Jurisprudence : CAA Bordeaux, 2e, 02-06-2015, n° 13BX01792

CAA Bordeaux, 2e, 02-06-2015, n° 13BX01792

A3738NQI

Référence

CAA Bordeaux, 2e, 02-06-2015, n° 13BX01792. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/26246336-caa-bordeaux-2e-02062015-n-13bx01792
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Références

Cour administrative d'appel de Bordeaux

N° 13BX01792
Inédit au recueil Lebon
2ème chambre (formation à 3)
lecture du mardi 02 juin 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la requête sommaire, enregistrée le 2 juillet 2013 et le mémoire complémentaire, enregistré le 18 juillet, présentés pour Mme A...C..., épouseD..., demeurant..., par Me B...;

Mme D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200913 du 20 juin 2013 du tribunal administratif de Limoges, en tant qu'il a condamné l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une indemnité d'un montant qu'elle estime insuffisant en réparation des préjudices subis du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C imputable à une transfusion de produits sanguins ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser une indemnité de 70 996,63 euros ou, subsidiairement, la somme figurant à l'offre partielle d'indemnisation et les intérêts de droit sur celle-ci à compter du 15 mai 2012, ainsi que la somme de 39 396,63 euros ou, très subsidiairement, de faire procéder à une expertise médicale ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mai 2015 :

- le rapport de M. Bernard Leplat ;
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;


