Jurisprudence : Cass. civ. 1, 26-10-2011, n° 09-71.369, FS-P+B+I, Rejet

Cass. civ. 1, 26-10-2011, n° 09-71.369, FS-P+B+I, Rejet

A0619HZX

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Cass. civ. 1, 26-10-2011, n° 09-71.369, FS-P+B+I, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/5619418-cass-civ-1-26102011-n-0971369-fsp-b-i-rejet
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Abstract

Il ressort d'un arrêt rendu le 26 octobre 2011 par la première chambre civile de la Cour de cassation, que sont contraires à l'ordre public international français, les dispositions de la loi ivoirienne (à savoir, l'article 27 du Code ivoirien de la famille) prohibant la recherche de paternité de l'enfant adultérin (Cass. civ. 1, 26 octobre 2011, n° 09-71.369, FS-P+B+I).



CIV. 1 FB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 26 octobre 2011
Rejet
M. CHARRUAULT, président
Arrêt no 1016 FS-P+B+I
Pourvoi no M 09-71.369
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. Garabet Z.
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 24 novembre 2010.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par M. Garabet Z, domicilié Paris,
contre l'arrêt rendu le 4 juin 2009 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant
1o/ à Mme Sokoh Y, domiciliée Paris,
2o/ à M. Franck X, domicilié Paris,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 27 septembre 2011, où étaient présents M. Charruault, président, Mme Vassallo, conseiller référendaire rapporteur, Mme Pascal, MM. Rivière, Falcone, Mmes Monéger, Bignon, MM. Chaillou, Suquet, Savatier, conseillers, Mmes Degorce, Capitaine, Bodard-Hermant, Maitrepierre, conseillers référendaires, M. Chevalier, avocat général référendaire, Mme Nguyen, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Vassallo, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bénabent, avocat de M. Z, l'avis de M. Chevalier, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 juin 2009 ), que, le 13 janvier 2001, est né en ... Jérémy, reconnu, le 1er décembre 2000, par Mme Y, de nationalité ivoirienne et par M. X ; que, par acte du 20 décembre 2001, M. X qui a contesté sa reconnaissance, et Mme Y ont assigné M. Z en recherche de paternité et sollicité une expertise sanguine ; que, par jugement du 24 janvier 2006, le tribunal de grande instance de Paris a annulé la reconnaissance de M. X, l'expertise excluant sa paternité, dit recevable la demande en recherche de paternité et ordonné une expertise génétique sur les personnes de l'enfant, de la mère et de M. Z ; que, sur appel de ce dernier, la cour d'appel de Paris a invité les parties à s'expliquer notamment sur l'article 27 de la loi ivoirienne et sa conformité à l'ordre public français ;

Attendu que M. Z fait grief à l'arrêt d'avoir dit recevable la demande de recherche de paternité à son égard et ordonné une expertise génétique, alors, selon le moyen
1o/ qu'il résulte de l'article 26 de la loi ivoirienne 83-7999 du 2 août 1983 que "la paternité hors mariage peut être judiciairement déclarée..." ; que la loi ivoirienne ne prohibe en effet aucunement la recherche de la paternité naturelle de manière générale et précise même les conditions dans lesquelles cette paternité peut être constatée (article 26 al 2 et sv) ; qu'en écartant néanmoins en l'espèce la loi ivoirienne normalement applicable au seul motif que "la prohibition de la recherche de la paternité naturelle pour un enfant né en France et élevé en France... est contraire à l'ordre public français....", les juges d'appel ont dénaturé les termes clairs et précis de la loi ivoirienne en violation de l'article 3 du code civil, ensemble l'article 26 de loi ivoirienne no 83 7999 du 2 août 1983 ;
2o/ qu'il n'est pas contesté que la loi ivoirienne normalement applicable permet de manière générale et sous respect de certaines conditions la recherche de la paternité naturelle (article 26 du code ivoirien de la famille) et ne prohibe que la recherche de paternité de l'enfant adultérin (article 27 du même code) dans le but de préserver l'épouse victime de l'adultère et ses enfants légitimes ; qu'en s'abstenant de rechercher en l'espèce en quoi la prohibition de la recherche de paternité d'un enfant à l'encontre d'un homme marié et le souci de préserver les intérêts de la famille légitime heurte l'ordre public international, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 311-14 du code civil et de la notion française de l'ordre public international ;
3o/ qu'en toute hypothèse et subsidiairement, quand bien même on admettrait que la conception française de l'ordre public international s'oppose à l'application d'une loi étrangère déclarant irrecevable l'action en recherche de paternité d'un enfant contre un défendeur marié, l'exception d'ordre public entraîne le seul rejet de la disposition particulière du droit étranger et non celui du droit étranger considéré dans son ensemble ; qu'en l'espèce, et contrairement à ce qu'ont affirmé les juges d'appel (arrêt page 4, § 2), la loi ivoirienne ne prohibait aucunement la recherche de la paternité naturelle ; qu'il résulte en effet de article 26 de loi ivoirienne no 83-799 du 2 août 1983 que "la paternité hors mariage peut être judiciairement déclarée" ; que la loi ivoirienne normalement applicable prévoit dans son article 26 al. 2 des règles permettant à un enfant de rechercher et établir la paternité naturelle ; qu'en conséquence il appartenait aux juges du fond, après avoir déclaré l'article 27 de la loi ivoirienne contraire à la conception française de l'ordre public, de limiter la substitution de cette loi par la loi française à son seul article 27 et en déclarant les articles 22 et suivants de la loi ivoirienne applicable à l'action en recherche de paternité naturelle ; qu'en écartant de manière générale la loi ivoirienne normalement applicable sans préciser les limites de la substitution de cette loi par la loi française, la cour d'appel a violé les articles 3 et 311-14 du code civil et méconnu la notion française de l'ordre public international ;

