Jurisprudence : CA Versailles, 12e, 1, 27-06-1996, n° 641/94



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
I COPIE I
c.50.att
COUP, D'APPEL DE
VERSAILLES
LIA
Le VINGT SEPT JUIN MIL NEUF CENT QUATRE VINGT SEIZE
Arrêt r11 278 du 27.06.1996
R.G. n°641/94 la Cour d'Appel de VERSAILLES, 12ême Chambre, 1ère Section a rendu l'arrêt CONTRADICTOIRE suivant,
AFFAIRE prononcé en AUDIENCE PUBLIQUE Sté AFE
Sté AFE Automobiles la cause ayant été débattue en AUDIENCE PUBLIQUE Sté Armoricaine de Fonderie Le Chatelet le VINGT TROIS MAI MIL NEUF CENT QUATRE VINGT Sté DEMO
Sté Les Forges de SEIZE devant Boue
Sté SEFAC Estampage Monsieur ..., Président
C/ Monsieur ..., Conseiller
Mr ... G. Monsieur ..., Conseiller
Appel d'un jugement rendu le 17.12.1993 Par le TC de NANTERRE
assistés de Monsieur ... ..., Greffier
et ces mémes magistrats en ayant délibéré conformément à la Loi DANS L'AFFAIRE ENTRE
Copie certifiée conforme LA SOCIÉTÉ ACIERIES ET FONDERIES DE LEST dite A.F.E.
Expédition 1SA1 ayant son siège MONTROUGE délivrée le 27-ocene agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
à domiciliés en cette qualité audit siège
- Maître ...
LA SOCIÉTÉ A.F.E. AUTOMOBILES ISA1
- SCP Jullien Lecharny ayant son siège MONTROUGE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
LA SOCIÉTÉ ARMORICAINE DE FONDERIE LE CHATELET ISAj ayant son siège REDON
prise en la personne tie ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
LA SOCIÉTÉ DEMO ISA)
ayant son siège ANDILLY, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
LA SOCIÉTÉ LES FORGES DE BOURTH JSA)
ayant son siège BOURTH, prise en la ' personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
LA SOCIÉTÉ SEFAC ESTAMPAGE ISAI
ayant son siège 1 nie André Compain -08800 MONTHERME, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
APPELANTES AU PRINCIPAL ET INTIMÉES INCIDENTES CONCLUANT par Maître ..., avoué près la Cour d'Appel de VERSAILLES
PLAIDANT par Maître ... ..., avocat au Barreau de VERSAILLES
ET
MONSIEUR ... ...
Administrateur de sociétés et Directeur de l'activité "Constituants Automobiles" du Groupe AFE
demeurant LE PLAN MEDOC
INTIMÉ AU PRINCIPAL ET APPELANT INCIDENT
CONCLUANT par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, avoués près la Cour d'Appel de VERSAILLES
PLAIDANT par Mer. SULZER, avocat au Barreau de PARIS

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 17 Mars 1986, Monsieur ... a été embauché par la Société AFE en qualité de Directeur d'une unité de fabrication automobile de la fonderie du CHATELET.
Par la suite, ll devint successivement, de 1987 à 1990
- Directeur Général de la Société Arc
- Membre du Directoire de la Société AFE
- Administrateur de la Société AFC
" - Président du Conseil d'AdministratiOn de la Société AFC
- Président du Conseil MAdministrakion de la Société DEMO, puis Directeur Général de la Société AFE Automobile et enfin, Président du Conseil d'Administration de la Sodété SEFAC Estampage.
Il convient de préciser que toutes les sociétés sus-indiquées sont des filiales â plus de 95 % de la Société AFE.
Le 30 Mars 1993, Monsieur ... était licencié de ses fonctions salariées, puis révoqué de ses fonctions de mandataire social
- le 6 Avril 1993 par les Sociétés AFC et DEMO
- le 16 Avril 1993 par les Société% Forges de Sourth et SEFAC Estampage
- le 21 Avril 1993 de la Sodété AFE Automobile
- le 24 Mai 1993 de la Société DEMD En outre le 18 Juin 1993, il était révoqué de ses fonctions de Membre du Directoire de la Société AFE.
