Jurisprudence : CAA Nancy, 4e, 21-04-2015, n° 13NC01598

CAA Nancy, 4e, 21-04-2015, n° 13NC01598

A3042NH7

Référence

CAA Nancy, 4e, 21-04-2015, n° 13NC01598. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/24249251-caa-nancy-4e-21042015-n-13nc01598
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Abstract

Tant le principe de responsabilité personnelle que le principe de personnalité des peines s'opposent à ce que des pénalités fiscales, qui présentent le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elles visent, puissent être prononcées à l'encontre de contribuables, personnes physiques, lorsque ceux-ci n'ont pas participé aux agissements que ces pénalités répriment.

Références

Cour Administrative d'Appel de Nancy

N° 13NC01598
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre - formation à 3
lecture du mardi 21 avril 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu le recours, enregistré le 20 août 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904910 du 23 avril 2013 du tribunal administratif de Strasbourg, en tant que, par ce jugement celui-ci a déchargé M. et Mme B...de la quote-part des majorations pour opposition à contrôle fiscal ayant assorti la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 ;

2°) de rejeter la demande de M. et Mme B...présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de rétablir M. et Mme B...au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2005 à concurrence de la décharge accordée en première instance ;

Il soutient que :

- selon le régime propre aux sociétés civiles immobilières, si la procédure de contrôle est suivie avec la personne morale, les droits sont établis et recouvrés au nom des associés et, dès lors, le fait de limiter l'application de la sanction prévue en cas d'opposition à contrôle à la seule personne morale alors qu'elle n'est pas le redevable des impositions exigibles revient à priver la sanction de son effet dissuasif ;

- le principe de personnalisation des peines doit s'articuler avec les spécificités des sanctions fiscales ;

- la procédure de répression de l'attitude d'opposition à contrôle et la majoration légale sont indispensables à l'exercice efficace de l'action de contrôle ;

- il n'appartient pas à l'administration de prouver une participation active du contribuable à l'opposition pour justifier l'application de la majoration légale ;


Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2013, présenté pour M. et MmeB..., demeurant au..., par MeC... ; M. et Mme B...concluent au rejet du recours et demandent à la Cour, par la voie de l'appel incident :

1°) d'annuler le jugement du 23 avril 2013 en tant que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus des conclusions de leur demande ;

2°) de les décharger de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- les conditions pour leur appliquer la pénalité pour opposition à contrôle fiscal n'étaient pas réunies ;

- ils peuvent se prévaloir de l'exception au principe de l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit prévue par l'article 38, 4 bis, 2ème alinéa, du code général des impôts ;


Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 2015 :

- le rapport de Mme Kohler, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public ;


1. Considérant qu'à la suite de la vérification de la comptabilité de la société civile immobilière (SCI) Résidence Hanauer, dont M. B...est associé à hauteur de 13,6 %, M. et Mme B... ont été assujettis à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2005, assortie d'une majoration pour opposition à contrôle fiscal ; qu'ils ont demandé à être déchargés de ces impositions supplémentaires ; que le ministre de l'économie et des finances relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a déchargé M. et Mme B...de la quote-part mise à leur charge des majorations pour opposition à contrôle fiscal ayant assorti la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu en litige ; que, par la voie de l'appel incident, M. et Mme B...relèvent appel du même jugement en tant que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu en litige ;


Sur le recours du ministre :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1732 du code général des impôts : " La mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article 74 du livre des procédures fiscales entraîne : a. L'application d'une majoration de 100% aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'Etat (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. / Ces dispositions s'appliquent en cas d'opposition à la mise en oeuvre du contrôle dans les conditions prévues au II de l'article L. 47 A " ;

