Jurisprudence : CA Paris, 16e, B, 10-06-2004, n° 2003/04442



COUR D'APPEL DE PARIS
16ème chambre, section B
ARRÊT DU 10 JUIN 2004
(N°, 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 2003/04442
Décision déférée à la Cour Jugement rendu le 23/01/2003 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS 5ème Chambre 2ème Section -
RG n° 2000/20366

APPELANTE
Madame Z Raymonde Jeanne Mathilde épouse Z
né(e) le 11/11/1920 à PARIS 14ème
demeurant PARIS
représentée par la SCP HARDOUTN, avoué à la Cour
assistée de Maître ... ..., Toque E235, Avocat au Barreau de PARIS
INTIMÉ
SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES
PARIS

représenté par son syndic le Cabinet CEGI
ayant son siège PARIS
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoué à la Cour assisté de Maître ... ..., Toque D1540, Avocat au Barreau de PARIS, substituant Maître C. ... (Toque M 401)
INTIMÉE
SOCIÉTÉ ALSANORD
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège PARIS
non représentée, non assistée

COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 avril 2004, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame PROVOST-LOPIN, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de
S. GARBAN, président
M. PROVOST-LOPIN, conseiller
C. IMBAUD-CONTENT, conseiller, appelée d'une autre
Chambre pour compléter la Cour
Greffier, lors des débats M.F. MEGNIEN
ARRÊT
- réputé contradictoire,
- prononcé publiquement par S. GARBAN, président,
- signé par S. GARBAN, président et par M.F. MEGNIEN, greffier présent lors du prononcé.

*************
Le 25 juin 1996, Raymonde Z a loué en renouvellement à P. ... des locaux commerciaux à destination de cadeaux, gadgets,
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vêtements dépendant d'un immeuble en copropriété situé à Paris (10') 39 rue d'Alsace pour une durée de 9 ans à compter du 1er juin 1996.
Par avenant du 30 août 1998, la bailleresse a autorisé le locataire à exercer dans les lieux loués, aux lieu et place de l'activité initialement prévue, celle de "vidéo club, location, achat, vente de cassettes, objets de Paris, et tout ce qui se rapporte accessoirement à ces activités".
Le 21 septembre 1998, P. ... a cédé son fonds de commerce à la société Alsanord.
Ayant été avisé que cette société en cours de formation avait le projet d'exploiter dans les locaux loués une activité de vente de cassettes à caractère pornographique, le syndic de l'immeuble, la Compagnie Européenne de Gestion, Immobilière a, le 29 octobre 1998, écrit à Raymonde Z pour connaître l'exacte activité de sa nouvelle locataire. Par retour du courrier, cette dernière a répondu avoir autorisé dans les locaux une activité de vidéo club mais n'avoir "donné aucun accord, même verbal, pour une activité pornographique".
Une assemblée des copropriétaires du 28 septembre 1999 mandatait à l'unanimité le syndic pour initier une procédure contre Raymonde Z et la société locataire en vue de faire cesser l'activité commerciale non conforme au règlement de copropriété ou faire fermer le local. Saisi le 27 décembre 1999 par Raymonde Z, le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 5 juin 2001, a prononcé l'annulation de cette assemblée pour violation de l'article 9 du décret du 17 mars 1967. Une nouvelle assemblée a voté la même résolution le 20 juin 2000.
Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble a, le 21 novembre 2000, fait assigner la bailleresse et la société preneuse notamment en paiement d'une somme de 70.000 francs à titre de dommages et intérêts.
Le 18 octobre 2001, la société preneuse a été expulsée des lieux loués.

Le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 23 janvier 2003, a
- condamné Raymonde Z à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 7.600 euros à titre de dommages et intérêts,
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RG N° 2003/04442 - 3ème page



- condamné Raymonde Z à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamné la société Alsanord à garantir Raymonde Z de toutes les condamnations pécuniaires prononcées à son encontre par cette décision,
- débouté Raymonde Z de sa demande sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- débouté la société Alsanord de sa demande sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné Raymonde Z aux entiers dépens ;
La Cour,