1. Considérant qu'à l'occasion de l'accouchement par césarienne de MmeD..., le 17 juillet 1985 dans une clinique privée de Brive-la-Gaillarde, une transfusion de produits sanguins a été pratiquée ; qu'un bilan sanguin effectué le 24 décembre 2002 a révélé qu'elle était atteinte d'une hépatite C, génotype I ; qu'elle a, alors, subi du 11 mars 2003 au 11 mars 2004, un premier traitement antiviral, puis un second traitement, de novembre 2005 à juin 2007, qui a permis la négativation de l'ARN du virus de l'hépatite C (VHC) ; que Mme D... a été déclarée guérie de son hépatite C le 4 janvier 2008 ; que ce diagnostic de guérison a été confirmé par un examen post-thérapeutique réalisé en mars 2009 ; qu'imputant l'apparition de cette hépatite à la transfusion sanguine qu'elle avait subie en 1985, Mme D...a adressé, le 12 juillet 2010, une demande d'indemnisation à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ; que par décision du 14 mars 2012, le directeur de l'ONIAM lui a proposé une offre d'indemnisation de ses préjudices résultant des souffrances endurées, d'une part et du déficit fonctionnel temporaire total puis partiel, d'autre part, pour un montant de 8 324 euros ; qu'il a refusé, par cette décision, le dossier dont il avait accusé réception le 17 novembre 2010 n'étant pas complet à cet égard, l'indemnisation des autres préjudices invoqués ; qu'après avoir formé, le 16 avril 2012 auprès du directeur de l'ONIAM, un recours gracieux contre cette décision et que celui-ci eut été rejeté le 8 juin 2012, MmeD..., a saisi le tribunal administratif de Limoges d'une demande, enregistrée le 16 juin 2012, tendant, dans le dernier état de ses écritures, à la condamnation de l'ONIAM à lui verser une indemnité de 70 996,63 euros en réparation des préjudices subis du fait de sa contamination par le VHC ; que, par jugement du 20 juin 2013, le tribunal a condamné l'ONIAM à lui verser une indemnité de 4 000 euros et a rejeté le surplus de sa demande, ainsi que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Corrèze tendant à la condamnation de l'établissement français du sang (EFS) à lui verser une somme correspondant aux dépenses engagées pour son assurée du fait de sa contamination ; que Mme D...relève appel de ce jugement, dont l'ONIAM demande, par la voie de l'appel incident, la réformation et dont la CPAM de la Corrèze demande l'annulation ;
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme D...a reçu trois culots globulaires à l'occasion de son accouchement par césarienne le 17 janvier 1985 ; qu'une enquête transfusionnelle a permis d'établir qu'un donneur à l'origine d'un des produits transfusés, identifié à l'occasion d'un don ultérieur, était porteur du VHC ; que l'origine transfusionnelle de la contamination de Mme D...et, par suite, l'obligation d'indemnisation de l'ONIAM, n'ont été contestées, ni en première instance ni en appel ;
Sur les conclusions de MmeD... :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
3. Considérant que, pour rejeter la demande de Mme D...comme tardive et par suite irrecevable, en tant qu'elle portait sur les préjudices dont l'indemnisation était proposée par la décision du 14 mars 2012 du directeur de l'ONIAM, le tribunal a indiqué qu'il résultait des articles L. 1221-14, et L. 1142-17, du code de la santé publique que la décision par laquelle l'ONIAM propose une offre d'indemnisation ou rejette la demande de la victime d'une telle contamination doit être regardée comme ayant pour effet de mettre un terme à la procédure amiable instituée par les dispositions du code de la santé publique ; qu'il a estimé qu'eu égard au caractère particulier de cette procédure amiable, confiée à une autorité administrative dotée de compétences spécialisées et disposant pouvoirs particuliers d'investigation, ces dispositions doivent être regardées comme ayant entendu exclure, après notification de la décision de l'ONIAM se prononçant sur la demande d'indemnisation dont il a été saisi, l'exercice d'un recours administratif dirigé contre cette décision susceptible de conserver les délais de recours contentieux ; qu'il a, ainsi, jugé que le recours gracieux susmentionné du 16 avril 2012 n'avait pas pu conserver à Mme D...le délai de recours contentieux, qui était expiré à la date de l'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal, plus de deux mois après la notification, comportant l'indication des voies et délais de recours contentieux, du refus explicite du directeur de l'ONIAM de l'indemniser de certains chefs de préjudice ; qu'il en a déduit, qu'en application des articles R. 421-1, R. 421-3 et R. 421- 5 du code de justice administrative, les conclusions de sa demande relatives à l'indemnisation de ces chefs de préjudice ne pouvaient qu'être rejetées ;
4. Considérant, en premier lieu, que les articles L. 1142-4 à L. 1142-8 et R. 1142-13 à R. 1142-18 du code de la santé publique organisent une procédure de règlement amiable en cas d'accidents médicaux, d'affections iatrogènes ou d'infections nosocomiales, qui permet à toute personne qui estime avoir été victime d'un tel fait de saisir une commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) ; que lorsque, comme c'est le cas pour les victimes d'une contamination transfusionnelle par le VHC, les préjudices sont réparés au titre de la solidarité nationale, la charge de l'indemnisation incombe à l'ONIAM, établissement public à caractère administratif de l'Etat créé par l'article L. 1142-22 de ce code ; que la victime dispose, aux termes des articles L. 1142-14 et L. 1142-20 du même code, du droit d'agir en justice contre l'assureur de l'EFS ou contre l'office devant la juridiction compétente selon la nature du fait générateur du dommage si aucune offre ne lui a été présentée ou si elle n'a pas accepté l'offre qui lui a été faite ; que l'article L. 1142-8 du code dispose que l'avis d'une CRCI " ne peut être contesté qu'à l'occasion de l'action en indemnisation introduite devant la juridiction compétente par la victime (...) " ; qu'il en résulte que cette procédure fait obstacle, lorsqu'elle a donné lieu à un avis de la CRCI, à ce que la décision rejetant la demande d'indemnisation puisse faire l'objet d'un recours administratif conservant le délai de recours contentieux ;
