Jurisprudence : CA Lyon, 09-12-2013, n° 12/00202, Confirmation partielle



AFFAIRE PRUD'HOMALE COLLÉGIALE
R.G 12/00202
SAS REP INTERNATIONAL
C/
Y
APPEL D'UNE DÉCISION DU
Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LYON
du 15 Décembre 2011
RG F 10/00394
COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 09 DÉCEMBRE 2013

APPELANTE
SAS REP INTERNATIONAL
MR ... Bruno, Président Directeur Général
Zone Industrielle

CORBAS
comparante en personne, assistée de Me Sophie BRANGIER de la SELARL CABINET RATHEAUX, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ
Gérard Y
né le ..... à Lyon (69)

VILLEURBANNE
comparant en personne, assisté de Me Pierre MASANOVIC de la SCP ANTIGONE AVOCATS, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU 30 Septembre 2013

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Didier JOLY, Président
Mireille SEMERIVA, Conseiller
Agnès THAUNAT, Conseiller
Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.
ARRÊT CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 09 Décembre 2013, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Didier JOLY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************
La S.A.S. REP INTERNATIONAL est spécialisée dans la conception, la fabrication, la vente et l'après-vente des presses à injecter le caoutchouc de marque REP. Elle vend également des presses à injecter de marque SACOMAT, REP-TUNG YU et REP-DEKUMA. Enfin, elle a une activité de négoce et de représentation des presses à compression TUNG YU.
La S.A.S. REP INTERNATIONAL a pour clients des industriels spécialisés dans la fabrication de pièces en caoutchouc pour l'industrie automobile (60 à 70% de son chiffre d'affaires), pour les industries électriques, l'électroménager, l'étanchéité, les sports et loisirs, l'agro-alimentaire, le secteur médical, le domaine militaire et les biens d'équipement (30 à 40% du chiffre d'affaires).
La S.A.S. REP INTERNATIONAL a pour filiales
· la société REP Deutschland,
· la société REP Italia,
· la société REP Corporation (U.S.A.),
· la société REP Injetorras de Borracha (Brésil),
qui ont toutes une activité de vente et d'après-vente de presses à injecter de marque REP, SACOMAT, REP-TUNG YU et REP-DEKUMA,
· la société REP China qui a une activité de négoce et représentation des presses à compression TUNG YU.
Chacune de ces filiales employait moins de vingt salariés en 2009.
Gérard Y a été engagé par la société SOLYVENT-VENTEC (département REP) en qualité de O.S. 2/1 suivant contrat écrit à durée indéterminée du 28 1974.
Selon ses bulletins de paie, il occupait en 2009, un poste de tourneur classé au niveau E I, TA2, coefficient 255 et percevait un salaire mensuel brut de base de 2 384,64 euros et une prime d'ancienneté de 140,50 euros.
Son contrat de travail était soumis à la convention collective des mensuels des industries métallurgiques du Rhône.
Le 27 avril 2009, la S.A.S. REP INTERNATIONAL a présenté au Comité d'entreprise un projet de restructuration consistant à regrouper les sept directions opérationnelles et fonctionnelles en trois pôles et impliquant la suppression de 84 emplois.
Le Comité d'entreprise a été informé et consulté sur ce projet et sur le plan de sauvegarde de l'emploi au cours de réunions qui se sont tenues les 27 avril, 20 mai, 25 mai, 3 juin et 16 juin 2009.
Le nombre des suppressions d'emplois envisagées a pu être réduit de 84 à 69.
La S.A.S. REP INTERNATIONAL a saisi la Commission paritaire territoriale de l'emploi de la métallurgie d'une demande de recherche de reclassement dans l'industrie des métaux par lettre recommandée du 9 juin 2009.
Un poste de fraiseur conventionnel ou numérique et un poste de tourneur-fraiseur en traditionnel et commande numérique ont ainsi pu être proposés le 7 juillet 2009 à un salarié dont le poste au sein de la S.A.S. REP INTERNATIONAL était supprimé.

