Jurisprudence : CA Aix-en-Provence, 04-03-2014, n° 11/12514, Confirmation



COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 11e Chambre A
ARRÊT AU FOND DU 04 MARS 2014
N°2014/142
Rôle N° 11/12514
Xavier Nicolas Louis Z
C/
Jean Marie Y
SARL EURO DIFFUSION
Christiane SENEQUIER épouse Y
Grosse délivrée
le
à
SCP LATIL PENARROYA-LATIL SCP MAYNARD SIMONI
Décision déférée à la Cour
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 16 Juin 2011 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 10/2946.

APPELANT
Monsieur Xavier Nicolas Louis Z
né le ..... à PARIS, demeurant ROQUEBRUNE SUR ARGENS
représenté par Me Jérôme LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Lionel ALVAREZ, avocat au barreau de TOULON
INTIMÉS
Monsieur Jean Marie Y, ès qualités de gérant de la SARL EURO DIFFUSION
né le ..... à SAINT RAPHAËL (83700), demeurant 137 boulevard de la Libération - 83600
FREJUS
représenté par Me Sylvie MAYNARD de la SCP MAYNARD SIMONI, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
SARL EURO DIFFUSION, prise en la personne de son gérant, Monsieur Jean Marie Y, demeurant FREJUS PLAGE
représentée par Me Sylvie MAYNARD de la SCP MAYNARD SIMONI, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
Madame Christiane YW épouse YW, retraitée, ès-qualités d'ayant-droit de Monsieur Jean-Marie Y, décédé le 17 Mars 2013,
née le ..... à LE MUY (VAR), demeurant FREJUS
représentée par Me Sylvie MAYNARD de la SCP MAYNARD SIMONI, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 29 Janvier 2014 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Daniel ISOUARD, Président, et, Madame Sylvie PEREZ, Conseillère chargés du rapport.
Sylvie PEREZ, conseillère, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de
Monsieur Daniel ISOUARD, Président
M. Jean-Jacques BAUDINO, Conseiller
Madame Sylvie PEREZ, Conseillère
Greffier lors des débats Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Mars 2014.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Mars 2014.
Signé par Monsieur Daniel ISOUARD, Président et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE
La Sarl Eurodiffusion a consenti à M. Z plusieurs conventions successives d'occupation saisonnière d'une durée de 7 mois chacune, allant du 1er mars au 30 septembre, en vue de l'exploitation d'un fonds de commerce de prêt-à-porter dans un local faisant partie d'une galerie marchande située à Fréjus.

M. Z expliquant s'être maintenu dans les lieux dont il conservait la jouissance et le libre accès à l'année, a saisi le tribunal de grande instance de Draguignan d'une demande de requalification de ces conventions en bail commercial, puis tirant les conséquences de la restitution des clés intervenue le 24 avril 2008, a sollicité une indemnité d'éviction, demandes dont il était débouté par jugement du 16 juin 2011, le tribunal rejetant également la demande de la société Eurodiffusion au titre des loyers.

Monsieur Z a interjeté appel du jugement.
Il conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré ses demandes recevables et a débouté la Sarl Eurodiffusion de sa demande reconventionnelle en paiement des loyers mais à sa réformation pour le surplus. Il demande à la cour de constater que les conventions saisonnières sont entachées de fraude pour avoir été consenties par une société dépourvue de droit et en conséquence les dire et juger inexistantes ou nulles, de requalifier les conventions d'occupation saisonnières en un bail commercial soumis au statut, de condamner solidairement la Sarl Eurodiffusion et Madame Senequier Veuve YW à lui payer la somme de 434 026 euros à titre d'indemnité d'éviction outre la somme de 6 000 euros à titre d'indemnité pour frais de procès.
Par conclusions notifiées le 19 décembre 2013, la Sarl Eurodiffusion et Madame Senequier Veuve YW sollicitent la mise hors de cause de cette dernière et à la confirmation partielle du jugement dont appel, au débouté de Monsieur Z de sa demande relative au statut des baux commerciaux et de l'ensemble de ses prétentions, à la prescription de l'action en revendication du statut des baux commerciaux, subsidiairement, dire et juger que Monsieur Z a renoncé à se prévaloir du statut des baux commerciaux, qu'il ne remplit pas les conditions pour prétendre à une indemnité d'éviction, reconventionnellement, infirmer la décision entreprise et condamner Monsieur Z au paiement de la somme de 26 311,95 euros à titre d'indemnités d'occupation durant l'occupation des mois d'octobre 2007 à avril 2008, avec intérêts à compter de la mise en demeure du 3 janvier 2008 ainsi que des sommes de 3 000 euros au profit de Madame Senequier Veuve YW et la même somme au profit de la Sarl Eurodiffusion à titre d'indemnité pour frais de procès.

