Jurisprudence : Cass. soc., 12-05-2015, n° 14-10.509, FS-P+B, Cassation

Cass. soc., 12-05-2015, n° 14-10.509, FS-P+B, Cassation

A8699NHN

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Cass. soc., 12-05-2015, n° 14-10.509, FS-P+B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/24438528-cass-soc-12052015-n-1410509-fsp-b-cassation
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Abstract

Les salariés à temps partiel dans l'entreprise bénéficient d'un principe d'égalité de traitement avec les salariés à temps complet qui ne connaît que de rares exceptions liées, pour l'essentiel, à la rémunération qui reste proportionnelle au temps de travail. Sauf accord collectif prévoyant, sans discrimination, un autre mode d'acquisition et de décompte des droits à congés payés annuels en jours ouvrés, le décompte des droits à absence en jours ouvrés au titre des congés payés annuels, ne peut se faire au profit des salariés à temps partiel que sur les jours habituellement ouvrés dans l'établissement, et non sur les seuls jours ouvrés qui auraient été travaillés par le salarié concerné, s'il avait été présent Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 12 mai 2015 (Cass. soc., 12 mai 2015, n° 14-10.509, FS-P+B).



SOC. MF
COUR DE CASSATION
Audience publique du 12 mai 2015
Cassation
M. FROUIN, président
Arrêt no 890 FS-P+B
Pourvoi no N 14-10.509
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Z Z, domiciliée Lacanau,
contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2013 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Air France, société anonyme, dont le siège est Mérignac,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 9 avril 2015, où étaient présents M. Frouin, président, M. Flores, conseiller référendaire rapporteur, M. Chollet, conseiller doyen, MM. Mallard, Ballouhey, Mmes Goasguen, Aubert-Monpeyssen, Schmeitzky-Lhuillery, conseillers, Mme Ducloz, MM. David, Belfanti, Mme Ala, conseillers référendaires, Mme Courcol-Bouchard, avocat général, Mme Becker, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Flores, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme Z, de Me Le Prado, avocat de la société Air France, l'avis de Mme Courcol-Bouchard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Vu les articles L. 3123-11 du code du travail, 2.1 et 2.4.1 de la convention d'entreprise du personnel au sol de la société Air France du 18 avril 2006 ;
Attendu, d'abord, qu'aux termes du deuxième de ces textes, il est attribué au personnel en service en France vingt-cinq jours ouvrés de congé annuel pour chaque exercice ; que selon le dernier de ces textes, par jour ouvré il faut entendre tous les jours de la semaine, à l'exception des samedis, dimanches et jours fériés légaux ne coïncidant pas avec un samedi ou un dimanche ;
Attendu, ensuite, que sauf accord collectif prévoyant sans discrimination un autre mode d'acquisition et de décompte des droits à congés payés annuels en jours ouvrés, le décompte des droits à absence en jours ouvrés au titre des congés payés annuels, ne peut se faire au profit des salariés à temps partiel que sur les jours habituellement ouvrés dans l'établissement, et non sur les seuls jours ouvrés qui auraient été travaillés par le salarié concerné, s'il avait été présent ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Soc., 12 septembre 2012, no 11-20.386), que Mme Z, agent d'escale commercial à temps partiel de la société Air France, a saisi la juridiction prud'homale pour contester le décompte des jours de congés payés appliqué par l'employeur et réclamer l'octroi des jours qu'elle estimait lui être dus ;

Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes l'arrêt retient que celle-ci a été remplie de ses droits et que la méthode de calcul retenue par l'employeur conformément à la convention collective du transport aérien personnel au sol permet d'assurer une égalité de traitement à temps partiel et à temps complet ;