3. Considérant que tant le principe de responsabilité personnelle que le principe de personnalité des peines s'opposent à ce que des pénalités fiscales, qui présentent le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elles visent, puissent être prononcées à l'encontre de contribuables, personnes physiques, lorsque ceux-ci n'ont pas participé aux agissements que ces pénalités répriment ; que, dès lors, les dispositions de l'article 1732 du code général des impôts selon lesquelles, en cas d'évaluation d'office des bases d'imposition résultant de la mise en oeuvre de la procédure prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, les suppléments de droits mis à la charge du contribuable peuvent être assortis d'une majoration, ne sauraient être interprétées comme autorisant l'administration à mettre cette pénalité, qui vise à sanctionner l'opposition à contrôle fiscal, à la charge du contribuable lorsque celui-ci n'a pas pris personnellement part à l'opposition au contrôle ;

4. Considérant qu'en l'espèce il est constant que la vérification de la comptabilité de la SCI Résidence Hanauer n'a pu avoir lieu du fait des agissements de son gérant ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que M.B..., associé de la SCI, ait participé à la gestion de cette société ni qu'il aurait été informé de l'intention de l'administration de procéder au contrôle de cette société et de l'opposition de son gérant à l'exercice de ce contrôle ; que, dans ces conditions, M. B...doit être regardé comme n'ayant pris aucune part à l'opposition à contrôle fiscal dont s'est rendue coupable la SCI Résidence Hanauer ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur cette circonstance pour prononcer la décharge de la majoration de 100 % infligée à M. et MmeB... ;


Sur les conclusions de M. et Mme B...:

5. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) 4 bis. Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci. / Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit " ; qu'il résulte de ces dispositions que le principe de l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit est applicable pour le calcul du bénéfice imposable, sauf si le contribuable apporte la preuve que les erreurs affectant le résultat sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture de cet exercice ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à l'occasion de la vérification de la comptabilité de la SCI Résidence Hanauer, le service a constaté que le bilan d'ouverture de la société au 1er janvier 2005 faisait apparaitre au passif une provision d'un montant de 121 959 euros et des dettes fournisseurs pour un montant total de 84 906,14 euros ; que l'administration a réintégré ces sommes au résultat imposable de la société en tant que passifs injustifiés, en application du 2 de l'article 38 du code général des impôts ;

7. Considérant que ces sommes correspondent, d'une part, à une provision inscrite dans la comptabilité de la SCI Résidence Hanauer au titre des intérêts moratoires à verser à la société Urban sur une somme qu'elle a été condamnée à lui verser par jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg en date du 29 janvier 1990, en règlement de travaux effectués par cette dernière pour le compte de la SCI, et, d'autre part, à une dette de la SCI à l'égard de cette entreprise correspondant à une facture de travaux ;

8. Considérant que pour contester la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2005, M. et Mme B...entendent se prévaloir des dispositions du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts ; qu'il leur appartient, pour ce faire, d'établir que l'erreur consistant à avoir maintenu les sommes susmentionnées au passif du bilan de la SCI est intervenue plus de sept ans avant le 1er janvier 2005, début du premier exercice non prescrit, soit avant le 1er janvier 1998 ;

9. Considérant que M. et MmeB..., qui ne produisent que des éléments de nature à justifier de la date de la constitution de la provision en litige, ne produisent aucun élément de nature à justifier de la date à laquelle il est devenu certain que les sommes en litige ne seraient pas versées à la société Urban, cette dernière ayant été mise en liquidation judiciaire et reprise par une autre société qui n'a pas fait valoir ses droits au moment de la clôture de la liquidation judiciaire ; que, s'il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification en date du 23 juin 2008 adressée au contribuable, que la société Urban a été mise en liquidation le 21 août 1995, M. et Mme B...n'apportent pas la preuve qui leur incombe que cette procédure aurait été clôturée avant le 1er janvier 1998 sans que sa créance à l'égard de la SCI soit transmise à un repreneur, de sorte que la provision en litige aurait perdu son objet avant cette date ; qu'ainsi, ils n'apportent pas la preuve de ce que l'erreur consistant à avoir maintenu les sommes susmentionnées au passif du bilan de la SCI serait intervenue plus de sept ans avant le 1er janvier 2005 ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

D É C I D E :
Article 1er : Le recours du ministre de l'économie et des finances est rejeté.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident présentées par M. et Mme B...et leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des finances et des comptes publics et à M. et Mme A...B....

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