Jurisprudence : CA Rennes, 28-04-2015, n° 14/05708, Confirmation

CA Rennes, 28-04-2015, n° 14/05708, Confirmation

A2582NH4

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3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°222 R.G 14/05708
SARL CABINET PETERSON
C/
SARL GROUPE LOGISNEUF
SARL C. INVEST
SARL EUROPEAN SOFT
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le
à
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 28 AVRIL 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Monsieur Alain POUMAREDE, Président,
Mme Brigitte ANDRE, Conseiller,
Madame Aurélie GUEROULT, Conseiller,
GREFFIER
Madame Béatrice FOURNIER, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS
A l'audience publique du 03 Février 2015
ARRÊT
Contradictoire, prononcé publiquement le 28 Avril 2015 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****

APPELANTE
SARL CABINET PETERSON prise en la personne de son gérant

VANNES
Représentée par M e François THOMAS - BELLIARD dela SELARL LAHAIE/THOMAS-BELLIARD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉES
SARL GROUPE LOGISNEUF prise en la personne de son gérant domicilié

FAY DE BRETAGNE
Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Etienne DE MASCUREAU de la SCP ACR AVOCATS CONSEILS REUNIS, Plaidant, avocat au barreau d'ANGERS
SARL C. INVEST prise en la personne de son gérant domicilié

LA CHAPELLE SUR ERDRE
Représentée par Me Etienne DE MASCUREAU de la SCP ACR AVOCATS CONSEILS REUNIS, Plaidant, avocat au barreau d'ANGERS
Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES
2
SARL EUROPEAN SOFT prise en la personne de son gérant domicilié

LA CHAPELLE SUR ERDRE
Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Etienne DE MASCUREAU de la SCP ACR AVOCATS CONSEILS REUNIS, Plaidant, avocat au barreau d'ANGERS

I - EXPOSÉ DU LITIGE
La société Cabinet PETERSON immatriculée au RCS de Vannes le 7 mai 1996, gérée par M. Bruno Guillet ... ... ..., exerce principalement une activité de transactions sur immeubles et fonds de commerce, promotion immobilière, représentation commerciale de tous produits, conseils en stratégie patrimoniale, formation et toutes activités similaires ou connexes.
Le groupe LOGISNEUF est constitué de plusieurs sociétés exerçant elles aussi dans le marché de l'immobilier autour du site Internet LOGISNEUF.COM
-la société groupe LOGISNEUF, société holding dont le gérant est Monsieur Christian ...,
-la société C-INVEST, société qui dispense des conseils en matière d'investissements immobiliers,
-la société EUROPEAN SOFT, société de services informatiques qui assure le développement logiciel et la maintenance technique au bénéfice du groupe.
La société Cabinet PETERSON et le groupe LOGISNEUF agissent sur un même marché.
Après avoir été licenciés par les diverses sociétés du groupe LOGISNEUF ou en avoir démissionné, plusieurs salariés ont rejoint les équipes de la société Cabinet PETERSON en 2011.
Ayant détecté la connexion sur son réseau interne d'ordinateurs ne faisant pas partie de l'entreprise mais utilisant les codes réservés aux seuls administrateurs du site, les sociétés LOGISNEUF, C-INVEST et EUROPEAN SOFT ont déposé une requête le 18 janvier 2013 devant le président du tribunal de Nantes, qui, par ordonnance du même jour, a donné injonction aux sociétés ORANGE France, BOUYGUES TELECOM, SFR et COMPLETEL, de communiquer aux sociétés LOGISNEUF, C-INVEST et EUROPEAN SOFT dans les 48 heures de la signification de l'ordonnance les identités de très nombreux titulaires d'adresses IP.
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Saisi d'une demande de rétractation de l'ordonnance du 18 janvier 2013, par ordonnance du 1er juillet 2014 le président du tribunal de commerce de Nantes statuant en référé a
Débouté la SARL Cabinet PETERSON de toutes ses demandes Confirmé et maintenu l'ordonnance rendue sur requête le 18 janvier 2013
Condamné la SARL Cabinet PETERSON à payer à la société LOGISNEUF, tant pour elle-même que pour le compte de ses deux filiales la SARL C-INVEST et la SARL EUROPEAN SOFT la somme de 7000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC, outre aux dépens.