MOTIFS DE LA DÉCISION
1.Mise en cause de Mme Y en sa qualité d'ayant droit de M. Y
Monsieur Z expose que la Sarl Eurodiffusion n'a jamais été propriétaire du local loué. Cependant, la qualité de bailleur de cette société, représentée par son gérant Monsieur Y, au nom de laquelle ont été signées toutes les conventions d'occupation saisonnière, n'a jamais été remise en cause par le propriétaire des murs, aucune action ne pouvant par ailleurs être exercé contre le gérant de la société sans faute personnelle prouvée à son égard.
Il convient par conséquent de faire droit à la demande de mise hors de cause de Madame Senequier Veuve YW et de condamner Monsieur Z à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
2. Nullité des conventions
Monsieur Z soulève le moyen tiré de la nullité des conventions d'occupation saisonnière au motif que la Sarl Eurodiffusion n'a jamais été propriétaire du local qui lui a été loué.
Le droit de bailleur de la Sarl Eurodiffusion n'ayant cependant jamais été contesté par le propriétaire de l'immeuble, il n'y a pas lieu de faire droit au moyen.
3. Demande de requalification et prescription
Monsieur Z dénie le caractère saisonnier des conventions d'occupation que lui a consenti la Sarl Eurodiffusion et demande la requalification de ces conventions en un bail commercial soumis au statut, expliquant s'être maintenu de manière permanente dans les lieux dont il conservait la jouissance et le libre accès à l'année, exploitant son activité en dehors de la période de 7 mois contractuellement prévue, ce à quoi le bailleur oppose une fin de non recevoir tirée de la prescription de la demande formée par Monsieur Z, par application des dispositions de l'article L. 145-60 du code de commerce aux termes duquel les actions exercées se prescrivent par deux ans.
Ce délai de prescription, qui s'applique également aux actions en revendication et pas seulement à celles nées de mécanismes statutaires comme le soutient Monsieur Z, court du jour où le titulaire du droit peut l'exercer.
Pour conclure à la recevabilité de son action, Monsieur Z rappelle que celle-ci a été introduite le 26 décembre 2007 et considère qu'en l'espèce, le délai de prescription n'a commencé à courir qu'à compter du 30 septembre 2007, date de la dernière convention, ce qui cependant contredit sa demande visant à la requalification des conventions d'occupation saisonnière depuis la première.
Il convient de rappeler que le délai de prescription court du jour où le titulaire du droit peut l'exercer. Il doit être dés lors établi à quelle date le droit sollicité par Monsieur Z est né, avant d'appliquer les règles relatives à la prescription.
Le premier juge a rappelé à bon droit les dispositions de l'article L.145-5 du code de commerce excluant du statut des baux commerciaux la location à caractère saisonnier. Cependant la qualification d'occupation saisonnière de la convention, s'il est apporté la preuve d'une occupation continue des locaux ainsi que le soutient Monsieur Z, serait par contre incompatible avec le maintien d'un telle qualification.
La Sarl Eurodiffusion indique avoir consenti à Monsieur Z plusieurs conventions d'occupation saisonnière, toutes pour une durée de sept mois, de mars à septembre, le bailleur expliquant que son locataire exerçait, durant la saison hivernale, une activité de vente de prêt-à-porter d'articles divers sur les marchés et sur d'autres établissements.
Il n'est pas contesté que la première convention a été conclue entre les parties pour la saison hivernale de 2002 et a été suivie de la signature de conventions de même nature jusqu'à la signature de la dernière convention le 20 octobre 2006, pour une occupation du 1er mars au 30 septembre 2007.
Toutes les conventions produites aux débats rappellent que Eurodiffusion loue, à l'effet d'une occupation saisonnière, sans aucune faculté de prorogation ou de renouvellement et en dehors du champ d'application du décret du 30 septembre 1953 et autres textes subséquents régissant les baux commerciaux.
Malgré ce caractère saisonnier, il n'a pas été établi entre les parties d'état des lieux de sortie à l'issue de chaque période de location et dans un procès-verbal de constat du 10 décembre 2007, Monsieur Z établit être toujours en possession des clés du magasin dans lequel est installé un stock de marchandises ainsi que du matériel d'exploitation.
