Jurisprudence : CA Pau, 1ère, 06-05-2004, n° 03/00784

CA Pau, 1ère, 06-05-2004, n° 03/00784

A6175DEG

Référence

CA Pau, 1ère, 06-05-2004, n° 03/00784. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/2222200-ca-pau-1ere-06052004-n-0300784
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**COUR D'APPEL DE PAU
1ère CHAMBRE CORRECTIONNELLE**

N° 324/04

Dossier n° 03/00784

Arrêt prononcé publiquement le 06 mai 2004, par Monsieur le Président SAINT
MACARY

assisté de Madame BLONDEAU, greffière,
en présence de Monsieur A, Substitut Général,

Sur appel d'un jugement du Tribunal Correctionnel de DAX du 15 SEPTEMBRE 2003
** _

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR_** :

B Aa
né le … … … à … (32) de Louis et de Ab Ac de
nationalité française, marié
Président Directeur Général
demeurant

Prévenu, comparant, libre appelant

Assisté de Maître GUILHEMSANG, avocat au barreau de DAX

**LE MINISTÈRE PUBLIC** :
appelant,

L'ASSOCIATION EUROPEENNE CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES AU TRAVAIL
(AVFT) " TOUR MANTOUE" - 9 villa d'Este - 75013 PARIS

Partie civile, appelant comparante

représentée par Madame C

X Ad
demeurant

Partie civile, appelante,
comparante,

assistée de Maître KATZ, avocat au barreau de PARIS

** _COMPOSITION DE LA COUR_** , lors des débats et du délibéré :

Président : Monsieur SAINT MACARY,
Conseillers : Monsieur LE MAITRE,
Monsieur AMPUY,

La Greffière, lors des débats : Madame Y,

MINISTÈRE PUBLIC : représenté aux débats par Monsieur A,
Substitut Général.


** _RAPPEL DE LA PROCÉDURE_** , :

_LE JUGEMENT_ :

Le Tribunal Correctionnel de DAX, par jugement contradictoire, en date du 15
SEPTEMBRE 2003

a déclaré B Aa

coupable de HARCELEMENT POUR OBTENTION DE FAVEUR SEXUELLE, courant 2000, à
CAPBRETON, SEIGNOSSE (40),

infraction prévue par l'article 222-33 du Code pénal et réprimée par les
articles 222-33, 222-44, 222-45 du Code pénal

et, en application de ces articles,

- l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement avec sursis

- l'a condamné en outre à 1.500 euros d'amende

et sur l'action civile a :

- reçu Madame X Ad en sa constitution de partie civile

Monsieur B Aa à payer à Madame X Ad la somme de 6.000
euros à titre de dommages et intérêts

- condamné Monsieur B Aa à verser à Madame X Ad, au
titre de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale, la somme de 1.000 euros

- reçu l'Association AVTF en sa constitution de partie civile

- condamné Monsieur B Aa à payer à l'Association AVTF

_LES APPELS_ :

Appel a été interjeté par :

Monsieur B Aa, le 22 Septembre 2003, son appel portant tant sur
les dispositions pénales que civiles
Monsieur le Procureur de la République, le 23 Septembre 2003 contre Monsieur
B Aa
Madame X Ad, le 29 Septembre 2003, son appel étant limité aux
dispositions civiles
L'ASSOCIATION EUROPEENNE CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES AU TRAVAIL
(AV, le 29 Septembre 2003, son appel étant limité aux dispositions civiles

B Aa, prévenu, fut assigné à la requête de Monsieur le
Procureur Général, par acte en date du 02 mars 2004, à sa personne, d'avoir à
comparaître devant la Cour à l'audience publique du 25 mars 2004.

Madame Ad X,
par acte en date du 03 mars 2004, à sa personne, d'avoir à comparaître devant
la Cour à l'audience publique du 25 mars 2004.

