Jurisprudence : CA Angers, 25-10-2011, n° 11/01782

CA Angers, 25-10-2011, n° 11/01782

A2163HZ7

Référence

CA Angers, 25-10-2011, n° 11/01782. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/5621751-ca-angers-25102011-n-1101782
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Abstract

Le 9 juillet 2011, Me X, avocat au barreau de Laval, a saisi la cour d'appel d'Angers d'un recours formé à l'encontre de décisions de son conseil de l'Ordre du 7 juin 2011 et de son Bâtonnier du 10 juin 2011.



COUR D'APPEL
D'ANGERS
1ERE CHAMBRE SECTION A
PDG/DB
ARRÊT N°
AFFAIRE N° 11/01782
Décision du conseil de l'Ordre des avocat du barreau de Laval du 07 Juin 2011
Conseil de l'ordre des avocats de LAVAL
n° d'inscription au RG de première instance
ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2011

APPELANT
Maître Marc Z Z
LAVAL
comparant en personne
INTIMÉ
LE CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE LAVAL
Palais de Justice
LAVAL
représenté à l'audience par
- Maître ..., Bâtonnier en exercice au barreau de Laval
- Maître ..., Président de la conférence des Bâtonniers de France et d'Outre-Mer,
EN PRÉSENCE DU
Ministère public, représenté lors des débats par Mosieur TCHERKESSOFF, avocat général,

COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 27 Septembre 2011 à 14 H 00 en audience publique, Monsieur ..., Premier Président ayant été préalablement entendu en son rapport, devant la Cour composée de
Monsieur ..., Premier Président
Monsieur VALLÉE, Président de chambre
Madame ...
Monsieur ...
Monsieur ...
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats Monsieur BOIVINEAU
Ministère public L'affaire a été communiquée au Ministère Public
ARRÊT contradictoire
Prononcé publiquement le 25 octobre 2011 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Monsieur ..., Premier Président, et, Monsieur BOIVINEAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