La société Cabinet PETERSON a interjeté appel de cette décision.
L'appelant demande à la cour de
Vu les articles 4,9, 493, 700, 812 et 875 du Code de procédure civile,
Vu la Directive 95/46/CE du Parlement Européen et du Conseil du 24 octobre 1995,
Vu la loi no78-17 du 6 janvier 1978 et plus particulièrement son article 11,
Vu l'article 9 du Code Civil,
Vu l'article 6§1 de la CEDH,
INFIRMER la décision entreprise,
ÉCARTER des débats la pièce adverse numéro 19 et toutes les pièces subséquentes,
RETRACTER l'ordonnance rendue sur requête le 18 janvier 2013,
ORDONNER la remise de la copie exécutoire de l'ordonnance ainsi que de l'ensemble des éléments récoltés sur la base de ladite ordonnance sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du 3ème jour suivant la signification de l'ordonnance à intervenir, étant précisé que passé le délai de trois mois l'astreinte définitive pourra être requise,
INTERDIRE aux sociétés LOGISNEUF, C-INVEST et EUROPEAN SOFT de produire ou utiliser les éléments en cause sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée,
DÉBOUTER les sociétés LOGISNEUF, C-INVEST et EUROPEAN SOFT de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
A TITRE SUBSIDIAIRE ET AVANT DIRE DROIT
TRANSMETTRE pour avis à la Commission Nationale Informatique et Libertés la requête déposée par les sociétés défenderesses selon questionnement qui pourrait être le suivant
Au regard des termes de la requête déposée au Greffe du Tribunal de Commerce de NANTES, est-il possible de considérer que la collection d'adresses IP le cas échéant associée à d'autres données et notamment des mots de passe, est de nature à constituer un fichier dont la déclaration s'imposait à la Commission Nationale Informatique et Libertés à raison notamment du fait qu'elle portait sur des adresses IP dont il semble que la Commission Nationale Informatique et Libertés considère qu'il s'agit là de données à caractère personnel,
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE .
REDUIRE en de notable proportion les sommes allouées au titre de l'article 700 en première instance,
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE
CONDAMNER in solidum les sociétés LOGISNEUF, C-INVEST et EUROPEAN SOFT à verser à la société CABINET PETERSON la somme
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de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700,
CONDAMNER les mêmes aux entiers dépens de première instance et de la présente instance.
Les intimés demandent à la cour de
Confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions
Décerner acte aux sociétés intimées de ce qu'elle retirent volontairement leur pièce 19
Y ajoutant
Condamner société CABINET PETERSON à verser aux concluantes la somme de 9.000 euros par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles d'appel;
Rejeter toutes prétentions contraires
Condamner la société CABINET PETERSON aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile;
L'ordonnance de clôture est du 3 février 2015.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties la cour se réfère aux énonciations de la décision déférée et aux dernières conclusions régulièrement signifiées des parties
- du 20 janvier 2015 pour l'appelant, - du 21 janvier 2015 pour les intimés. II- MOTIFS
Sur la pièce n° 19 des intimés
L'appelant sollicite que cette pièce soit écartée ; Les intimées indiquent que la pièce a été retirée des débats, ce qui est exact, si bien que la demande de l'appelante est sans objet.
L'appelant soutient par ailleurs que l'ordonnance doit être rétractée pour trois motifs qu'il convient en conséquence d'étudier.
Sur la compétence matérielle du président du tribunal de commerce de Nantes
L'appelant soutient l'incompétence matérielle du juge des requêtes du tribunal de commerce s'agissant d'une demande portant sur la communication de données à caractère personnel, relevant de la vie privée, et soumises au régime strict de la loi " informatique et liberté " à savoir des adresses IP, demande qui aurait dû être sollicitée du président du tribunal de grande instance de Nantes.
Mais le simple relevé d'une adresse IP aux fins de localiser un fournisseur d'accès ne constitue pas un traitement automatisé de données à caractère personnel au sens des articles 2, 9 et 25 de la loi " informatique et liberté " du 6 janvier 1978. L'adresse IP est constituée d'une série de chiffres, n'est pas une donnée même
5 indirectement nominative alors qu'elle ne se rapporte qu'à un ordinateur et non à l'utilisateur. La loi en question vise en outre les personnes physiques, identifiées directement ou indirectement. Les adresses IP peuvent être attribuées à des personnes morales et la conservation de ces données ne relèvent alors en tout état de cause pas de ces dispositions légales. Le fait de conserver, en vue de la découverte ultérieure des auteurs de pénétrations non autorisées sur un réseau informatique, une liste d'adresses IP d'ordinateurs qui ont été connectées sur un réseau informatique d'entreprise, sans qu'aucun lien entre ces adresses et des personnes physiques ne soit fait, ne constitue pas un traitement de données à caractère personnel.
