texte législatif ou réglementaire n'impose au tribunal administratif saisi d'ordonner une expertise avant de statuer sur la demande du préfet ;


Considérant qu'aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de l'Etat comprend : 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles (...) 3° Les lais et relais de la mer (...) 4° la zone bordant le littoral définie à l'article L. 5111-1 dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion " ; qu'aux termes de l'article L. 5111-1 du même code : " La zone comprise entre la limite du rivage de la mer et la limite supérieure de la zone dite des cinquante pas géométriques définie à l'article L. 5111-2 fait partie du domaine public maritime de l'Etat " ; qu'aux termes de L. 5111-2 de ce code : " La réserve domaniale dite des cinquante pas géométriques est constituée par une bande de terrain délimitée dans les départements de la Réunion, de la Guadeloupe et de la Martinique (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 5111-3 du même code : " Les dispositions de l'article L. 5111-1 s'appliquent sous réserve des droits des tiers à la date du 5 janvier 1986 ; les droits des tiers résultent : 1° soit des titres reconnus valides par la commission prévue par les dispositions de l'article 10 du décret n° 55-885 du 30 juin 1955 : 2° soit de ventes ou de promesses de ventes consenties par l'Etat postérieurement à la publication de ce décret et antérieurement à la date du 5 janvier 1986 " ; qu'enfin aux termes de l'article L. 5111-4 : " Les dispositions de l'article L. 5111-1 ne s'appliquent pas : 1° aux parcelles appartenant en propriété à des personnes publiques ou privées qui peuvent justifier de leur droit " ;


Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des photographies versées au dossier et du plan d'état des lieux établi le 27 novembre 2008 par le géomètre-expert intervenu à la demande du préfet de la Guadeloupe, comparé à l'extrait du cadastre produit, que l'enrochement, édifié devant la villa n° 14 située sur la parcelle cadastrée sous le n° AW 20 au lieu-dit anse du Mancenillier ou anse Champagne, a été érigé en bordure de l'océan dans un endroit qu'il couvre et découvre naturellement, à l'intérieur des limites atteintes par les plus hauts flots, en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; que l'ouvrage a été ainsi construit sur le rivage de la mer faisant partie du domaine public maritime et non dans la zone des cinquante pas géométriques située au-delà des limites de ce rivage ;


Considérant que la circonstance, à la supposer établie, que le plan d'état des lieux établi le 27 novembre 2008 n'aurait pas été dressé contradictoirement et que le géomètre-expert unilatéralement commis par le préfet de la Guadeloupe en cours d'instance ne présentait pas les garanties d'impartialité et d'objectivité auxquelles est tenu tout géomètre-expert dans la réalisation de ses missions ne fait, en tout état de cause, pas obstacle à ce que les données de ce plan, qui a été communiqué aux requérants, soient prises en considération à titre d'élément d'information par la juridiction saisie, en tenant compte des observations présentées par les parties ; que le procès-verbal de constat dressé par un huissier le 7 février 2009 à la demande de M. et Mme DUVAL n'apporte pas d'éléments de nature à remettre en cause les faits établis par ce plan d'état des lieux concernant particulièrement la situation de l'enrochement édifié et le fait qu'il a été installé sur le rivage et non dans la zone des cinquante pas géométriques ; que dès lors, M. et Mme DUVAL ne sont pas fondés à soutenir que la poursuite engagée à leur encontre reposerait sur des faits matériellement inexacts ;

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