Jurisprudence : CA Paris, 2, 5, 05-05-2015, n° 12/18391, Confirmation

CA Paris, 2, 5, 05-05-2015, n° 12/18391, Confirmation

A9036NH7

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Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE aux parties le AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 2 - Chambre 5
ARRÊT DU 05 MAI 2015 (n°2015/, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 12/18391
Décision déférée à la Cour Jugement du 25 Septembre 2012 -Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 11/15947

APPELANTE
SA AXA FRANCE VIE NANTERRE
Représentée par Me Patrick BETTAN de la SELARL DES DEUX PALAIS, avocat au barreau de PARIS, toque L0078
Assistée par Me Christophe BOURDEL de la SCP GRANRUT Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque P0014
INTIMÉ
Monsieur Etienne Y

CASSIS
Représenté par Me Hélène FERON-POLONI de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, toque L0187

COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 Mars 2015, en audience publique, devant la Cour composée de
Madame Catherine LE FRANÇOIS, Présidente de chambre
Monsieur Christian BYK, Conseiller entendu en son rapport
Mme Patricia LEFEVRE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats Madame Aouali BENNABI
ARRÊT
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine LE FRANÇOIS, présidente et par Madame Aouali BENNABI, greffier présent lors de la mise à disposition.

Le 12 octobre 1998, Monsieur Etienne Y a adhéré auprès de la société AXA FRANCE VIE à un contrat d'assurance vie PATRIMOINE AXIVA sur lequel il a investi la somme de 5.000.000 francs, soit 762.245,08 euros.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 septembre 2011, il s'est prévalu de la faculté de renoncer au contrat dans la mesure où les prescriptions du code des assurances relatives à l'obligation pré-contractuelle d'information n'auraient pas été respectées.

La société AXA FRANCE VIE ayant refusé de lui restituer les sommes investies, par acte du 2 novembre 2011, il l' a assignée à cette fin devant le Tribunal de grande instance de PARIS, qui, par jugement du 25 septembre 2012, a condamné celle-ci à lui payer une somme de 762.245,08 euros, avec intérêts taux légal majoré de moitié depuis le 29 octobre 2011 et au taux légal doublé depuis le 20 décembre 2011 et capitalisation annuelle des intérêts, outre une somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 15 octobre 2012, la société AXA FRANCE VIE a interjeté appel de cette décision et, par dernières conclusions du 10 février 2015, elle sollicite l'infirmation du jugement et la condamnation de Monsieur Y à lui payer à titre de dommages-intérêts la différence entre les montants réglés au titre de l'exécution provisoire et la valeur de rachat du contrat à la date du règlement, soit 417.681,91 euros, ainsi que la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures du 10 février 2015, Monsieur Y demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner l'appelante à lui payer une somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ainsi qu'une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 mars 2015.

