Jurisprudence : CJCE, 10-04-2003, aff. C-20/01, Commission des Communautés européennes c/ République fédérale d'Allemagne

CJCE, 10-04-2003, aff. C-20/01, Commission des Communautés européennes c/ République fédérale d'Allemagne

A6687A7S

Référence

CJCE, 10-04-2003, aff. C-20/01, Commission des Communautés européennes c/ République fédérale d'Allemagne. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1151415-cjce-10042003-aff-c2001-commission-des-communautes-europeennes-c-republique-federale-dallemagne
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Abstract

Dans un arrêt rendu le 10 avril 2003, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a réaffirmé l'obligation qu'a un Etat membre de transposer une directive communautaire (CJCE, 10 avril 2003, aff. . C-20/01, Commission c/ République fédérale d'Allemagne).





ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)


10 avril 2003 (1)


«Manquement d'État - Recevabilité - Intérêt à agir - Directive 92/50/CEE - Procédures de passation des marchés publics de services - Procédure négociée sans publication préalable d'un avis de marché - Conditions»


Dans les affaires jointes C-20/01 et C-28/01,


Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Schieferer, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,


partie requérante,


contre


République fédérale d'Allemagne, représentée par M. W.-D. Plessing, en qualité d'agent, assisté de Me H.-J. Prieß, Rechtsanwalt,


partie défenderesse,


soutenue par


Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, représenté par Mme R. Magrill, en qualité d'agent, assistée de M. R. Williams, barrister,


partie intervenante,


ayant pour objet deux recours visant respectivement à faire constater que:


- en ne lançant pas d'appel d'offres pour le contrat relatif à l'évacuation des eaux usées de la commune de Bockhorn (Allemagne) et en ne publiant pas le résultat de la procédure d'attribution dans le supplément du Journal officiel des Communautés européennes, la République fédérale d'Allemagne a, lors de l'attribution de ce marché public de services, manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées des articles 8, 15, paragraphe 2, et 16, paragraphe 1, de la directive 92/50/CEE du Conseil, du18juin1992, portant coordination des procédures de passation des marchéspublicsdeservices (JO L 209, p. 1);


- lors de l'attribution d'un marché public de services, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 8 et 11, paragraphe 3, sousb), de la directive 92/50, en ce que la ville de Brunswick (Allemagne) a passé un contrat relatif à l'élimination de ses déchets en recourant à la procédure négociée sans publication préalable d'un avis de marché, bien que les conditions fixées par ledit article 11, paragraphe 3, pour la passation des marchés de gré à gré sans appel d'offres au niveau européenn'aientpasétéremplies,


LA COUR (cinquième chambre),


composée de M. M. Wathelet, président de chambre, MM. D. A. O. Edward, A. La Pergola, P. Jann (rapporteur) et A. Rosas, juges,


avocat général: M. L. A. Geelhoed,


greffier: Mme M.-F. Contet, administrateur,


vu le rapport d'audience,


ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 10 octobre 2002,


ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 28 novembre 2002,


rend le présent


Arrêt


1.


Par requêtes déposées au greffe de la Cour respectivement les 16 et 23 janvier 2001, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 226 CE, deux recours visant a faire constater que:


en ne lançant pas dappel d'offres pour le contrat relatif à lévacuation des eaux usées de la commune de Bockhorn (Allemagne) et en ne publiant pas le résultat de la procédure dattribution dans le supplément du Journal officiel des Communautés européennes, la République fédérale dAllemagne a, lors de lattribution de ce marché public de services, manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées des articles 8, 15, paragraphe 2, et 16, paragraphe 1, de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1);


lors de lattribution d'un marché public de services, la République fédérale dAllemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 8 et 11, paragraphe 3, sous b), de la directive 92/50, en ce que la ville de Brunswick (Allemagne) a passé un contrat relatif à lélimination de ses déchets en recourant à la procédure négociée sans publication préalable d'un avis de marché, bien que les conditions fixées par ledit article 11, paragraphe 3, pour la passation des marchés de gré à gré sans appel d'offres au niveau européen naient pas été remplies.


Le cadre juridique


2.


L'article 8 de la directive 92/50 prévoit:


«Les marchés qui ont pour objet des services figurant à lannexe I A sont passés conformément aux dispositions des titres III à VI.»


3.


Le titre V (articles 15 à 22) de la directive 92/50 comporte des règles communes de publicité. Conformément à l'article 15, paragraphe 2, de ladite directive, les pouvoirs adjudicateurs désireux de passer un marché public de services en recourant à une procédure ouverte, restreinte ou, dans les conditions prévues à l'article 11 de cette directive, à une procédure négociée font connaître leur intention au moyen d'un avis.


4.


