Jurisprudence : CAA Paris, 4e ch., 05-03-1996, n° 93PA00118

CAA Paris, 4e ch., 05-03-1996, n° 93PA00118

A8109BHS

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CAA Paris, 4e ch., 05-03-1996, n° 93PA00118. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1192476-caa-paris-4e-ch-05031996-n-93pa00118
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Abstract

60-04-01-01-02 Les acquéreurs, au prix du terrain constructible, d'un terrain illégalement déclaré constructible par un certificat d'urbanisme, sont fondés à demander que soit inclus dans le préjudice indemnisable par la commune au nom de laquelle le certificat a été délivré, la différence entre le prix qu'ils ont payé et la valeur du terrain en tenant compte de sa non-constructibilité, quelles que soient les voies de droit dont ils disposent pour obtenir la résiliation de la vente.

Cour administrative d'appel de Paris

Statuant au contentieux
Gelle et société Cabinet Ferre c/ Commune de Verrières-le-Buisson

M. Courtin, Président
Mme Bosquet, Rapporteur
M. Paitre, Commissaire du gouvernement


Lecture du 5 mars 1996



R E P U B L I Q U E   F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


    VU, enregistrés au greffe de la cour le 8 février 1993 et le 29 mars 1993, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, présentés pour M. GELLE demeurant 62 rue d'Estienne d'Orves, 91371, Verrières-le-Buisson, et pour la société CABINET FERRE, dont le siège est 74 rue d'Estienne d'Orves, BP 36, 91371 Verrières-le-Buisson, représentée par son président général en exercice M. Gelle, par Me LYON-CAEN, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; les requérants demandent à la cour :

    1°) de réformer le jugement n° 90-2239 du 12 octobre 1992 par lequel le tribunal administratif de Versailles a condamné la commune de Verrières-le-Buisson à verser respectivement une somme de 234.196,22 F à la société CABINET FERRE, et 5.625 F à M. GELLE, sommes qu'ils estiment insuffisantes, en réparation du préjudice subi du fait de la délivrance le 9 janvier 1989 d'un certificat d'urbanisme erroné et de la décision de refus d'accorder un permis de construire le 23 octobre 1989 ;

    2°) de condamner la commune de Verrières-le-Buisson à leur verser la somme de 2.319.360 F d'une part, et de 22.500 F d'autre part, augmentées des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts, et de condamner la commune de Verrières-le-Buisson à leur verser à chacun la somme de 10.000 F au titre des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

    VU les autres pièces du dossier ;

    VU le code de l'urbanisme ;

    VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

    VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

    Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 20 février 1996 :

    - le rapport de Mme BOSQUET, conseiller,

    - les observations de la SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour M. GELLE et pour la société CABINET FERRE et celles de Me VALADOU, avocat, pour la commune de Verrières-le-Buisson,

    - et les conclusions de M. PAITRE, commissaire du Gouvernement ;


    Sur la légalité de l'arrêté du maire de Verrières-le-Buisson en date du 23 octobre 1989 :

    Considérant qu'aux termes de l'article UH 3 du plan d'occupation des sols de la commune de Verrières-le-Buisson : 'Toute construction doit être desservie par une voie publique ou privée en bon état de viabilité. Sauf indication contraire, portée au document graphique, la largeur de cette voie doit être de 8 m avec une chaussée aménagée pour permettre le croisement des voitures. Toutefois, lorsqu'une voie n'excède pas 50 m et ne dessert qu'un seul logement, cette largeur peut être ramenée à 3,50 m ...' ;

    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée section AC 340 est uniquement desservie par le sentier piétonnier dit 'des Porcherets' d'un mètre de largeur environ sur lequel elle ne dispose d'aucune servitude permettant son franchissement par des véhicules ; que le requérant n'est pas fondé à soutenir que cette parcelle constitue avec la parcelle AC 344, dont elle est séparée par ledit chemin, une seule unité foncière et que, de ce fait, elle doit être regardée comme disposant d'un accès sur la rue Blin ; qu'ainsi c'est à bon droit que le maire de Verrières-le-Buisson, qui y était tenu par les dispositions de l'article UH 3 sus-rapportées a, par arrêté du 23 octobre 1989, par ailleurs suffisamment motivé, refusé à M. GELLE le permis de construire sollicité ;

    Sur la responsabilité :