Monsieur Z justifie avoir souscrit des abonnements annuels d'assurance, d'électricité et de téléphone. Il s'est ainsi acquitté de cotisations d'assurance afférentes au local loué pour une année entière, pour les années 2002 à 2007.
La consommation d'eau relevée par le bailleur ne constitue pas un indicateur de présence dans les lieux en ce que la consommation d'eau est lissée sur l'année.
Les factures EDF font état d'une consommation réelle dans les locaux sur les années 2003 à 2007 y compris hors les périodes contractuellement convenues.
Malgré l'absence de facturations détaillée, sont produites des factures téléphoniques faisant état de communications émises pour des périodes qui ne recouvrent les périodes de location. Une facturation détaillée est cependant produite pour la période de décembre 2002 et janvier 2003 qui enseigne que 6 appels téléphoniques ont été passés.
Les relevés de compte professionnel produits de janvier à mars 2003, janvier à février 2004 et octobre 2004 font état de remise de fonds par chèques ou espèces.
Par ailleurs, Monsieur Z a procédé à l'embauche de salariés chaque année.
Ces contrats, à durée déterminée à temps partiel, enseignent que pour les années 2003,2004 et 2005, des embauches précèdent de plusieurs semaines la période de location, embauches pouvant débuter ainsi le 8 ou le 9 février. De plus, ces contrats arrivent tous à expiration au 30 septembre de l'année considérée, sauf les années 2003 et 2004 où pour la première, deux contrats et pour la seconde, un contrat, seront prorogés au 31 octobre Les plannings de présence du personnel pour l'année 2003, font état de la présence de salariés en février et octobre, éléments qui se retrouvent sur les fiches comptables individuelles tandis que le planning du personnel de février 2004 fait état de la présence de 4 salariés.
L'ensemble de ces constatations établit que la jouissance des lieux s'est en fait poursuivie sans discontinuité pendant l'inter saison allant du 1er octobre 2003 au 29 février 2004, contredisant ainsi la qualification de saisonnalité de l'activité de sorte que Monsieur Z, laissé en possession des lieux à l'issue de la convention signée pour la saison 2003 et jusqu'à la période d'occupation suivante, pouvait revendiquer le statut des baux commerciaux à compter du 29 février 2004 et non pas à compter du 30 septembre 2007, date de la dernière convention.
Le délai de prescription courant du jour où le titulaire du droit peut l'exercer, soit en l'espèce le 29 février 2004, il convient de constater que la demande de Monsieur Z est désormais irrecevable comme tardive pour avoir été formée le 26 décembre 2007.
4. La demande reconventionnelle
La Sarl Eurodiffusion sollicite le paiement de la somme de 26 311,95 euros TTC à titre d'indemnités d'occupation pour la période d'octobre 2007 à avril 2008, période pendant laquelle Monsieur Z s'est maintenu dans les lieux.
Ainsi que l'a relevé le premier juge, aucune mise en demeure n'a été adressée au locataire l'immeuble dans lequel était exploité le commerce de Monsieur Z a fait l'objet d'un permis de démolir le 6 juillet 2007, la Sarl Eurodiffusion reconnaissant que de fait, elle n'avait aucun projet locatif pour la période considérée.
La preuve d'un préjudice ne saurait résulter de la seule occupation de locaux destinés à être détruit, de sorte que la Sarl Eurodiffusion sera déboutée de sa demande.
L'équité commande de ne pas faire droit à la demande de la Sarl Eurodiffusion fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, par décision contradictoire, en dernier ressort,
Confirme le jugement du 16 juin 2011 prononcé par le tribunal de grande instance de Draguignan en ce qu'il a mis hors de cause de Madame Senequier Veuve YW ;
Statuant à nouveau
Déboute Monsieur Z de sa demande de nullité des conventions d'occupation saisonnière ;
Déclare irrecevable la demande de Monsieur Z en revendication du statut des baux commerciaux ;
Y ajoutant
Déboute la Sarl Eurodiffusion de sa demande en paiement à titre d'indemnités d'occupation ;
Condamne Monsieur Z à payer à Madame Senequier Veuve YW la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Rejette la demande de la Sarl Eurodiffusion fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne Monsieur Z aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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