Jurisprudence : CEDH, 08-07-2004, Req. 66810/01, KLIAFAS ET AUTRES c/ GRECE

CEDH, 08-07-2004, Req. 66810/01, KLIAFAS ET AUTRES c/ GRECE

A9576DCN

Référence

CEDH, 08-07-2004, Req. 66810/01, KLIAFAS ET AUTRES c/ GRECE. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1897139-cedh-08072004-req-6681001-kliafas-et-autres-c-grece
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PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE KLIAFAS ET AUTRES c. GRÈCE

(Requête n° 66810/01)

ARRÊT

STRASBOURG

8 juillet 2004

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l'affaire Kliafas et autres c. Grèce,

La Cour européenne des Droits de l'Homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

MM. P. LORENZEN, président,

C.L. ROZAKIS,

G. BONELLO,

A. KOVLER,

V. ZAGREBELSKY,

Mme E. STEINER,

M. K. HAJIYEV, juges, et de M. S. QUESADA, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 6 mai 2003 et 17 juin 2004,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCÉDURE

1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (n° 66810/01) dirigée contre la République hellénique et dont sept ressortissants de cet Etat, MM. Stephanos Kliafas, Anagnos Lymberis, Ioannis Anastassopoulos, Stylianos Papanikolaou, Mme Venetia Triantopoulou, MM. Panayotis Ventouras et Theodoros Psaros (" les requérants "), ont saisi la Cour le 4 décembre 2000 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (" la Convention "). Le 21 août 2002, le quatrième requérant décéda ; la procédure fut poursuivie par sa veuve, Paraskevi, et ses trois filles, Athina, Ekaterini et Maria.

2. Les requérants sont représentés par Mes I. Antonakos et A. Tigas, avocats aux barreaux d'Athènes et de Trikala respectivement. Le gouvernement grec (" le Gouvernement ") est représenté par les délégués de son agent, Mme G. Skiani, assesseur auprès du Conseil Juridique de l'Etat, et M. K. Georgiadis, auditeur auprès du Conseil Juridique de l'Etat.

3. Les requérants se plaignaient, sous l'angle de l'article 1 du Protocole n° 1, d'une atteinte à leur droit au respect de leurs biens.

4. La requête a été attribuée à la première section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée d'examiner l'affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l'article 26 § 1 du règlement.

5. Par une décision du 6 mai 2003, la chambre a déclaré la requête recevable.

EN FAIT

6. Les requérants sont des experts-comptables. Jusqu'en 1991, ils étaient fonctionnaires du corps des commissaires aux comptes et percevaient un salaire mensuel fixe.

7. En 1991, dans le but de libéraliser la profession, l'article 75 §§ 1, 2 et 3 de la loi n° 1969/1991 créa le corps des comptables agréés, au registre duquel furent inscrits d'office tous les experts-comptables. Le corps des commissaires aux comptes continua à fonctionner, en attendant la mise en place du nouveau système. Celle-ci devait intervenir à partir du 1er mai 1993. Conformément à l'article 27 §§ 19 et 20 de la loi n° 2166/1993, les vérifications des comptes en cours au 30 avril 1993 seraient poursuivies par les experts-comptables en charge et leur recettes considérées comme revenus personnels.

8. A la lumière des dispositions susmentionnées, les requérants ouvrirent des livres comptables en qualité de professionnels libéraux. Ils continuèrent les travaux en cours au 30 avril 1993, encaissèrent leurs vacations, émirent des factures et déclarèrent leurs ressources auprès du fisc.

9. Le 8 février 1994, le Parlement grec adopta la loi n° 2187/1994 qui abrogea rétroactivement l'article 27 §§ 19 et 20 de la loi n° 2166/1993 et ordonna aux experts-comptables de verser les recettes perçues durant la période transitoire au profit du corps des commissaires aux comptes, qui se trouvait alors en instance de liquidation.

