Jurisprudence : CE 9/10 SSR, 06-10-2004, n° 253860

CE 9/10 SSR, 06-10-2004, n° 253860

A5477DD9

Référence

CE 9/10 SSR, 06-10-2004, n° 253860. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/2202206-ce-910-ssr-06102004-n-253860
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Abstract

Par une série d'arrêts, en date du 6 octobre 2004, le Conseil d'Etat parfait sa jurisprudence relative à la notion de disposition pour les besoins de l'activité professionnelle, au sens de l'article 1467 du CGI fixant la base d'imposition à la taxe professionnelle .



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

253860

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
c/
société Seafrance

M. Jean-Baptiste Laignelot, Rapporteur
M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement

Séance du 15 septembre 2004
Lecture du 6 octobre 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu le recours, enregistré le 4 février 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 27 novembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son recours dirigé contre les articles 1 et 2 du jugement du 14 mars 2002 du tribunal administratif de Lille accordant à la société Seafrance une réduction des bases de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1995 et 1996 à raison de son établissement de Loon Plage ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 66-420 du 18 juin 1966 ;

Vu le décret n° 66-1078 du 31 décembre 1966 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste Laignelot, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Seafrance,

- les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Douai que la société nouvelle d'armement transmanche (SNAT), devenue à compter du 1er janvier 1996 la société Seafrance, filiale d'un groupement d'intérêt économique détenu à 86 % à l'époque des faits par la SNCF, a pour activité principale le transport maritime international de passagers et de fret entre la France et la Grande-Bretagne sous le nom de Sealink ; qu'elle a été assujettie au titre des années 1995 et 1996 à raison de son établissement de Loon Plage à des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle procédant de la réintégration dans ses bases d'imposition, d'une part de la valeur locative d'appareils de jeux automatiques installés sur ses navires par la société "Associated Leisure Hire Ltd" et, d'autre part, du montant des loyers qu'elle a versés à la SNCF à laquelle elle avait sous-affrété "coque nue" le train-ferry "Nord - Pas-de-Calais" ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Douai a confirmé la décharge du supplément d'imposition ordonnée par le tribunal administratif de Lille ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : "La taxe professionnelle a pour base : 1° (.) a) la valeur locative (.) des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle (.)" ; qu'aux termes de l'article 1469 du même code : "La valeur locative est déterminée comme suit : (.) 3° Pour les autres biens, lorsqu'ils appartiennent au redevable, lui sont concédés ou font l'objet d'un contrat de crédit-bail mobilier, la valeur locative est égale à 16 % du prix de revient. / Lorsque ces biens sont pris en location, la valeur locative est égale au montant du loyer au cours de l'exercice sans pouvoir différer de plus de 20 % de celle résultant des règles fixées au premier alinéa ; les biens donnés en location sont imposés au nom du propriétaire lorsque la période de location est inférieure à six mois ; il en est de même si le locataire est passible de la taxe professionnelle ou n'a pas la disposition exclusive des biens loués (.)" ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société A.L.H. qui exploite des appareils de jeux automatiques a obtenu l'autorisation d'installer certains de ceux-ci sur les navires de la SNAT et en assure l'entretien ; que la cour n'a pas dénaturé les faits de l'espèce en relevant que la société A.L.H. "prélève les recettes qu'elle partage avec la société Seafrance", dès lors que les recettes étaient effectivement prélevées par la société A.L.H., et que si ces recettes étaient ensuite remises en totalité au commissaire du bord de chaque navire, celui-ci ne faisait qu'en opérer le partage et reverser sa part à la société A.L.H. ; qu'en déduisant de ces faits, par une décision suffisamment motivée, que la valeur locative des appareils de jeux automatiques ne devait pas être incluse dans les bases d'imposition à la taxe professionnelle de la société Seafrance, nonobstant l'intérêt économique que ladite société retirait de l'installation de ces appareils sur ses navires, la cour a, contrairement à ce que soutient le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, fait une exacte application des dispositions précitées de l'article 1467 du code général des impôts ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 10 de