CE SUR QUOI, LA COUR
Sur l'obligation pré-contractuelle d'information
Considérant qu'au soutien de son appel, la société AXA FRANCE VIE avance que Monsieur Y a été destinataire de deux documents distincts, à savoir les conditions générales et la demande d'adhésion, conformément aux dispositions des articles L.132-5-1 et suivants du code des assurances, et ajoute que l'appelant s'est également vu remettre des conditions générales, qu'il a expressément reconnu les avoir reçues et qu'elles comprennent toutes les informations prévues par les dispositions légales ;
Considérant que Monsieur Y répond qu'il n'a jamais reçu la note d'information et qu'aucun élément contenu dans le procès verbal communiqué ne permet d'affirmer que l'huissier a personnellement constaté qu'un courrier, qui lui était destiné, a bien été expédié par la poste et que, selon l'article L.132-5-1, pour que la remise de la note d'information puisse être considérée comme étant effective, il est nécessaire que l'assureur recueille un récépissé du souscripteur de sorte qu'en l'absence de récépissé, la société AXA FRANCE VIE ne peut opposer à Monsieur Y l'envoi allégué d'une note d'information ;
Qu'il ajoute qu'en lui remettant un document intitulé " conditions générales valant note d'information ", la société AXA FRANCE VIE ne lui a pour autant pas remis la note d'information visée à l'article L.132-5-1 du code des assurances dans la mesure où, d'une part, la note d'information est un document distinct, qui ne comprend que les dispositions essentielles du contrat, lesquelles dispositions sont énumérées à l'article A.132-4 du code des assurances, et, d'autre part, par ce que ces conditions générales ne comportent pas les informations exigées telles que l'indication des frais et indemnités de rachat prélevés par l'entreprise d'assurance, l'énumération des valeurs de référence et nature des actifs entrant dans leur composition, l'indication du taux d'intérêt garanti et la durée de cette garantie, l'indication des garanties de fidélités, des valeurs de réduction, ou l'indication du mécanisme de calcul ainsi que des valeurs minimales, l'indication des modalités de calcul et d'attribution de la participation aux bénéfices, l'indication des valeurs de rachat au terme de chacune des 8 premières années au moins, ainsi que l'indication des modalités et délai de renonciation au contrat ;
Qu'il avance, enfin, qu'en s'abstenant de faire figurer un projet de lettre de renonciation dans la proposition de souscription, la société AXA FRANCE VIE a violé les dispositions impératives de l'article L.132-5-1 du code des assurances ;
Considérant que la note d'information, qui doit être remise au futur souscripteur, constitue un document distinct des conditions générales et que sa remise ne peut être réalisée via des 'conditions générales valant note d'information', qu'en effet, celles-ci contiennent en l'espèce, d'une part, des éléments qui vont au-delà des dispositions essentielles exigées par les articles L 132-5-1 et A 132-4 du code des assurances, créant une confusion dans les informations données et, d'autre part, elles ne renferment pas certains informations exigées par l'article A 132-4 précité telles que, notamment, l'énumération des valeurs de référence et la nature des actifs entrant dans leur composition ou l'indication des valeurs de rachat au terme de chacune des huit premières années au moins ;
Qu'en outre, il n'a pas été communiqué à M.YY le modèle de lettre de renonciation devant figurer sur la proposition d'assurance ;
Qu'enfin la 'régularisation' par la remise d'une note d'information par l'assureur le 23 juillet 2007 à M.YY n'est pas établi dès lors que, dans son procès-verbal, l'huissier n'a pas relevé que M.YY était personnellement destinataire de cette note et que, faute d'adressage par lettre recommandée avec accusé de réception, AXA ne justifie pas du récépissé qui établirait, conformément aux dispositions légales, cette remise à son assuré ;
Qu'il s'ensuit que l'assureur n'ayant pas satisfait à ses obligations, le délai de 30 jours ouvert à M. Y pour exercer sa faculté de renoncer n'a pas commencé à courir ;
Sur l'application du principe de l'estoppel
Considérant qu'AXA estime que Monsieur Y ne peut aujourd'hui adopter un comportement diamétralement opposé à celui qu'il a montré depuis son adhésion en tentant artificiellement, par le biais de l'exercice du droit de renonciation, de mettre à sa charge la moins value dégagée par son contrat et en refusant d'assumer les choix de gestion qu'il a librement effectués ;
Considérant que Monsieur Y répond que le principe de l'estoppel est inapplicable, ses critères n'étant pas réunis en l'espèce ;