Il est constant qu'une réunion du directoire d'AFE tenue le 11 Mars 1993 et ayant pour ordre du jour la révocation de Monsieur ... de ses . - rdiverses fonctions, a précédé son licenciement et ses révocations.
Les 6 et 7 Avril 1993, Monsieur ... a assigné la Société AFE et ses cinq filiales (AFC, AFE Automobile, SEFAC Estampage, DEMO et Forges de Pouah) devant le Tribunal de Commerce de NANTERRE, afin que celles-ci se voient notamment et chacune d'elles. condamnées à titre de dommages-intéréts aux versements de 2,5 millions de francs pour le caractère manifestement abusif, brutal, injurieux et infamant des révocations des fonctions et mandats dont il était investi.
Parallèlement, le Conseil de Prud'hommes saisi par Monsieur ..., a considéré que son licenciement était fondé sur une cause réelle et ierieuse.

Par le jugement entrephs rendu le 17.12.1993, le Tribunal de Commerce de NANTERRE a parbellement débouté Monsieur ... de ses demandes, tout en condamnant les six sociétés à lui verser solidairement M somme forfaitaire de 700 000 F.
- Pour statuer comme ils l'ont fait, les juges consulaires ont notamment retenu que la décision du groupe et de Monsieur ... (PDG de la Société AFE) a été brutale et immédiate, qu'elle est intervenue dans des circonstances économiques difficiles, certes pour la société, mais également pour Monsieur ... vu son âge et dune façon telle que Monsieur ... ait pu Considérer Ces actes comme destinés à lui nuire tant sous l'angle matériel que personnel".
THESES EN PRÉSENCE ET DEMANDES DES PARTIES

A l'appui de son appel, la Société AFE conteste l'irrégularité de la révocation de Monsieur ..., ainsi que le caractère brutal et immédiat, de

Li\ 3 cette mesure commesa prétendue méconnaissanced'une NOlatigatiOn morale.
.S'agissant plus précisément des griefs reprochés à Monsieur ..., elle expose que ceux-ci sont au nombre- de quatre
- des pertes inacceptables,
- des résultats alarmants disproportionnés aux prévisions annoncées par l'intéressé,
- des manoeuvres destinées à camoufler ces pertes (livraisons anticipées provoquant un mécontentement des clients, constitutions Importantes de stocks contraires aux directives formulées par Monsieur ...),
- emploi d'intérimaires au dème trimestre 1992, alors qu'une gestion serrée de la misse salariale s'imposait.
Concernant la révocation de Monsieur ... comme membre du directoire de la Société AFE, celle-ci a été motivée, outre les griefs sus- énoncés, par la défiance qui s'est instaurée à son encontre.
Les cinq filiales reprennent pour l'essentiel l'argumentation de la Société AFE Elles insistent sur'. - la régularité des procédures de révocation,
- sur le caractère non insidieux de celles-ci,
- sur les erreurs et carences de Monsieur ... dans sa gestion,
- et sur l'absence d'une quelconque "révocation de fait"qui serait intervenue antérieurement au licenciement de Monsieur ..., Celui-ci ayant été par ailleurs, régulièrement convoqué à chacune des réunions ayant procédé à sa révocation.



Après avoir rappelé le principe de la révocabilité ad nutum des Mandataires sociaux, elles affirment que les drconstances ayant entouré la révocation de Monsieur ..., sont dénuées de tout fait constitutif d'une faute pouvant donner heu au versement de dommages et intérêts.
C'est pourquoi, les six sociétés forment chacune une demande reconventionnelle tendant à ce que Monsieur ... soit condamné à leur verser des dommages-intérets sur le fondement de l'article 32-1 du N.C.P.C., d'un montant de 50 000 F.
Pour sa part, Monsieur ... fait valoir
.1fg S'agissant de la procédure de révocation des mandats sodaux, Que la révocation de ses différents mandats est abusive, celle-ci ayant été décidée en contravention des dispositions d'ordre public - sa révocation est le résultat d'un véritable complot, animé par Monsieur ..., qui s'est tramé pendant son absence.
En effet, le 11 Mers 1993, le directoire se réunissait uniquement en raison de l'absence de Monsieur ... et ayant pour seul ordre du jour sa révocation et ce, toujours en violation des statuts et de la loi.
