Jurisprudence : CE Contentieux, 13-03-2015, n° 364612, publié au recueil Lebon

CE Contentieux, 13-03-2015, n° 364612, publié au recueil Lebon

A6896NDR

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CE Contentieux, 13-03-2015, n° 364612, publié au recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/23609674-ce-contentieux-13032015-n-364612-publie-au-recueil-lebon
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Abstract

Les modalités de récupération d'une aide indûment versée sur le fondement d'un texte de l'Union européenne sont soumises à l'obligation de suivi d'une procédure contradictoire écrite conduite avec le bénéficiaire de cette aide, énonce le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 13 mars 2015. Les modalités de récupération d'une aide indûment versée sur le fondement d'un texte de l'Union européenne sont soumises à l'obligation de suivi d'une procédure contradictoire écrite conduite avec le bénéficiaire de cette aide, énonce le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 13 mars 2015 (CE, 13 mars 2015, n° 364612, publié au recueil Lebon).



CONSEIL D'ETAT


Statuant au contentieux


364612


OFFICE DE DEVELOPPEMENT DE L'ECONOMIE AGRICOLE D'OUTRE-MER


M. Romain Victor, Rapporteur

M. Vincent Daumas, Rapporteur public


Séance du 27 février 2015


Lecture du 13 mars 2015


REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la section du contentieux




Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure :


La société Ti Fonds a demandé au tribunal administratif de Fort-de-France d'annuler la décision du 22 juillet 1999 par laquelle le directeur de l'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (Odéadom) lui a retiré le bénéfice de l'aide compensatoire de la perte de recettes résultant de la mise en place de l'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane au titre de l'année 1996 et l'a informée que l'aide indûment versée, majorée d'intérêts, soit la somme de 126 041, 57 euros, faisait l'objet d'une retenue sur le solde de l'aide due au titre de l'année 1998.


Par un jugement n° 0000385 du 18 octobre 2007, le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté la demande de la société.


Par une décision n° 330320 du 26 novembre 2010, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé l'arrêt n° 08BX00145 du 18 juin 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France du 18 octobre 2007, a déchargé la société Ti Fonds de l'obligation de payer la somme de 126 041, 57 euros et a enjoint à l'Odéadom de lui restituer cette somme augmentée des intérêts légaux et de leur capitalisation.


Par un arrêt n° 11BX00109 du 18 octobre 2012, la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant sur renvoi après cassation, a annulé le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France du 18 octobre 2007 et la décision litigieuse.


Procédure devant le Conseil d'Etat :


Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire enregistrés les 18 décembre 2012, 18 mars 2013 et 24 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Odéadom demande au Conseil d'Etat :


1°) d'annuler l'arrêt n° 11BX00109 de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 18 octobre 2012 ;


2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Ti Fonds ;


3°) de mettre à la charge de cette société la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu :


- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment son article 267 ;


- le règlement (CEE) n° 404/93 du Conseil du 13 février 1993 ;


- le règlement (CEE) n° 1858/93 de la Commission du 9 juillet 1993 ;


- le règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 ;


- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;


- le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;


- le code de justice administrative.


Après avoir entendu en séance publique :


- le rapport de M. Romain Victor, maître des requêtes,


- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;


La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Meier-Bourdeau, Lecuyer, avocat de l'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer et à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de la société Ti Fonds ;






1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une lettre du 22 juillet 1999, le directeur de l'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (Odéadom) a indiqué à la société Ti Fonds, productrice de bananes, que l'aide compensatoire qui lui avait été versée dans le cadre de l'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane au titre de la campagne de l'année 1996 était remise en cause et que la somme correspondante, augmentée d'intérêts, faisait l'objet d'une retenue sur le montant de l'aide due au titre de la campagne de l'année 1998 ; que, par un jugement du 18 octobre 2007, le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté la demande de la société Ti Fonds tendant à l'annulation de cette décision ; que, par une décision du 26 novembre 2010, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé l'arrêt du 18 juin 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, faisant droit à l'appel de la société Ti Fonds, a annulé ce jugement, déchargé la société Ti Fonds de l'obligation de payer la somme en cause et enjoint à l'Odéadom de lui restituer cette somme, augmentée des intérêts légaux et de leur capitalisation ; que l'Odéadom se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 18 octobre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant sur renvoi après cassation, a annulé le jugement précité et la décision litigieuse et lui a enjoint de verser à la société Ti Fonds la somme de 126 041, 57 euros, augmentée des intérêts légaux et de leur capitalisation ;