10. Le 23 mars 1994, par décision conjointe des ministres de l'Economie Nationale et du Commerce (n° 12026/.../483), le conseil de surveillance du corps des commissaires aux comptes fut réorganisé afin d'assurer le passage normal au nouveau système. Le 28 mars 1994, le conseil de surveillance prit une décision d'application des dispositions de la loi n° 2187/1994 (décision n° 1099/1994).

11. Les 28 juillet et 13 octobre 1994, le corps des commissaires aux comptes adressa aux requérants des avis de recouvrement des recettes perçues durant la période transitoire.

12. Les 13 avril et 6 mai 1994, les requérants saisirent le Conseil d'Etat d'un recours en annulation des décisions nos 12026/…/483 et 1099/1994. Ils soutinrent que les dispositions de la loi n° 2187/1994 étaient contraires à la Constitution et que les recettes encaissées durant la période transitoire en vertu de la loi n° 2166/1993, faisaient partie de leur patrimoine. Leur demander de restituer ces sommes allait à l'encontre de l'article 1 du Protocole n° 1.

13. Le 27 janvier 2000, le Conseil d'Etat rejeta le recours au motif qu'il était dénué de fondement. En particulier, le Conseil d'Etat considéra que le législateur de 1994 était intervenu afin de rétablir la légalité, après avoir constaté que la loi n° 2166/1993 ne servait pas le but du passage normal au nouveau système, puisqu'il permettait uniquement à certains comptables de s'enrichir de façon injustifiée au détriment des autres comptables et des biens du corps des commissaires aux comptes. Par conséquent, la loi critiquée et ses mesures d'application poursuivaient un but d'intérêt général, touchant à la fois la bonne organisation de la profession et le développement du pays, et n'étaient pas contraires aux dispositions de l'article 1 du Protocole n° 1 (arrêts n° 389/2000 et 390/2000). Ces arrêts furent mis au net le 16 juin 2000.

14. Par la suite, les requérants furent invités à verser diverses sommes au corps des commissaires aux comptes sous peine de saisie immobilière de leurs biens. Celles-ci furent fixées par décisions du conseil de surveillance du corps des commissaires aux comptes, en date des 28 septembre, 4 octobre, 15 et 27 novembre 2000 et 22 janvier 2001. Le conseil de surveillance, à la demande des requérants, déduisit des sommes dues un pourcentage de 27 %, pour tenir compte des montants acquittés par les requérants au titre de l'impôt sur le revenu et les autorisa à effectuer leur remboursement en dix-huit mensualités. En particulier, les requérants devaient rembourser les sommes suivantes : 23 095 502 drachmes (67 778 euros) pour le premier requérant ; 25 256 133 drachmes (74 119 euros) pour le deuxième ; 24 726 408 drachmes (72 565 euros) pour le troisième ; 36 775 020 drachmes (107 924 euros) pour le quatrième ; 22 625 673 drachmes (66 400 euros) pour la cinquième ; 10 988 218 drachmes (32 247 euros) pour le sixième et 24 632 517 drachmes (72 289 euros) pour le septième requérant.

15. A la date d'introduction de leur requête, les requérants avaient versé les sommes suivantes : la totalité des sommes dues par les premier, deuxième, cinquième et sixième requérants ; 23 678 949 drachmes (69 491 euros) par le troisième ; 31 906 697 drachmes (93 637 euros) par le quatrième et enfin 12 902 747 drachmes (37 866 euros) par le septième requérant.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 1 DU PROTOCOLE N 1

16. Les requérants se plaignent d'avoir été indûment privés de leurs biens. Ils invoquent l'article 1 du Protocole n° 1, ainsi rédigé :

" Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. "

17. Les requérants affirment qu'ils ont été obligés de rembourser des recettes encaissées en toute légalité. Celles-ci étaient le fruit de leur travail et faisaient partie de leur patrimoine. La privation de leurs biens en vertu d'une loi à effet rétroactif ne poursuivait aucun but d'intérêt public et était contraire aux principes de l'état de droit.

