Jurisprudence : CE 2/7 SSR., 27-10-2011, n° 350935, mentionné aux tables du recueil Lebon



CONSEIL D'ETAT


Statuant au contentieux


350935


DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE


M. Fabrice Aubert, Rapporteur

M. Nicolas Boulouis, Rapporteur public


Séance du 10 octobre 2011


Lecture du 27 octobre 2011


REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 7ème et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 15 juillet et le 29 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE, représenté par le président du conseil général ; le département demande au Conseil d'Etat :


1°) d'annuler l'ordonnance n° 1104063 du 30 juin 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la société Signature, annulé depuis l'origine la procédure de passation du marché à bons de commande relatif à la fourniture et la pose de signalisation verticale directionnelle sur les routes du département ;


2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Signature ;


3°) de mettre à la charge de la société Signature le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 octobre 2011, présentée pour la Société Signature ;


Vu le code des marchés publics ;


Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :


- le rapport de M. Fabrice Aubert, Auditeur,


- les observations de Me Foussard, avocat du DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE et de la SCP Monod, Colin, avocat de la société Signature,


- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;


La parole ayant été à nouveau donnée à Me Foussard, avocat du DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE et à la SCP Monod, Colin, avocat de la société Signature ;


Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative que le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il délègue peut être saisi, avant la conclusion d'un contrat de commande publique ou de délégation de service public, d'un manquement, par le pouvoir adjudicateur, à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 551-10 de ce code : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué, ainsi que le représentant de l'Etat dans le cas où le contrat doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. (.) " ;


Considérant que le DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 30 juin 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, saisi par la société Signature sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a annulé la procédure de passation d'un marché à bons de commande portant sur la signalisation directionnelle des routes du département, au motif que le pouvoir adjudicateur avait méconnu l'obligation d'allotir le marché résultant de l'article 10 du code des marchés publics ;


Considérant qu'aux termes du III de l'article 53 du code des marchés publics : " Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées (.) " ; qu'aux termes de l'article 48 du même code : " (.) Les offres sont présentées sous la forme de l'acte d'engagement défini à l'article 11 (.) " ; qu'enfin l'article 11 de ce code dispose que : " (.) Pour les marchés passés selon les procédures formalisées, l'acte d'engagement et, le cas échéant, les cahiers des charges en sont les pièces constitutives. / L'acte d'engagement est la pièce signée par un candidat à un accord-cadre ou à un marché public dans laquelle le candidat présente son offre ou sa proposition (.) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une offre dont l'acte d'engagement n'est pas, avant la date limite de remise des offres, signé par une personne dûment mandatée ou habilitée à engager l'entreprise candidate, est irrégulière et doit être éliminée comme telle avant même d'être examinée ; que le juge des référés du tribunal administratif de Marseille ne pouvait ainsi, sans commettre d'erreur de droit, juger que la société Signature était susceptible d'avoir été lésée, au stade de l'examen des offres, par un manquement du pouvoir adjudicateur à ses obligations de mise en concurrence, tout en relevant que l'offre de cette société pouvait être irrégulière faute d'avoir été signée par une personne dûment mandatée ou habilitée à engager l'entreprise ; que par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'ordonnance attaquée doit être annulée ;


Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de référé en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;


Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 10 du code des marchés publics, applicable aux marchés passés en procédure adaptée : " Afin de susciter la plus large concurrence, et sauf si l'objet du marché ne permet pas l'identification de prestations distinctes, le pouvoir adjudicateur passe le marché en lots séparés dans les conditions prévues par le III de l'article 27. A cette fin, il choisit librement le nombre de lots, en tenant notamment compte des caractéristiques techniques des prestations demandées, de la structure du secteur économique en cause et, le cas échéant, des règles applicables à certaines professions. Les candidatures et les offres sont examinées lot par lot. (.) / Le pouvoir adjudicateur peut toutefois passer un marché global, avec ou sans identification de prestations distinctes, s'il estime que la dévolution en lots séparés est de nature, dans le cas particulier, à restreindre la concurrence, ou qu'elle risque de rendre techniquement difficile ou financièrement coûteuse l'exécution des prestations ou encore qu'il n'est pas en mesure d'assurer par lui-même les missions d'organisation, de pilotage et de coordination (.) " ; que le DEPARTEMENT DES


BOUCHES-DU-RHÔNE soutient avoir, au vu des prix peu compétitifs obtenus en 2006 pour le même marché divisé en quatre lots géographiques, choisi de recourir à un marché global en vue de limiter les risques d'entente locale entre candidats et de favoriser les économies d'échelles ; qu'il résulte de l'instruction que le département a, ce faisant, obtenu une baisse de prix de 66% par rapport aux offres sélectionnées en 2006, sans qu'une telle baisse de prix puisse être entièrement imputée au renforcement structurel de la concurrence dans le secteur de la signalisation verticale à la suite de la dissolution de l'entente grevant ce secteur ; que le DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE, qui justifie ainsi que l'allotissement du marché aurait pu être de nature à rendre plus coûteuse la réalisation des prestations prévues au contrat, ne peut être regardé comme ayant manqué à ses obligations de mise en concurrence en recourant à un marché global ;


Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 45 du code des marchés publics : " Le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats que des renseignements ou documents permettant d'évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques ou financières (.). /La liste de ces renseignements et documents est fixée par arrêté du ministre chargé de l'économie (.)" ; que l'article 1er de l'arrêté du 28 août 2006 pris en application de l'article 45 du code des marchés publics dispose : " A l'appui des candidatures et dans la mesure où ils sont nécessaires à l'appréciation des capacités des candidats, le pouvoir adjudicateur ne peut demander, en application de l'article 45 du code des marchés publics (.), que le ou les renseignements et le ou les documents suivants : / déclaration concernant le chiffre d'affaires global et le chiffre d'affaires concernant les fournitures, services ou travaux objet du marché, réalisés au cours des trois derniers exercices disponibles (.) " ; qu'il résulte de l'instruction que le pouvoir adjudicateur a, pour s'assurer des capacités économiques et financières des candidats, exigé dans le règlement de consultation qu'ils présentent leur chiffre d'affaires global réalisé sur les trois derniers exercices pour des travaux, services ou fournitures comparables à ceux du marché ; que par suite, et alors même que l'entreprise attributaire du marché a été placée en redressement judiciaire peu après la sélection de son offre, le département ne peut être regardé comme ayant méconnu ses obligations de vérifications de la capacité financière des candidats ;


Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Signature n'est pas fondée à demander l'annulation de la procédure de passation du marché litigieux ; que, par suite, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge, sur le fondement de ces même dispositions, le versement au DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE d'une somme de 4 500 euros au titre de l'ensemble de la procédure ;


D E C I D E :


Article 1er : L'ordonnance du 30 juin 2011 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille est annulée.


Article 2 : La demande présentée par la société Signature devant le juge des référés du tribunal administratif de Marseille est rejetée, ainsi que ses conclusions devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Article 3 : La société Signature versera au DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Article 4 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE, à la société Signature et à la société Sécurité et signalisation.


Délibéré dans la séance du 10 octobre 2011 où siégeaient : M. Christian Vigouroux, Président adjoint de la Section du Contentieux, Président ; M. Edmond Honorat, M. Rémy Schwartz, Présidents de sous-section ; Mme Dominique Laurent, M. Olivier Rousselle, M. Denis Prieur, M. Gilles Bardou, M. Jacques-Henri Stahl, Conseillers d'Etat et M. Fabrice Aubert, Auditeur-rapporteur.

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