Jurisprudence : CAA Bordeaux, 5e, 10-03-2008, n° 06BX00203



N° 06BX00203


ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DU PATRIMOINE ROCHELAIS


M. de Malafosse, Président

M. Labouysse, Rapporteur

M. Pouzoulet, Commissaire du gouvernement


Audience du 11 février 2008


Lecture du 10 mars 2008

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

La cour administrative d'appel de Bordeaux


(5ème Chambre)


Vu la requête, enregistrée au greffe le 31 janvier 2006, présentée pour l'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DU PATRIMOINE ROCHELAIS, représentée par son président, dont le siège social est situé au 27 rue Clément Ader à La Rochelle (17000) ;


L'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DU PATRIMOINE ROCHELAIS demande à la cour :


1°) d'annuler le jugement, en date du 8 décembre 2005, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 5 novembre 2004, par lequel le maire de La Rochelle a autorisé la SARL BSP Promotion à réaliser un groupe de 18 habitations sur un terrain sis " îlot n° 2 " dans le lotissement " Besselue Sud " ;


2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;


3°) de mettre à la charge de la commune de La Rochelle la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Elle soutient que la décision litigieuse a méconnu les dispositions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme qui n'autorise, dans les espaces proches du rivage, que les extensions limitées d'urbanisation ; que ces dispositions s'appliquent dans tous les espaces proches du littoral, sans considération de leur caractère urbanisé ; que le projet litigieux se situe dans un espace proche du littoral non urbanisé ; qu'il est situé sur une parcelle de 6 hectares vierge de toute construction ; que cette parcelle s'inscrit au sein d'un ensemble de terrains d'une superficie de plusieurs dizaines d'hectares vierge de toutes constructions ; que la ville de La Rochelle reconnaît que ce projet constitue l'amorce de développement de l'urbanisation de l'ensemble de ce secteur ; que si l'on prend en compte le second permis accordé sur l'îlot voisin du lotissement, ce sont 42 maisons et bâtiments pour une surface hors œuvre nette de 13 992 m2qui seront réalisés ; que, dans ces conditions, le projet litigieux ne constitue manifestement pas une extension limitée de l'urbanisation dans un espace proche du rivage ; que le permis est illégal en ce que les dispositions de l'article NA 14 du plan d'occupation des sols applicables au projet litigieux sont elles-mêmes illégales ; que le secteur en cause aurait dû être classé en site à protéger au sens de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme ; qu'en dehors de quelques maisons situées au nord-est du terrain d'assiette du projet, le secteur est vierge de toute construction et ne peut donc être considéré comme inséré dans une zone urbanisée ou partiellement urbanisée ; que le projet est situé dans un site remarquable ; qu'il s'agit d'un paysage caractéristique du patrimoine naturel ; que ce terrain et ceux situés aux alentours sur l'ensemble du secteur de Besselue constituent un territoire suffisamment vaste et caractéristique du paysage du littoral rochelais constitué de baies et plages de galets blancs, de falaises de calcaire blanc et de marais et plaines couvertes d'herbes folles et graminées caractéristiques des estrans locaux ; que ces terrains marquent une rupture de l'urbanisation et la limite de l'agglomération rochelaise le long du littoral ; que la ville de La Rochelle a admis le caractère remarquable du site dans son schéma directeur ; que le coefficient d'occupation des sols de 0,8 attribué au secteur " a " de la zone NA est excessif et méconnaît ainsi l'article L. 146-4-II du code de l'urbanisme ; que la circonstance que le coefficient d'occupation des sols réel ait été limité à 0,3 pour le projet en litige est sans incidence sur le constat de cette illégalité ;


Vu le jugement attaqué ;


