Jurisprudence : CAA Paris, 1ère ch., 16-05-1989, n° 89PA00078

CAA Paris, 1ère ch., 16-05-1989, n° 89PA00078

A9427A8N

Référence

CAA Paris, 1ère ch., 16-05-1989, n° 89PA00078. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1161253-caa-paris-1ere-ch-16051989-n-89pa00078
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Abstract

30-01-02-01, 60-01-03-04, 60-02-015-01 Les professeurs stagiaires étant soumis à l'obligation statutaire d'assister aux cours organisés en vue de leur formation, il appartenait au directeur de l'établissement d'enseignement, devant une action concertée et systématique d'élèves s'abstenant de suivre les cours d'un professeur, de prendre les mesures propres à assurer leur présence ou, le cas échéant, de les sanctionner pour leur absence. De telles mesures n'ayant pas été prises, faute du directeur de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard du professeur.

Cour administrative d'appel de Paris

Statuant au contentieux
Brochard

M. Massiot, Président
M. Simoni, Rapporteur
M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement


Lecture du 16 mai 1989



R E P U B L I Q U E   F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


    Vu l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 4e sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat pour M. BROCHARD ;

    Vu la requête enregistrée au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat le 12 octobre 1987, présentée pour M. Claude Brochard demeurant 1 clos Nollet à 91200 Athis-Mons, par Me Célice avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; M. Brochard demande au Conseil d'Etat :

    - d'annuler le jugement en date du 3 juillet 1987 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 50 000 F en réparation du préjudice moral que lui a causé l'absentéisme de ses élèves de l'école normale nationale d'apprentissage de Paris-Sud ;

    Vu les autres pièces du dossier ;

    Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

    Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;

    Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

    Après avoir entendu au cours de l'audience du 2 mai 1989 :

    - le rapport de M. Simoni, conseiller ;

    - et les conclusions de M. Arrighi de Casanova, commissaire du gouvernement ;


    - Sur la régularité du jugement attaqué :

    Considérant qu'à supposer, comme le soutient le requérant, que la copie du jugement qui lui a été notifiée ne fasse pas apparaître l'analyse des moyens invoqués, cette circonstance ne serait pas, en elle-même, de nature à entacher d'irrégularité ce jugement ;

    - Au fond :

    Considérant que M. Brochard, professeur de psychopédagogie à l'école normale nationale d'apprentissage de Paris-Sud demande la condamnation de l'Etat au paiement d'une indemnité de 50 000 F en réparation du préjudice résultant pour lui, d'une part, de ce que l'Etat ne l'aurait pas fait bénéficier de la protection due aux fonctionnaires victimes d'attaques dans l'exercice de leurs fonctions et, d'autre part, de ce que le directeur de l'école est resté inactif devant l'absence concertée et systématique à ses cours, pendant les deuxième et troisième trimestres de l'année scolaire 1984-85, de deux divisions de professeurs-stagiaires en formation à l'école ;

    Sur les conclusions de la requête tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 :

    Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : 'Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales ... La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ' ; que les absences systématiques des professeurs stagiaires à ses cours n'étaient pas de nature à ouvrir droit au profit de M. Brochard à la mise en oeuvre de la protection prévue par ce texte ; que si l'intéressé soutient que des tracts injurieux et diffamatoires à son égard ont été diffusés, il n'apporte aucun élément de preuve à l'appui de cette allégation ; qu'il convient, par suite, de rejeter les conclusions de la requête tendant à la réparation du préjudice moral qu'aurait causé à M. Brochard le refus implicite de l'Etat de lui accorder la protection organisée par le texte précité ;

    Sur les conclusions de la requête tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement de la faute du directeur de l'école :


    Considérant qu'il résulte des dispositions statutaires applicables aux élèves des écoles normales nationales d'apprentissage, et qu'il n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté, que les professeurs stagiaires ont l'obligation d'assister aux cours organisés en vue de leur formation ; qu'il appartenait, en conséquence, au directeur de l'établissement, alors même que, comme l'indique le ministre, les élèves auraient été présents dans d'autres salles de l'école aux heures prévues pour les cours de M. Brochard, d'user de son pouvoir hiérarchique pour prendre les mesures propres à assurer la présence des élèves aux cours ou, le cas échéant, à les sanctionner pour leur absence ; qu'en s'abstenant de toute initiative, le directeur de l'école, à qui incombait le contrôle du respect de leurs obligations statutaires par les professeurs-stagiaires, a implicitement accepté que ces obligations ne soient pas satisfaites ; qu'il a ainsi commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

    Considérant que la faute précitée a eu pour effet de priver M. Brochard de la possibilité d'exercer dans des conditions normales son activité de professeur ; que l'intéressé est, par suite, en droit de demander réparation du préjudice moral et de l'atteinte à la réputation qu'il a subis de ce fait ; qu'il sera fait une juste appréciation de son préjudice global en allouant au requérant une somme de 5 000 F ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 3 juillet 1987 en tant qu'il a prononcé le rejet des conclusions susanalysées de la demande présentée en première instance par M. Brochard ;

    Sur les intérêts et les intérêts des intérêts ;

    Considérant que la somme ci-dessus déterminée de 5 000 F portera intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 1986, date à laquelle le requérant a présenté une demande d'indemnité au ministre de l'éducation nationale ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 12 octobre 1987 ; qu'à cette date une année d'intérêts au moins était due ; que, par suite, conformément à l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;




    Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 3 juillet 1987 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. Brochard tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement de la faute du directeur de l'école normale nationale d'apprentissage de Paris-Sud.


    Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. Claude Brochard une somme de 5 000 F.


    Article 3 : La somme précitée de 5 000 F portera intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 1986. Les intérêts seront capitalisés le 12 octobre 1987 pour produire eux-mêmes intérêts à compter de cette date.


    Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.


    Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mr Brochard et au ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

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