Jurisprudence : CAA Bordeaux, 1ère, 06-02-2014, n° 12BX01671

Références

Cour administrative d'appel de Bordeaux

N° 12BX01671
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre - formation à 3
lecture du jeudi 06 février 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la requête, enregistrée le 29 juin 2012, présentée pour M. et MmeB..., demeurant..., par Me Cazamajour, avocate ;

M. et Mme B... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002199 du 26 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er avril 2010 par lequel le maire de Lège-Cap Ferret a, au nom de l'Etat, ordonné l'interruption immédiate des travaux de construction d'une cabane entrepris sur la parcelle cadastrée section HM n°19 située au 18 avenue de l'Est ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;


Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 janvier 2014 :

- le rapport de M. Olivier Gosselin, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;
- et les observations de Me Lartigaud, avocat de M. et MmeB... ;



1. Considérant que M. et Mme B...sont propriétaires d'un ensemble immobilier bâti comprenant une maison d'habitation d'une surface de 94 mètres carrés et une annexe constituée par un cabanon implanté en fond de parcelle d'une surface hors oeuvre nette de 36 mètres carrés, sur une parcelle d'une superficie d'environ 710 mètres carrés, cadastrée section HM 19, sise 18 avenue de l'Est à Lège-Cap Ferret ; que le 30 juillet 2009, ils ont déposé en mairie un dossier de déclaration préalable afin de modifier l'aspect extérieur de l'annexe et d'y adjoindre 10 mètres carrés de surface hors oeuvre nette ; qu'en l'absence d'opposition du maire de Lège-Cap Ferret à ladite déclaration dans le mois suivant son enregistrement, M. et Mme B...sont devenus titulaires le 30 août 2009 d'une décision de non-opposition à déclaration préalable ; que durant les travaux, les entrepreneurs intervenant sur le chantier ayant découvert la présence d'insectes xylophages compromettant la solidité de la structure, M. et Mme B...ont pris la décision de faire procéder à la démolition du cabanon et à sa reconstruction ; qu'un procès-verbal de constat ayant été dressé par les agents de la commune de Lège-Cap Ferret le 1er avril 2010, le maire de Lège-Cap Ferret a pris le même jour un arrêté interruptif de travaux ; que M. et Mme B...relèvent appel du jugement n° 102199 du 26 avril 2012 du tribunal administratif de Bordeaux qui a rejeté leur demande d'annulation de cette décision ;


2. Considérant qu'aux termes de l'article L.480-2 du code de l'urbanisme : " Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. Copie de cet arrêté est transmise sans délai au ministère public. " ;
L. 480-2 du code de l'urbanisme : " Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. Copie de cet arrêté est transmise sans délai au ministère public. " ;


3. Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles " ; qu'il résulte de ces dispositions que la décision par laquelle le maire ordonne l'interruption des travaux au motif qu'ils ne sont pas menés en conformité avec une autorisation de construire, qui est au nombre des mesures de police qui doivent être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979, ne peut intervenir qu'après que son destinataire a été mis à même de présenter ses observations, sauf en cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; que la situation d'urgence permettant à l'administration de se dispenser de cette procédure contradictoire s'apprécie tant au regard des conséquences dommageables des travaux litigieux que de la nécessité de les interrompre rapidement en raison de la brièveté de leur exécution ;


4. Considérant que si les premiers juges, après avoir indiqué que l'arrêté interruptif de travaux du 1er avril 2010 du maire de Lège-Cap Ferret n'avait pas été précédé de la procédure contradictoire prévue par l'article 24 précité, ont pris en compte la modicité des travaux réalisés et la promptitude avec laquelle ces travaux pouvaient être exécutés, pour caractériser la situation d'urgence ainsi constituée, ils ne se sont pas prononcés sur les effets de ces travaux et leurs conséquences dommageables ; que, par suite, M. et Mme B...sont fondés à soutenir que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en ne recherchant pas les éventuels effets dommageables de la construction litigieuse pour caractériser l'urgence à décider de l'interruption des travaux ;


5. Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B...ont entrepris la reconstruction de leur cabanon après l'avoir démoli alors que la déclaration de travaux à laquelle le maire n'avait pas fait opposition ne prévoyait que l'agrandissement de la construction existante pour créer un débarras de 10 mètres carrés, conformément aux limitations au droit de construire prévues par le plan de prévention des risques naturels " avancée dunaire et recul du trait de côte " approuvé le 31 décembre 2001, qui n'autorise qu'une extension non habitable inférieure à 10 mètres carrés de SHON, accordée une fois par unité foncière ; que, compte tenu de l'importance de la construction habitable en cours de réalisation, d'une surface hors oeuvre nette de 36 mètres carrés et du risque résultant de sa situation à l'extrême pointe du Cap Ferret, en zone rouge inconstructible de ce plan, cette construction présentait des effets dommageables ; que, par ailleurs, la modicité des travaux réalisés et la promptitude avec laquelle ils pouvaient être terminés, au regard de leur avancement, caractérisait une situation d'urgence ; que, par suite, c'est à bon droit que le maire a pu considérer qu'il se trouvait dans un cas où l'urgence lui permettait de ne pas respecter la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;