L'Association AVFT, partie civile, fut assignée à la requête de Monsieur le
Procureur Général, par acte en date du 1er mars 2004, à personne morale,
d'avoir à comparaître devant la Cour à l'audience publique du 25 mars 2004.

** _DÉROULEMENT DES DÉBATS

_** A l'audience publique du 25 mars 2004, Monsieur le Conseiller AMPUY a
constaté l'identité du prévenu.

Ont été entendus

Monsieur le Conseiller AMPUY en son rapport ;

B Aa en ses interrogatoire et moyens de défense ;

Madame X, partie civile, en ses explications ;

Maître KATZ, avocat de la partie civile, en sa plaidoirie, qui a déposé son
dossier et ses conclusions ;

Madame C, représentante de l'Association AVTF, en ses observations, qui
dépose son dossier ;

Monsieur A, Substitut Général, en ses réquisitions ;

Maître GUILHEMSANG, avocat du prévenu, en sa plaidoirie, qui a déposé son
dossier et ses conclusions ;

B Aa a eu la parole le dernier.

Monsieur le Président a ensuite déclaré que l'arrêt serait prononcé le 06 mai
2004.

** _
DÉCISION_** :


Vu les appels réguliers interjetés par Monsieur B Aa, le 22
Septembre 2003, Monsieur le Procureur de la République, le 23 Septembre 2003
contre Monsieur B Aa, Madame X Ad, le 29 Septembre
2003 et l'Association Européenne contre les Violences faites aux Femmes au
Travail (AV, le 29 Septembre 2003), à l'encontre du jugement rendu
contradictoirement le 15 Septembre 2003 par le Tribunal Correctionnel de DAX.

Il est fait grief au prévenu :

- d'avoir à CAPBRETON (40), SEIGNOSSE (40), dans le département des LANDES et
sur le territoire national, courant 2000, en abusant de l'autorité conférée
par ses fonctions, harcelé Ad X, en donnant des ordres, proférant
des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves, dans
le but d'obtenir des faveurs sexuelles

faits prévus et réprimés par les articles 222-33, 222-44, 222-45 du Code Pénal

**Les faits** :

Suivant plainte avec constitution de partie-civile Madame Ad X
exposait qu'elle travaillait pour la société SODIA, exploitant un centre
LECLERC,

Suite à une mutation elle était affectée au centre LECLERC à CAPBRETON dont M.
Aa B était le PDG.

Mme Ad X était chef de rayon de la boutique "centre culturel".

Elle indiquait qu'à partir de janvier 2000 son patron lui avait fait de
multiples propositions de rendez-vous qu'elle avait toujours déclinées.

Les faits les plus marquants dénoncés par la plaignante étaient les suivants :

* le 06/02/00 il l'avait priée de monter dans son bureau et lui avait réitéré sa volonté d'aller à PARIS avec elle et de l'inviter au Lido. Elle avait refusé et alors qu'elle quittait le bureau il lui avait caressé l'épaule en tentant en vain de refermer la porte.

* le 14/02100, il lui avait souhaité la St Valentin.

* Fin février il l'invitait à prendre le café chez lui lorsque son épouse serait absente.

* le 14/03/00 il l'invitait à assister à un match de rugby à PARIS ce qu'elle refusait.

*en mai, M. Aa B remettait à Mme Ad X une convocation pour une réunion prévue à PARIS le 24 mai. Le 22 il lui donnait son billet et indiquait qu'il partait aussi et qu'il l'attendrait à ORLY. Le 23 il la rejoignait à l'aéroport et lui apprenait qu'il avait retenu deux places pour le Lido au nom d'Annie X. Il la conduisait à l'hôtel Ae Z AG et Mme Ad X s'apercevait alors qu'une seule chambre avait été réservée Tandis qu'elle tentait d'avoir une autre chambre il lui proposait de partager la sienne. Elle quittait subrepticement et précipitamment les lieux.

Par courrier daté du 29/07/00 elle démissionnait.