Par lettre recommandée du 29 juin 2009, reproduite intégralement dans le jugement rendu le 15 décembre 2011 par le Conseil de prud'hommes de Lyon, la S.A.S. REP INTERNATIONAL a notifié à Gérard Y son licenciement pour motif économique, son poste de tourneur niveau IV E1 TA2 était supprimé.
Par lettre recommandée du 16 juillet 2009, Gérard Y a demandé communication de sa fiche d'évaluation personnelle.
La S.A.S. REP INTERNATIONAL lui a communiqué le 23 juillet les critères d'ordre de licenciement suivants
· charges de famille,
· ancienneté,
· handicap,
· âge,
· valeur professionnelle,
en lui précisant que la totalité des postes de la catégorie à laquelle il appartenait étaient supprimés et qu'il n'y avait donc pas eu d'application de ces critères pour ce qui le concernait.
Gérard Y a saisi le Conseil de prud'hommes de Lyon le 2 février 2010.
Par jugement du 16 décembre 2009, le Tribunal de commerce de Lyon a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde de la S.A.S. REP INTERNATIONAL.
Le Ministre du travail a autorisé le licenciement pour motif économique des salariés protégés par décisions du 23 février 2010.
* * *

LA COUR,
Statuant sur l'appel interjeté le 10 janvier 2012 par la S.A.S. REP INTERNATIONAL du jugement rendu le 15 décembre 2011 par la formation de départage du Conseil de prud'hommes de LYON (section industrie) qui a
- dit et jugé le licenciement de Gérard Y valide et fondé sur une cause économique réelle et sérieuse,
- dit que la S.A.S. REP INTERNATIONAL n'a pas respecté les critères d'ordre de licenciement,
- condamné la S.A. S. REP INTERNATIONAL à payer à Gérard Y la somme de 65 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,
- condamné la S.A.S. REP INTERNATIONAL à payer à Gérard Y la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs autres demandes ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 30 septembre 2012 par la S.A.S. REP INTERNATIONAL qui demande à la Cour de
A titre principal
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le licenciement reposait sur de réelles difficultés économiques,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la S.A.S. REP INTERNATIONAL n'avait pas respecté les critères d'ordre de licenciement,
- constater que la S.A. S. REP INTERNATIONAL a parfaitement respecté les critères d'ordre de licenciement,
- en conséquence, débouter Gérard Y de sa demande de dommages-intérêts au titre du non-respect des critères d'ordre de licenciement ;
A titre subsidiaire
- constater que Gérard Y ne justifie pas de l'étendue du préjudice réellement subi,
- en conséquence, réduire à de plus justes proportions les dommages-intérêts à allouer à l'intimé ;
- condamner Gérard Y à verser à la S.A. S. REP INTERNATIONAL la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 30 septembre 2012 par Gérard Y qui demande à la Cour de
* Dire et juger l'appel incident du salarié recevable, justifié et bien fondé,
- dire et juger que le licenciement de Gérard Y est dépourvu de cause économique réelle et sérieuse,
- en conséquence, condamner la S.A.S. REP INTERNATIONAL en réparation du préjudice subi du fait du licenciement injustifié,
* Sur l'appel principal
- confirmer que la S.A.S. REP INTERNATIONAL n'a pas régulièrement appliqué les critères d'ordre de licenciement,
- en conséquence, confirmer le jugement entrepris, * Y ajoutant
- condamner la S.A.S. REP INTERNATIONAL au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Sur le motif économique du licenciement
Attendu qu'en application de l'article L 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, des mutations technologiques, la cessation d'activité de l'entreprise ou sa réorganisation en vue de sauvegarder sa compétitivité ;
Que les comptes de la S.A.S. REP INTERNATIONAL comme les comptes consolidés du groupe, qui n'a qu'un secteur d'activité, révèlent des difficultés économiques récurrentes qui avaient justifié un premier plan de sauvegarde de l'emploi au sein de la société appelante en 2006 ; que l'expert-comptable du Comité d'entreprise a admis que la perte nette comptable du groupe avait suivi l'évolution suivante
Exercices
2004
2005
2006
2007
2008
Perte nette comptable
(3 422)
(13 783)
(6 282)
(2 804)
(2 203)

