Jurisprudence : Cass. crim., 28-04-2004, n° 04-80.753, F-P+F, Rejet

Cass. crim., 28-04-2004, n° 04-80.753, F-P+F, Rejet

A1731DC4

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CRIM.
N° G 04-80.753 F-P+F         N° 2585
SM28 AVRIL 2004         
M. COTTE président,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit avril deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire ... et les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ... ;

Statuant sur le pourvoi formé par
-         ... David,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de CHAMBERY, en date du 30 décembre 2003, qui, dans l'information suivie contre lui pour assassinats, a rejeté sa requête en annulation d'actes de la procédure ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 1er mars 2004, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 63-1, 63-4, 153, 154, 171, 802, et 591 à 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a refusé de prononcer la nullité de l'ensemble des actes réalisés au cours de la garde à vue de David ... et prononcer la nullité de l'ensemble des actes subséquents ;
"aux motifs qu'il résulte de la procédure que David ... a été interpellé le mardi 16 septembre 2003 à 7 heures 40 par les enquêteurs de la Gendarmerie sur le parking de Carrefour à Annecy (Haute-Savoie) ; que l'intéressé a été immédiatement placé en garde à vue et ses droits lui ont été notifiés sur les lieux de l'interpellation le même jour à 7 heures 45 (...) ; que, dans les locaux de la brigade territoriale de gendarmerie d'Annecy (Haute-Savoie), ses droits lui ont définitivement été notifiés par procès-verbal qu'il a signé de 8 heures 05 à 8 heures 30 ; qu'au cours de cette notification, le gardé à vue a notamment précisé qu'il désirait être assisté d'un avocat commis d'office par le bâtonnier ; que l'officier de police judiciaire a, à 8 heures 25, contacté téléphoniquement (sur messagerie vocale) Me Catherine ..., puis Me Clémence ... après 10 heures, en l'avisant de la mesure de garde à vue dont faisait l'objet David ..., de la nature de l'infraction recherchée et du désir de la personne gardée à vue de s'entretenir avec un avocat ; que, le même jour, de 14 heures 30 à 15 heures, la personne gardée à vue s'est entretenue confidentiellement avec l'avocat ; qu'à l'issue de cet entretien, l'avocat n'a remis aux enquêteurs aucune observation écrite pour qu'elle soit jointe à la procédure (...) ; qu'il résulte des éléments susvisés que l'officier de police judiciaire justifie dans la procédure avoir accompli les démarches de nature à permettre, dans le délai légal, l'exercice du droit à l'entretien avec un avocat ; que, comme le rappelle la jurisprudence constante de la chambre criminelle de la Cour de Cassation, l'officier de police judiciaire n'a, dans la mise en oeuvre de l'entretien avec un avocat, qu'une obligation de moyen et non de résultat et ne saurait donc être rendu coupable de l'impossibilité de joindre l'avocat de permanence, de l'impossibilité, pour ce dernier, à se déplacer ou de son retard éventuel ; qu'en l'espèce, l'officier de police judiciaire justifie de ses diligences accomplies dès le mardi 16 septembre 2003 à 8 heures 25, soit 45 minutes après l'interpellation de David ..., afin de permettre l'entretien de celui-ci placé en garde à vue avec son avocat ;
"alors, d'une part, que la personne gardée à vue doit bénéficier, lorsqu'elle le demande, d'un entretien avec un avocat commis d'office dès le début de sa garde à vue ; que le bâtonnier ou l'avocat de permanence est informé de cette demande par tous moyens et sans délai ; qu'en l'espèce, placé en garde à vue à 7 heures 40, David ... a aussitôt demandé à bénéficier d'un entretien avec un avocat commis d'office ; qu'en attendant plus de 45 minutes pour prévenir l'avocat de permanence, l'officier de police judiciaire n'a pas effectué les diligences qui lui incombaient "sans délai" et a ainsi, violé les articles et principes susvisés ;
"alors, d'autre part, que l'officier chargé de prévenir le bâtonnier ou l'avocat de permanence, doit mettre en oeuvre toutes les diligences nécessaires pour que l'entretien soit assuré dès le début de la garde à vue ; qu'en se contentant d'un seul coup de téléphone sur la messagerie vocale d'un avocat de permanence, sans renouveler son appel, ni à cet avocat, ni à un autre et en attendant plus de 2 heures 20 après le début de la garde à vue pour contacter un second avocat, l'officier de police judiciaire n'a pas mis en oeuvre toutes les diligences nécessaires pour que David ... puisse bénéficier d'une manière concrète et effective de son droit à un entretien ;
"alors, enfin, que le droit à un entretien avec un avocat dès le début de la garde à vue, est un droit essentiel au respect des droits de la défense ; qu'en commençant les auditions à 8 heures 30, soit seulement 5 minutes après avoir tenté d'avertir un avocat commis d'office, l'officier de police judiciaire a mis David ... dans l'impossibilité effective de bénéficier d'un entretien dès le début de la garde à vue, à tout le moins, avant le début des auditions ; qu'ainsi, ses droits de la défense ont été violés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que des officiers de police judiciaire agissant sur commission rogatoire du juge d'instruction, après avoir interpellé, le 16 septembre 2003, à 7 heures 40, David ... sur le parking d'un supermarché, l'ont immédiatement placé en garde à vue et lui ont notifié verbalement les droits attachés à cette mesure ; que l'intéressé a alors formulé une demande d'entretien avec un avocat commis d'office ; qu'à l'arrivée dans les locaux de la brigade de gendarmerie, il a été procédé, de 8 heures à 8 heures 30 à la notification écrite des droits, David ... renouvelant alors sa demande d'entretien avec un avocat ;
Attendu que, pour rejeter le moyen d'annulation proposé par David ... et pris du non-respect de son droit à un entretien avec un avocat dès le début de sa garde à vue et de l'irrégularité de ses auditions, l'arrêt attaqué relève qu'il résulte du procès-verbal rédigé par l'officier de police judiciaire que celui-ci, après avoir vainement contacté la messagerie vocale de l'avocat de permanence à 8 heures 25, a joint par téléphone, à 10 heures, un autre avocat avec lequel David ... s'est entretenu de 14 heures 30 à 15 heures ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
