Jurisprudence : CAA Bordeaux, 4e, 17-07-2015, n° 13BX01199

Références

Cour administrative d'appel de Bordeaux

N° 13BX01199
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre (formation à 3)
lecture du vendredi 17 juillet 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la requête enregistrée sous forme de télécopie le 29 avril 2013 et régularisée par courrier le 16 mai 2013, présentée pour la société en nom collectif Eglantine, dont le siège social est sis 20, rue de la Compagnie à Saint Denis (97400) par MeB... ; La SNC Eglantine demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n°0901060 du 28 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui ont été assignés à hauteur de 8 160 euros au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 et de l'amende qui lui a été infligée au titre de l'année 2003 pour un montant de 43 920 euros sur le fondement de l'article 1740 du code général des impôts ; 2°) de prononcer la décharge de ces impositions et de faire application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ------------------------------------------------------------------------------------------------------ Vu les autres pièces du dossier ; Vu la décision n° 2014-418 QPC du Conseil constitutionnel du 8 octobre 2014 ; Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juillet 2015 : - le rapport de Mme Catherine Monbrun, premier conseiller ; - les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ; - les observations de MeA..., pour la société Eglantine ; 1. Considérant que la SNC Eglantine fait appel du jugement du 28 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés à hauteur de 8 160 euros au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 et de l'amende qui lui a été infligée au titre de l'année 2003 pour un montant de 43 920 euros ; Sur la question prioritaire de constitutionnalité : 2. Considérant qu'aux termes de l'article 61-1 de la constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. " ; qu'aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance susvisée du 7 novembre 1958 : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel " ; que selon l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux " ; 3. Considérant que la SNC Eglantine soutient que l'article 1740, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 et dans sa version issue de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009, méconnaît les articles 2, 8 et 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et demande que cette question prioritaire de constitutionnalité soit transmise au Conseil d'Etat ; 4. Considérant que, par sa décision n° 2014-418 QPC du 8 octobre 2014, le Conseil constitutionnel, saisi par le Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société SGI devant la cour administrative de Bordeaux, a déclaré conformes à la constitution les dispositions de l'article 1756 quater du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 ; que ces dispositions sont celles applicables au présent litige ; que les dispositions de l'article 1740 du code général des impôts, issu de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005, au demeurant similaires à celles de l'article 1756 quater du code général des impôts, et celles de l'article 1740 du même code, issu de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009, sont inapplicables au présent litige ; que, par suite, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de transmission ; Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée : Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir présentée en défense : 5. Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 272 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture. " ; qu'aux termes du 4 de l'article 283 du même code : " Lorsque la facture ou le document ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services ; que dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ; 6. Considérant que l'administration a refusé de faire droit à une demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée présentée par la SNC Eglantine au motif que la facture jointe à cette demande était une fausse facture ; que la société Eglantine soutient que l'administration n'apporte pas la preuve de sa participation consciente à une fraude ; qu'il résulte, cependant, de l'instruction que le document non daté présenté par la SNC à l'appui de sa demande de remboursement est une facture pro forma d'un montant de 96 000 euros émise par la société DEM et que le président de cette société a attesté ne jamais avoir émis de facture d'un tel montant pour le compte de la SNC Eglantine ; que, de plus, l'administration avance, sans être contredite, que la SNC Eglantine s'est abstenue de verser le solde de la facture, d'encaisser le dépôt de garantie et les loyers prévus par le contrat de bail passé avec le locataire du matériel dont s'agit et qu'elle n'a pas tenté de recouvrer les sommes qui lui étaient dues ; qu'elle ajoute que la signature du contrat de mise à disposition du matériel est intervenue le 21 août 2003, avant toute vérification de l'existence du matériel, le procès-verbal de réception du matériel par le locataire ayant été signé postérieurement, le 28 août 2003 et que la société a signé les liasses fiscales validant l'existence du bien fictif et le paiement du prix facturé sans procéder à un quelconque contrôle de la livraison ; que, pour sa part, la société Eglantine se borne à soutenir que cette facture atteste par elle-même de la réalité de l'opération de livraison de biens au titre de laquelle elle est intervenue et que tant le procès-verbal de livraison du matériel que le contrat de location de ce matériel corroborent l'existence de cette opération économique ; qu'elle invoque également une ordonnance de renvoi et de non-lieu partiel du 29 août 2012 du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Saint-Denis selon laquelle