Que la réduction du niveau des pertes en 2007 et 2008 n'était pas de nature à faire disparaître les contraintes financières résultant du caractère chronique de celles-ci, dans un contexte économique déprimé ; que le résultat d'exploitation de la S.A.S. REP INTERNATIONAL était au 31 mars 2009 de 682 719 euros contre 2 932 760 euros au 31 mars 2008, et la perte nette comptable de 9 400 117 euros contre un bénéfice de 997 064 euros en 2008 ; qu'après le licenciement, la S.A.S. REP INTERNATIONAL a enregistré les résultats suivants
Exercices clos en
Mars 2010
Mars 2009
Chiffre d'affaires
11
388
217
33 073 636
Résultat d'exploitation
(3
977
688)
682 719
Résultat courant avant impôts
(3
967
763)
(148 770)

Que les données suivantes se dégagent des comptes consolidés du groupe pour les exercices clos en mars 2009 et mars 2010
Exercices clos en
Mars 2010
Mars
2009
Chiffre d'affaires
16
491
206
39 495
067
Résultat d'exploitation
(4
034
628)
263 125
Résultat net
(5
312
189)
(2 891
429)

Que les difficultés économiques du groupe, et celles propres à la S.A.S. REP INTERNATIONAL, ne sont d'ailleurs pas niées par Gérard Y qui les relativise cependant et conteste leur caractère durable, se mettant ainsi en contradiction avec des éléments comptables irréfutables ; qu'en effet, le résultat de la société appelante n'est devenu positif qu'en décembre 2011, deux ans et demi après le licenciement ;
Attendu qu'en application de l'article L 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure, ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; que les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises ;
Qu'en l'espèce, Gérard Y ne saisit la Cour d'aucun moyen tiré du non-respect de l'obligation de reclassement ; qu'il sera donc seulement mentionné ici pour mémoire que les filiales de la S.A.S. REP INTERNATIONAL occupaient un nombre réduit de salariés ; qu'interrogées le 26 mars 2009 par la S.A.S. REP INTERNATIONAL, ces filiales ont répondu que leur situation n'était pas meilleure, les sociétés brésilienne et américaine ayant elles-mêmes dû réduire leur personnel ; qu'elles ont toutes exclu de pouvoir reprendre des salariés licenciés par leur société-mère ; que les perspectives de reclassement esquissées dans le plan de sauvegarde de l'emploi étaient initialement inexistantes, dans la mesure où il s'agissait du second plan de sauvegarde de l'emploi en trois ans, et compte tenu du nombre de postes dont la suppression était envisagée (84 sur 177 soit 47%) ; que les livres d'entrée et de sortie du personnel de la S.A.S. REP INTERNATIONAL et de ses filiales (à l'exclusion des filiales allemande et américaines non soumises à une telle obligation) ne révèlent aucun poste disponible susceptible de permettre le reclassement de Gérard Y ; qu'enfin, l'employeur s'est conformé à ses obligations conventionnelles en saisissant la Commission paritaire territoriale de l'emploi de la métallurgie ; qu'il a attendu la réunion de cette Commission, fixée le 16 juin 2009, pour notifier à Gérard Y son licenciement pour motif économique ;
Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de Gérard Y par la S.A.S. REP INTERNATIONAL était fondé sur une cause économique réelle et sérieuse ;
Sur l'application des critères d'ordre de licenciement
Attendu qu'aux termes de l'article L 1233-5 du code du travail, alors applicable, lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ; que ces critères prennent notamment en compte
- les charges de famille, en particulier celles des parents isolés, - l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise,
- la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés,
- les qualités professionnelles appréciées par catégorie ;
Attendu que selon l'article 49 de la convention collective des mensuels des industries métallurgiques du Rhône, les congédiements s'opéreront suivant les règles générales prévues en matière de licenciement et compte tenu de la valeur professionnelle, de la situation de famille et de l'ancienneté, cet ordre n'étant pas préférentiel ;
Qu'en l'espèce, au cours de sa réunion du 20 mai 2009, le Comité d'entreprise a remarqué que la pondération des critères qui lui étaient soumis traduisait une évolution sensible par rapport au plan de 2006 qui attribuait quatorze points aux critères dits personnels et vingt-quatre au critère de la valeur professionnel que les représentants du personnel ont néanmoins demandé à l'employeur
· d'accorder un point supplémentaire aux parents isolés, au titre des charges de famille,
· de porter d'un à deux points le poids des troisième et quatrième enfant à charge,
· de faire en sorte que le total des points susceptibles d'être obtenus d'une part pour les charges de famille, l'ancienneté et l'âge et d'autre part pour la valeur professionnelle soit égal en ce qui concerne les personnels non cadres ;
Que la S.A.S. REP INTERNATIONAL a tenu compte de cette demande et les critères suivants ont été appliqués
1°) Charges de famille
- parent isolé 1 point
- par enfant à charge (1er et 2ème enfant) 1 point
- par enfant à charge (à partir du 3ème) 2 points
Plafond 7 points
2°) Ancienneté
- inférieure à deux ans 0 point
- de 2 à 5 ans 1 point
- de 5 à 10 ans 2 points
- de 10 à 15 ans 4 points
- supérieure à 15 ans 6 points
Plafond 6 points
3°) Handicap
- aucun handicap 0 point
- handicap léger (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé catégorie A) 1 point
- handicap modéré (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé catégorie B) 4 points
- handicap lourd (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé catégorie C) 6 points
Plafond 6 points
4°) Âge
- moins de trente ans 0 point
- de 30 à 40 ans 2 points
- de 40 à 50 ans 4 points
- plus de 50 ans 6 points
- plus de 55 ans et moins de 57 ans 8 points
Plafond 8 points
5°) Valeur personnelle (non cadres)