Considérant que la seule circonstance qu'une partie se contredise au détriment d'autrui n'emporte pas nécessairement application du principe de l'estoppel, qu'un changement de position procédurale suppose, en effet, l'existence de procédures de même nature, fondées sur les mêmes conventions et opposant les mêmes parties ;
Qu'en l'espèce, ne remplit pas ces critères le fait pour M. Y d'avoir, selon l'assureur, mis en oeuvre son contrat en exerçant à de multiples reprises des arbitrages en connaissance des risques et en ayant à la suite exercé sa faculté de renoncer pour, selon AXA, faire supporter à l'assureur l'entièreté du risque financier lié à la dépréciation de son investissement en raison des dits arbitrages ;
Qu'en effet, il n'y a dans cette attitude aucune contradiction procédurale dès lors que l'assuré, pour les raisons rappelées ci-dessus, n'a pas successivement pris deux attitudes contraires mais exercé, dans son intérêt, une faculté, dont l'exercice lui restait discrétionnairement ouvert en raison des manquements de l'assureur à ses obligations ;
Sur l'abus de droit
Considérant qu'AXA fait valoir que le seul fait que la renonciation soit une "sanction civile attachée aux conditions initiales de négociation du contrat" ne saurait faire obstacle à la sanction d'un comportement malicieux sur le fondement de l'abus de droit et que, dès lors que ce droit de renonciation est exercé en fonction de son "opportunité", il est détourné de sa finalité et fait l'objet d'un exercice abusif et en conclut que Monsieur Y ayant ainsi user de son droit de renonciation au moment le plus "opportun", celui-ci a commis un abus de droit ;
Considérant que M. Y répond qu'il est bien fondé à renoncer au contrat d'assurance vie souscrit puisque la faculté de renonciation est un droit discrétionnaire et qu'il est également impossible de renoncer à celui-ci ;
Considérant que l'assuré, qui dispose à cet égard d'un droit discrétionnaire, ne commet aucun abus de droit en exerçant au moment de son choix la faculté de renoncer au contrat, dont la prorogation lui était ouverte en application des dispositions de l'article L 132-5-1 du code des assurances ;
Sur la mauvaise foi de M. Y
Considérant que l'assureur avance qu'en application de la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014, l'article L 132-5-2 alinéa 6 modifié du code des assurances, en vigueur depuis le 1er janvier 2015, dispose que seul l'assuré de bonne foi peut exercer la faculté de renoncer, ce qui n'est pas le cas de M. Y, qui est un gros investisseur averti profitant d'irrégularités formelles pour faire supporter ses pertes par l'assureur ;
Mais considérant que ces dispositions nouvelles, qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 2015, ne sauraient être appliquées à l'exercice d'une faculté de renonciation adressée le 29 septembre 2011 à l'assureur conformément aux dispositions de l'article L 132-5-1 du code des assurances alors applicables en l'espèce ;
Sur l'allocation de dommages-intérêts pour résistance abusive
Considérant que M. Y estime que, faute d'avoir procédé à la restitution de l'intégralité des sommes versées au titre du contrat d'assurance vie suite à la renonciation et, eu égard aux différentes violations de son obligation pré-contractuelle d'information, la société AXA FRANCE VIE a résisté de manière abusive ;
Considérant que la société AXA FRANCE VIE répond que la défense à une action en justice ne dégénère en abus que si elle constitue un acte de malice ou de mauvaise foi et, qu'en l'espèce, non seulement elle ne s'est pas rendue coupable d'un tel comportement mais elle a parfaitement respecté ses obligations légales et contractuelles puisque Monsieur Y a reçu toutes les informations exigées par les dispositions du code des assurances et que c'est en toute bonne foi, avec l'accord de son autorité de tutelle, et non dans l'idée de priver le preneur d'assurance de certaines informations, qu'elle a remis à Monsieur Y des conditions générales valant note d'information ;
Considérant que M. Y n'établissant pas l'existence d'une faute distincte commise par AXA dans son droit à se défendre et ester en justice, qu'il sera débouté de sa demande ;
Sur les frais irrépétibles
Considérant que l'équité commande de condamner AXA à payer la somme de 5 000 euros à M. Y, qu'en revanche, il n' y a pas lieu de faire droit à la demande de l'assureur de ce chef ;

PAR CES MOTIFS
Statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré et, y ajoutant,
Déboute la société AXA FRANCE VIE de sa demande au titre de la mauvaise foi ainsi que de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne à payer la somme de 5 000 euros à M. Y ainsi que les dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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