18. Le Gouvernement soutient que, selon la jurisprudence de la Cour, le pouvoir législatif n'est pas empêché de réglementer, par de nouvelles dispositions, des droits découlant des lois antérieurement en vigueur (Papageorgiou c. Grèce, arrêt du 22 octobre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-VI, p. 2288, § 37). Il affirme que la loi n° 2166/1993 récompensait les experts-comptables paresseux qui n'avaient pas fini leurs travaux avant la mise en place du nouveau système, au détriment des autres experts-comptables qui avaient consciencieusement achevé leurs travaux avant le 30 avril 1993. Dès lors, la loi n° 2187/1994 qui abrogea la loi susmentionnée poursuivait un but d' " intérêt général ", à savoir assurer le passage normal au nouveau système et organiser une profession qui importe à l'ensemble du secteur économique du pays. Par ailleurs, les requérants ont bénéficié d'un arrangement favorable de leur dette.

19. Selon la jurisprudence de la Cour, l'article 1 du Protocole n° 1, qui garantit en substance le droit de propriété, contient trois normes distinctes (voir, notamment, James et autres c. Royaume-Uni, arrêt du 21 février 1986, série A n° 98-B, pp. 29-30, § 37) : la première, qui s'exprime dans la première phrase du premier alinéa et revêt un caractère général, énonce le principe du respect de la propriété ; la deuxième, figurant dans la seconde phrase du même alinéa, vise la privation de propriété et la soumet à certaines conditions ; quant à la troisième, consignée dans le second alinéa, elle reconnaît aux Etats contractants le pouvoir, entre autres, de réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général. La deuxième et la troisième, qui ont trait à des exemples particuliers d'atteintes au droit de propriété, doivent s'interpréter à la lumière du principe consacré par la première.

20. Dans le cas d'espèce, la Cour estime qu'il y a eu une ingérence dans le droit des requérants au respect de leurs biens qui s'analyse en une " privation " de propriété au sens de la seconde phrase du premier alinéa de l'article 1 du Protocole n° 1. Dès lors, elle doit rechercher si l'ingérence dénoncée se justifie sous l'angle de cette disposition.

21. La Cour rappelle que l'article 1 du Protocole n° 1 exige, avant tout et surtout, qu'une ingérence de l'autorité publique dans la jouissance du droit au respect de biens soit légale : la seconde phrase du premier alinéa de cet article n'autorise une privation de propriété que " dans les conditions prévues par la loi " et le second alinéa reconnaît aux Etats le droit de réglementer l'usage des biens en mettant en vigueur des " lois ". De plus, la prééminence du droit, l'un des principes fondamentaux d'une société démocratique, est une notion inhérente à l'ensemble des articles de la Convention (Ex-roi de Grèce et autres c. Grèce [GC], n° 25701/94, § 79, CEDH 2000-XII).

22. Dans le cas d'espèce, la Cour considère que la loi n° 2187/1994 constituait la base légale de l'ingérence dénoncée. Certes, en l'occurrence, les requérants ont contesté la constitutionnalité de cette loi devant le Conseil d'Etat et ont fait valoir que, inconstitutionnelles, les dispositions litigieuses n'offraient pas une base légale valable pour la privation de propriété dont ils se plaignent. Or, dans ses arrêts nos 389/2000 et 390/2000 (paragraphe 13 ci-dessus), le Conseil d'Etat a examiné et écarté les griefs que les requérants tiraient de l'inconstitutionnalité de la loi n° 2187/1994. Sur ce point, la Cour relève qu'il appartient au premier chef aux autorités internes, notamment les cours et tribunaux, d'interpréter et d'appliquer le droit interne et de se prononcer sur les questions de constitutionnalité (Ex-roi de Grèce et autres c. Grèce, précité, § 82). Vu les arrêts susmentionnés du Conseil d'Etat qui ont conclu à la constitutionnalité de la loi incriminée, la Cour juge que la privation était prévue par la loi, comme le veut l'article 1 du Protocole n° 1.

23. La Cour doit maintenant rechercher si cette privation de propriété poursuivait un but légitime, à savoir s'il existait une " cause d'utilité publique " au sens de la seconde règle énoncée par l'article 1 du Protocole n° 1.