    Considérant qu'il résulte de l'instruction que le certificat d'urbanisme positif délivré à M. Klopp le 9 janvier 1989 et dont le retrait a été implicitement opéré par la décision de refus de permis de construire en date du 23 octobre 1989, déclarait possible, en vue de l'implantation de bâtiments, un échange portant sur des terrains, cadastrés AC 155 et AC 156, d'une superficie de 1.459 m2 et 615 m2 et dont est issue la parcelle AC 340, situés sentier des Porcherets sur le territoire de la commune de Verrières-le-Buisson ; qu'en omettant de mentionner que le caractère insuffisant de la desserte par les voies publiques de la parcelle AC 340, pouvait, en application des dispositions précitées de l'article UH 3 du plan d'occupation des sols de la commune de Verrières-le-Buisson, motiver un refus de permis de construire, le maire a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;


    Considérant toutefois qu'il résulte des pièces du dossier que l'insuffisance de desserte de la parcelle concernée était manifeste ; que le certificat d'urbanisme comportait une mention selon laquelle 'le sentier des Porcherets devra obligatoirement être maintenu en l'état' laquelle aurait dû attirer l'attention tant de la société CABINET FERRE que de M. GELLE, professionnels de l'immobilier qui, étant les concepteurs des opérations de division de terrains et d'échange de parcelles objet de la demande du certificat d'urbanisme, ne pouvaient en ignorer les particularités ; qu'en se portant cependant acquéreurs desdites parcelles au prix du terrain à bâtir ils ont commis des imprudences constitutives de fautes qui, dans les circonstances de l'espèce, exonèrent pour moitié la commune de sa responsabilité ; qu'il résulte de ce qui précède que la société CABINET FERRE et M. GELLE ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à ce que la commune soit déclarée entièrement responsable des conséquences dommageables de sa faute ;

    Sur le préjudice :

    En ce qui concerne le CABINET FERRE :

    Considérant, en premier lieu, que la société CABINET FERRE est fondée à demander que soit incluse dans son préjudice la différence, dont le montant non contesté s'établit à 750.000 F, entre le prix payé au précédent propriétaire du terrain au vu du certificat d'urbanisme susmentionné, d'une part, et la valeur réelle de ce terrain, qui s'est avéré non constructible, d'autre part, sans que la commune de Verrières-le-Buisson puisse utilement faire valoir que la société disposait de voies de droit pour obtenir du juge judiciaire la résiliation de la vente ; qu'elle peut également prétendre à la réparation de préjudices correspondant aux frais financiers afférents à l'emprunt qui, dans les limites de cette somme, lui a été consenti pour l'acquisition de la parcelle et supportés au cours de la période du 21 mars 1989, date d'acquisition, au 9 décembre 1992, date de notification du jugement par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande d'annulation de la décision du maire de la commune de Verrières-le-Buisson refusant la délivrance du permis de construire sollicité ; qu'il sera fait une exacte appréciation de ces frais eu égard aux taux de commission d'engagement et d'intérêts figurant au contrat de prêt conclu en fixant leur montant à la somme de 340.075 F ; qu'elle a également droit à la prise en compte des frais qu'elle a engagés pour la constitution de garanties hypothécaires d'un montant justifié de 9.080 F. ;

    Considérant, en deuxième lieu, que la société CABINET FERRE est fondée à demander l'intégration dans le préjudice des frais de notaire qu'elle a supportés, lesquels s'élèvent à la somme de 36.472 F ; qu'en revanche si elle allègue avoir subi une perte de bénéfice d'un montant de 250.000 F du fait du refus de délivrance du permis de construire, elle ne saurait obtenir réparation de ce chef de préjudice en l'absence de tout lien direct de cause à effet avec la faute qu'a commise la commune en délivrant le certificat d'urbanisme erroné ;


    Considérant, enfin, que les demandes d'indemnisation d'honoraires de géomètre et de métreur dont le versement n'est établi par aucune justification ne peuvent être accueillies ;

    Considérant qu'il suit de ce qui précède que le montant du préjudice dont la commune doit réparation au CABINET FERRE s'établit à la somme de 1.135.627 F ;

    Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'eu égard au partage de responsabilité ci-dessus déterminé la société CABINET FERRE est fondée à demander la condamnation de la commune de Verrières-le-Buisson à lui payer la somme de 567.813,50 F et, dans cette mesure, la réformation du jugement attaqué ;