Que, d'une part, satisfait aux exigences posées par l'article 63-4 du Code de procédure pénale, l'officier de police judiciaire qui justifie avoir contacté, par tous moyens, fût-ce vainement la première fois, le bâtonnier de l'Ordre ou son délégataire dès la demande d'entretien avec un avocat commis d'office formulée par la personne gardée à vue, au moment de la notification écrite de ses droits, lorsque celle-ci intervient à l'arrivée dans le local de police, peu après une notification verbale effectuée sur le lieu de l'interpellation ;
Que, d'autre part, aucune disposition légale ou conventionnelle n'impose à l'officier de police judiciaire, qui a tenté vainement de joindre, dès le début de la mesure de garde à vue, le bâtonnier de l'Ordre des avocats ou son délégataire, de différer l'audition de la personne qui fait l'objet de cette mesure ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de l'article préliminaire, des articles 105, 113-1, 153, 154, 171, 802, 591 à 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense, du droit de garder le silence et du droit de ne pas s'auto-incriminer ;
"en ce que l'arrêt attaqué a débouté David ... de sa demande d'annulation de l'ensemble des actes réalisés au cours de sa garde à vue effectuée sous serment, ainsi que de l'ensemble des actes subséquents ;
"aux motifs qu'à 8 heures 30, avant d'être entendu par les enquêteurs pour cette première audition au cours de cette garde à vue, David ... a prêté serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, et qu'il a ensuite fait sa déposition ; que la prestation de serment de témoin imposé à David ... avant cette première déposition, n'apparaît pas irrégulière ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles 105, 113-1, 153 et 154 du Code de procédure pénale, qu'une personne placée en garde à vue sur commission rogatoire du juge d'instruction, est entendue comme témoin, après avoir prêté le serment prévu par la loi, dès lors qu'il n'existe pas, à son encontre, d'indices graves ou concordants d'avoir participé aux faits dont ce magistrat est saisi ou qu'elle n'est pas nommément visée par un réquisitoire introductif, ce qui était le cas en l'espèce ; qu'en effet, si, lors de son placement en garde à vue, il existait à l'encontre de David ... une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'il avait commis les infractions qui lui étaient reprochées, les indices réunis en l'état, à son encontre, n'étaient pas encore suffisamment graves et concordants et méritaient d'être confortés pour justifier une mise en examen de la personne soupçonnée ; que, par ailleurs, comme le souligne la chambre criminelle de la Cour de Cassation dans un arrêt rendu le 14 janvier 2003 (bull. Crim., n° 6, p. 22 et 23), les dispositions précitées ne sont pas contraires à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elles ne sont pas non plus incompatibles avec les dispositions de l'article 14-3 g du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
"alors, d'une part, que toute personne "accusée" au sens de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, bénéficie du droit de garder le silence et celui de ne pas être forcé de témoigner contre soi-même ou de s'avouer coupable ; que ces droits sont exclusifs de la possibilité pour l'autorité judiciaire de contraindre une personne suspectée à déposer et à prêter serment de dire toute la vérité ; qu'en obligeant David ..., gardé à vue sur commission rogatoire du juge d'instruction, contre lequel il existait des indices faisant présumer qu'il avait commis ou tenté de commettre une infraction, de déposer sous la foi du serment de dire toute la vérité rien que la vérité, l'officier de police judiciaire n'a pas respecté les principes susvisés et violé les droits de sa défense ; qu'ainsi, les interrogatoires réalisés au cours de la garde à vue effectuée sous serment, ainsi que tous les actes subséquents auraient dû être annulés ;
"alors, d'autre part, qu'en l'absence de notification de son droit de ne pas répondre aux questions et d'un entretien effectif avec un avocat dès le début de la garde à vue, ou à tout le moins, avant sa première comparution, David ... n'a pas été suffisamment informé et, en conséquence, a été dans l'impossibilité d'exercer de façon concrète et effective ses droits de la défense ; qu'ainsi, la garde à vue et tous les actes subséquents étaient entachés de nullité ;
"alors, enfin, que les sanctions infligées en cas de refus de déposer sous la foi du serment restreignant d'une façon disproportionnée le droit de garder le silence et celui de ne pas s'auto-incriminer, ont privé David ... de ses droits de la défense" ;
Sur le moyen d'annulation faisant grief à l'arrêt attaqué d'avoir refusé d'annuler l'ensemble des auditions de David ..., effectuées en garde à vue sous prestation de serment ;
"alors, d'une part, que lorsqu'une formalité attentatoire aux droits de la défense est supprimée par une loi, postérieure à l'acte exécuté conformément à cette formalité, cette loi qui a pour effet de mettre le droit en conformité avec les normes constitutionnelles et conventionnelles, doit nécessairement s'appliquer aux actes exécutés avant son entrée en vigueur, nonobstant le caractère de loi de procédure de cette disposition ; que, dès lors, les auditions effectuées en garde à vue, avec une prestation de serment supprimée par la loi du 9 mars 2004, doivent être annulées ; qu'il appartient à la Cour de Cassation de le constater ;
"alors, d'autre part, que cette annulation doit être prononcée, nonobstant les dispositions légales affirmant que l'atteinte aux droits de la défense que constituerait la prestation de serment des gardés à vue ne saurait entacher de nullité son audition ; qu'en effet, cette disposition, contraire au respect des droits de la défense, est contraire à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et doit être réputée non écrite" ;