Il n'est pas nécessaire de saisir la CNIL d'une demande d'avis sur ce point.
La mesure sollicitée avait vocation à obtenir des éléments dans le cadre de soupçons d'actes de concurrence déloyale au détriment du GROUPE LOGISNEUF et s'agissant d'un litige commercial le président du tribunal de commerce était donc matériellement compétent pour ordonner la mesure sur le fondement combiné des articles 145 et 875 du code de procédure civile.
Le fait que les intimés aient ultérieurement assigné en référé ou encore au fond l'appelant devant le tribunal de grande instance de Rennes compétent en matière de contrefaçon alors que le GROUPE LOGISNEUF évoque également une contrefaçon de son site internet est une circonstance inopérante quant à la compétence matérielle du juge des référés du tribunal de commerce de Nantes.
Sur la recevabilité de la requête
L'appelant soutient l'irrecevabilité de la requête fondée sur l'article 145 pour non respect de l'article 493 du CPC alors qu'il n'est justifié ni dans la requête ni dans l'ordonnance de la nécessité de déroger au principe de la contradiction et qu'aucun motif ne justifiait cette dérogation. Le juge a pris en considération que les adresses IP se trouvaient au sein de la société Cabinet PETERSON alors même que la mesure visait seulement à obtenir de tiers l'identité des personnes détentrices d'adresse IP qui étaient en possession des intimés et qui ne pouvaient être modifiées et il n'appartient pas au juge de la rétractation de se reporter au moyen postérieur soulevé par les intimés selon lequel une procédure contradictoire aurait sans doute permis aux responsables des connexions prétendument illicites d'effacer toute trace des faits délictueux.
L'intimée soutient quant à elle que la demande tendait à identifier l'adversaire non connu au jour de la requête et la procédure pouvait s'apparenter à une procédure gracieuse sans adversaire. En outre une procédure contradictoire aurait permis aux responsables des
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connexions illicites qu'elle dénonce d' effacer toute trace de faits délictueux et qu'il est possible de changer d'adresse IP.
L'article 493 du code de procédure civile dispose que L'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.
Il appartient au juge saisi de la rétractation de rechercher, au besoin d'office, au visa des dispositions de l'article 493, si la requête et l'ordonnance rendue sur son fondement exposaient les circonstances exigeant que la mesure réclamée ne soit pas prise contradictoirement.
La requête présentée le 18 janvier 2013 exposait qu'elle visait à identifier l'origine des intrusions sur le réseau intranet des sociétés GROUPE LOGISNEUF, C-INVEST et EUROPEAN SOFT. Même si elles avaient des soupçons sur l'origine de ces intrusions, il n'est pas établi qu'elles savaient avec certitude d'où elles provenaient. Il n'était pas possible à la date de dépôt de la requête d'identifier la partie adverse. La requête et l'ordonnance adoptant les motifs de la requête exposait donc ces circonstances exigeant que la mesure réclamée ne soit pas prise contradictoirement. La mesure ne pouvait être prise contradictoirement et la ou les parties adverses ne pouvaient être appelées.
Sur la licéité des mesures sollicitées
Comme il a été vu supra, le fait de conserver les adresses IP des ordinateurs ayant été utilisés pour se connecter, sans y être autorisé, sur le réseau de l'entreprise ne constitue pas en soi une violation des règles édictées par la loi du 16 janvier 1978.
Compte tenu de ces éléments, il convient de confirmer l'ordonnance de référé rendue le 1er juillet 2014 par le président du tribunal de commerce de Nantes qui a débouté l'appelant de toutes ses demandes.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
La société Cabinet PETERSON qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens et ne peut de ce fait prétendre aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile; l'équité commande en revanche de faire droit à la demande des intimés sur le fondement de ce texte. Il leur sera alloué de ce chef une somme de 5.000 euros qui s'ajoutera à celle déjà fixée à ce titre par les premiers juges ;
* * *
7

PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Confirme l'ordonnance du 1er juillet 2014 dans toutes ses dispositions,
Condamne la société Cabinet PETERSON à payer aux intimés une somme totale de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Cabinet PETERSON aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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