C'est donc le 11 Mars 1993 que la procédure de licenciement et de révocation des mandats sociaux a été engagée illégalement, ce qui a eu pour conséquence de vicier gravement la parodie de procédure qui s'est déroulée à la fin du mois de Mars.
Par le courrier du 18 Mars, Monsieur ... a été exclu de manière vexatoire de l'entreprise ; le 18 Mars 1993 également, son bureau était ouvert et déjà occupé par Monsieur ....


Monsieur ... affirme être en mesure de prouver que la révocatlon de l'ensemble de ses mandats sociaux a été décidée sinon par Monsieur r GENOT, tout au moins par le Directoire de la Société AFE, le 11 Mars 1993, bien avant que les organes compléments aient eu à statuer ; le procès verbal de cette réunion révélant le caractère définitif de ces révocations.
2°) II ajoute que les griefs ayant motivé tant son licendement que sa révocation de ses mandats sociaux et de sa fonction de membre du directoire, sont fallacieux et vexatoires, ces allégations ayant eu pour effet de mettre gravement en cause son honneur et sa probité.
Il S'attache en outre à réfuter les griefs qui lui sont faits.
r) S'agissant plus spécifiquement de sa révocation comme membre du directoire, il soutient que la procédure suivie a été irrégulière et que les motifs tondant cette révocation sont fallacieux.
e) Ces révocations constituant un préjudice tant professionnel que personnel, Monsieur ...)/ demande à ce que les six sociétés soient condamnées au versement de 3 000 000 F à titre de dommages-inténéts, toutes causes de préjudice confondues.

SUR CE LA COUR
Sur les principes applicables
Considérant que l'article 110 alinéa 3 de la loi du 24 Juillet 1966 consacre le principe d'ordre public, de libre révocation des dirigeants de Sociétés anonymes, étant précisé que la révocation du Président Directeur Général (article 110) et du Directeur Général (article 116) est de la COmpétence exclusive du Conseil d'Administration ;
Quil n'ye pas lieu, dès lors, pour ces mandataires sociaux de se prononcer sur le bien-fondé des griefs qui leur sont faits par la société, mais,-,,seulement d'apprécier s'il est établi que les circonstances sont injurieuses, vexatoires ou de nature à porter atteinte à leur honorabilité, c'est à dira si un abusa été commis dans rexerdce du droit de révocation ;
Considérant en revanche qu'en ce qui concerne les membres du( directoire, l'article 121 de la loi du 24 Juillet 1986 dispose
"Les membres du directoire peuvent être révoqués par l'Assemblée Générale, sur proposition du conseil de surveillance. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-lnlêrêle
Considérant que les principes cl-dessus rappelés con'dùisent à rechercher, en l'espèce
- si la révocation de Monsieur ... de ses mandats de Président Directeur Général de AFC, Forges de Bourth, SEFAC Estampage, DEMO SA, ainsi que de son mandat de Directeur Général de AFE Automobiles revêt un caractère abusif au regard des circonstances dans lesquelles elle est intervenue et plus généralement si elle constitue un abus de droit.
- si la révocation de Monsieur ... de son mandat de membre du directoire de la Société AFE est-elle intervenue pour juste motif
Considérant que Monsieur ... tait pertinemment observer que ce double examen imposé par la rédaction des articles 110, 116 et 121 de la Loi du 24 Juillet 1966, susvisé, présente en l'espèce un caractère artificiel, compte-tenu Ou fait que la Société AFE, Société Anonyme à directoire et conseil de surveillance, est le société holding du groupe et détient le contrôle desfiliales dont Monsieur ... était Président Directeur Général ou Directeur Général;


Que de ce fait, la révocation de Monsieur ... de ses fonctions de membre du directoire d'AFE ne peut être réellement détachée de celle de ses -v fonctions de Président Directeur Général ou de Directeur Général des filiales;
Qu'en conséquence, l'examen des motifs de la révocation du mandat de membre du directoire d'AFE conduira nécessairement à examiner la gestion par Monsieur ... des filiales puisque les motifs invoqués concernent celles-ci ;
Sur les circonstances de la révocation des mandats sociaux dg Monsieur ...