la loi du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes : "Par affrètement "coque nue", le fréteur s'engage, contre paiement d'un loyer, à mettre, pour un temps défini, à la disposition d'un affréteur, un navire déterminé, sans armement, ni équipement ou avec un équipement et un armement incomplets" ; qu'aux termes de l'article 28 du décret du 31 décembre 1966 relatif également aux contrats d'affrètement et de transport maritimes : "Sont à la charge de l'affréteur l'entretien du navire et les réparations et remplacements autres que ceux visés à l'article 26. L'affréteur recrute l'équipage, paie ses gages, sa nourriture et les dépenses annexes. Il supporte tous les frais d'exploitation. Il assure le navire" ; qu'aux termes de l'article 26 dudit décret : "Le fréteur a la charge des réparations et des remplacements dus au vice propre du navire (.)" ; qu'enfin aux termes de l'article 7 de la loi précitée : "Par le contrat d'affrètement à temps, le fréteur s'engage à mettre un navire armé à la disposition de l'affréteur pour un temps défini" ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, pour l'application des articles 1467 et 1469-3° précités du code général des impôts relatifs notamment à la détermination des bases d'imposition à la taxe professionnelle, un affréteur doit être regardé comme ayant la disposition pour les besoins de son activité professionnelle d'un navire affrété "coque nue" ; qu'en revanche, il n'en est pas de même en cas d'affrètement ou de sous-affrètement à temps, dès lors que l'affréteur à temps, qui se borne à utiliser pendant une période déterminée un navire armé et équipé ne bénéficie que d'une prestation de service effectuée à son profit ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SNCF est l'affréteur "coque nue" du train-ferry "Nord - Pas-de-Calais" ; qu'elle a sous-affrété ce navire "coque nue" à la SNAT pour une durée de huit ans à compter du 1er juin 1990 ; que la SNAT l'a ensuite sous-affrété à temps à la SNCF pour la même période ; que, dès lors que la SNAT était sous-affréteur "coque nue" du navire, et nonobstant la circonstance que la SNCF en était à la fois fréteur "coque nue" à l'égard de la SNAT et sous-affréteur à temps pendant toute cette période de huit ans, la cour administrative d'appel de Douai a entaché son arrêt d'une erreur de droit en jugeant que la SNAT n'avait pas la disposition du train-ferry "Nord - Pas-de-Calais" pour les besoins de son activité professionnelle ; qu'il suit de là que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander, pour ce motif et dans cette mesure, l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler sur ce point l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la SNAT, sous-affréteur "coque nue", doit être regardée comme ayant eu la disposition du train-ferry "Nord - Pas-de-Calais" pour les besoins de son activité professionnelle au sens des dispositions combinées des articles 1467 et 1469-3° précités du code général des impôts ; que, dès lors, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement en date du 14 mars 2002, le tribunal administratif de Lille a exclu de la base d'imposition à la taxe professionnelle due au titre des années 1995 et 1996 par la société SNAT devenue Seafrance à raison de son établissement de Loon Plage la valeur locative du train-ferry "Nord - Pas-de-Calais" ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Seafrance au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le supplément d'imposition résultant de l'inclusion dans les bases d'imposition à la taxe professionnelle de la société SNAT devenue Seafrance, au titre des années 1995 et 1996 et pour son établissement de Loon Plage, de la valeur locative du train-ferry "Nord - Pas-de-Calais" est remis à la charge de ladite société.

Article 2 : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en date du 27 novembre 2002 et le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 14 mars 2002 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la société Seafrance tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la société Seafrance.

Délibéré dans la séance du 15 septembre 2004 où siégeaient : M. Bernard Stirn, Président adjoint de la Section du Contentieux, Président ; M. Christian Vigouroux, M. Jean-François de Vulpillières, Présidents de sous-section ; M. Philippe Marchand, Mme Martine Denis-Linton, M. Christophe Chantepy, M. Alain Ménéménis, Conseillers d'Etat ; M. Hugues Hourdin, Maître des Requêtes et M. Jean-Baptiste Laignelot, Maître des Requêtes-rapporteur.

Lu en séance publique le 6 octobre 2004.

Le Président :

Signé : M. Bernard Stirn

Le Maître des Requêtes-rapporteur :

Signé : M. Jean-Baptiste Laignelot

Le secrétaire :

Signé : Mme Frédérique Plantard

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le secrétaire

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