Inférieur au niveau attendu
Conforme au niveau attendu
Supérieur au niveau attendu
Capacité d'adaptation (maximum



6)
0
1
2
- flexibilité
0
1
2
- implication
0
1
2
- disponibilité



Capacités professionnelles (maximum 10)
0
1
2
- compétences techniques & linguistiques
0
1
2

0
1
2
- analyse / résolution des problèmes
0
1
2
- esprit de décision
0
1
2
- sûreté, fiabilité



- sens de l'organisation



Capacités relationnelles (maximum 6)
0
1
2
- esprit d'équipe
0
1
2
- esprit d'entreprise
0
1
2
- communication




Que 27 points au maximum pouvaient être obtenus pour les critères personnels contre 22 au titre de la valeur professionnelle ; que la S.A.S. REP INTERNATIONAL, qui a retenu la totalité des critères, était en droit de privilégier le critère de la valeur professionnelle dont le poids n'aboutit pas à l'éviction des critères personnels et familiaux ;
Qu'il convient d'apprécier le respect des critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements par référence aux catégories d'emplois et aux fonctions réellement exercées ; que la notion de catégorie professionnelle, qui sert de base à l'établissement de l'ordre des licenciements, concerne l'ensemble des salariés qui exercent, au sein de l'entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ;
Qu'en l'espèce, la S.A.S. REP INTERNATIONAL a distingué deux catégories au sein de son activité d'usinage
· une catégorie 'hors centre d'usinage' (fraisage, tournage, ajustage), dont les quatre postes ont été supprimés, et notamment celui de Gérard Y,
· une catégorie 'centres d'usinages' comprenant cinq postes de travail, dont deux ont été supprimés ;
Que militent en faveur de la thèse de l'intimé, selon laquelle les neufs postes ci-dessus étaient initialement inclus dans une catégorie unique, plus encore que l'organigramme qui constitue la pièce 14 de Gérard Y, le tableau d'application des critères d'ordre aux catégories 'hors centre d'usinage' et 'centres d'usinages' (pièce n°69-5 de la société) ; qu'en effet, la suppression de l'ensemble des postes d'une catégorie rend vaine l'application des critères, ce que l'employeur a d'ailleurs rappelé à Gérard Y dans une lettre du 23 juillet 2009 ; que la pièce 69-5 fait cependant apparaître que les charges de famille, l'ancienneté, l'éventuel handicap, l'âge et la valeur professionnelle de Messieurs ..., ..., ... et Y ont été pondérés au même titre que ceux de leurs cinq collègues des centres d'usinage ; que la justification d'une telle démarche échappe à la Cour ;
Attendu que selon l'article L 6321-1 du code du travail, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail ; qu'il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations ; qu'au regard de l'obligation d'adaptation mise ainsi à la charge de la S.A.S. REP INTERNATIONAL, le fait que des opérations d'usinage soient effectuées par les une sur des machines à commandes informatisées et par les autres sur des machines classiques est insuffisant pour caractériser l'existence de deux catégories différentes de salariés pour l'application des critères d'ordre de licenciement ; que les 6 points accordés pour l'ancienneté aux neuf salariés concernés correspondent à une ancienneté supérieure à quinze ans ; que Messieurs ... et ..., classés dans la catégorie 'centres d'usinage', avaient plus de cinquante-cinq ans ; qu'il est par conséquent très douteux qu'ils aient été aptes dès leurs engagement à travailler sur des machines à commandes numériques ; que l'employeur ne rapporte pas la preuve de ce que le pilotage d'un centre d'usinage nécessite une formation de base spécifique ou une formation complémentaire excédant l'obligation d'adaptation ;