Considérant que la révocation effective de Monsieur ... est intervenue avant même que les organes sociaux compétents;pour la prononcer, aient eu à statuer ;
Considérant que le procès-verbal de la réunion du directoire de la Société AFE qui s'est réuni exceptionnellement le 11 Mars 1993 précise
"Effile absenb Monsieur ... en congé_ Après que chacun ait pu exprimer son point de vue et à Ilssue des discussions surie sujet, le directoire, l'unanimité, prend la décision suivante, Monsieur ... ne participant pas au vote
"Devant les dérives permanentes de résultat de l'activité AFE Automobiles par rapport aux engagements budgétaires de son Directeur Général, dérive dont la progression inquiétante met en péril le groupe AFE dans son ensemble, Devant l'inaptitude de Monsieur ... à gérer des situations de conjonctures basses et à mettre en place des mesures d'adaptation efficaces pour faire face à ce type de situation,


Devant certaines opérations effectuées sous sa responsabilité pour essayer d'atténuer tes pertes des établissements sous son contrôle ,'.constitution de stocks importants, livraisons par anticipation aux clients...
Devant la perte de marchés ou de clients imputable en partie l'attitude trop agressive de Monsieur ... vis â vis desdits clients il est souhaitable que soit retiré à Monsieur G. ... la direction générale de l'active AFE AutOribbiles, et ce, dans les délais les plus brefs, le directoire ne pouvant lui maintenir plus longtemps sa confiance.
Le directoire considère que la mise en oeuvre de cette décision, Implique, de facto, pour ;intéressé
- la rupture de son contrat de travail,
- la révocation de ses dierents mandats sociaux.
Il charge son Président de faire le nécessaire dans les plus brefs délais et de mettre en place une cellule de crise pour gêner au mieux le redressement de cette activité, et ce quelles que soient les informations que donnera Monsieur ... lors du comité de direction groupe du 12 Mars 1993,
Considérant que le 17 Mars que Monsieur ... était informé par Monsieur ... qu'il était privé de tous les pouvoirs attachés à ses fonctions de mandataire sodal et qu'il devait s'abstenir de toute décision ou visite jusqu'à ce qu'il soit décidé de son avenir dans le groupe AFE ; que l'éviction de Monsieur ... était officiellement annoncée, dès le lendemain, aux cadres de la branche automobile du groupe, ainsi qu'aux cadres des usines AFC à REDON et SEFAC Estampage â MONTHERME
Considérant que la décision de révocation de Monsieur ... de ses mandats sociaux, irrégulièrement prononcée par le directoire de la Société
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AFE le 11 Mars 1993, résulte non seulement du procès-verbal qui indique "El ce, quelles que soient les informations que donnera Monsieur .../ lors 1. du comité de direction groupe du 12 Mars 1993", mais encore du procès-verbal de la réunion du conseil de surveillance de la Société AFE du 7 Avril 1993 ainsi rédigé "Monsieur L. Président rappelle aux membres du Conseil de Surveillance les circonstances ayant conduit à retirer é Monsieur G. ..., membre du Directoire, !Intégralité des mandats de Directeur qua exerçait au sein des Sociétés du groupe AFE Automobiles SA..." ;
Or, considérant que si le 6 Avril 1993 les conseils d'administration des Sociétés AFC, DEMO avaient effectivement prononcé la révocation de Monsieur ... de ses fonctions de Président du Conseil d'Administration _desdites sodétés, il n'en était pas de même pour la Société ME ... dont le conseil d'administration qui e décidé de la révocation du ritiandat de Directeur Général de Monsieur ... ne s'est tenu que le 21 Avril 1993 sur convocation en date chi 14 Avril 1993 ;
Oue de méme, la révocation des mandats de Président du Conseil d'Administration des Sociétés Forges de Bourg, et des Sociétés SEFAC Estampage a été décidée par le Conseil d'Administration qui s'est tenu le 16 Avril 1993 à l'issue de l'Assemblée Générale Ordinaire desdites sociétés qui n'avait pas renouvelé le mandat d'administrateur de Monsieur ... ;
