Jurisprudence : CAA Lyon, 2e, 05-02-2009, n° 06LY01964



N° 06LY01964


SOCIETE PHUONG HOANG


Mme Serre, Présidente

Mme Thomas, Rapporteur

M. Gimenez, Commissaire du gouvernement


Audience du 15 janvier 2009


Lecture du 5 février 2009

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

La Cour administrative d'appel de Lyon


(2ème chambre)


Vu la requête, enregistrée le 18 septembre 2006, présentée pour la SOCIETE PHUONG HOANG, dont le siège est 28 rue Condorcet à Grenoble (38000), représentée par son gérant en exercice ;


La SOCIETE PHUONG HOANG demande à la Cour :


1°) d'annuler le jugement en date du 27 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande, enregistrée sous le n° 0203996, tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % à l'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1997, 1998 et 1999 et sa demande, enregistrée sous le n° 0203997, tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 1996 au 31 juillet 2000 ;


2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;


Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;


Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 janvier 2009 :


- le rapport de Mme Thomas, président-assesseur ;


- les observations de Me Palomares, avocat de la SARL PHUONG HOANG ;


- et les conclusions de M. Gimenez, commissaire du gouvernement ;


Considérant qu'en vertu d'une ordonnance du 20 décembre 1999 du Premier vice-président délégué par le président du Tribunal de grande instance de Grenoble, la brigade d'intervention interrégionale a procédé, dans le cadre de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, à une intervention au domicile de M. N'Guyen, gérant de la SARL PHUONG HOANG, ainsi que dans les locaux de la société qui a pour objet l'exploitation du restaurant " l'Escale de Chine " ; qu'à l'issue de cette intervention, les agents de l'administration ont saisi et emporté plusieurs documents qui ont été restitués le 27 septembre 2000 ; que la société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos les 30 septembre 1997, 1998 et 1999 et, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er octobre 1996 au 31 juillet 2000 ; qu'à la suite de ces opérations de vérification, l'administration a estimé que la comptabilité de la SARL PHUONG HOANG était irrégulière et non probante et l'a écartée, et a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires et de ses bénéfices ; que les redressements en résultant ont été notifiés selon la procédure contradictoire ; que la commission départementale des impôts de l'Isère, saisie par la société, a rendu un avis confirmant le caractère irrégulier et non probant de la comptabilité de la société ; que, par jugement en date du 27 juin 2006, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de la SARL PHUONG HOANG tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités de mauvaise foi y afférentes ; que la SOCIETE PHUONG HOANG doit être regardée comme demandant, outre l'annulation de ce jugement, la décharge des impositions litigieuses ;


Sur l'étendue du litige :


Considérant que, par décisions en date du 20 septembre 2007, le directeur de la direction de contrôle fiscal de Rhône Alpes Bourgogne a prononcé le dégrèvement des intérêts de retard, en matière d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % à l'impôt sur les sociétés au titre des années 1997 et 1998 pour les montants respectifs de 4 578 euros et 2 767 euros ; que, par décisions en date du 18 septembre 2007, il a prononcé la décharge des intérêts de retard pour les mêmes impositions au titre de l'année 1999 pour un montant de 1 370 euros ; qu'enfin par décisions du 6 septembre 2007, il a accordé la remise de 4589 euros en matière d'intérêts de retard afférents à la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de la période du 1er octobre 1996 au 30 septembre 1998 et de 1 160 euros en matière d'intérêts de retard afférents taxe sur la valeur ajoutée due au titre de la période du 1er octobre 1998 au 31 juillet 2000 ; que ces décisions étant intervenues après l'introduction de la requête, les conclusions de la SOCIETE PHUONG HOANG relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;


Sur la régularité de la procédure :


Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie (...) V. (...) Les pièces et documents saisis sont restitués à l'occupant des locaux dans les six mois de la visite ; (...) VI. L'administration des impôts ne peut opposer au contribuable les informations recueillies qu'après restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction et mise en œuvre des procédures de contrôle visées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 47 " ; qu' aux termes de l'article L. 47 du même code : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit (...) mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix (...) En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil " ;


Considérant, s'il résulte de la combinaison de ces dispositions que la procédure de visite et de saisie instituée l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales doit nécessairement être associée à la procédure de vérification concernant le même contribuable, de sorte que ces procédures qui constituent deux étapes de la procédure d'imposition, concourent à la décision d'imposition de l'intéressé qui sera prise par l'administration, ces mêmes dispositions ne font pas obligation à l'administration de ne commencer les opérations de vérification de comptabilité qu'à l'issue de la restitution des documents saisis en application de la procédure de visite et de saisie ; que, par suite, la saisie de pièces dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions précitées de l'article L. 16 B n'étant pas constitutive d'un emport de documents, nécessitant une demande expresse du contribuable lors des opérations de contrôle sur place, la SARL PHUONG HOANG n'est pas fondée à soutenir qu'en ayant commencé les opérations de vérification de comptabilité le 19 septembre 2000, alors que les documents saisis n'ont été restitués que le 27 du même mois, l'administration aurait procédé à un emport irrégulier et aurait entaché d'irrégularité la procédure d'imposition ;


Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE PHUONG HOANG a bénéficié d'un délai suffisant entre la notification de la vérification de comptabilité et le début des opérations de contrôle pour se faire assister par un conseil ; que la circonstance que les documents saisis dans le cadre de la mise en œuvre de l'article L .16 B du livre des procédures fiscales aient été restitués postérieurement au début des opérations de contrôle sur place n'a pas pu priver la société contribuable d'une garantie ; qu'il y a lieu, par suite, d'écarter le moyen tiré de ce que la SARL PHUONG HOANG n'aurait pas disposé d'un délai raisonnable pour saisir le conseil de son choix ;


Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité s'est déroulée dans les locaux de la SARL PHUONG HOANG du 19 septembre au 20 novembre 2000 ; que dès lors qu'il n'est pas établi ni même allégué que le vérificateur se serait refusé, lors de sa présence dans les locaux, à tout échange de vue avec la société, la seule circonstance que les documents saisis n'ont été restitués que le 27 septembre 2000, n'est pas de nature à établir que la SARL PHUONG HOANG aurait été privée d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;


Sur le bien fondé des impositions :


En ce qui concerne le caractère régulier et probant de la comptabilité et la charge de la preuve :


Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge. (...)" ;


Considérant que l'existence de bons d'achats de la société Viet Hung pour des produits alimentaires qui n'ont pas fait l'objet d'une facturation et dont les règlements correspondants n'étaient pas inscrits dans la comptabilité de la société et la circonstance que la SARL PHUONG HOANG, qui ne disposait pas de caisse enregistreuse, globalisait ses recettes en fin de journée et ne conservait comme justificatif de ses recettes quotidiennes que le double de notes non numérotées, rendant ainsi impossible la vérification exacte du montant des recettes, permettent d'établir que la comptabilité de la SARL PHUONG HOANG n'était pas probante et qu'elle était entachée de graves irrégularités ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration l'a écartée et a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires de la société requérante ; que les impositions ayant été établies conformément à l'avis de la commission, la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition incombe au contribuable ;


Considérant que pour opérer la reconstitution de recettes de la société, le vérificateur s'est fondé sur les bons d'achats de la société Viet Hung qui ont été trouvés chez M. N'Guyen et a comparé leur montant à celui des factures d'achat comptabilisées par la société au titre de l'exercice correspondant ; que la différence entre les deux montants a été considérée comme des achats non déclarés dont le pourcentage a ainsi été établi à 49,78 % pour l'exercice clos le 30 septembre 1999 et à 45,72 % pour l'exercice clos le 31 mars 2000 ; que la moyenne de ces pourcentages a été appliquée au reste de la période vérifiée à l'exception de la période du 1er avril au 31 juillet 2000 où a été repris le pourcentage de l'exercice précédent ; que le vérificateur a ensuite appliqué à ces montants d'achats non déclarés, le coefficient de bénéfice brut déclaré par la société pour chacun des exercices 1997, 1998 et 1999 ; qu'en outre, pour le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée en fonction de la part des ventes à emporter et des ventes sur place, le vérificateur a fait application d'une moyenne calculée à partir des exercices 1997, 1998 et 1999 ; que la société soutient que cette méthode est excessivement sommaire et radicalement viciée dans son principe au motif que l'administration ayant appliqué aux achats dissimulés un taux de bénéfice brut dégagé à partir de l'intégralité des achats de la société, eux-mêmes reconstitués d'après les bons d'achats de la seule société Viet Hung, laquelle ne fournirait que des articles d'épicerie, une telle méthode ne prend pas en compte les achats de liquide qui, s'agissant de son activité de restauration, constitue le plus fort coefficient de bénéfice de l'activité ; que la SARL PHUONG HOANG ne donne toutefois pas d'indications sur la quantité de liquides qu'elle achète et qu'elle vend pour chaque exercice, ni sur le taux de marge appliqué aux ventes de liquides ; qu'ainsi, eu égard aux éléments dont disposait le vérificateur, la SARL PHUONG HOANG n'est pas fondée à soutenir que la méthode de reconstitution adoptée par l'administration était radicalement viciée ou même excessivement sommaire ; que, par suite, la société requérante n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'exagération de ses bases d'imposition ;


Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE PHUONG HOANG n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;


DECIDE :


Article 1er : A concurrence des sommes de 4 578 euros, 2 767 euros, 1 370 euros en matière d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % à l'impôt sur les sociétés pour les années 1997, 1998 et 1999 et des sommes de 4 589 euros en matière d'intérêts de retard afférents à la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de la période du 1er octobre 1996 au 30 septembre 1998 et 1 160 euros en matière d'intérêts de retard afférents taxe sur la valeur ajoutée due au titre de la période du 1er octobre 1998 au 31 juillet 2000, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SOCIETE PHUONG HOANG.

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