Qu'en conséquence, en scindant en deux catégories distinctes neuf salariés qui exerçaient des fonctions similaires sur des machines de générations différentes, la S.A.S. REP INTERNATIONAL a méconnu les dispositions de l'article L 1233-5 du code du travail ;
Que l'employeur, qui n'a pas apprécié les qualités professionnelles par catégories, ne peut être admis à effectuer a posteriori un nouveau découpage des catégories professionnelles pour tenter de démontrer que le résultat final, spécialement le licenciement de Gérard Y, aurait été identique ;
Que le jugement qui a dit que la S.A.S. REP INTERNATIONAL n'avait pas respecté les critères d'ordre de licenciement doit donc être confirmé ;
Sur la demande de dommages-intérêts
Attendu que l'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements pour motif économique prévues à l'article L 1233-5 du code du travail n'est pas soumise aux sanctions énoncées à l'article L 1235-3 du code du travail ; qu'elle constitue pour le salarié une illégalité qui entraîne pour celui-ci un préjudice, pouvant aller jusqu'à la perte injustifiée de son emploi, lequel doit être intégralement réparé selon son étendue ; qu'il en résulte que le salarié n'est pas dispensé de rapporter la preuve de celle-ci ; que Gérard Y, né le 5 juin 1951, était âgé de cinquante-huit ans à la date de son licenciement ; qu'il a été indemnisé par Pôle Emploi jusqu'au 1er juillet 2011, date à laquelle l'Assurance Retraite Rhône- Alpes lui a attribué une retraite personnelle ; que la S.A.S. REP INTERNATIONAL sera condamnée à payer à Gérard Y la somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a
- dit et jugé le licenciement de Gérard Y valide et fondé sur une cause économique réelle et sérieuse,
- dit que la S.A.S. REP INTERNATIONAL n'a pas respecté les critères d'ordre de licenciement,
- condamné la S.A.S. REP INTERNATIONAL à payer à Gérard Y la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la S.A.S. REP INTERNATIONAL de sa demande d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la S.A.S. REP INTERNATIONAL aux dépens de première instance ;
Infirme le jugement entrepris dans ses autres dispositions,
Statuant à nouveau
Condamne la S.A.S. REP INTERNATIONAL à payer à Gérard Y la somme de vingt-cinq mille euros (25 000 euros) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif au non-respect des critères d'ordre de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2011,
Y ajoutant
Condamne la S.A.S. REP INTERNATIONAL à payer à Gérard Y la somme de mille euros (1 000 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés devant la Cour,
Condamne la S.A.S. REP INTERNATIONAL aux dépens d'appel.
Le greffier Le Président
S. ... D. ...
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