_Les constatations des enquêteurs
_
L'enquête permettait notamment de mettre en exergue les points suivants :

- la réunion nationale "Espaces Culturels" prévue à PARIS avait débuté entre
09 heures 30 et 10 heures le 24 mai 2000 et non à 08 heures comme indiqué par
M. Aa B à la plaignante ce qui obligeait à partir la veille.
(D25)

- le mis en cause n'avait retenu qu'une seule chambre à l'hôtel Ae Z
AG et avait réservé une table pour deux au Lido sous le nom d'Annie
TOURNOUD (nom marital de la plaignante) pour la soirée du 23 mai. (D5 - D14 -
D17)

- la lettre de démission d'Annie X avait disparu et n'était jamais
parvenu au responsable du personnel.

Le directeur départemental du travail indiquait qu'à ce jour l'intéressé
n'avait jamais fait l'objet de réclamations pour des faits de harcèlement
sexuel. (D75)

_Les déclarations du mis en cause
_
M. Aa B entendu par les militaires de la gendarmerie réfutait
les accusations portées contre lui. (D27)

Il expliquait avoir fait la réservation au Lido à un autre nom pour éviter que
sa femme le sache. Il indiquait qu'il avait déchiré la lette de démission de
la plaignante qui relatait les causes de son départ. Il affirmait qu'il
n'avait jamais essayé d'obtenir de faveurs sexuelles de celle-ci en utilisant
sa fonction.

Devant le juge d'instruction il admettait avoir appelé Ad X sur son
téléphone personnel mais seulement à l'occasion de ses arrêts maladie ou pour
des besoins d'organisation professionnelle. En ce qui concerne l'invitation au
Lido, il affirmait que Ad X avait accepté son invitation.

Pour la réservation d'une seule chambre à l'hôtel Ae Z AG il
exposait qu'il s'agissait d'un oubli.(D31)

Une confrontation organisée par le juge d'instruction voyait les parties
rester sur leur position. (D33)


_RENSEIGNEMENTS ET PERSONNALITÉ
_
Le casier judiciaire B1 de l'intéressé porte la mention Néant.


**SUR CE
**
Attendu que M. Aa B nie la totalité des faits ; que toutefois
les pièces de la procédure font apparaître à l'évidence que non seulement il
éprouvait une attirance certaine à l'égard de Mme X mais, qui plus est,
que cet attrait s'est manifesté, par sous-entendus ainsi que le déclare la
victime, par des propositions dont la nature sexuelle n'était pas absente ;
que ces manifestations, certes peu subtiles, ont consisté en de multiples
rendez-vous jamais suivi d'effet, ainsi que par une réservation au Lido au nom
de TOURNOUD et par un "oubli" qui permettait à l'intéressé de proposer à Mme
X de partager sa chambre "single" équipée d'un seul lit de 160 cm.

Attendu, en ce qui concerne les autres éléments constitutifs du délit, que Mme
X indique, notamment à l'audience devant la Cour, que jamais il n'y a
eu de chantage à l'emploi ; que l'on peut observer sur ce point que M. Aa
B a déchiré, sans en parler à quiconque, la lettre de démission de
la plaignante ; que pas d'avantage il n'est démontré qu'il y a eu des ordres
,des menaces ou des pressions dans le but d'obtenir des faveurs sexuelles ;

Que s'agissant de la contrainte, Mme X soutient que les faits du 23 mai
2000 s'inscrivent dans un contexte de harcèlement qui est démontré par la
dégradation de son état de santé rendant impossible par ailleurs la reprise de
son activité professionnelle ;

Attendu que M. Aa B indique pour sa part que jamais il n'a été
question de licenciement ou de rétrogradation professionnelle en ce qui
concerne Mme X ; qu'une attitude de séduction même dénuée de tact ou de
délicatesse ne saurait constituer le délit de harcèlement, pas d'avantage que
de simple signaux sociaux conventionnels lancés de façon à exprimer la
manifestation d'une inclination ;