2. Considérant, d'une part, que le règlement (CEE) n° 404/93 du Conseil du 13 février 1993 a instauré une organisation commune des marchés dans le secteur de la banane ; qu'aux termes de l'article 12 de ce règlement : " 1. Une aide compensatoire de la perte éventuelle des recettes est accordée aux producteurs communautaires, membres d'une organisation de producteurs reconnue, qui commercialisent des bananes (.) sur le marché de la Communauté (.). / 3. L'aide compensatoire est calculée sur la base de la différence entre : / - la " recette forfaitaire de référence " des bananes produites et commercialisées dans la Communauté / et / - la " recette à la production moyenne " obtenue sur le marché de la Communauté pendant l'année en question (.). / 4. La " recette forfaitaire de référence " est déterminée sur la base : / - de la moyenne des prix des bananes produites dans la Communauté et commercialisées pendant une période de référence antérieure au 1er janvier 1993 (.). / 5. La " recette à la production moyenne " pour les bananes de la Communauté est déterminée, pour chaque année, sur la base : / - de la moyenne des prix des bananes produites dans la Communauté et commercialisées pendant l'année en question (.) " ; qu'aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Aux fins du présent règlement, on entend par " organisation de producteurs " toute organisation de producteurs de bananes établie dans la Communauté qui : / a) est constituée (.) dans le but notamment : / - de promouvoir la concentration de l'offre et la régularisation des prix au stade de la production (.) ; / c) comporte dans son statut des dispositions : / - portant obligation pour les producteurs de faire effectuer par l'organisation de producteurs la mise sur le marché de la totalité de leur production du ou des produit(s) pour lequel ou lesquels ils ont adhéré (.) ; / f) a été reconnue par l'Etat membre concerné (.) " ; que le règlement (CEE) n° 1858/93 de la Commission du 9 juillet 1993 a établi les modalités d'application du règlement n° 404/93 du 13 février 1993 en ce qui concerne le régime d'aide compensatoire, en fixant le montant de la recette forfaitaire de référence sur la base des données constatées durant l'année 1991 ; qu'aux termes de son article 5 : " Les demandes d'aide compensatoire sont présentées par l'entremise des organisations de producteurs reconnues (.). Elles portent sur les quantités commercialisées par chaque producteur par l'intermédiaire de l'organisation de producteurs " ;


3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er du règlement (CEE, Euratom) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes : " 1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire. / 2. Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue " ; qu'aux termes de l'article 2 de ce règlement : " 1. Les contrôles et les mesures et sanctions administratives sont institués dans la mesure où ils sont nécessaires pour assurer l'application correcte du droit communautaire. Ils doivent revêtir un caractère effectif, proportionné et dissuasif, afin d'assurer une protection adéquate des intérêts financiers des Communautés. (.) 4. Sous réserve du droit communautaire applicable, les procédures relatives à l'application des contrôles et des mesures et sanctions communautaires sont régies par le droit des Etats membres " ; qu'aux termes de l'article 3 du même règlement : " 1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité visée à l'article 1er paragraphe 1 (.) " ; qu'aux termes de l'article 4 du même règlement : " 1. Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l'avantage indûment obtenu : / - par l'obligation de verser les montants dus ou de rembourser les montants indument perçus (.). / 2. L'application des mesures visées au paragraphe 1 est limitée au retrait de l'avantage obtenu augmenté, si cela est prévu, d'intérêts qui peuvent être déterminés de façon forfaitaire (.). / 4. Les mesures prévues par le présent article ne sont pas considérées comme des sanctions " ;


4. Considérant qu'il résulte des termes mêmes du règlement n° 2988/95 du 18 décembre 1995 que ce texte a pour objet de constituer une réglementation générale devant servir de cadre juridique commun à tous les domaines couverts par les politiques de l'Union européenne ; qu'à cet effet, il comporte des dispositions relatives à la récupération des aides indûment versées à un opérateur économique sur le fondement d'une disposition du droit de l'Union, notamment en ce qui concerne les délais de prescription applicables à l'action des Etats membres, lorsqu'ils procèdent à la récupération de telles aides ; que, dès lors, en jugeant que les dispositions de ce règlement se bornent à poser le principe de l'obligation faite aux Etats membres de procéder à la récupération d'aides agricoles indûment versées et en en déduisant que les règles nationales relatives aux décisions créatrices de droit sont, en l'absence de disposition communautaire sur ce point, applicables à la récupération de l'aide litigieuse, la cour a commis une erreur de droit ; qu'en outre, elle a méconnu l'autorité de la chose jugée par la décision, mentionnée au point 1, du Conseil d'Etat, statuant au contentieux du 26 novembre 2010, par laquelle il a jugé que le règlement n° 2988/95 du 18 décembre 1995 comportait des dispositions relatives au retrait des aides indues devant s'appliquer en l'espèce ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'Odéadom est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;


5. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond ;


Sur la recevabilité de la demande de première instance :


6. Considérant qu'il résulte des termes mêmes des articles 12 du règlement n° 404/93 du 13 février 1993 et 5 du règlement n° 1858/93 du 9 juillet 1993, cités au point 2 de la présente décision, que si les demandes d'aide compensatoire de la perte de recettes résultant de la mise en place de l'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane sont présentées par l'entremise des associations de producteurs, l'aide est accordée aux producteurs et non aux associations dont ils sont membres ; que la fin de non-recevoir opposée en défense par l'Odéadom, tirée de ce que la décision litigieuse ne ferait pas grief à la société Ti Fonds, productrice de bananes, mais à l'association de producteurs dont elle est membre, doit, dès lors, être écartée ;


Sur le fond du litige :


En ce qui concerne les règles applicables à la décision de récupération d'une aide indûment versée en application d'un texte de l'Union européenne :


7. Considérant que, lorsqu'est en cause, comme c'est le cas en l'espèce, la légalité d'une décision de récupération d'une aide indûment versée en application d'un texte de l'Union européenne, il y a lieu de vérifier d'abord si une disposition du droit de l'Union définit les modalités de récupération de cette aide ;


8. Considérant, d'une part, qu'il résulte clairement de la combinaison des dispositions du règlement n° 404/93 du 13 février 1993 et de son règlement d'application n° 1858/93 du 9 juillet 1993 que l'octroi aux producteurs de l'aide compensatoire de la perte des recettes résultant de la mise en place de l'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane est subordonné à la condition qu'ils soient membres d'une organisation de producteurs reconnue et qu'ils aient pris l'engagement de commercialiser par l'entremise de cette dernière la totalité de leur production au titre d'une même campagne ; que doit dès lors être regardé comme une violation d'une disposition du droit communautaire au sens du second paragraphe de l'article 1er du règlement n° 2988/95 du 18 décembre 1995 le fait, par un producteur ayant sollicité le bénéfice de l'aide compensatoire au titre d'une année donnée, de livrer sa production de bananes à plusieurs organisations de producteurs au cours de cette même année ;


9. Considérant, d'autre part, qu'ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 4 octobre 2012 ED & F Man Alcohols Ltd (aff. C-669/11), une violation d'une disposition du droit communautaire peut affecter sérieusement les intérêts financiers de l'Union et, par suite, être regardée comme une irrégularité au sens de l'article 1er du règlement n° 2988/95 du 18 décembre 1995, alors même qu'elle n'aurait pas d'impact financier précis ; que l'aide compensatoire instituée par le règlement n° 404/93 du 13 février 1993 est calculée sur la base de la différence entre la recette forfaitaire de référence, qui correspond au montant moyen de la recette des producteurs avant la mise en place de l'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane et dont le montant est fixé à l'article 2 du règlement n° 404/93, et la recette à la production moyenne au cours d'une année considérée, qui correspond à la moyenne des prix des bananes produites et commercialisées dans l'Union européenne au cours de cette année ; qu'il résulte du règlement n° 404/93, éclairé par son cinquième considérant, que la formation d'organisations de producteurs reconnues par les Etats membres a notamment pour but de maximaliser les recettes pour les bananes produites au sein de l'Union en favorisant la concentration de l'offre, au moyen de l'engagement souscrit par chaque producteur de commercialiser la totalité de sa production par l'entremise de l'organisation à laquelle il a choisi d'adhérer ; que la violation de cette règle par des producteurs de bananes, en nuisant à la concentration de l'offre, est de nature à diminuer le niveau de la recette à la production moyenne et, par voie de conséquence, à augmenter le montant de l'aide compensatoire ; que, dès lors, une telle violation doit, alors même que son impact financier ne pourrait pas être mesuré avec précision, être regardée comme un acte qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général de l'Union ou à des budgets gérés par celle-ci par une dépense indue ;

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