6. Considérant par ailleurs que l'arrêté litigieux n'avait pas à mentionner particulièrement l'urgence à interrompre les travaux, laquelle ne motive pas la décision mais a seulement pour effet de dispenser le maire de l'obligation de mettre le pétitionnaire à même de présenter des observations écrites ou orales ; que par suite, la circonstance que l'arrêté ne mentionne pas l'urgence n'est pas de nature à établir que la motivation de la décision, qui vise notamment l'arrêté préfectoral du 15 mars 2001 rendant d'application immédiate les dispositions du plan de prévention des risques naturels et la circonstance que les travaux exécutés ne sont pas conformes à l'autorisation délivrée, serait insuffisante ;


7. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration : " Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. " ; que, conformément à ces dispositions, l'arrêté litigieux comporte en tête la mention du maire de Lège-Cap Ferret et à la fin les nom et prénom ainsi que la signature de son auteur ; qu'ainsi aucune méconnaissance des dispositions précitées ne peut être retenue ;


8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " La reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d'urbanisme en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié. " ; qu'aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme : " Les constructions même ne comportant pas de fondations, doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 421-1 du même code : " Les constructions nouvelles doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire, à l'exception : / a) Des constructions mentionnées aux articles R. 421-2 à R. 421-8 qui sont dispensées de toute formalité au titre du code de l'urbanisme " ; qu'aux termes de l'article R. 421-2 du même code : " Sont dispensées de toute formalité au titre du présent code, en raison de leur nature ou de leur très faible importance, sauf lorsqu'ils sont implantés dans un secteur sauvegardé dont le périmètre a été délimité ou dans un site classé : / a) Les constructions nouvelles dont la hauteur au-dessus du sol est inférieure à douze mètres et qui n'ont pas pour effet de créer de surface de plancher ou qui ont pour effet de créer une surface hors oeuvre brute inférieure ou égale à deux m2 " ;


9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et MmeB..., qui avaient seulement été autorisés à agrandir un cabanon existant et à poser un nouveau bardage sur cette annexe à leur maison d'habitation, ont fait procéder, après démolition, à la construction nouvelle du cabanon, non pas à l'identique, mais avec agrandissement ; qu'à supposer même que la reconstruction à l'identique du cabanon démoli aurait pu être autorisée en application de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, ces dispositions n'avaient ni pour objet ni pour effet de dispenser les pétitionnaires d'obtenir l'autorisation nécessaire avant d'entreprendre des travaux de reconstruction du cabanon différents de ceux pour lesquelles ils avaient obtenu une décision de non-opposition et qui ne relevaient pas de l'exception prévue par l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme pouvant dispenser ces travaux de permis de construire ; que, par suite, d'une part, M. et Mme B...ne sauraient utilement se prévaloir de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme pour contester l'arrêté du 1er avril 2010 et, d'autre part, le maire de Lège-Cap Ferret n'a entaché sa décision d'aucune erreur de droit, ni d'aucune erreur d'appréciation en ayant estimé que les travaux qu'il avait ordonné d'interrompre n'étaient pas conformes à ceux qu'il avait autorisés ;


10. Considérant que M. et Mme B...soutiennent que le maire de Lège-Cap Ferret ne pouvait fonder sa décision sur l'absence de permis de démolir dès lors que cette autorisation n'était pas requise ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier, ainsi que l'a jugé le tribunal, qui a donc expressément répondu à ce moyen, que le maire aurait, en tout état de cause, pris la même décision s'il s'était uniquement fondé sur l'autre motif, retenu dans cette décision et tiré de la reconstruction d'une cabane existante non conforme à l'autorisation délivrée;


11. Considérant enfin que la circonstance que la construction ait été de faible dimension et ait présenté des risques d'effondrement du fait de la présence d'insectes xylophages ne faisait pas obstacle à ce que le maire prononçât une interruption de travaux dès lors que les travaux n'étaient pas conformes à la déclaration de travaux souscrite et qu'ils nécessitaient une autorisation d'urbanisme pour être entrepris ;


12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la demande du ministre tendant à voir reconnaitre que le maire était tenu d'interrompre des travaux exécutés sans autorisation d'urbanisme pour la partie non concernée par la déclaration de travaux, M. et Mme B...ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté du 1er avril 2010 ;


Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. et Mme B...au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;



DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.



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