Vu l'appel de cette décision interjeté par Raymonde Z,
Vu les conclusions en date du 9 mars 2004 par lesquelles l'appelante poursuit l'infirmation du jugement et demande à la Cour
- de débouter le syndicat des copropriétaires de toutes ses demandes, subsidiairement,
- dans l'hypothèse où la Cour estimerait que Raymonde Z aurait engagé sa responsabilité à l'égard du syndicat par son inaction fautive,
- de dire et juger, compte tenu des circonstances particulières de cette espèce, que ce préjudice ne saurait être réparé que de manière symbolique par l'allocation de 1 euros à titre de dommages et intérêts,
- de dire et juger que la société Alsanord doit garantir Raymonde Z de toutes les condamnations pécuniaires prononcées à son encontre,
- de condamner le syndicat des copropriétaires et la société Alsanord, outre aux dépens, au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
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Vu les conclusions en date du 22 janvier 2004 par lesquelles le syndicat des copropriétaires conclut à la confirmation du jugement et demande à la Cour de condamner Raymonde Z et la société Alsanord, outre aux dépens, au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu l'absence de constitution de la société Alsanord assignée en application des dispositions de l'article 659 du nouveau Code de procédure civile;

Sur ce
Considérant qu'aux termes des articles 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965, chaque copropriétaire doit respecter et faire respecter le règlement de copropriété ; qu'il dispose des parties privatives dans son lot, use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne pas porter atteinte aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble ;
Considérant que l'article 1" du règlement de copropriété de l'immeuble considéré intitulé " usage de la propriété privée" dispose en son § 2° "les appartements et leurs dépendances ....ne pourront être occupés ou habités que par des personnes honorables et de très bonnes moeurs, qui ne devront rien faire ni laisser faire par leur personnel ou autres personnes en relation avec elles, à un titre quelconque, qui puisse nuire à la bonne tenue de la maison... les occupants ne pourront exercer aucune profession capable de nuire au bon aspect et à la tranquillité de l'immeuble..." ; que par suite, le règlement de copropriété a manifestement banni une activité de sex-shop incompatible avec la destination de l'immeuble ;
Considérant que si l'appelante ne conteste pas que sa locataire ait exercé une telle activité incompatible avec la destination de l'immeuble, elle considère avoir fait le nécessaire pour mettre un terme à l'infraction au règlement de copropriété dès qu'elle en a eu connaissance et met en évidence la carence du syndic ;
Mais considérant qu'avisé que la société Alsanord en cours de formation avait le projet d'exercer dans les locaux loués une activité de vente de cassettes à caractère pornographique, le syndic de l'immeuble, la Compagnie Européenne de Gestion, Immobilière a, le 29 octobre 1998, écrit à la bailleresse,
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Raymonde Z pour connaître l'exacte activité de sa nouvelle locataire ; que le 30 octobre 1998, la bailleresse répondait avoir autorisé la cessionnaire à exercer dans les locaux une activité de vidéo club mais n'avoir "donné aucun accord, même verbal, pour une activité pornographique" ; que le 18 novembre suivant, le syndic de la copropriété écrivait à nouveau à Raymonde Z en ces termes "... depuis, les travaux d'aménagement de ce local commercial dont vous êtes propriétaire au rez-de-chaussée de l'immeuble se poursuivent et nous savons maintenant qu'il y a l'enseigne suivante
HOT VIDÉO PROJECTIONS VIDÉOS
VIDÉO CLUB Il apparaît donc qu'il n'y a plus d' ambiguïté sur la nature de l'activité que prévoit d'exercer votre locataire.
Le préjudice de la copropriété est certain et encore une fois, nous vous demandons d'intervenir pour que l'activité exercée dans ce local soit plus conforme aux dispositions du règlement de copropriété" ; que l'administrateur de biens de Raymonde Z écrivait le 20 novembre à la CEGI " ... vous voudrez bien nous indiquer de façon précise ce que vous entendez par nous vous demandons d'intervenir pour que l'activité exercée dans ce local soit plus conforme aux dispositions du règlement de copropriété. En effet, nous tenons à vous rappeler qu'aucune activité particulière n'est interdite dans le dit règlement
)5
Qu'en janvier 1999, l'ensemble des copropriétaires signait une pétition s'indignant de l'exercice d'un commerce non conforme au règlement de copropriété ; et que sur requête du syndicat des copropriétaires en date du 22 octobre 1999, le délégué du président du tribunal de grande instance de Paris a commis Maître ..., huissier de justice, avec mission de décrire les activités exercées par la société preneuse dans le local commercial ; que les constatations faites par l'huissier le 4 décembre 1999 confirment que l'activité exercée par la société Dupleix, locataire gérante de la société Alsanord est celle de sex shop, les mentions suivantes apparaissant en vitrine SEX SHOP PEEP SHOW STRIP SHOW THÉÂTRE EROTIQUE GADGETS PRODUITS APHRO POPPERS SALON CONTACT ;
Que ce n'est que le 18 avril 2000, la bailleresse délivrera sommation à la société locataire d'avoir, au visa des articles 25 et 9 du décret du 30 septembre 1953 et de la clause résolutoire inscrite au bail, à reprendre sans délai l'exercice de l'activité prévue à l'avenant du 30 août 1998, de cesser l'activité constatée de "SEX SHOP PEEP SHOW STRIP SHOW THÉÂTRE EROTIQUE GADGETS PRODUITS APHRO POPPERS SALON CONTACT" et de remettre les locaux dans un état correspondant à l'activité autorisée ;
Que le 2 juin 2000, la bailleresse fera constater que la situation est demeurée inchangée avant d'assigner la locataire en constat de la clause résolutoire ;
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ARRÊT DU 10 JUIN 2004 j RG N° 2003/04442 - 6ème page