Considérant que se trouve ainsi établie la décision de révocation de Monsieur ... prise dès le 11 Mars 1993 par le directoire de la Société AFE, - lequel ne détenait aucun pouvoir é cet égard - et de l'exécution immédiate de cette mesure en raison de l'empêchement dans lequel l'intéressOé avait été mis d'exercer ses fonctions de mandataire social ;
Due le caractère abusif de cette révocation Siee non seulement de son caractère illégal, mais encore de la hale et le secret dans laquelle elle est intervenue, avant méme que les organes légaux pour se prononcer aient pu
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M faire, les membres du directoire ayant â l'évidence profité de l'absence de I Monsieur ... pour congés pour prendre une décision irrévocable à son .encontre ainsi qu'il résulte du procès-verbal sus-énoncé ;
Considérant que M caractère abusif de la révocation réside, en outre, dans le caractère vexatoire et de nature à porter atteinte à rbonorabirdé de Monsieur ..., résultant des motifs invoqués ;
Sur les motifs de la révocation de Monsieur ... de ses fonctions de membre du directoire de la Société AFE
Considérant que la révocation de Monsieur ... de son mandat de membre du directoire de la Société AFE résulte également de Ja réunion exceptionnelle du directoire, ci-dessus examinée, en date du 11 Nia;re 1993, pour les motifs énumérés dans le procès-verbal Considérant, sur le plan formel, que la révocation a été prise par rassemblée générale mixte du 18 Juin 1993 qui se réfère au rapport du conseil de surveillance du 7 Avril 1993, rédigé en ces termes
"Monsieur e Président précise que ces révocations (des mandats sociaux des filiales du groupe) ont été rendues nécessaires en raison des situations financières et économiques alarmantes des sociétés dirigées par Monsieur ..., situation ayant conduit lesautres administrateurs à demander la réunion du Conseil dAdministration desdites sociétés, tandis que pour sa Part, Monsieur ... n'avait pas luge utile, en dépit de la situation desdites sociétés, filiales et sous filiales d'AFE, société mère, de réunir M. ... d'Administration qu'il présidait aux fins de prendre les mesures d'urgence nécessaires dans une telle conjoncture.
Dans ces conditions, Monsieur le Président du ... expose aux Membres du Conseil que tant le climat de défiance à l'égard de Monsieur
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LEVY au sein de l'ensemble de ses sociétés, que la nature conflictuelle de ses rapports avec les autres dirigeants du groupe, lui paraissent incompatibles .;avec son maintien au sein du directoire, lequel serait contraire à l'inféré( social".
Considérant cependant qu'aucune des nombreuses pièces produites aux débats ne fait état d'une défiance des dirigeants, mandataires nodaux au associés à rencontre de Monsieur ... avant le 11 Mars 1993 ; qu'au contraire la justesse de ses décisions de gestion avait été souligné (notamment rapport commis de planification du 16 Octobre 1992) ;
Considérant qu'il est encore reproché à Monsieur ... de n'avoir pas sq prévoir la dégradation rapide de la brandie automobile dont il avait la responsabilité ;
Que les documents versés aux débats démontrent cependant que l'ampleur et la brutalité de la crise étaient imprévisibles puisque "la qualité permanente des prévisions dAFE Métal et celles d'AFE Auto" avaient été vantées, notamment dans le rapport de la direction planification du 16 Octobre 1992;
Considérant que Ms rapports du directoire au conseil de surveillance, notamment celui du 20.01.1992 sont éloquents à cet égard puisqu'ils relèvent
"La conjoncture économique de ce début d'année est déplorable et [Me la prévision.
.... élaborer un budget dans une telle période d'incertitude est une tache impossible..."
