CIV. 2 FB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 30 juin 2004
Rejet
M. ANCEL, président
Arrêt n° 1142 FS P+B
Pourvoi n° V 02-19.599
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par M. Pierre Z, demeurant Cologny
en cassation d'un arrêt rendu le 23 mai 2002 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), au profit de la société Hachette Filipacchi associés, société en nom collectif, dont le siège est Levallois-Perret, défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 2 juin 2004, où étaient présents M. Ancel, président, Mme Crédeville, conseiller rapporteur, M. Guerder, conseiller doyen, MM. de Givry, Mazars, Croze, Bizot, Gomez, Mme Aldigé, M. Breillat, conseillers, MM. Besson, Lafargue, conseillers référendaires, Mme Genevey, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Crédeville, conseiller, les observations de Me Bouthors, avocat de M. Z, de la SCP Thomas-Raquin et Benabent, avocat de la société Hachette Filipacchi associés, les conclusions de M. Benmakhlouf, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 mai 2002), que dans son numéro du 30 décembre 1999 l'hebdomadaire Paris-Match édité par la société Hachette Filipacchi a publié un article annoncé en page de couverture sous le titre "Affaire Elf, Match publie la lettre qui accable Helmut Kohl" illustré par trois photographies dont l'une représentait M. Z ; qu'estimant que la publication de ce cliché pris à son insu dans un lieu privé lors des obsèques de son père, portait atteinte au droit au respect de son image, M. Z a fait assigner la société Hachette Filipacchi ;
Attendu que M. Z reproche à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes tendant à obtenir réparation de l'atteinte portée à son image alors, selon le moyen, qu'il résulte de la combinaison des articles 8 et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 9 du Code civil, que la reproduction dans un article de presse d'une personne photographiée à son insu dans des circonstances relevant de sa vie privée ne peut légitimement illustrer un événement d'actualité, lui-même entièrement étranger au cliché incriminé ; que les modifications apportées à la photographie publiée pour en isoler la figure du requérant sont inopérantes et ne justifient en aucune manière l'atteinte portée à son droit à l'image, lequel prévaut sur la liberté de la publication en l'état du caractère illicite de la captation de l'image et de la violation de la vie privée réalisée par la reproduction incriminée et en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé qu'en principe toute personne a sur son image un droit exclusif et absolu et peut s'opposer à sa fixation, à sa reproduction ou à son utilisation sans autorisation préalable mais que ce droit doit se combiner avec l'exercice de la liberté de communication des informations, ce dont il résulte qu'une personne ne peut s'opposer à la réalisation et à la divulgation de son image chaque fois que le public a un intérêt légitime à être informé, l'arrêt retient que la photographie incriminée permettait seulement l'identification du visage de M. Z et que les informations données dans l'article qu'elle illustrait constituaient un fait d'actualité ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que la publication de cette photographie de M. Z, même prise dans des circonstances de sa vie étrangères à ses activités professionnelles, dès lors qu'elle n'avait pour objet que d'illustrer un article concernant un événement d'actualité dans lequel il était impliqué, était licite ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Hachette Filipacchi associés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille quatre.