L'article 11, paragraphe 3, sous b), de la directive 92/50 dispose:


«Les pouvoirs adjudicateurs peuvent passer leurs marchés publics de services en recourant à une procédure négociée sans publication préalable d'un avis de marché dans les cas suivants:


[.]


b) pour les services dont lexécution, pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits dexclusivité, ne peut être confiée quà un prestataire déterminé».


5.


Aux termes de l'article 16, paragraphe 1, de la directive 92/50:


«Les pouvoirs adjudicateurs qui ont passé un marché public ou organisé un concours envoient un avis concernant les résultats de la procédure dattribution à lOffice des publications officielles des Communautés européennes.»


Les faits et la procédure précontentieuse


Affaire C-20/01


6.


La commune de Bockhorn, dans le Land de Basse-Saxe, a conclu, pour lévacuation de ses eaux usées, un contrat pour une durée dau moins 30 ans à compter du 1er janvier 1997 avec lentreprise de distribution dénergie Weser-Ems AG (ci-après «EWE»).


7.


Par lettre du 30 avril 1999, la Commission a mis le gouvernement allemand en demeure de lui présenter ses observations sur la question de savoir si les dispositions de la directive 92/50 devaient être appliquées en lespèce.


8.


Dans sa réponse en date du 1er juillet 1999, le gouvernement allemand a admis que le contrat conclu par la commune de Bockhorn aurait dû être passé conformément à la réglementation communautaire. En outre, il a indiqué que le ministère de lIntérieur du Land de Basse-Saxe profiterait de la circonstance pour inviter les autorités locales à rappeler avec fermeté aux collectivités territoriales quelles doivent observer strictement la réglementation communautaire relative à la passation des marchés publics.


9.


Le 21 mars 2000, la Commission a adressé un avis motivé à la République fédérale dAllemagne, dans lequel elle faisait valoir que les dispositions de la directive 92/50 auraient dû être appliquées et qu'il importe peu en droit que linfraction aux dispositions du droit communautaire ait été reconnue par cet État membre. La Commission a par ailleurs invité ce dernier à rappeler sans tarder aux autorités concernées les exigences en la matière et à les inciter à respecter à lavenir lesdites dispositions.


10.


Dans une communication du 12 mai 2000, le gouvernement allemand a de nouveau reconnu linfraction reprochée. Il a expliqué que, à la suite de son intervention consécutive à la lettre de mise en demeure de la Commission, le ministère de lIntérieur du Land de Basse-Saxe avait, par décret du 21 juin 1999, invité toutes les autorités locales de ce Land à veiller de manière appropriée à ce que les pouvoirs adjudicateurs observent strictement les dispositions communautaires relatives à la passation des marchés publics. En réaction à l'avis motivé, le gouvernement dudit Land aurait rappelé avec insistance que ces dispositions devaient être respectées.


11.


Au demeurant, le gouvernement allemand a fait valoir que le droit national noffrait quasi aucune possibilité de mettre un terme à linfraction à la directive 92/50, parce qu'il existe, depuis le 1er janvier 1997, un contrat définitif entre la commune de Bockhorn et EWE, qui ne saurait être résilié sans que des indemnités très élevées soient versées à cette dernière. Le coût d'une telle résiliation serait disproportionné par rapport à lobjectif visé par la Commission.


Affaire C-28/01


12.


La ville de Brunswick, également située dans le Land de Basse-Saxe, et Braunschweigsche Kohlebergwerke (ci-après «BKB») ont conclu un contrat par lequel a été confiée à cette dernière, à compter de juin/juillet 1999 et pour une durée de 30 ans, lélimination de déchets résiduels en vue d'un traitement thermique.


13.


Les autorités compétentes de la ville de Brunswick ont considéré que la directive 92/50 était applicable, mais ont invoqué l'article 11, paragraphe 3, de celle-ci pour se dispenser de l'obligation de publier un avis et passer le marché en recourant à une procédure négociée.


14.


Par lettre de mise en demeure du 20 juillet 1998, la Commission a contesté cette interprétation.


15.


Par lettres des 4 août, 19 octobre et 15 décembre 1998, le gouvernement allemand a répondu à la lettre de mise en demeure en faisant valoir que les conditions dapplication de l'article 11, paragraphe 3, sous b), de la directive 92/50 étaient réunies dans la mesure où un traitement thermique des déchets ne pouvait, pour des raisons techniques, être confié quà BKB. La proximité géographique des infrastructures dincinération par rapport à la ville de Brunswick aurait constitué un critère essentiel dattribution afin déviter de plus grandes distances de transport.


16.


Par lettre du 16 décembre 1998, le gouvernement allemand a admis que ladite ville avait enfreint en lespèce la directive 92/50 en recourant de manière non justifiée à la procédure négociée sans publication d'un avis de marché.


