Jurisprudence : CAA Nantes, 2e ch., 09-06-1994, n° 92NT00496

Cour administrative d'appel de Nantes

Statuant au contentieux
Pierre LE SENECHAL


M. MALAGIES, Rapporteur
M. CADENAT, Commissaire du gouvernement


Lecture du 9 juin 1994



R E P U B L I Q U E   F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


    VU la requête, enregistrée le 10 juillet 1992 au greffe de la cour, présentée pour M. Pierre LE SENECHAL demeurant 15 Allée du village de Kérulvé, 56100, LORIENT, par Me JOURDA, avocat au Barreau de LORIENT ;

    M. LE SENECHAL demande que la cour :

    1°) annule le jugement en date du 6 mai 1992 par lequel le tribunal administratif de RENNES a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre de la défense lui refusant un droit à révision du montant de son indemnité différentielle à compter de la date de sa nomination dans le corps des techniciens d'études et de fabrications jusqu'au 30 juin 1982 et à la condamnation de l'Etat au versement du complément correspondant ;

    2°) condamne l'Etat au paiement du rappel de cette indemnité avec intérêts de droit ;

    3°) condamne l'Etat à lui verser les frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens, soit 6 000 F ;

    VU les autres pièces du dossier ;

    VU le décret n° 53-1221 du 8 décembre 1953 ;

    VU le décret n° 62-1389 du 23 novembre 1962 ;

    VU le décret n° 76-313 du 7 avril 1976 ;

    VU la loi de finances du 29 janvier 1831 ;

    VU la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

    VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

    VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

    Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

    Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mai 1994 :

    - le rapport de M. MALAGIES, conseiller,

    - et les conclusions de M. CADENAT, commissaire du gouvernement,


    Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la loi de finances du 29 janvier 1831 : 'Sont prescrites et définitivement éteintes au profit de l'Etat ... sans préjudice des déchéances prononcées par des lois antérieures ou consenties par des marchés et conventions, toutes créances qui, n'ayant pas été acquittées avant la clôture de l'exercice auquel elles appartiennent, n'auraient pu être liquidées, ordonnancées et payées dans un délai de quatre années à partir de l'ouverture de l'exercice pour les créanciers domiciliés en Europe' ; qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : 'Sont prescrites, au profit de l'Etat ... sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis' ; qu'enfin en vertu de l'article 9 de cette dernière loi, ces dispositions sont applicables aux créances nées antérieurement à la date de son entrée en vigueur et non encore atteintes de déchéance à cette même date ;

    Considérant que M. LE SENECHAL, technicien d'études et de fabrications au ministère de la défense, devenu ingénieur d'études et de fabrications, bénéficiaire de l'indemnité différentielle puis de l'indemnité compensatrice prévues respectivement par les décrets du 8 décembre 1953 puis du 23 novembre 1962 et du 7 avril 1976, a demandé le 21 septembre 1987 au ministre de la défense le paiement des créances auxquelles lui donne droit la révision du calcul de cette indemnité opérée conformément aux dispositions réglementaires susvisées, et acquises entre le 1er avril 1961, date de sa nomination comme fonctionnaire et le 30 juin 1982 ; que le ministre, après avoir rejeté implicitement la demande, a opposé la prescription quadriennale auxdites créances ;

    Considérant que le fait générateur des créances dont se prévaut M. LE SENECHAL est constitué par le service fait dans son administration depuis le 1er avril 1961 jusqu'au 30 juin 1982, date à compter de laquelle son indemnité a été correctement calculée ; que le délai de prescription pour les droits acquis après le 1er janvier 1969, date d'entrée en vigueur de la loi susvisée du 31 décembre 1968, ainsi que pour les créances nées avant cette date et non atteintes de déchéance à cette même date, a commencé à courir le 1er janvier de l'année suivant celle au cours de laquelle ces droits ou créances sont nés ; que, pour les créances plus anciennes, le délai de déchéance a couru à compter du 1er janvier de l'année au cours de laquelle le service a été fait ; que, par suite, les délais de déchéance et de prescription quadriennales ont expiré au plus tard le 31 décembre 1986, sauf s'ils ont été suspendus ou interrompus dans les conditions prévues par les dispositions des lois susvisées du 29 janvier 1831 ou du 31 décembre 1968 ;