Vu le mémoire, enregistré le 13 mars 2006, présenté pour la SARL BSP Promotion qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association requérante la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que l'arrêté d'autorisation de lotir pris le 12 novembre 2003 est devenu définitif ; que le projet litigieux se situe dans un espace proche du littoral soumis aux dispositions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ; que le projet litigieux qui porte sur la réalisation d'un ensemble de 18 pavillons d'habitations devant développer une surface hors-œuvre nette de 2 955,91 m2sur un terrain d'assiette d'une superficie de 9 200 m2doit être regardé comme une extension limitée de l'urbanisation ; que le terrain en cause se situe dans un espace déjà urbanisé ; que ce projet constitue le prolongement d'une zone dense à l'avant d'une zone universitaire peu éloignée d'un bâtiment important de huit étages pour la partie la plus haute ; que du même côté se trouve l'Hôtel du département lequel comporte quatre étages sur rez-de-chaussée pour une surface hors-œuvre nette de 17 959 m2; que ce bâtiment public est à proximité de l'îlot n° 2 sur lequel a été délivré le permis litigieux ; que, du côté opposé, sont implantés des bâtiments anciens ; qu'à l'opposé de l'océan, est implantée à une centaine de mètres environ une usine ancienne et massive d'une hauteur de 13 mètres environ ; que le terrain sur lequel porte le permis de construire litigieux est ainsi environné de constructions souvent plus hautes et parfois plus denses ; que le terrain se situe dès lors entre trois zones urbanisées, deux d'entre elles l'étant fortement, à proximité d'équipements publics structurants, dans une zone desservie par le tramway urbain ; que la réalisation dans ce secteur de 18 villas, dont une partie sera réalisée en rez-de-chaussée et l'autre plus éloignée du rivage sur un étage sans que la hauteur excède 6 mètres, constitue une extension limitée de l'urbanisation ; que le coefficient d'occupation des sols de l'opération a été limité à 0,3 ; que l'opération envisagée n'apporte pas de grandes modifications aux caractéristiques du quartier ; que les auteurs du plan d'occupation des sols n'ont commis aucune erreur manifeste d'appréciation en classant le terrain dans le secteur " a " de la zone NA, qui est principalement affecté aux extensions urbaines sous forme dominante d'habitat collectif, de hauteur moyenne, ainsi qu'aux équipements publics d'intérêt général ; que le coefficient d'occupation des sols maximum autorisé est de 0,8 ; que la zone doit être considérée comme urbanisée eu égard à la proximité immédiate de l'université, d'un bâtiment abritant les services de l'ASSEDIC et du conseil général ; que ce secteur déjà urbanisé et destiné à recevoir, à court et moyen terme, des constructions sous forme de lotissement, de groupes d'habitations ou de zones d'aménagement concerté, ne saurait être qualifié d'espace naturel remarquable ; que la zone ne présente aucun intérêt faunistique ou floristique ; que l'association requérante ne démontre pas en quoi le coefficient d'occupation des sols de 0,8 présenterait un caractère excessif ; qu'à la supposer établie, une telle illégalité ne saurait entraîner celle du permis de construire dans la mesure où la déclaration d'illégalité par voie d'exception d'un plan d'occupation des sols n'affecte pas les autorisations accordées sous l'empire de ce plan car elles n'en constituent pas des mesures d'application, sauf si l'autorisation n'a pu être délivrée qu'en fonction de la disposition réglementaire illégale ;


Vu le mémoire, enregistré le 30 mars 2006, présenté pour la commune de La Rochelle qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association requérante la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que le terrain d'assiette du projet est situé au sud du centre-ville de La Rochelle, à proximité de bâtiments universitaires, de commerces et des transports en commun ; que ce terrain est bordé au sud par l'océan, à l'ouest par le bâtiment du conseil général de la Charente-Maritime, au nord et à l'est par une voie publique desservant une zone d'habitat et d'activités dont le bâtiment abritant les services de l'ASSEDIC, un site industriel précédemment occupé par une usine, aujourd'hui désaffectée en partie et par un restaurant ; que ce terrain est situé en zone urbaine ; que le projet ne constitue pas une extension de l'urbanisation au sens des dispositions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ; qu'à supposer même qu'il s'agisse d'une extension de l'urbanisation, cette extension présente un caractère limité ; que l'opération autorisée porte sur la création de 18 habitations individuelles sur un terrain classé en secteur " a " de la zone NA principalement affectée aux extensions urbaines sous forme dominante d'habitat et qui ne présente pas d'intérêt faunistique ou floristique ; que le bâtiment du conseil général représente une surface hors œuvre nette de 17 959 m2sur un terrain d'assiette de 30 253 m², soit un coefficient d'occupation des sols de 0,6 et à une hauteur totale de 25,20 mètres ; que l'immeuble d'habitation " Porte Océane " est d'une hauteur de 35 mètres ; que l'usine est d'une hauteur moyenne se situant à 7 mètres avec des bâtiments à 13 mètres au faîtage ; que la surface hors-œuvre nette autorisée par le permis n'apparaît pas excessive ; qu'à supposer que l'on prenne en compte l'ensemble du projet tel qu'il a été autorisé le 12 septembre 2003, le coefficient d'occupation des sols serait encore de 0,3 ; que le terrain d'assiette est inclus dans une zone urbanisée qui ne peut donc constituer un espace naturel ou remarquable à protéger au sens de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme ; qu'en classant ce terrain en zone NA, la commune n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation ; que les dispositions du schéma directeur ne prévoient pas que le terrain d'assiette du projet constitue un site remarquable ; que ce schéma mentionne seulement qu'ont un caractère remarquable les dépressions de la carrière de Roux et le marais de Besselue ; que les sites de la carrière de Roux et du marais de Besselue sont distincts du site dans lequel s'inscrit le projet ; que la fixation d'un coefficient d'occupation des sols maximum de 0,8 par le plan d'occupation des sols en zone NAa n'est pas illégale ; qu'un permis de construire ne constitue pas un acte d'application du plan d'occupation des sols, de sorte que l'illégalité d'une disposition d'un plan d'occupation des sols n'entraîne pas, par elle-même, celle d'un permis de construire ; que la fixation d'un coefficient d'occupation des sols de 0,8 n'a pas permis la délivrance de l'autorisation en litige ;