Que si l'appelante a poursuivi et finalement réalisé l'expulsion de la locataire le 28 octobre 2001, c'est en exécution d'une ordonnance de référé rendue le 28 juin 2001 (à la suite d'un commandement de payer la somme de 14.134,34 francs au titre des loyers impayés) suspendant les effets de la clause résolutoire et accordant à la société locataire des délais de paiement qu'elle ne respectera pas ;
Qu'au vu de la chronologie des faits, il apparaît que Raymonde Z n'a pas agi avec toute la diligence pour remédier à la situation ; que prévenue dès octobre 1998 de l'activité de sex shop que déployait sa locataire dans les locaux, l'appelante a attendu 18 mois pour la mettre en demeure de cesser cette activité commerciale contraire au règlement de copropriété ; que comme l'a relevé le tribunal, le courrier du 23 novembre 1998 émanant de son mandataire laissait présager que rien ne serait entrepris contre la société locataire; qu'il a fallu des incidents de paiement relatifs aux loyers et un commandement de payer demeuré infructueux pour que la bailleresse poursuive effectivement l'expulsion ; que si la négligence de l'appelante est avérée, il en va différemment du syndicat des copropriétaires et de son syndic qui d'emblée se sont manifestés pour faire constater et cesser l'activité de la locataire ; qu'en effet, dès l'installation de la société Alsanord, le syndicat des copropriétaires a signalé les faits à l'appelante faisant dresser constat le 4 décembre 1999 provoquant la réunion de l'assemblée générale des copropriétaires dès septembre 1999 pour initier une procédure contre Raymonde Z et la société locataire en vue de faire cesser l'activité commerciale non conforme au règlement de copropriété ou faire fermer le local ; que si le syndic n'a pas engagé la procédure avant le 21 novembre 2000, c'est parce que le 27 décembre 1999, Raymonde Z a saisi le tribunal de grande instance de Paris, qui, par jugement du 5 juin 2001, a prononcé l'annulation de cette assemblée pour violation de l'article 9 du décret du 17 mars 1967 ; que l'appelante ne peut sérieusement soutenir ne pas avoir eu connaissance ni avoir été régulièrement informée de la situation ;
Considérant que Raymonde Z critique à titre subsidiaire le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 7.600 euros à titre de dommages et intérêts et fait valoir qu'à supposer qu'il puisse lui être reproché une faute, ce qu'elle conteste, le préjudice subi par le syndicat ne peut être évalué qu'à une somme symbolique ;
Mais considérant que le tribunal a, au vu des éléments de la cause, justement évalué à 7.600 euros le préjudice subi par le syndicat des copropriétaires et généré par l'activité de sex-shop exercée dans les lieux loués de 1999 à 2001 ; qu'aucun élément ne vient étayer la thèse de l'appelante selon laquelle la somme allouée par le tribunal serait équivalente au " cumul de la réparation de préjudices subis personnellement par chacun des membres du syndicat" (page 5 des conclusions récapitulatives de Raymonde Z) ;
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9E5




Considérant que la société Alsanord, à laquelle le règlement de copropriété est opposable, a été à bon droit condamnée à garantir Raymonde Z de toutes les condamnations prononcées à son encontre ; que le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant qu'il y a lieu d'allouer au syndicat des copropriétaires une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; qu'en revanche, la demande formée par Raymonde Z doit être écartée ;

Par ces motifs
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et y ajoutant,
Rejette toute autre demande des parties,
Condamne Raymonde Z à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble à Paris (l Oème) pris en la personne de son syndic, la CEGI, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne Raymonde Z aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.




Le PRÉSIbENT,


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