Mais attendu qu'ayant, à bon droit, mis en oeuvre la loi ivoirienne, désignée par la règle de conflit de l'article 311-14 du code civil français, qui rattache l'établissement de la filiation à la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant et, ayant relevé que M. Z, étant marié au moment de la naissance de cet enfant, l'action en recherche de paternité était irrecevable en application des articles 22 et 27 du code de la famille ivoirien, la cour d'appel a exactement décidé que ces dispositions étaient contraires à l'ordre public international français dès lors qu'elles privaient l'enfant de son droit d'établir sa filiation paternelle ; que le moyen, inopérant en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils pour M. Z.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du 24 janvier 2006 en ce qu'il avait annulé la reconnaissance effectuée le 1er décembre 2000 par Monsieur X à l'égard de l'enfant Jérémy Naquih Franck X issu de Sokoh YAKOU, dit recevable la demande en recherche de paternité à l'égard de Monsieur Z et ordonné une expertise, désignant en qualité d'expert ... ... ... avec pour mission de prélever des échantillons de sangs de Mademoiselle Y, de l'exposant et de l'enfant, de procéder à l'examen comparatif des empreintes génétiques et de préciser les chances de paternité de Monsieur Z ;
AUX MOTIFS QUE "selon le code de la famille ivoirien (article 22) " la reconnaissance par le père de l'enfant né de son commerce adultérin n'est valable, sauf en cas de jugement ou même de demande soit de divorce, soit de séparation de corps, que du consentement de l'épouse " (article 27) " un enfant ne sera jamais admis à la recherche de la paternité dans les cas prévus aux articles 22 (...) " ; M. Z étant marié, l'action en recherche de paternité est ainsi irrecevable au regard de la loi ivoirienne applicable à l'enfant selon l'article 311-14 du Code civil, puisque sa mère, bien qu'aujourd'hui naturalisée française, était de nationalité ivoirienne au moment de la naissance ; cependant la prohibition de la recherche de la paternité naturelle pour un enfant né en France et élevé en France, comme en l'espèce, est contraire à l'ordre public français notamment en ce qu'elle contrevient à l'article 7 de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant à laquelle la France a adhéré qui prévoit que l'enfant a le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux ; il convient en conséquence d'écarter la loi ivoirienne et de dire recevable l'action en recherche de paternité diligentée par Mme Y ; il y a lieu sur le fond de renvoyer les parties devant le premier juge" (Arrêt pages 3 et 4).
ALORS D'UNE PART QU'il résulte de l'article 26 de la loi ivoirienne 83-7999 du 2 août 1983 que " la paternité hors mariage peut être judiciairement déclarée ..." ; que la loi ivoirienne ne prohibe en effet aucunement la recherche de la paternité naturelle de manière générale et précise même les conditions dans lesquelles cette paternité peut être constatée (article 26 al 2 et sv) ; qu'en écartant néanmoins en l'espèce la loi ivoirienne normalement applicable au seul motif que "la prohibition de la recherche de la paternité naturelle pour un enfant né en France et élevé en France ... est contraire à l'ordre public français .... ", les juges d'appel ont dénaturé les termes clairs et précis de la loi ivoirienne en violation de l'article 3 du Code civil, ensemble l'article 26 de loi ivoirienne no 83 7999 du 2 août 1983 ;
ALORS D'AUTRE PART QU'il n'est pas contesté que la loi ivoirienne normalement applicable permet de manière générale et sous respect de certaines conditions la recherche de la paternité naturelle (article 26 du Code ivoirien de la famille) et ne prohibe que la recherche de paternité de l'enfant adultérin (article 27 du même Code) dans le but de préserver l'épouse victime de l'adultère et ses enfants légitimes ; qu'en s'abstenant de rechercher en l'espèce en quoi la prohibition de la recherche de paternité d'un enfant à l'encontre d'un homme marié et le souci de préserver les intérêts de la famille légitime heurte l'ordre public international, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 311-14 du Code civil et de la notion française de l'ordre public international ;
ALORS ENFIN QU'en toute hypothèse et subsidiairement, quand bien même on admettrait que la conception française de l'ordre public international s'oppose à l'application d'une loi étrangère déclarant irrecevable l'action en recherche de paternité d'un enfant contre un défendeur marié, l'exception d'ordre public entraîne le seul rejet de la disposition particulière du droit étranger et non celui du droit étranger considéré dans son ensemble ; qu'en l'espèce, et contrairement à ce qu'ont affirmé les juges d'appel (arrêt page 4, § 2), la loi ivoirienne ne prohibait aucunement la recherche de la paternité naturelle ; qu'il résulte en effet de article 26 de loi ivoirienne no 83-799 du 2 août 1983 que " la paternité hors mariage peut être judiciairement déclarée " ; que la loi ivoirienne normalement applicable prévoit dans son article 26 al. 2 des règles permettant à un enfant de rechercher et établir la paternité naturelle ; qu'en conséquence il appartenait aux juges du fond, après avoir déclaré l'article 27 de la loi ivoirienne contraire à la conception française de l'ordre public, de limiter la substitution de cette loi par la loi française à son seul article 27 et en déclarant les articles 22 et suivants de la loi ivoirienne applicable à l'action en recherche de paternité naturelle ; qu'en écartant de manière générale la loi ivoirienne normalement applicable sans préciser les limites de la substitution de cette loi par la loi française, la Cour d'appel a violé les articles 3 et 311-14 du Code civil et méconnu la notion française de l'ordre public international.

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