24. La Cour estime que, grâce à une connaissance directe de leur société et de ses besoins, les autorités nationales se trouvent en principe mieux placées que le juge international pour déterminer ce qui est " d'utilité publique ". Dans le mécanisme de protection créé par la Convention, il leur appartient par conséquent de se prononcer les premières sur l'existence d'un problème d'intérêt général justifiant des privations de propriété. Dès lors, elles jouissent ici d'une certaine marge d'appréciation, comme en d'autres domaines auxquels s'étendent les garanties de la Convention.

25. De plus, la notion d' " utilité publique " est ample par nature. En particulier, la décision d'adopter des lois portant privation de propriété implique d'ordinaire l'examen de questions politiques, économiques et sociales. Estimant normal que le législateur dispose d'une grande latitude pour mener une politique économique et sociale, la Cour respecte la manière dont il conçoit les impératifs de l' " utilité publique ", sauf si son jugement se révèle manifestement dépourvu de base raisonnable (Pressos Compania Naviera S.A. et autres c. Belgique, arrêt du 20 novembre 1995, série A n° 332, p. 22, § 37).

26. Dans le cas d'espèce, le Gouvernement affirme que le but de la loi incriminée était d'assurer la bonne organisation de la profession d'expert-comptable. Ceci peut certes être un but valable, même si le Gouvernement n'a pas suffisamment expliqué en quoi les recettes personnelles perçues par les requérants en l'espèce ont pu nuire à la mise en place du nouveau système. En tout état de cause, la Cour estime que ces interrogations ne sauraient suffire à priver de légitimité l'objectif de la loi n° 2187/1994 de servir une " cause d'utilité publique ".

27. La Cour doit enfin rechercher si un juste équilibre a été maintenu entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs des droits fondamentaux de l'individu.

28. Elle rappelle à cet égard qu'une mesure d'ingérence dans le droit au respect des biens doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu (voir, parmi d'autres, Sporrong et Lönnroth c. Suède, arrêt du 23 septembre 1982, série A n° 52, p. 26, § 69). Le souci d'assurer un tel équilibre se reflète dans la structure de l'article 1 du Protocole n° 1 tout entier, donc aussi dans la seconde phrase qui doit se lire à la lumière du principe consacré par la première. En particulier, il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé par toute mesure privant une personne de sa propriété (Pressos Compania Naviera S.A. et autres c. Belgique, précité, p. 23, § 38).

29. Pour ce qui est de la présente affaire, la Cour note que les requérants ont été contraints de rembourser des recettes qui étaient le fruit de leur travail, encaissées en toute légalité et déclarées auprès du fisc. Il est vrai qu'un pourcentage de 27 % fut déduit des sommes dues, pour tenir compte des montants acquittés par les requérants au titre de l'impôt sur le revenu, mais cela ne suffit pas, aux yeux de la Cour, pour remédier au fait que les requérants ont dû rembourser, sous la menace d'une saisie immobilière de leurs biens, des sommes obtenues conformément à une loi et faisant partie de leur patrimoine.

30. La Cour estime en conséquence qu'une atteinte aussi radicale aux droits des intéressés rompt, en défaveur de ceux-ci, le juste équilibre à ménager entre la protection de la propriété et les exigences de l'intérêt général.

Partant, il y a eu violation de l'article 1 du Protocole n° 1.

II. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

31. Aux termes de l'article 41 de la Convention,

" Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. "

A. Dommage

32. Les requérants réclament, au titre du préjudice matériel, le remboursement des sommes qu'ils ont versées, majorées d'un intérêt légal. Ils sollicitent en outre 14 673 euros (EUR) chacun au titre du dommage moral.

33. Le Gouvernement rappelle que le conseil de surveillance, à la demande des intéressés, déduisit des sommes dues un pourcentage de 27 %, pour tenir compte des montants acquittés par les requérants au titre de l'impôt sur le revenu et les autorisa à effectuer leur remboursement en dix-huit mensualités. Au vu de cet arrangement favorable aux requérants, il estime que leur demande au titre du préjudice matériel est dénuée de fondement. Pour ce qui est du dommage moral, il estime qu'un constat de violation constituerait une satisfaction équitable suffisante.