    Sur l'interruption des délais de prescription :


    Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, 'la prescription est interrompue par :

    - Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ...     - Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours ...     - Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ;

    - Toute émission de moyen de règlement, même si ce règlement ne couvre qu'une partie de la créance ou si le créancier n'a pas été exactement désigné.     Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée.' ;

    Considérant, en premier lieu, que la réclamation écrite présentée par l'intéressé le 21 septembre 1987 n'a pu interrompre le cours des délais de la prescription expirant, comme il a été dit, au plus tard le 31 décembre 1986 ; qu'il n'est pas soutenu que l'agent concerné a présenté avant cette dernière date une demande de paiement relative à la créance litigieuse ;

    Considérant, en second lieu, que ni la circulaire du ministre de la défense en date du 13 octobre 1981 et la note du 23 mars 1984, relative aux techniciens d'études et de fabrications issus des anciens radio-dépanneurs, ni les autres circulaires invoquées par le requérant, n'ont trait aux créances acquises personnellement par ce dernier avant le 1er juillet 1982 ; qu'elles ne comportent d'ailleurs pas d'indication relative à un éventuel rappel d'indemnité au titre de la période précédant le 1er juillet 1982 non plus que la reconnaissance de l'illégalité des taux antérieurement arrêtés ; qu'ainsi, lesdites circulaires qui ne sont pas relatives au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de ces créances ne constituent pas un fait interruptif de la prescription, au regard des dispositions précitées de l'article 2 alinéa 3 de la loi du 31 décembre 1968 ;


    Considérant, enfin, que la créance, objet du présent litige, est égale à la différence entre le montant de l'indemnité tel qu'il aurait dû être calculé par application du décret du 23 novembre 1962, et celui, inférieur, que le ministre a versé mensuellement au requérant, de la date de nomination de ce dernier au mois de juin 1982 ; qu'il est constant que la créance ainsi définie n'a fait l'objet d'aucun paiement même partiel ; que, par suite, le requérant ne saurait soutenir, en se fondant sur les dispositions précitées de l'article 2 alinéa 4 de la loi du 31 décembre 1968, que la prescription aurait été interrompue par l'émission de moyens de règlement ;

    Sur la suspension des délais de prescription :

    Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 : 'La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement' ; que les modalités de calcul de l'indemnité ont été fixées directement par le décret du 23 novembre 1962 susvisé ; que ni la circonstance que des circulaires aient prévu des règles plus restrictives pour l'attribution de cette indemnité, ni une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux le 26 juin 1987 sur la demande d'un fonctionnaire se trouvant dans une situation comparable à celle du requérant, ne sont de nature à faire légitimement regarder ce dernier comme ayant ignoré l'existence de ses créances alors qu'il lui était possible de présenter sa demande et, sur le refus de l'administration, de former un recours contentieux pour faire valoir ses droits devant le juge administratif ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le délai de prescription n'aurait pas commencé à courir, en application de l'article 3 précité de la loi du 31 décembre 1968, doit être rejeté ;

    Sur les conséquences de la faute imputée à l'administration :

    Considérant que ni les positions prises par l'autorité militaire dans ses circulaires, ni l'adoption jusqu'en juillet 1982 de modalités de calcul entraînant des versements mensuels inférieurs à ceux auxquels le requérant pouvait prétendre, ne peuvent être regardées, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant eu pour objet ou effet de le détourner de l'exercice de ses droits ; qu'il s'ensuit que le requérant ne peut ni invoquer un fait de l'administration au sens de l'article 10 de la loi du 29 janvier 1831, ni imputer à l'autorité administrative une faute, qui seraient de nature à modifier le cours des délais de déchéance et de prescription ;

    Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. LE SENECHAL n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de RENNES a rejeté sa demande ;

    Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :

    Considérant que le bien-fondé de ces conclusions doit être apprécié au regard des dispositions applicables à la date du présent arrêt ;


    Considérant qu'aux termes de l'article L.8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : 'Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation' ;

    Considérant que M. LE SENECHAL succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que l'Etat (ministre de la défense) soit condamné à lui verser une somme au titre des frais qu'il a exposés doit en conséquence être rejetée ;


Article 1er - La requête de M. LE SENECHAL est rejetée.
Article 2 - Le présent arrêt sera notifié à M. LE SENECHAL et au ministre de la défense.

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