Qu'en statuant ainsi, en validant le décompte opéré par l'employeur au regard de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien du 22 mai 1959 qui détermine les droits à congés payés en jours ouvrables, alors que les dispositions de l'accord d'entreprise du personnel au sol de la société Air France, qui fixe en jours ouvrés le mode de calcul des congés payés, s'appliquaient de la même façon à tous les salariés sous contrat de travail de droit français de la société Air France appartenant au personnel au sol, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne la société Air France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Air France et condamne celle-ci à payer à Mme Z la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme Z.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR DÉBOUTE Madame Z de ses demandes de condamnation de la société Air France à lui payer une certaine somme au titre des jours de congés payés restant dus au titre de l'année 2008, et à la rétablir dans ses droits à congés au titre des années 2009 et 2010 avec les rappels de salaire correspondant ;
AUX MOTIFS QUE selon l'article L.3141-3 du code du travail, les jours de congés se calculent et se décomptent en jours ouvrables. C'est-à-dire du lundi au samedi inclus (6 jours ouvrables). Néanmoins, les conventions collectives peuvent choisir de calculer en termes de jours ouvrés, mais à la condition que le régime alors applicable ne soit pas moins favorable que celui légalement prévu. Il s'agit des jours pendant lesquels l'entreprise est ouverte ou fonctionne, ce qui correspond, de manière générale, à cinq jours ouvrés. Aux termes de l'article L.3123-11 du code du travail, le salarié à temps partiel bénéficie des droits reconnus au salarié à temps complet par la loi, les conventions et les accords collectifs d'entreprise ou d'établissement sous réserve, en ce qui concerne les droits conventionnels, de modalités spécifiques prévues par une convention ou un accord collectif de travail. Il ressort des pièces fournies par les parties qu'avant le 6 mai 2006, le personnel de la société Air France, société du secteur public, était soumis à un statut spécifique. En raison de cette privatisation, Air France est devenue une entreprise soumise au régime des conventions collectives, c'est ainsi qu'à compter du 6 mai 2006 la convention collective nationale du transport aérien personnel au sol, s'est appliquée au personnel d'Air France.
Le statut réglementaire du personnel d'Air France a été transposé dans l'accord d'entreprise dénommé "convention d'entreprise du personnel au sol". Sauf les dispositions contraires à la convention collective nationale du transport aérien personnel au sol. Si les droits à congé pour tous les salariés (temps complet, temps partiel) ont été transposés à l'article 2 de la convention d'entreprise du personnel au sol intitulé congés annuels "il est attribué au personnel au sol en service en France 25 jours ouvrés de congé annuel pour chaque exercice. Les droits à congés sont les mêmes pour les salariés à temps complet et à temps partiel". En revanche, la règle régissant antérieurement le décompte des congés pour le personnel à temps partiel, s'étant avérée contraire à la convention collective nationale du transport aérien personnel au sol, n'a pas été reprise dans l'accord d'entreprise. La société Air France indique avoir appliqué la convention collective nationale du transport aérien personnel au sol, désormais seule applicable pour décompter les congés pour le personnel à temps partiel qui en son article 24 h) précise "en terme d'acquisition les congés payés sont les mêmes pour les salariés à temps partiel que pour ceux à temps plein ; la consommation en revanche se fait selon la règle suivante liée au nombre de jours contractuellement travaillés par semaine 1 jour pris = 1 x 6/nombre de jours travaillés". Madame Z, travailleur à temps partiel, ne conteste pas avoir pu bénéficier en 2008 de 25 jours ouvrés de congés annuels, conformément à l'article 2 de la convention précitée mais conteste la méthode de calcul utilisée par son employeur. En faisant valoir qu'elle aurait pu obtenir 12 jours de congés en plus, si elle avait pu bénéficier du mode de calcul utilisé pour les salariés à temps complet, visé dans l'accord d'entreprise. En l'espèce, la salariée a pris ses congés annuels fractionnés en trois fois du vendredi 13 juin au samedi 22 juin, du vendredi 11 juillet au dimanche 20 juillet 2008, du vendredi 5 septembre au mardi 9 septembre 2008. Elle a déposé ses premiers congés les semaines (4 et 1 à partir du vendredi), les deuxièmes les semaines (4 et 1 à partir du vendredi), les troisièmes la semaine 4 il partir du vendredi. Ce qui lui a permis de pouvoir bénéficier de 38 jours de repos en tout, en déposant 25, 72 jours de congé.