34. La Cour rappelle qu'un arrêt constatant une violation entraîne pour l'Etat défendeur l'obligation juridique de mettre un terme à la violation et d'en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], n° 31107/96, § 32, CEDH 2000-XI).

35. Dans le cas d'espèce, la Cour a jugé que l'obligation imposée aux requérants de rembourser les recettes encaissées conformément à la loi n° 2166/1993 (paragraphes 7 et 8 ci-dessus) constitua une violation de l'article 1 du Protocole n° 1. Eu égard audit constat, la Cour estime qu'il y a lieu d'accorder aux requérants l'intégralité des sommes qu'ils ont remboursées conformément à la loi n° 2187/1994, à savoir 67 778 EUR au premier requérant; 74 119 EUR au deuxième ; 69 491 EUR au troisième ; 93 637 EUR aux héritiers du quatrième requérant, 66 400 EUR à la cinquième ; 32 247 EUR au sixième et 37 866 EUR au septième requérant. En ce qui concerne l'octroi d'intérêts, la Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle le caractère adéquat d'un dédommagement diminuerait si le paiement de celui-ci faisait abstraction d'éléments susceptibles d'en réduire la valeur, tel l'écoulement d'un laps de temps (Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce, arrêt du 9 décembre 1994, série A n° 301-B, p. 90, § 82 ; Logothetis c. Grèce (satisfaction équitable), n° 46352/99, § 9, 18 avril 2002). Il y a donc lieu d'accorder aux requérants un intérêt non capitalisable de 6 % per annum sur les sommes allouées, pour la période allant du jour du paiement par les requérants des sommes litigieuses à la date du prononcé du présent arrêt.

36. La Cour estime en outre que le constat d'une violation fournit en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi par les requérants.

B. Frais et dépens

37. Les requérants sollicitent en outre 4 500 EUR chacun au titre des frais et dépens qu'ils devront rembourser à leurs conseils à l'issue de la procédure devant la Cour.

38. Le Gouvernement estime excessive les sommes demandées. Selon lui, la somme susceptible d'être allouée au titre des frais et dépens ne saurait dépasser 3 000 EUR.

39. Selon la jurisprudence constante de la Cour, l'allocation de frais et dépens au titre de l'article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce, précité, § 54).

40. La Cour note que les requérants, qui étaient représentés par deux avocats, n'ont pas bénéficié de l'assistance judiciaire. Elle juge raisonnable de leur allouer conjointement 7 000 EUR au titre des frais et dépens, taxe sur la valeur ajoutée incluse.
C. Intérêts moratoires

41. La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À l'UNANIMITÉ,

1. Dit qu'il y a eu violation de l'article 1 du Protocole n° 1 ;

2. Dit :

a) que l'Etat défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes pour dommage matériel, majorées d'un intérêt non capitalisable de 6 % per annum, pour la période allant du jour du paiement par les requérants des sommes litigieuses à la date du prononcé du présent arrêt :

i. 67 778 EUR (soixante-sept mille sept cent soixante-dix-huit euros) au premier requérant ;

ii. 74 119 EUR (soixante-quatorze mille cent dix-neuf euros) au deuxième requérant ;

iii. 69 491 EUR (soixante-neuf mille quatre cent quatre-vingt-onze euros) au troisième requérant ;

iv. 93 637 EUR (quatre-vingt-treize mille six cent trente-sept euros) aux héritiers du quatrième requérant ;

v. 66 400 EUR (soixante-six mille quatre cents euros) à la cinquième requérante ;

vi. 32 247 EUR (trente-deux mille deux cent quarante-sept euros) au sixième requérant ;

vii. 37 866 EUR (trente-sept mille huit cent soixante-six euros) au septième requérant ;

b) que l'Etat défendeur doit verser conjointement aux requérants, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 7 000 EUR (sept mille euros) pour frais et dépens, taxe sur la valeur ajoutée incluse ;

c) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

3. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 8 juillet 2004 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Santiago QUESADA, Greffier adjoint

Peer LORENZEN, Président

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