Jurisprudence : CAA Douai, 13-10-2011, n° 10DA01513



N° 10DA01513


PREFET DE LA SEINE-MARITIME

c/ Mme Emilia Marinova


M. Xavier Larue, Rapporteur public


Audience du 7 septembre 2011


Lecture du 13 octobre 2011

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le président désigné par le président de la Cour administrative d'appel de Douai


Vu la requête, enregistrée le 29 novembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME demande au président de la Cour d'annuler le jugement n° 1002865 du 13 octobre 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen, à la demande de Mme Emilia Marinova, a annulé l'arrêté en date du 7 octobre 2010, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de Mme Marinova et la décision, du même jour, fixant le pays de destination de la reconduite ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME soutient qu'il n'est pas contesté que Mme Marinova se trouve sur le territoire français depuis plus de trois mois et qu'elle se livre habituellement à une activité de prostitution ; qu'elle exerce donc une activité professionnelle au sens du code du travail ; que, par ailleurs, l'administration des finances publiques considère la prostitution comme une formation dont les revenus doivent être déclarés dans la rubrique des bénéfices non commerciaux (article 92-1 du code général des impôts) ; que les dispositions de l'article L. 121-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile disposent qu'un ressortissant bulgare, séjournant depuis plus de trois mois en France, doit être muni d'un titre de séjour s'il exerce une activité professionnelle ; que la circulaire du 22 décembre 2006 relative aux modalités d'admission au séjour et d'éloignement des ressortissants roumains et bulgares à partir du 1er janvier 2007 précise, qu'en cas d'interpellation d'un de ces ressortissants séjournant depuis plus de trois mois sur le territoire et exerçant une activité professionnelle sans être muni d'un titre de séjour, l'intéressé pourra se voir opposer un arrêté portant reconduite à la frontière sur le fondement de l'article L. 511-1 II 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette circulaire vise, notamment, les ressortissants non soumis à l'obligation de visa, qui se sont maintenus sur le territoire français à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de leur entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour ; que, dans ce cas, la mesure de reconduite est exécutoire sans délai de départ volontaire ;


Vu le jugement et la décision attaqués ;


Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée à Mme Emilia Marinova, laquelle n'a produit aucun mémoire en défense ;


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;


Vu la décision, en date du 1er septembre 2010, prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai a désigné M. Daniel Mortelecq, président de la 2ème chambre, en tant que juge d'appel des reconduites à la frontière ;


Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;


Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Daniel Mortelecq, président désigné, les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;


Considérant que, par un arrêté en date du 7 octobre 2010, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a décidé de reconduire à la frontière Mme Marinova, ressortissante bulgare, et a fixé le pays dont elle a la nationalité comme pays de destination, en se fondant sur le 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un jugement en date du 13 octobre 2010, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté du 7 octobre 2010 ; que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME forme régulièrement appel de ce jugement en date du 13 octobre 2010 ;


Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré " ; qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " (...) Toutefois, demeurent soumis à la détention d'un titre de séjour durant le temps de validité des mesures transitoires éventuellement prévues en la matière par le traité d'adhésion du pays dont ils sont ressortissants, et sauf si ce traité en stipule autrement, les citoyens de l'Union européenne qui souhaitent exercer en France une activité professionnelle " ; qu'aux termes de l' article R. 121-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I - Sans préjudice des dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 121-2, les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne soumis à des mesures transitoires par leur traité d'adhésion qui souhaitent exercer une activité professionnelle en France sont tenus de solliciter la délivrance d'une carte de séjour ainsi que l'autorisation de travail prévue à l'article L. 341-2 du code du travail pour l'exercice d'une activité salariée (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ou les membres de sa famille qui ne peuvent justifier d'un droit au séjour en application de l'article L. 121-1 ou de l'article L. 121-3 ou dont la présence constitue une menace à l'ordre public peut faire l'objet, selon le cas, d'une décision de refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'une carte de séjour ou d'un retrait de celle-ci ainsi que d'une mesure d'éloignement prévue au livre V " ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions, qu'indépendamment de toute menace pour l'ordre public, un ressortissant communautaire peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement lorsqu'il n'a pas droit au séjour en application des articles L. 121-1 et L. 121-3 et qu'il entre dans un des cas dans lesquels une telle mesure peut être prise en application de l'article L. 511-1 II ;


Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 20 du protocole relatif aux conditions et modalités d'admission de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne, les mesures énumérées aux annexes VII dudit protocole sont applicables à la Bulgarie, dans les conditions définies dans lesdites annexes, et qu'aux termes du 2 du 1 " Libre circulation des personnes " de l'annexe VII : " Par dérogation aux articles 1er à 6 du règlement CEE n° 1612/68 et jusqu'à la fin de la période de deux ans suivant la date d'adhésion, les Etats membres actuels appliqueront les mesures nationales, ou des mesures résultant d'accords bilatéraux, qui réglementent l'accès des ressortissants roumains à leur marché du travail. Les Etats membres actuels peuvent continuer à appliquer ces mesures jusqu'à la fin de la période de cinq ans suivant la date d'adhésion (...) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces stipulations et dispositions qu'un ressortissant bulgare est un ressortissant des Etats membres de l'Union européenne soumis à des mesures transitoires par le traité d'adhésion du pays dont il est ressortissant ; qu'il doit, pendant la période transitoire visée ci-dessus et prévue au 2 du 1 de l'annexe VII au protocole relatif aux conditions et modalités d'admission de la République de Bulgarie à l'Union européenne, lorsqu'il souhaite exercer une activité professionnelle en France, solliciter la délivrance d'une carte de séjour ainsi que l'autorisation de travail prévue à l'article L. 341-2 du code du travail pour une activité salariée ; que, par ailleurs, aucune disposition législative, tirée soit de l'article L. 121-4 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, soit du 2° ou du 8° du II de l'article L. 511-1 du même code, ne permet à un préfet de prendre un arrêté de reconduite à la frontière à l'encontre d'un ressortissant communautaire, non astreint à la possession d'un titre de séjour et séjournant en France depuis plus de trois mois, au motif qu'il ne bénéficierait pas d'un droit au séjour, qu'il serait dépourvu de titre de séjour ou que sa présence constituerait une menace pour l'ordre public ; que, lorsqu'un tel ressortissant ne justifie plus, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son arrivée en France, d'un droit au séjour, il appartient au préfet de prendre, le cas échéant, une décision motivée l'obligeant à quitter le territoire français dans les conditions prévues au I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment le deuxième alinéa de ce I ;


Considérant, en l'espèce, qu'il ressort des pièces du dossier, et des propres déclarations de Mme Marinova, que celle-ci est entrée en France depuis plus de dix ans ; qu'elle est dépourvue de tout titre de séjour et se livre, de manière habituelle, depuis son entrée, à la prostitution ; qu'à ce titre, elle a la qualité de travailleur indépendant et doit être regardée comme exerçant une activité professionnelle ; qu'en application des principes rappelés précédemment, en prenant, le 7 octobre 2010, un arrêté de reconduite à la frontière à l'encontre de Mme Marinova, ressortissante bulgare, aux motifs que celle-ci ne bénéficiait pas d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'elle n'était pas titulaire d'un titre de séjour, et qu'elle avait été interpellée par la police alors qu'elle se livrait à la prostitution et au racolage sur la voie publique, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME n'a pas commis d'erreur de droit ;


Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le Tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté, en date du 7 octobre 2010, décidant la reconduite à la frontière de Mme Marinova et la décision, du même jour, fixant le pays de destination de la reconduite ; qu'ainsi, le jugement attaqué doit être annulé ;


Considérant, toutefois, qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme Marinova devant le Tribunal administratif de Rouen ;


Considérant, ainsi qu'il a été dit précédemment, qu'un ressortissant bulgare est un ressortissant des Etats membres de l'Union européenne soumis à des mesures transitoires par le traité d'adhésion du pays dont il est le ressortissant ; qu'il doit pendant la période transitoire en cause, lorsqu'il souhaite exercer une activité professionnelle en France, solliciter la délivrance d'un titre de séjour ;


Considérant, en l'espèce, que Mme Marinova, de nationalité bulgare, a été interpellée le 6 octobre 2010 par les services de police pour s'être livrée à la prostitution sur la voie publique ; que, si elle a affirmé devant le premier juge, être sur le territoire français depuis moins de trois mois, il ressort des pièces du dossier, et des propres déclarations de l'intéressée devant les services de police, lors de son interpellation, qu'elle réside en France depuis plus de dix ans ; qu'elle ne conteste pas se livrer, à titre habituelle, à la prostitution, depuis son arrivée en France ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a pris à l'encontre de l'intéressée, démunie de tout titre de séjour, en violation des dispositions de l'article L. 121-2 al 3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées, une mesure de reconduite à la frontière ; que, par suite, la demande présentée par Mme Marinova devant le Tribunal administratif de Rouen doit être rejetée ;


DECIDE :


Article 1er : Le jugement, en date du 13 octobre 2010, du Tribunal administratif de Rouen est annulé.


Article 2 : La demande présentée par Mme Marinova devant le Tribunal administratif de Rouen est rejetée.


Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur, de l'outre mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et à Mme Emilia Marinova.


Copie sera transmise au PREFET DE LA SEINE-MARITIME.


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