Le 9 juillet 2011, M. Z Z, avocat au barreau de Laval, a saisi la cour d'appel d'Angers d'un recours formé à l'encontre de décisions de son conseil de l'Ordre du 7 juin 2011 et de son bâtonnier du 10 juin 2011.
L'audience solennelle du 27 septembre 2011 où l'affaire a été appelée et retenue s'est déroulée publiquement à la demande du requérant.
Agissant au visa des articles 15 et 16 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, ainsi que de l'article 21 modifié de la loi du 31 décembre 1971, M. Z Z expose que, lors d'une assemblée générale où il n'était pas présent, le barreau de Laval s'est prononcé en faveur d'une participation de tous les avocats aux permanences instaurées pour l'intervention en garde à vue. Ancien conseil juridique ayant développé une compétence exclusive en droit des affaires et plus particulièrement en droit bancaire, il se réfère à l'article 21.3.1.3 du code de déontologie des avocats de l'Union européenne, qui a acquis valeur normative en droit interne et qui dispose que l'avocat n'accepte pas de se charger d'une affaire s'il sait ou devrait savoir qu'il n'a pas la compétence nécessaire pour la traiter. Il considère que la jurisprudence a consacré pour l'avocat une nouvelle obligation qui est le devoir de compétence.
Ayant demandé en vain, en respectant les formes prescrites par l'article 15 du texte précité, à ne pas figurer sur les tableaux de permanence, M. Z Z invoque un excès de pouvoir, tant du conseil de l'Ordre en ce qu'il a confirmé la décision de rendre obligatoire la participation de tous les avocats à la permanence pénale, que du bâtonnier pour l'avoir commis d'office de manière irrégulière au regard des principes fondamentaux qui consacrent le droit du justiciable à la dignité.
Il soutient que la lésion de ses intérêts professionnels, requise pour la recevabilité de son recours, résulte de l'atteinte portée aux conditions d'exercice de la profession dont fait partie l'éthique d'intervention inscrite aux règles déontologiques qui régissent les avocats.
M. Z Z relève qu'à sa connaissance toutes les listes de permanence sont établies par les autres barreaux sur la base du volontariat. Il conteste que l'intervention en garde à vue n'impose qu'une faible technicité pouvant être acquise en quelques heures de formation. L'exemption accordée à Laval au bâtonnier en exercice, aux avocats qui assument une représentation nationale et à ceux qui justifient d'un motif médical, lui semble discriminatoire, dès lors qu'ils sont dispensés de pourvoir à leur remplacement. Lui semble sans portée le reproche qui lui est adressé par le bâtonnier d'être le seul à refuser d'assumer la charge de la permanence, car il prétend être le seul avocat lavallois à n'avoir dans son cabinet aucun praticien du droit pénal.
Il rappelle que, si son nom figurait sur les tableaux de permanence pénale en 2009 et en 2010, il n'en a assuré aucune et il s'est fait substituer par des confrères volontaires.
Au bâtonnier qui lui oppose, dans sa notification du 10 juin 2011, que la défense pénale est l'un des fondements de la profession, il objecte que le décret N° 91-1197 du 27 novembre 1991 a créé une nouvelle profession, que le pénal n'y représente qu'une branche d'activité parmi d'autres et qu'il ne saurait être tenu de la pratiquer sans qu'il soit porté atteinte à sa liberté d'exercice. M. Z Z invoque en outre une violation de l'exigence européenne du procès équitable, une défense effective de la personne mise en cause ne pouvant être assurée que par un défenseur compétent.
Le conseil de l'Ordre et le bâtonnier du barreau de Laval, représentés par le président de la Conférence des bâtonniers, concluent à l'irrecevabilité ou, à tout le moins, au rejet du recours.
Sur l'irrecevabilité, ils prétendent que les commissions d'office relèvent du pouvoir exclusif du bâtonnier et que, selon une jurisprudence bien établie, les décisions qu'il prend à ce titre sont des mesures d'administration judiciaire qui ne sont susceptibles d'aucun recours.
Subsidiairement, sur le fond, ils font valoir que l'obligation d'assistance dès la première heure de garde à vue est une sujétion lourde qui doit être répartie de manière équitable entre les avocats. Ils soutiennent que le conseil de l'Ordre était dans son rôle lorsqu'il a conforté le bâtonnier dans son obligation d'organiser cette tâche nouvelle qui impose un devoir de solidarité entre les membres du barreau. M. Z Z leur paraît d'autant moins fondé à se prévaloir de sa non compétence qu'il n'a émis aucune objection sur sa désignation d'office au titre des permanences pénales organisées en 2009 et en 2010. Ils relèvent qu'il a une obligation légale de formation continue et qu'il lui appartient d'acquérir les connaissances nécessaires en participant aux actions organisées à cette fin par son barreau et, plus généralement, par la profession d'avocat.
M. Z Z conteste l'irrecevabilité invoquée. Il objecte qu'il défère à la cour une décision motivée prise en première instance par les instances ordinales en réponse à sa réclamation préalable. Il en déduit que ces instances sont elles-mêmes irrecevables à soulever une exception d'irrecevabilité nouvelle en cause d'appel.
Le ministère public se prononce en faveur de la recevabilité. Il considère en effet que le conseil de l'Ordre a pris une délibération ou une décision qui, même si elle était jugée étrangère à ses attributions légales, n'en est pas moins susceptible de recours en vertu de l'article 19 de la loi du 31 décembre 1971.
Sur le fond, il conclut au rejet. Il rappelle que l'avocat régulièrement commis d'office ne peut refuser son ministère sans avoir fait approuver ses motifs d'excuse ou d'empêchement par le bâtonnier. La régularité de la commission d'office ainsi considérée lui semble résulter de l'article 9 de la loi du 31 décembre 1971, de l'article 6 du décret du 12 juillet 2005, ainsi que du code de procédure pénale.
Le ministère public estime que les motifs invoqués par M. Z Z ne caractérisent pas une atteinte portée à ses intérêts professionnels, condition requise par les textes qui fondent son action.