Un salarié à temps complet pour bénéficier du même temps de repos (38 jours) aurait dû déposer 26 jours de congés. Il résulte des pièces produites par les parties que la salariée a donc été parfaitement remplie de ses droits à congés. La méthode de calcul retenue, conformément à la convention applicable, permet en effet d'assurer une égalité de traitement entre salariés à temps partiel et à temps complet. Or, en l'espèce, la salariée ne demande pas à pouvoir bénéficier du même nombre de jours de congés payés qu'un temps complet, ce qui est prévu par la loi. Mais, à bénéficier du même décompte que si elle travaillait à temps complet. Ce qui reviendrait selon elle à pouvoir bénéficier de 38 jours de repos en déposant seulement 10 jours de congés payés. Il lui resterait, suivant ce calcul, 16 jours de congés payés à prendre. Or, les règles régissant les congés payés sont d'ordre public. En l'espèce, il est indéniable que la méthode de décompte de congés mise en oeuvre par la société Air France permet aux salariés qui ne travaillent pas à temps complet sur les jours de la semaine de bénéficier de la totalité de leurs droits à congé et de bénéficier des mêmes droits que les salariés à temps complet en vertu des dispositions de l'article L.3123-11 du code du travail. L'employeur prouve, en effet, que la salariée bénéficie bien concrètement des mêmes droits qu'un travailleur à temps complet. Il est constant, enfin, que si le salarié à temps partiel a des droits identiques à celui d'un salarié à temps complet, la situation de travail à temps partiel ne peut ouvrir des droits supérieurs à celle du travail à temps plein. Dès lors, la Cour constate que Madame Z a été remplie de ses droits à congés payés pour l'année 2008, la déboute de l'ensemble de ses demandes et réforme la décision attaquée ;
ALORS QUE l'article 3 de la loi no 2003-322 du 9 avril 2003 relative aux entreprises de transports aériens prévoit, à la suite du transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Air France, la conclusion de conventions ou d'accords d'entreprise devant se substituer aux dispositions portant statut du personnel prises en vertu des dispositions du code de l'aviation civile; qu'en vertu de cette disposition, une convention d'entreprise a été conclue le 18 avril 2006 au sein de la société Air France, dénommée " convention du personnel au sol ", prévoyant sans la moindre réserve quant à son champ d'application personnel ou son objet, son application à compter du 6 mai 2006, à tous les salariés de la société Air France sous contrat de travail de droit français appartenant au personnel au sol; que cette convention en son chapitre 2, institue sans distinction selon que le salarié travaille à temps partiel ou à temps complet, d'une part l'attribution de 25 jours de congés annuels pour chaque exercice (article 2.1) et d'autre part, un décompte de la consommation de ces congés en jours ouvrés, définis comme " tous les jours de la semaine à l'exception des samedis, dimanches et jours fériés légaux ne correspondant pas à un samedi ou dimanche " (article 2.4); que la cour d'appel, pour écarter l'application de cette disposition sur laquelle se fondait la demande, au profit de l'article 24 h) de la convention collective nationale du transport aérien instituant un décompte des congés spécifique aux salariés à temps partiel par référence aux jours contractuellement travaillés, moins favorable, a énoncé d'une part que le statut réglementaire du personnel d'Air France avait été transposé dans l'accord d'entreprise dénommé "convention d'entreprise du personnel au sol", sauf les dispositions contraires à la convention collective nationale du transport aérien personnel au sol, et d'autre part que la règle régissant antérieurement le décompte des congés pour le personnel à temps partiel, s'étant avérée contraire à la convention collective nationale du transport aérien personnel au sol, n'avait pas été reprise dans l'accord d'entreprise ; que ce faisant la cour d'appel
1o) - a violé l'article 1er de la convention d'entreprise du personnel au sol du 18 avril 2006, qui prévoit son application à tous les salariés sans distinction, et sans réserve d'une conformité de ses dispositions à celles de la convention collective nationale du transport aérien personnel au sol;
2o) - a violé par refus d'application, l'article 2.4 de cette même convention d'entreprise, qui institue pour tous les salariés sans réserve d'aucune sorte, un décompte des jours de congés en jours ouvrés, définis comme " tous les jours de la semaine à l'exception des samedis, dimanches et jours fériés légaux ne correspondant pas à un samedi ou dimanche ", ensemble l'article L.2253-1 du code du travail ;
3o) - a violé l'article 1134 du code civil, du chef d'une dénaturation de l'article 2.1 de la même convention d'entreprise lequel, relatif à l'attribution des 25 jours de congés annuels, ne se distingue pas de l'article 2.4 s'agissant de son champ d'application personnel, par la disposition que lui a attribuée à tort la cour d'appel, suivant laquelle " les droits à congé sont les mêmes pour les salariés à temps complet et à temps partiel " ;
4o) - a violé le principe de faveur, et l'article L.2253-1 du code du travail ;
5o) ALORS QUE la cour d'appel à tout le moins, dès lors que la salariée fondait sa demande sur les dispositions de la convention d'entreprise du personnel au sol au nom du principe de faveur, devait préciser selon quel principe, ou texte, l'application de cet accord d'entreprise devait être écarté en raison de sa contrariété prétendue à la convention collective nationale du transport aérien personnel au sol; que faute de l'avoir fait, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de motivation de l'article 455 du code de procédure civile ;
6o) ALORS ENFIN QUE pour apprécier l'égalité de traitement des salariés à temps plein et des salariés à temps partiel s'agissant du décompte des jours de congés payés, la référence aux jours de repos cumulés, en ce que ceux-ci comprennent non seulement des jours de congés mais aussi des jours non travaillés au titre du temps partiel, est parfaitement inopérante ; qu'en statuant par référence à la comparaison du nombre de jours de congés payés nécessaire aux salariés à temps partiel et aux salariés à temps plein, pour obtenir un même nombre de jours de repos, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, et a violé l'article L.3123-11 du code du travail.

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