Jurisprudence : CA Paris, 1, 1, 13-01-2011, n° 09/23475, Infirmation

CA Paris, 1, 1, 13-01-2011, n° 09/23475, Infirmation

A0670GRA

Référence

CA Paris, 1, 1, 13-01-2011, n° 09/23475, Infirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/3582924-ca-paris-1-1-13012011-n-0923475-infirmation
Copier


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE aux parties le AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRÊT DU 13 JANVIER 2011
(n°, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général (Jonction RG 09/23475 et RG 10/11850)
Décision déférée à la Cour Demande en annulation d'une sentence arbitrale en date du 19 octobre 2009 rendue par le tribunal arbitral de PARIS composé de Monsieur ... ..., président et Messieurs ... ... et ... ..., arbitres, ainsi que d'une sentence interprétative du 31 mars 2010 rendue par le même tribunal
DEMANDERESSE AU RECOURS
S.A.S ITM ENTREPRISES
prise en la personne de ses représentants légaux

PARIS
représentée par Me ... ..., avoué à la Cour
assistée de Me Bruno CHEMAMA, avocat au barreau de PARIS, toque K 2, plaidant pour Me ... ... & Associés
DÉFENDEUR AU RECOURS
Monsieur ... ... ès-qualités de liquidateur des SOCIÉTÉS ALIZES, ERMIVAN et YERES

MAGNY VERNOIS
représenté par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN, avoués à la Cour
assisté de Me Serge MERESSE, avocat au barreau de PARIS, toque P 166,

COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 7 décembre 2010, en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de
Monsieur PERIE, Président
Madame GUIHAL, Conseillère
Madame DALLERY, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats Madame PATE
ARRÊT
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur PERIE, président et par Madame PATE, greffier présent lors du prononcé.

M. ... ... a constitué un groupe de sociétés comportant une holding ERMIVAN, une SA ALIZES, exploitante d'un point de vente de 2.150 m2 à Lure, dont les parts ont été rachetées par ERMIVAN, et une SCI YERE chargée de louer ou d'acquérir les murs.
Le 22 décembre 1998 ALIZES et les époux ... ont conclu un contrat d'enseigne avec la société ITM ENTREPRISES (ITM). A la suite de la construction d'un nouveau point de vente plus spacieux, un nouveau contrat d'enseigne a été conclu le 21 mai 2002 pour une durée de 10 ans. Le 24 novembre 2003, ALIZES, victime de difficultés financières qu'elle impute au franchiseur, et les époux ..., ont notifié aux sociétés ITM ENTREPRISES, NORMINTER et ITM EST la rupture des relations contractuelles à compter du 4 janvier 2004. A cette date, ALIZES a poursuivi l'exploitation en adhérant à l'enseigne Super U.
M. ... et les sociétés de son groupe ont mis en oeuvre la clause compromissoire stipulée par le contrat du 21 mai 2002 pour faire juger que la rupture était justifiée. Le tribunal arbitral, par une sentence du 22 mars 2005 a dit la rupture injustifiée mais reconnu une part de responsabilité à la charge d'ITM. Statuant en amiable composition, les arbitres ont déclaré nulle la clause de non-concurrence, condamné ITM à réaliser la vente immobilière conclue avec YERE, condamné ALIZES à payer à ITM 2.000.000 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive, 1.216.339 euros au titre du droit d'entrée, outre diverses sommes au titre notamment de marchandises non réglées, et prononcé la compensation avec les dettes d'ITM.
Par jugements du 3 mai 2005, le tribunal de grande instance de Lure a placé ERMIVAN et ALIZES en redressement judiciaire et étendu cette procédure à YERES. Par un jugement du 18 octobre 2005, ce même tribunal a adopté un plan de cession totale des actifs des trois sociétés du groupe CHATAIN à la SAS Auditura (groupe Intermarché) moyennant le prix de 7 millions d'euros, constaté la dissolution de plein droit d'ALIZES, ERMIVAN et YERES, désigné un commissaire à l'exécution du plan et maintenu la SCP Guyon-Daval dans ses fonctions de représentant des créanciers durant le temps nécessaire à la vérification des créances.

ITM a déclaré la créance résultant de la sentence arbitrale. Cette créance a été admise par une ordonnance du juge commissaire du 13 novembre 2006 contre laquelle la débitrice n'a pas interjeté appel. L'admission de cette créance a,en revanche, fait l'objet d'un recours d'un autre créancier, la société Système U, recours rejeté par le juge-commissaire le 12 avril 2007. Sur l'appel interjeté par Système U, la cour d'appel de Besançon, devant laquelle sont intervenus les mandataires judiciaires ainsi qu'ERMIVAN, ALIZES, et YERES, a, par un arrêt du 14 mai 2008, ordonné le sursis à statuer jusqu'à l'issue de la nouvelle procédure d'arbitrage engagée par ces trois sociétés.
Le 2 octobre 2007, M. ..., ès-qualités de liquidateur d'ERMIVAN, ALIZES et YERES, avait, en effet, de nouveau mis en oeuvre la clause compromissoire stipulée par le contrat d'enseigne du 21 mai 2002, afin de faire juger par un nouveau tribunal arbitral que la créance indemnitaire déclarée par ITM était devenue sans cause du fait de la réintégration du fonds de commerce d'ALIZES dans le groupe INTERMARCHE.