17.


Le 6 mars 2000, la Commission a adressé un avis motivé à la République fédérale dAllemagne, dans lequel elle a notamment invité cet État membre à rappeler sans tarder aux autorités concernées la réglementation en la matière et à inciter ces dernières à respecter à lavenir les dispositions applicables.


18.


Dans une communication du 17 mai 2000, le gouvernement allemand a reconnu linfraction reprochée. Il a également indiqué que le gouvernement du Land de Basse-Saxe avait invité toutes les autorités locales à respecter les dispositions relatives à la passation des marchés publics. Comme dans laffaire C-20/01, il a précisé qu'il ne saurait être remédié aux conséquences de linfraction à la directive 92/50 par une résiliation du contrat. Au demeurant, une telle résiliation obligerait la ville de Brunswick à verser des indemnités très élevées au cocontractant. Le coût d'une telle résiliation serait dès lors disproportionné.


19.


Par ordonnance du président de la Cour du 15 mai 2001, les affaires C-20/01 et C-28/01 ont été jointes aux fins de la procédure écrite, de la procédure orale et de larrêt.


20.


Par ordonnance du président de la Cour du 18 mai 2001, le Royaume-Uni a été admis à intervenir à lappui des conclusions de la partie défenderesse.


Sur la recevabilité du recours


Moyens et arguments des parties


21.


Le gouvernement allemand fait valoir, à titre principal, que les recours sont irrecevables, car il nexiste plus aucun manquement auquel lÉtat membre défendeur devrait mettre fin. En effet, la réglementation communautaire relative à la passation des marchés publics serait constituée uniquement de règles de procédure. La violation de ces règles épuiserait tous ses effets au moment même où elle est commise. Après la reconnaissance par la République fédérale dAllemagne de cette violation, il nexisterait plus dintérêt objectif à lintroduction des recours en manquement.


22.


Quant à la nécessité d'un tel intérêt objectif, le gouvernement allemand considère que la procédure en manquement peut être rapprochée du recours en carence prévu à l'article 232 CE. Ce dernier recours serait irrecevable lorsque linstitution en cause, après avoir été invitée à agir, a pris position. Selon la jurisprudence de la Cour, même laveu d'une abstention illégale ferait disparaître lintérêt objectif à faire constater la carence.


23.


Lintérêt objectif à faire constater les manquements en question ne peut pas non plus, selon le gouvernement allemand, résulter en lespèce de la nécessité détablir lefondement d'une responsabilité de lÉtat membre en cause. Notamment, une responsabilité à légard des particuliers serait exclue, car il napparaît pas que ces derniers aient subi un préjudice en raison des contrats conclus par la commune de Bockhorn et la ville de Brunswick.


24.


Quant aux contrats conclus par les pouvoirs adjudicateurs, le gouvernement allemand, soutenu sur ce point par le gouvernement du Royaume-Uni, estime que le droit communautaire leur confère la protection qui résulte des droits acquis. Le principe pacta sunt servanda serait consacré par la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à lapplication des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO L 395, p. 33). En effet, en laissant au droit national la possibilité de limiter les pouvoirs de linstance de contrôle de la procédure de passation des marchés publics à loctroi de dommages-intérêts à toute personne lésée par une violation du droit communautaire en matière de marchés publics, l'article 2, paragraphe 6, de ladite directive sabstiendrait précisément dexiger que des contrats valablement conclus soient résiliés ou ne soient pas respectés.


25.


En ce qui concerne le droit national, le gouvernement allemand explique qu'il est caractérisé par le principe selon lequel un contrat conclu par un pouvoir adjudicateur en violation des dispositions en matière de passation des marchés publics ne saurait être résilié que pour un motif grave, notion qui ne viserait pas les circonstances antérieures à la conclusion de ce contrat. Par ailleurs, la nullité d'un tel contrat ne serait prévue que dans des cas exceptionnels, strictement délimités, qui ne concerneraient pas les contrats conclus en lespèce. En revanche, le droit national comporterait les dispositions nécessaires permettant aux personnes lésées de demander des dommages-intérêts.


26.


La Commission fait valoir quelle na pas à démontrer lexistence d'un intérêt particulier à agir pour introduire un recours en manquement en vertu de l'article 226 CE. La Cour naurait examiné lexistence d'un tel intérêt que dans des cas dans lesquels un État membre sétait conformé à l'avis motivé de la Commission après l'expiration du délai fixé dans ledit avis. Un tel intérêt pourrait toutefois, selon la Commission, consister non seulement à établir le fondement d'une responsabilité de lÉtat membre concerné, mais également à clarifier les points essentiels du droit communautaire et à éviter les risques de récidive.

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