MOTIFS DE LA DÉCISION SUR LA RECEVABILITE
M. Z Z n'est pas fondé à soulever l'irrecevabilité de l'exception qui lui est opposée. Son recours ne porte pas sur des décisions rendues par des juridictions de première instance, après débat permettant aux parties d'exposer contradictoirement leurs moyens et prétentions, avec obligation corrélative pour celles-ci de soulever leurs exceptions avant toute défense au fond. Il vise l'excès de pouvoir d'autorités ordinales, investies par la loi d'un pouvoir d'administration et d'organisation de la profession d'avocat, pour avoir refusé de rapporter une décision qu'il estime illégale et attentatoire à ses intérêts. Au stade d'un recours gracieux préalable, le conseil de l'Ordre et le bâtonnier n'étaient pas tenus de relever l'exception d'irrecevabilité qu'ils sont en droit d'opposer sur le recours contentieux formé devant la cour d'appel par leur adversaire.
Même ainsi déclarée recevable, l'exception soulevée doit cependant être rejetée.
Le conseil de l'Ordre a pris une délibération, comme le démontre l'extrait du compte-rendu de la réunion du 7 juin 2011, lorsqu'il a refusé de faire droit à la demande que lui présentait M. Z Z de retirer sa délibération du 10 mai 2011 obligeant tous les avocats du barreau de Laval à participer à la permanence de garde à vue. Or, lorsqu'un avocat s'estime lésé dans ses intérêts professionnels par une délibération ou une décision du conseil de l'Ordre, il peut la déférer à la cour d'appel, après rejet d'une réclamation préalable, comme le prévoit l'article 15 du décret du 27 novembre 1991.
Quant au bâtonnier, l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971 dispose qu'il prévient ou concilie les différends d'ordre professionnel entre les membres du barreau qui, en l'absence de conciliation, sont soumis à son arbitrage. La décision qu'il rend à cet effet peut être déférée à la cour d'appel par l'une des parties.
Au-delà des simples mesures d'administration qui lui incombent, les documents produits démontrent que, après avoir pris l'avis du conseil de l'Ordre, le bâtonnier a arbitré le différend qui opposait M. Z Z aux autres avocats de son barreau en imposant à tous de participer aux permanences pénales. Il a notifié, par courrier du 10 juin 2011, sa décision que le requérant est recevable à déférer à la cour.
SUR LE FOND
La décision de faire participer tous les avocats aux permanences pénales, en les faisant figurer sur des tableaux de service, relève des mesures que le bâtonnier est habilité à prendre pour que soit assurée la mission de service public des commissions d'office en matière de défense pénale. L'obligation ainsi imposée ne contrevient à aucun texte et elle a au contraire un fondement légal incontestable, au vu de l'article 9 de la loi du 31 décembre 1971 et de l'article 6 du décret du 12 juillet 2005. Il résulte de ces deux textes que l'avocat régulièrement désigné est tenu de déférer, tout motif invoqué d'excuse ou d'empêchement devant être approuvé par l'autorité qui l'a commis.
M. Z Z conteste la régularité de cette désignation.
Il invoque en premier lieu à cet effet un devoir de compétence de l'avocat, auquel le règlement intérieur national impose l'obligation déontologique de ne pas se charger d'une affaire s'il n'est pas compétent pour la traiter. Cette obligation s'applique toutefois dans les rapports de l'avocat avec sa clientèle et elle ne lui permet donc pas de s'exonérer des devoirs qui lui incombent au titre des commissions d'office.
M. Z Z ne peut utilement soutenir que la matière pénale n'est qu'une branche d'activité parmi d'autres et que contrevient à sa liberté d'exercice l'obligation d'intervenir dans ce domaine. N'est pas en effet en cause le libre choix d'une spécialisation, mais l'exigence d'une répartition équitable de la charge du service public de l'assistance en matière pénale. L'invocation d'une spécialité différente n'est pas un motif d'exonération.
M. Z Z invoque une atteinte au procès équitable et à la dignité des justiciables, au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, dès lors que, n'ayant ni connaissance ni pratique de la matière pénale, son intervention en garde à vue léserait, non son intérêt propre, mais celui des personnes qu'il aurait charge d'assister.
Cette argumentation ne démontre pas une atteinte à ses intérêts professionnels, condition requise pour prétendre à l'annulation d'une délibération du conseil de l'Ordre.
Elle est au surplus infondée.
Dès lors que peut être légitimement ordonnée la participation de tous aux permanences qu'exige le service public de la défense pénale, il est du devoir des avocats concernés de consentir, au titre de leur obligation de formation continue, les efforts nécessaires pour qu'ils puissent intervenir avec la compétence requise.
M. Z Z prétend que serait discriminatoire la dispense accordée à certains avocats du barreau de Laval, sans qu'ils soient tenus de pourvoir à leur remplacement. Cette argumentation ne peut être retenue. La dispense repose en effet sur des critères objectifs empêchement d'ordre médical ou charge déjà assurée par ailleurs dans l'intérêt de la profession pour le bâtonnier et pour les avocats chargés d'une représentation nationale. Elle peut donc justifier qu'ils bénéficient d'une mesure générale d'exemption de la permanence pénale qui les exclut des tableaux de service. Il en va différemment pour les autres avocats, tenus de participer à tour de rôle. Ceux-ci ne sont légitimes à invoquer qu'un empêchement ponctuel, cause d'un remplacement qu'il leur appartient d'organiser pour assurer la continuité de la mission de défense pénale.
Il suit de tout ce qui précède que le recours formé par M. Z Z, s'il est recevable, est en revanche infondé.

PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement,
Déclare recevable mais non fondé le recours de M. Z Z ;
Déboute M. Z Z de ses demandes ;
Le condamne aux dépens de la présente instance.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
D. BOIVINEAU P. DELMAS-GOYON

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