la collusion entre certains fournisseurs et locataires de matériel aurait trompé sa vigilance ; qu'elle admet toutefois n'avoir prévu aucun contrôle sur les opérations de locations ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du caractère fictif de l'opération économique dont s'agit, ce que la société requérante ne pouvait ignorer ; que c'est donc à bon droit que l'administration a refusé de faire droit à la demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée procédant de la facture émise par la société DEM ; Sur l'amende fiscale : 7. Considérant qu'aux termes de l'article 1756 quater du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition 2003 en litige : " Lorsqu'il est établi qu'une personne a fourni volontairement de fausses informations ou n'a pas respecté les engagements qu'elle avait pris envers l'administration permettant d'obtenir pour autrui les avantages fiscaux prévus par les article 199 undecies A, 199 undecies B (...) elle est redevable d'une amende égale au montant de l'avantage fiscal indûment obtenu, sans préjudice des sanctions de droit commun. Il en est de même, dans le cas où un agrément n'est pas exigé, pour la personne qui s'est livrée à des agissements, manoeuvres ou dissimulations ayant conduit à la remise en cause de ces aides pour autrui " ; que l'administration a infligé à la SNC Eglantine l'amende prévue par ces dispositions, reprises à compter du 1er janvier 2006 à l'article 1740 du même code, pour un montant de 43 920 euros correspondant au montant de l'avantage fiscal que la facture fictive mentionnée au point 6 a permis d'obtenir en application des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts ; 8. Considérant, en premier lieu, que les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont applicables à la contestation de l'amende instituée par les dispositions citées ci-dessus, cette amende présentant, au sens et pour l'application de ces stipulations, le caractère d'une accusation en matière pénale ; les dispositions précitées de l'article 1756 quater du code général des impôts prévoient une amende dont le montant varie en fonction de l'avantage fiscal indûment obtenu ; que le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir l'amende, soit d'en prononcer la décharge ; que les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne l'obligent pas à procéder différemment ; qu'ainsi, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article 1756 quater du code général des impôts fondant la pénalité à laquelle elle a été assujettie devraient être écartées au motif que, faute de permettre au juge de l'impôt d'en moduler le taux, elles seraient incompatibles avec les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 9. Considérant, en deuxième lieu, qu'il appartient à l'administration, lorsqu'elle a mis en recouvrement une amende fiscale sur le fondement de ces dispositions de l'article 1756 quater du code général des impôts, d'apporter la preuve que les faits retenus à l'encontre du redevable entrent bien dans les prévisions de ces dispositions ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus au point 6 que la SNC Eglantine a participé en toute connaissance de cause, par un usage de fausse facture, à une opération fictive portant sur un investissement prétendument effectué pour un montant de 96 000 euros ; qu'en l'espèce, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve des agissements imputés à la SNC Eglantine et dont la mise en évidence conduisait nécessairement à la remise en cause des avantages fiscaux octroyés aux investisseurs liés à elle ; qu'ainsi et nonobstant la circonstance que la société requérante a déposé plainte contre les agents et intermédiaires qui participaient au montage de l'opération de défiscalisation, c'est à bon droit que l'administration a mis à sa charge l'amende prévue par les dispositions précitées du code général des impôts ; 10. Considérant, en troisième lieu, que si le principe selon lequel la loi pénale nouvelle doit, lorsqu'elle prononce des peines moins sévères que la loi ancienne, s'appliquer aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée, s'étend à l'amende prévue à l'article 1756 quater du code général des impôts, il ne saurait être utilement invoqué dès lors que les dispositions relatives à cette sanction, transférées par l'article 23 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 à l'article 1740 du code général des impôts prévoient " une amende égale au montant de l'avantage fiscal indûment obtenu " dans les cas où des agissements, manoeuvres ou dissimulations ont conduit à la reprise des avantages fiscaux et n'instaurent pas une sanction plus douce ; 11. Considérant, en dernier lieu, que, contrairement à ce que soutient la SNC Eglantine, la circonstance que le vice-président chargé de l'instruction du tribunal de grande instance de Saint-Denis ait, par une ordonnance du 28 août 2012, décidé de renvoyer devant le tribunal correctionnel diverses personnes dont M.D..., apporteur d'affaires, et M.C..., dirigeant de la société Elibat, locataire du matériel litigieux, ne saurait établir que le montage frauduleux dont s'agit aurait été réalisé à l'insu de la SNC Eglantine ; que cette dernière ne saurait par suite, et en tout état de cause, valablement soutenir qu'en mettant à sa charge l'amende litigieuse, l'administration aurait porté atteinte au principe de sécurité juridique ; 12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SNC Eglantine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande tendant à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée et de l'amende fiscale auxquels elle a été assujettie ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; DECIDEArticle 1er : La requête de la SNC Eglantine est rejetée.--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------''''''''5N° 13BX01199


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