Par une sentence rendue à Paris le 19 octobre 2009, le tribunal ad'hoc, constitué de M. Ancel, Président, et de MM ... et ..., arbitres
- s'est déclaré incompétent sur la demande principale tendant au désistement ou à la renonciation d'ITM à sa déclaration de créance au passif d'ALIZES,
- s'est déclaré compétent sur les autres demandes de M. ..., ès-qualités, tendant à statuer sur l'existence et le montant de la créance indemnitaire incombant à ALIZES à la suite de la résiliation du contrat d'enseigne,
- a dit qu'il serait statué sur ce point dès qu'aurait été appelé en cause le mandataire judiciaire d'ALIZES.
Un recours contre cette sentence a été formé par ITM le 18 novembre 2009 (affaire enregistrée sous le n° 09/23475).
Par une seconde sentence du 31 mars 2010, le tribunal arbitral, déclarant interpréter sa précédente décision, a dit que celle-ci avait 'suspendu' le délai d'arbitrage jusqu'à l'intervention du mandataire judiciaire de la société ALIZES et que le délai d'arbitrage recommencerait à courir à compter du dépôt de demandes par ce mandataire.
Un recours contre cette seconde sentence a été formé par ITM le 7 juin 2010 (affaire enregistrée sous le n° 10/11850).
Par conclusions signifiées le 2 décembre 2010 dans les deux dossiers, la recourante prie la Cour de joindre les affaires, d'annuler la première sentence seulement en ce qu'elle reconnaît la compétence des arbitres et la seconde sentence en son intégralité, de dire le tribunal arbitral incompétent, de déclarer M. ..., ès-qualités, irrecevable en ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Elle fait valoir, en substance, que le tribunal arbitral a statué sans convention d'arbitrage (article 1484 1° du code de procédure civile), qu'il ne s'est pas conformé à sa mission (article 1484 3° du code de procédure civile), et que sa sentence méconnaît l'ordre public (article 1484 6° du code de procédure civile).
Par conclusions signifiées le 2 décembre 2010 dans les deux dossiers, M. ..., ès-qualités, demande le rejet des recours et la condamnation d'ITM au paiement de la somme de 30.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR QUOI
Sur la demande de jonction
Considérant qu'il est dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice de joindre les recours formés respectivement contre les sentences du 19 octobre 2009 et du 31 mars 2010;
Sur le moyen d'annulation de la sentence du 19 octobre 2009 pris de la violation par les arbitres d'une règle d'ordre public (article 1484 6° du code de procédure civile)
ITM expose qu'elle a déclaré au passif d'ALIZES la créance qui lui a été reconnue par la sentence du 22 mars 2005, que cette créance a été admise par une ordonnance du juge-commissaire du 13 novembre 2006; qu'ALIZES n'ayant pas formé de recours dans les délais impartis est irrecevable à contester l'admission de cette créance; que, dès, lors, en se reconnaissant compétents pour statuer sur une demande tendant à réduire la créance en cause, les arbitres ont méconnu les règles d'ordre public qui régissent les recours contre les ordonnances du juge-commissaire en matière d'admission des créances, ainsi que le principe d'égalité des créanciers.
M. ..., ès-qualités, réplique, en substance, que le juge-commissaire n'avait aucun pouvoir d'appréciation de la créance fixée par la sentence du 22 mars 2005, qu'il n'était donc pas compétent pour connaître des contestations portant sur la remise en cause de la validité ou du montant de cette créance, lesquelles ne pouvaient être portées que devant un nouveau tribunal arbitral.
Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 100, 101 et 105 de la loi du 25 janvier 1985 et des articles 73 et 157 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985, dans leur rédaction applicable à la cause, que le représentant des créanciers établit, après avoir sollicité les observations du débiteur, la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente; que cette liste, accompagnée des propositions du représentant des créanciers et des observations du débiteur est remise au juge-commissaire, lequel statue sur la compétence de la juridiction à laquelle il appartient ou sur les créances contestées après avoir convoqué le débiteur et le créancier; que les décisions du juge-commissaire sont notifiées dans les huit jours par lettre recommandée avec demande d'avis de réception; que l'appel contre les décisions du juge-commissaire prises en matière de vérification et d'admission des créances est ouvert au créancier, au débiteur, ainsi qu'à l'administrateur et au représentant des créanciers, dans un délai de dix jours à compter de la notification; qu'en ce qui concerne les tiers, ils sont informés du dépôt au greffe de l'état des créances par une insertion au BODACC à compter de laquelle ils disposent d'un délai de quinze jours pour former une contestation soumise au juge-commissaire;