Vu l'ordonnance fixant au 15 octobre 2007 la clôture de l'instruction ;


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 février 2008, présentée pour l'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DU LITTORAL ROCHELAIS ;


Vu le code de l'urbanisme ;


Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;


Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 février 2008 :


- le rapport de M. Labouysse, conseiller ;


- les observations de Me Brossier, avocat de la commune de La Rochelle ;


- les observations de Me Dunyach de la SCP Bouyssou et associés, avocat de la SARL BSP Promotion ;


- et les conclusions de M. Pouzoulet, commissaire du gouvernement ;


Considérant que, par un arrêté du 12 septembre 2003, devenu définitif, le maire de La Rochelle a autorisé la création du lotissement dénommé " Besselue Sud " par division en deux lots du terrain de 19 300 mètres carrés dont la commune de La Rochelle est propriétaire et qui est situé dans le secteur " a " de la zone NA du plan d'occupation des sols applicable dans cette commune ; que, par un arrêté du 5 novembre 2004, ledit maire a délivré à la SARL BSP Promotion un permis de construire en vue de la réalisation d'un groupe de dix-huit pavillons et de cinq bâtiments sur le terrain constituant l'îlot n° 2 dudit lotissement ; que l'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DU LITTORAL ROCHELAIS fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté le recours pour excès de pouvoir formé contre l'arrêté du 5 novembre 2004 ;


Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage (...) doit être justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. (...) " ;


Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet, qui est délimité au sud par la bande de 100 mètres de protection du littoral, est visible depuis le rivage dont il n'est séparé par aucun secteur urbanisé, et se trouve par suite inclus dans un espace proche du rivage au sens des dispositions précitées du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ; que le permis de construire accordé à la SARL BSP Promotion doit donc respecter ces dispositions et n'autoriser ainsi qu'une extension limitée de l'urbanisation ;


Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que la limite ouest du terrain d'assiette du projet litigieux, constituant l'îlot n° 2 du lotissement " Besselue Sud ", jouxte la limite est du terrain constituant l'îlot n° 1 de ce même lotissement ; que ce dernier terrain jouxte les parcelles d'implantation du bâtiment du conseil général de la Charente-Maritime et des emplacements de stationnement qui lui sont réservés, elles-mêmes situées à proximité immédiate d'une zone urbanisée où sont en particulier implantés des bâtiments universitaires, un bâtiment abritant les services de l'ASSEDIC et des constructions à usage d'habitation ; que la limite est du terrain d'assiette du projet est contiguë aux terrains supportant diverses constructions à usage d'habitation ainsi qu'un restaurant ; qu'en outre, de l'autre côté de la voie publique située à proximité du versant nord de l'îlot n° 2, se trouvaient, à la date de l'arrêté attaqué, des bâtiments d'exploitation d'une usine ; que le permis litigieux autorise sur ce terrain la réalisation d'un projet devant développer une surface hors œuvre nette de 2 955 mètres carrés sur un terrain d'assiette de 9 200 mètres carrés, ce qui correspond à un coefficient d'occupation des sols de 0,3, alors que les coefficients d'occupation des sols des terrains occupés par les bâtiments publics précités sont pour la plupart nettement supérieurs ; que, par suite, et alors même que l'arrêté du 12 septembre 2003 susvisé, autorisant le lotissement dans lequel s'inscrit le projet litigieux, permet la création d'une surface hors œuvre nette de 13 992 mètres carrés sur un terrain dont la superficie est de 19 300 mètres carrés, l'extension de l'urbanisation que le permis de construire délivré le 5 novembre 2004 implique, doit être regardée, eu égard à la densité, à l'importance et à la destination des constructions envisagées, comme présentant un caractère limité au sens des dispositions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ; que, d'autre part, le plan d'occupation des sols de La Rochelle, dont la dernière modification a été approuvée le 16 février 1999, décrit la zone NA comme regroupant des " espaces naturels non équipés et destinés à recevoir les extensions de l'urbanisation à court et moyen terme, principalement sous forme de lotissements, de groupements d'habitations et de zones d'aménagement concerté ", et précise, s'agissant du secteur " a " de cette zone, dans lequel est situé le projet litigieux, qu'il est " principalement affecté aux extensions urbaines sous forme dominante d'habitat collectif de hauteur moyenne, ainsi qu'aux équipements publics ou d'intérêt général nécessaires au développement économique et social de la commune, ou rendu nécessaires par l'urbanisation du secteur " ; que ce plan d'occupation des sols doit être ainsi regardé, ce que l'association ne conteste pas, comme motivant une extension limitée de l'urbanisation au sens des dispositions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'en délivrant le permis en litige, le maire de La Rochelle aurait méconnu ces dispositions ne peut qu'être écarté ;

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