    En ce qui concerne M. GELLE :

    Considérant que M. GELLE n'est pas fondé à soutenir que les frais qu'il a engagés pour faire établir son projet de construction devraient être intégralement à la charge de la commune et non pour la seule part de responsabilité qui lui incombe ; que le montant desdits frais s'établissant à la somme non contestée de 22.500 F, la réparation due par la commune s'établit à la somme de 11.250 F ;

    Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de porter la condamnation de la commune de Verrières-le-Buisson prononcée au profit de la société CABINET FERRE à la somme de 567.813,50 F et de porter celle prononcée au profit de M. GELLE à la somme de 11.250 F ;

    Sur les intérêts :

    Considérant que M. GELLE a droit aux intérêts de la somme de 11.250 F au paiement de laquelle la commune de Verrières-le-Buisson est condamnée à compter du 10 décembre 1989, date de réception de sa demande préalable par la commune ;

    Considérant que la société CABINET FERRE a droit à compter de cette même date aux intérêts de la somme de 421.794,75 F correspondant au préjudice indemnisé alors constaté ; que le surplus correspondant à l'indemnisation des frais financiers venus à échéance postérieurement au 10 décembre 1989, portera intérêts à raison d'un montant de 11.437,50 F à compter de chaque échéance trimestrielle dont la première est le 31 décembre 1989, la dernière le 30 septembre 1992 et à raison d'un montant de 8.768,75 F à compter du 9 décembre 1992 ;

    Sur les intérêts des intérêts :


    Considérant que M. GELLE a demandé les 8 février 1993, 29 mars 1993, 16 février 1994 et 11 mai 1995 la capitalisation des intérêts ; que plus d'une année s'est respectivement écoulée entre les dates du 10 décembre 1989, 8 février 1993, 16 février 1994 et 11 mai 1995 ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande à chacune de ces trois dates ; que la nouvelle demande de capitalisation formulée le 13 février 1996 alors qu'il n'était pas dû une année d'intérêts ne peut qu'être rejetée ;

    Considérant que la société CABINET FERRE a, de façon similaire, demandé la capitalisation des intérêts ; que les intérêts de la somme de 397.776 F, part de la réparation de ses préjudices autres que financiers et de la somme de 126.956,25 F représentant ces derniers constatés à l'échéance du 31 décembre 1991, seront capitalisés au 8 février 1993 pour porter eux-mêmes intérêts à compter de cette date ; que les intérêts des sommes ainsi majorées et augmentées d'une somme de 43.081,25 F, part des frais financiers venus à échéance entre le 31 mars 1992 et le 9 décembre 1992, seront capitalisés le 16 février 1994 pour porter eux-mêmes intérêts à compter de cette date ; qu'il y a lieu enfin de faire droit à la demande de capitalisation afférente aux intérêts afférents à l'ensemble de la réparation et échus le 11 mai 1995 ; que la nouvelle demande de capitalisation formulée le 13 février 1996 alors qu'il n'était pas dû une année d'intérêts ne peut qu'être rejetée ;

    Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

    Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux demandes de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel présentées, d'une part, par M. GELLE et la société CABINET FERRE, d'autre part, par la commune de Verrières-le-Buisson ;


Article 1er : La condamnation prononcée à l'encontre de la commune de Verrières-le-Buisson au profit de la société CABINET FERRE est portée à la somme de 567.813,50 F ; celle prononcée au profit de M. GELLE est portée à la somme de 11.250 F.
Article 2 : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La somme que la commune de Verrières-le-Buisson est condamnée à verser à M. GELLE portera intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 1989 ; la somme que la commune de Verrières-le-Buisson est condamnée à verser à la société CABINET FERRE portera, pour un montant de 421.794,75 F intérêts au taux légal à compter de cette même date et pour le surplus, à raison d'un montant de 11.437,50 F à compter de chacune des échéances trimestrielles observées du 31 décembre 1989 au 30 septembre 1992 et pour 8.768,75 F à compter du 9 décembre 1992.
Article 4 : Les intérêts échus les 8 février 1993, 16 février 1994 et 11 mai 1995 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts dans les conditions définies dans les motifs ci-dessus.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête, d'une part, le surplus des conclusions incidentes de la commune de Verrières-le-Buisson et ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, d'autre part sont rejetés.

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