"La performance définitive sem essentiellement fonction à l'époque à laquelle se produira la reprise espérée ;
Considérant que les déclarations de Monsieur ... (La Tribune du 13
20 Avril 1994) sont très éclairantes sur la fausseté du motif de révocation invoqué concernant la dégradation de la situation; qu'en effet, alors que dans
· . . ' de rapport du directoire du 7 Juillet 1993, il se félicitait du redressement de tientrepdse depuis le départ de Monsieur ..., il soulignait dans l'article susvisé "sur cette pédale (2ème semestre 1993) nous avons sous-estimé les effets de la aise touchant l'ensemble de nos domaines d'activités, constat conforme à la mondialisation de la chute de production et des ventes de véhicules automobiles et indusuiels en 1992, 1993 ;
Considérant que le grief encore fait à Monsieur ... de n'avoir pas tenu informé le Président et le Directoire de la dérive des résultats par rapport aux objectifs saperait tout aussi peu sérieux ;
Considérant en effet que les documents versés aux débats. notamment l'attestation de Monsieur ..., ancien directeur de la planification de AFE Automobiles, ainsi que les compte-rendus des CDA révèlent que l'information était permanente au sein du groupe, qu'il existait une procédure de contrôle et de gestion dépendant directement du directoire, qu'enfin. il existait des documents comptables faisant état de la situation des entreprises mensuellement avec comparaison des résultats avec les prévisions ;
Considérant que (attestation de Monsieur ... datée du 20 Juillet 1994, permet de confirmer que les contrôleurs de gestion, dépendaient du directeur financier, ce qui réduit à néant l'argumentation de la Société AFE concernant le défaut d'information ;
Considérant qu'il est également reproché à Monsieur ... d'avoir constitué des stocks de produits finis en infraction aux directives précises du Président ; qu-AFE fait notamment état, à cet égard, d'un inventaire de fin 1992 qui ferait apparaître un stock de produits finis pour AFC de 1576 tonnes pour un montant de 13,3 Unions de Francs ;
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Considérant cependant que cet inventaire e été établi le 4 janvier 1993, hors la présence de Monsieur ... et du Commissaire aux comptes ; que ;cet inventaire, non signé et non repris dans le rapport spécial du Commissaire aux Comptes est ainsi dépourvu de valeur probante ;
Considérant que AFE verse également aux débats un document intitulé "analyse de gestion" dont les éléments comptables et statistiques sont formellement contestés par Monsieur ... ; que celui-d réfute en effet les conclusions que la Sodété AFE cherche à tirer de ce rapport ; qu'il indique notamment que le stock de produits finis à la fin de l'exercice 1992 s'établissait à 572 tonnes, ce qui était indispensable pour satisfaire les besoins des clients pendant la période de chômage technique de janvier 12.93. tandis que les encours de production, soit 1004 tonnes étaient nécessaires à l'entreprise ; que Monsieur ... fait encore eXiMement remarquer que AFE se livre à un amalgame entre les stocks de produits finis et les stocks globaux de AFC ;
Considérant que Monsieur ... justifie sa politique des stocks par la logique industrielle dictée par la conjoncture, et la nécessité de mettre l'usine en état de répondre à la demande de ses clients dans les meilleures conditions ; que les résultats SEC après le départ de Monsieur ..., qui traduisent une aggravation de la situation (résultat net déficitaire trois fois supérieur à celui de 1992, réduction accrue des effectifs) suffisent à ruiner l'argumentation des appelantes fondée sur la politique des stocks ;
Considérant à cet égard que le document de Monsieur ..., produit aux débats, n'apporte pas la preuve de l'existence, et à fortiori de la participation de Monsieur ... à la manipulation frauduleuse dont il est fait état et qui est formellement contestée par Monsieur ... (attestation du 21.01.1994) ;
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Considérant encore que le rapport de Monsieur ... - successeur de Monsieur ... - sur lequel les appelantes firent l'essentiel de leurs griefs
-vannerait très contestable au regard du document émanant du commissaire aux comptes de la Société AFC, produit aux débats et intitulé "Détail des coûts de non dualité"; qu'à fifre d'exemple, alors que le commissaire aux comptes évalue les coûts de non qualité de 1992 à 4,96 % du produit d'exploitation ou 5,19 % du chiffre d'affaires (trés proche de l'objectif de 5 %), Monsieur ... affirme girl a été de 17,58 %, une telle exagération correspondant à environ 15 000 000 F Considérant enfin que l'étude de cabinet 109, datée du 23 Janvier 1996 et non signée, repose sur des chiffres qui ne correspondent pas à ceux du rapport du commissaire aux comptes, ce qui suffit à en rendre vaines la démonstration et les conclusions ;