Les moyens étant réunis ;
Attendu que, d'une part, contrairement à ce qui est soutenu au moyen, il résultait des dispositions combinées des articles 105, 113-1, 153 et 154 du Code de procédure pénale, dans leur rédaction applicable aux actes accomplis en l'espèce, laquelle n'était pas contraire aux dispositions conventionnelles dont la violation est alléguée, qu'une personne placée en garde à vue sur commission rogatoire du juge d'instruction pouvait être entendue par l'officier de police judiciaire après avoir prêté le serment prévu par la loi, dès lors qu'il n'existait pas à son encontre, des indices graves et concordants d'avoir participé aux faits dont le juge d'instruction était saisi ou qu'elle n'était pas nommément visée par un réquisitoire introductif ;
Attendu que, d'autre part, si l'article 104 de la loi du 9 mars 2004, modifiant l'article 153 du Code de procédure pénale, a supprimé l'obligation pour la personne gardée à vue dans le cadre d'une commission rogatoire de prêter serment et de déposer, cette disposition, qui n'est, au demeurant, pas applicable aux actes régulièrement accomplis antérieurement à son entrée en vigueur, prévoit également que le fait pour les personnes concernées d'avoir été entendues sous serment, ne constitue pas une cause de nullité de la procédure ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré M. Cotte président, Mme Caron conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Pelletier, Mme Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, M. Corneloup conseillers de la chambre, MM. Sassoust, Lemoine conseillers référendaires ;
Avocat général M. Mouton ;
Greffier de chambre Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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