5. Considérant toutefois qu'il ressort de l'ensemble de ces dispositions que les CRCI, dont la saisine est dépourvue de caractère obligatoire et dont les avis ne lient pas l'ONIAM, sont des commissions administratives dont la mission est de faciliter, par des mesures préparatoires, un éventuel règlement amiable des litiges relatifs à des accidents médicaux, des affections iatrogènes ou des infections nosocomiales ; que le recours à cette procédure par la victime n'est pas exclusif de la saisine du juge compétent d'une action en indemnisation, saisine qui peut intervenir à l'initiative de la victime avant l'engagement de la procédure, pendant celle-ci ou après l'échec de la tentative de règlement amiable ;
6. Considérant que, dans ces conditions, rien ne faisait obstacle à ce que Mme D... puisse, comme elle l'a fait, présenter directement au directeur de l'ONIAM une demande d'indemnisation et saisir le tribunal administratif, sans engager la procédure de règlement amiable et sans que la CRCI eut émis un avis ; que dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision du 14 mars 2012 du directeur de l'ONIAM avait eu pour effet de mettre un terme à la procédure amiable et qu'il s'en suivait qu'aucun recours administratif ne pouvait avoir suspendu le délai de recours contentieux qui avait commencé à courir à compter de la notification de cette décision ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions des articles L. 1221-14 et R. 1221-69 à R. 1221-78 du code de la santé publique fixent les conditions dans lesquelles sont présentées et instruites les demandes d'indemnisation, par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, de préjudices subis du fait d'une contamination transfusionnelle par le VHC, ainsi que celles dans lesquelles il est statué sur ces demandes ; qu'elles prévoient notamment que le directeur de l'office peut, s'il y a lieu, diligenter une expertise et qu'il dispose d'un délai de six mois à compter du jour où l'office reçoit la justification complète des préjudices pour prendre une décision ; qu'elles se bornent, en ce qui concerne les recours contentieux dont une telle décision peut faire l'objet, à renvoyer aux dispositions du code de justice administrative relatives à la détermination du tribunal administratif territorialement compétent ;
8. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, l'ONIAM assure l'indemnisation des victimes d'une contamination transfusionnelle par le VHC au titre de la solidarité nationale ; qu'ainsi, les décisions de son directeur ne sont pas au nombre de celles par lesquelles le représentant de la personne responsable du dommage statue sur des demandes de réparation de celui-ci et qui n'ont pas d'autre objet que de faire naître la décision préalable exigée pour saisir le tribunal administratif ; que si les dispositions mentionnées au point précédent organisent la procédure selon laquelle le directeur de l'ONIAM statue et si celle-ci comporte un délai spécial, ainsi que la possibilité de diligenter une expertise contradictoire, ces particularités, qui n'ont notamment pas pour objet ou pour effet de permettre à l'intéressé de présenter en toute hypothèse ses observations préalablement à la décision, ne suffisent pas à écarter le principe général selon lequel toute personne a le droit d'adresser un recours gracieux ou hiérarchique qui a pour effet de conserver le délai du recours contentieux ; que, dès lors, c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur les particularités de la procédure pour estimer que son recours administratif ne pouvait avoir suspendu le délai de recours contentieux au profit de MmeD... ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu de l'article R. 421-1 et du 1° de l'article R. 421-3 du code de justice administrative, la personne qui a saisi une personne publique d'une demande d'indemnisation et qui s'est vu notifier une décision expresse de rejet dispose d'un délai de deux mois à compter de cette notification pour saisir le tribunal administratif ; que conformément aux dispositions de l'article R. 421-5, ce délai n'est toutefois opposable qu'à la condition d'avoir été mentionné, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ; que ce délai se trouve suspendu, conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 1142-7 du code de la santé publique, par la saisine de la CRCI ; que, dès lors et sauf lorsque la CRCI a rendu et notifié son avis avant ce rejet, la notification de la décision rejetant la demande d'indemnisation doit indiquer, non seulement que le tribunal administratif peut être saisi dans le délai de deux mois mais aussi que ce délai est suspendu en cas de saisine de la CRCI ; que la notification ne fait pas courir le délai si elle ne comporte pas cette double indication ;
10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la notification de la décision du 14 mars 2012 du directeur de l'ONIAM, si elle indiquait le délai dans lequel le tribunal administratif de Limoges pouvait être saisi, ne comportait pas l'indication de ce que Mme D... pouvait saisir la CRCI, installée et fonctionnant effectivement à la date de cette notification ; qu'ainsi et en admettant même que la décision du directeur de l'ONIAM devrait être assimilée à celles ne pouvant pas faire l'objet d'un recours administratif ayant pour effet de conserver le délai du recours contentieux, ce serait, en tout état de cause, à tort que les premiers juges ont regardé ce délai comme ayant commencé à courir ;
1
1. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté comme tardives et par suite irrecevables, les conclusions de sa demande portant sur ses préjudices résultant des souffrances endurées, d'une part et du déficit fonctionnel temporaire total puis partiel, d'autre part, dont l'indemnisation faisait l'objet de la décision du 14 mars 2012 du directeur de l'ONIAM ;
12. Considérant qu'il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par voie d'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête ;
En ce qui concerne l'indemnisation de MmeD... :
Quant aux préjudices personnels :
13. Considérant que Mme D...demande la condamnation de l'ONIAM à lui verser la somme de 31 600 euros au titre de l'indemnisation du préjudice résultant de son déficit fonctionnel temporaire total puis partiel et de celui résultant des souffrances endurées ;