Considérant, en l'espèce, que par une sentence arbitrale définitive du 22 mars 2005, il a été jugé que la rupture prématurée du contrat d'enseigne conclu entre les parties le 21 mai 2002 pour une durée de 10 ans était imputable à la société ALIZES et que cette dernière était débitrice de la somme de 2.000.000 euros de dommages-intérêts au titre de la perte de chance d'ITM de percevoir les marges annuelles attendues jusqu'au terme de la convention, outre 1.216.339 euros de droit d'entrée différé, et diverses sommes au titre notamment de marchandises non réglées;
Considérant qu'ALIZES a été placée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de grande instance de Lure du 3 mai 2005; que par un jugement du 18 octobre 2005, le tribunal a arrêté le plan de cession de l'ensemble des actifs à une société du groupe INTERMARCHE moyennant le prix de 7.000.000 euros;
Considérant que la créance résultant de la sentence du 22 mars 2005 a été déclarée par ITM; qu'elle a été admise par le juge-commissaire suivant ordonnance du 13 novembre 2006 contradictoire à l'égard d'ALIZES; qu'ITM soutient, sans être contredit, qu'ALIZES n'a pas interjeté appel de cette décision dans les dix jours de sa notification;
Considérant que le 2 octobre 2007, M. ..., ès-qualités de liquidateur d'ALIZES, YERES et ERMIVAN a engagé une nouvelle instance arbitrale pour faire juger que le plan de cession du fonds de commerce ayant eu pour effet de 'réintégrer' le magasin sous l'enseigne INTERMARCHE, le 'maintien' de la déclaration de créance était fautif et, qu'à tout le moins, la créance indemnitaire d'ITM devait être réduite à proportion du temps pendant lequel l'établissement était effectivement resté en dehors du réseau INTERMARCHE;
Considérant que, pour se déclarer compétents à l'égard des demandes de M. ..., ès-qualités, tendant à voir statuer sur l'existence et le montant de la créance d'ITM, les arbitres retiennent, d'une part, que l'autorité de chose jugée de la sentence du 22 mars 2005 ne peut être opposée dès lors que sont allégués des faits postérieurs à cette décision qui ont 'modifié la situation antérieurement reconnue en justice', d'autre part, que l'existence de la procédure collective n'est pas de nature à affecter l'efficacité de la clause d'arbitrage;
Mais considérant que la circonstance nouvelle, alléguée par le demandeur à l'arbitrage, résulte du plan de cession arrêté par le jugement du 18 octobre 2005; que l'intéressé, qui était en mesure de s'en prévaloir dans le délai d'appel contre l'ordonnance d'admission des créances du 13 novembre 2006, a laissé expirer ce délai sans former de recours ni engager de procédure d'arbitrage; qu'il n'est donc plus recevable à remettre en cause la créance dans la procédure collective, peu important à cet égard qu'il soit intervenu volontairement devant la cour d'appel de Bourges, dans l'instance relative à cette même créance, qui oppose Système U à INTERMARCHE;
Considérant que l'instance arbitrale introduite le 2 octobre 2007 a pour objet de remettre en cause une créance dont l'admission dans la procédure collective n'est plus susceptible d'être contestée par la débitrice; que, dès lors, les dispositions de la sentence par lesquelles les arbitres se sont reconnus compétents pour statuer sur une demande portant sur 'l'existence et le montant' d'une telle créance, violent les règles d'ordre public qui régissent les recours en matière de procédures collectives; qu'il convient d'annuler ces dispositions et de constater l'incompétence du tribunal arbitral;
Sur la sentence du 31 mars 2010
Considérant qu'il y a lieu d'annuler par voie de conséquence cette sentence par laquelle les arbitres énoncent que la sentence précédente a suspendu le délai d'arbitrage jusqu'à la mise en cause du mandataire judiciaire d'ALIZES;
Sur l'article 700 du code de procédure civile
L'équité ne commande pas qu'il soit fait application de ce texte.

PAR CES MOTIFS
Ordonne la jonction des affaires enregistrées sous les numéros 09/23475 et 10/11850.
Annule la sentence rendue le 19 octobre 2009, en ce que le tribunal arbitral s'est déclaré compétent à l'égard des demandes subsidiaires de M. ..., ès- qualités, et constate l'incompétence du tribunal arbitral.
Annule par voie de conséquence la sentence du 31 mars 2010.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. ..., ès-qualités, aux dépens et admet Me ..., avoué, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

Agir sur cette sélection :

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.