Attendu qu'il n'est pas contesté par les parties que jamais M. Aa.
LESBARRERES n'a lié le maintien dans l'entreprise ou les modalités de
l'activité professionnelle de Mme X à l'acceptation par celle-ci de
l'accomplissement de faveurs sexuelles ; qu'en aucun cas celle-ci n'a
bénéficié ou souffert pendant la période considérée d'avantages ou sanctions
injustifiées ; qu'après l'épisode du 23 mai, le mis en cause n'a pas modifié
son comportement sur le plan professionnel vis à vis de Mre X ;
Attendu sur ce point que les témoins présents sur le lien de travail,
notamment Mme GES vendeuse au rayon culturel, Mme Af AH responsable
des caisses, M. Ag AI chef du rayon Boucherie, Mme AJ chef du
rayon textile, Mme Ah AK secrétaire, ont déclaré n'avoir rien remarqué
d'anormal dans le comportement de M. Aa B à l'égard de Mme
X et réciproquement ;

Attendu qu'il est avéré, compte tenu de la personnalité de Mme X qui
est décrite comme une dame sérieuse et réservée, que celle-ci a vécu le
comportement de Aa B comme une pression insupportable la
conduisant à démissionner; que le témoignage de sa fille, Ai AL sur
ce point souligne que l'insistance déplacée de son patron avait induit un état
de stress et une dégradation sur le plan psychologique ;

Que selon M. AM comptable à la SOCODI, Mme X était selon lui
dépressive et de santé fragile, ayant bénéficié de plusieurs arrêts maladie
pendant son séjour auprès de la société ;

Que Mme X produit un certificat médical du 22/02/02 évoquant un épisode
dépressif majeur ;

Attendu que le délit de harcèlement sexuel n'est constitué que lorsqu'une
personne, abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions, exerce des
menaces, contraintes ou pressions graves, dans le but d'obtenir des avantages
de nature sexuelle ;

Qu'en l'espèce la preuve d'éléments objectifs de contraintes exercées par M.
Aa B dans le but d'obtenir des avantages de nature sexuelle
n'est pas rapportée ; que la seule attitude de séduction, fût elle maladroite
et insistante, d'un supérieur hiérarchique ne suffit pas à caractériser
l'infraction ; que Mme X n'a pas été licenciée ou mise à pied et n'a
pas d'avantage fait l'objet de mesures disciplinaires ou de rétorsion à la
suite de ses refus réitérés ;

Que dés lors, quelque soit le désagrément vécu par l'intéressée, le délit ne
paraît pas constitué ;

Attendu en conséquence que la Cour entrera en voie de relaxe ;

Attendu enfin, sur les actions civiles que les parties civiles ne démontrent
pas une faute qui serait à l'origine du préjudice dont elles réclament
réparation ; qu'elles seront en conséquence déboutées de leurs demandes tant
au titre des dommages-intérêts que par application de l'article 475-1 du code
de procédure pénale ;

Attendu que l'article 475.1 du code de procédure pénale ne permet pas à la
juridiction qui a renvoyé le prévenu des fins de la poursuite de condamner la
partie civile à lui verser une somme correspondante aux frais irrépétibles ;
qu'en conséquence M. Aa B sera débouté de sa demande de ce
chef.

** _PAR CES MOTIFS
_**

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort

Reçoit les appels comme réguliers en la forme,


Au fond

_Sur l'action publique
_
Infirme le jugement entrepris sur la culpabilité et sur la peine

En conséquence

Renvoie des fins de la poursuite M. Aa B

_Sur l'action civile
_
Reçoit Mme Ad X et l'association AVTF en leur constitution de partie
civile

Les déboute de leurs demandes respectives

Déboute M. Aa B de sa demande au titre de l'article 475-1 du
code de procédure pénale

Le tout par application de l'article 470 du Code de Procédure Pénale.

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