Article, L376-1, CSS Article, L454-1, CSS Article, L1142-1-1, C. santé publ. Article, L3122-1, C. santé publ. Article, L1142-28, C. santé publ. Article, L1142-7, C. santé publ. Article, L1142-20, C. santé publ. Article, L1221-14, C. santé publ. Article, L3111-9, C. santé publ. Article, L1142-22, C. santé publ. Article, L1142-4 à L1142-8, C. santé publ. Article, R1142-13 à R1142-18, C. santé publ. Article, L1142-14, C. santé publ. Loi, 2012-1404, 17-12-2012, CJA Article, R1221-69 à R1221-78, C. santé publ. Infections nosocomiales Produit sanguin Expertise Virus de l'hépatite Directeur Souffrances physiques et morales Versement d'une indemnité en réparation des préjudices Produits transfusés Origine transfusionnelle Demande de la victime Victime d'une contamination Pouvoir d'investigation Demandes d'indemnisation des préjudices Conservation du délai de recours contentieux Enregistrement au greffe Réglement amiable Accidents médicaux Commission régionale de conciliation et d'indemnisation Contaminations transfusionnelles Établissement public à caractère administratif de l'etat Fait générateur Acceptation de l'offre Mesure préparatoire Suspension du délai de recours Personnes responsables du dommage Décision préalable Décision expresse de rejet Délais opposables Notification d'un avis Course du délai de recours contentieux Indication d'un délai Effet dévolutif de l'appel Déficits subis Taux plein Perte de revenus Lien direct Certificat médical Occupation de l'emploi Offre d'emploi Vie professionnelle Action subrogatoire Établissement de l'existence d'une faute Contrôle de sécurité Loi de finances Établissement public Établissement de transfusion sanguine Couverture de l'assurance Travaux préparatoires Centre de transfusion sanguine Étendue de l'obligation Souscription d'un contrat d'assurance Recours subrogatoires Dommage corporel Exercice d'un recours administratif Point de départ du délai de recours contentieux Soins médicaux Droits des malades Système de santé Prescription décennale Responsabilité médicale Conséquences des actes médicaux Réparation d'un préjudice Vaccination obligatoire Prescription des créances sur l'etat Politique de santé publique Personnalité morale Médicaments dérivés du sang Établissements dotés d'un comptable public Élaboration des produits Délai de la prescription quadriennale Demande de remboursement Surveillance médicale Établissement de l'existence d'un lien Dépenses de santé Indemnités journalières

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