Qu'il résulte de ce qui précède que les motifs invoqués par le conseil de surveillance pour obtenir de rassemblée générale de la Sodété AFE la révocation du mandat de membre du directoire de Monsieur ... sont infondés ; qu'en l'absence de justes motifs, Monsieur ... est en droit de demander que lui soient alloués des dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi, du fait de cette révocation ;
Sur la réparation du orepudice
Considérant que l'exclusion de Monsieur ... a été portée dés le 17 Mars 1993, non seulement à la connaissance des membres de l'entreprise, mais aussi et nécessairement, des tiers ;
Qu'en effet, de par ses fonctions, Monsieur ... était en contact quotidien non seulement avec le personnel et les cadres de rentrepriSe, mais avec tous les interlocuteurs habituels de celle-ci, tels que banquiers, administrations, fournisseurs, clients. presse locale{
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Que l'exclusion brutale de Monsieur ... a été Immédiatement portée à la connaissance de l'ensemble des personnes sus-visées qui ne pouvaient à que s'étonner de rabsence de Monsieur ... ;
Que les articles de presse versés aux débats démontrent que les tiers étaient informés de l'éviction brutale de Monsieur ... dès le mois de mars 1993 Considérant que, compte-tenu de son expérience, de son âge, de ses compétences et des fonctions qui lui étaient confiées, l'éviction brutale de Monsieur ... a laissé penser aux tiers que celle-ci ne pouvait être motivée que par des faits d'une gravité certaine ;
Que Monsieur ... a donc subi un préjudice dont il eét 'fondé à demander réclamation ;
Considérant que le préjudice dont s'agit est professionnel d'abord, l'intéressé s'étant vu définitivement interdire la possibilité d'exercer un poste de responsabilité dans une entreprise du secteur automobile après une éviction d'un groupe important dans les conditions sus-énoncées ; qu'il est moral ensuite, en raison du doute qui plane sur la probité et la compétence de l'intéressé du fait des circonstances de son éviction et des motifs invoqués, l'intéressé s'étant en outre vu brutalement exclure d'une profession à laquelle il avait consacré toute son énergie et ses compétences ;
Que l'ensemble du préjudice sera exactement réparé par l'octroi d'une somme de 2 000 000 F que les sociétés appelantes seront condamnées, in solidum, à lui payer ;
Sur les demandes reconventionnelles des sociétés appelantes Considérant que les sociétés du groupe AFE ont formé une demande 17
reconventionnelle au motif que Monsieur ..., après son éviction, le ... M. 1993, a tenté de faire entendre ses arguments de défense tant auprès des . .,cadres et membres du personnel du groupe, qu'auprès des actionnaires dont il faisait par ailleurs partie ;
Due la Société AFE en choisissant d'évincer Monsieur ..., dans des conditions illégales, brutales et vexatoires, sans lui permettre à aucun moment la moindre explication, ne peut lui reprocher d'avoir voulu défendre son honneur, notamment auprès des actionnaires du groupe ; que les sociétés appelantes seront donc déboutées de leurs demandes reconventionnelles;
Sur l'article 700 du N.C.P.0
Considérant qu'il serait Inéquitable de laisser à la charge de I3onsieur LEVY les frais irrrêpettibles qu'il a dû engager à l'occasion de la présente instance tant en première Instance, qu'en appel
Qu'il convient de condamner in solidum les sociétés appelantes à lui payer le somme de 40 000 F au titre de l'article 700 du N.C.P.C.

PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Dit les Sociétés ACIERIES ET FONDERIES DE L'EST, A.F.E. AUTOMOBILES, ARMORICAINE DE FONDERIE LE CHATELET, DEMO, LES FORGES DE BOURTH, et la SEFAC ESTAMPAGE recevables, maïs mal fondées en leur appel, Les déboute de toutes leurs demandes,
Dit Monsieur ... recevable et partiellement fondé en son appel 19
Incident,
Réformant partiellement M jugement entrepris,
Condamne les Sociétés ACIERIES ET FONDERIES DE L'EST. A.F.E. AUTOMOBILES, ARMORICAINE DE FONDERIE LE CHATELET, DEMO, LES FORGES DE BOURTH, et la SEFAC ESTAMPAGE à payer in solidum à Monsieur ... la somme de 2 000 000 Francs ;
Condamne les Sociétés ACIERIES ET FONDERIES DE L'EST, A.F.E. AUTOMOBILES, ARMORICAINE DE FONDERIE LE CHATELET, DEMO, LES FORGES DE BOURTH, et la SEFAC ESTAMPAGE à payer in solidum à Monsieur ..., 40 000 F au titre de l'article 700 du N.C.P.C. ainsi qu'aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par la SCP JULLIEN LECNARNY ROL, conformément aux dispositions de l'article 699 du N.C.P.C.
ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRÊT .
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M. ... ... J. MAGENDIE
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