Jurisprudence : CE 9/10 SSR,13-12-2002, n° 224975

CE 9/10 SSR,13-12-2002, n° 224975

A4717A4H

Référence

CE 9/10 SSR,13-12-2002, n° 224975. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1121740-ce-910-ssr13122002-n-224975
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Abstract

L'administration ne rapporte pas la preuve d'une distribution occulte, imposable sur le fondement de l'article 111 c du CGI , si la cession d'une créance à une société dépendant du même groupe que le créancier, pour un prix inférieur à sa valeur nominale, est justifié par le souci de la société mère, qui avait acquis le contrôle du débiteur, d'en redresser la situation. L'avantage résultant d'une acquisition à prix majoré ou minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices imposable (CE 8°s-s, 28 février 2001, n° 199295).



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux


N° 224975

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

c/ S.A.R.L. Wedge Group-Europe

Mme Guilhemsans, Rapporteur
M. Vallée, Commissaire du gouvernement

Séance du 20 novembre 2002
Lecture du 13 décembre 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu le recours, enregistré le 13 septembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 2, 4 et 5 de l'arrêt du 29 juin 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a accordé à la S.A.R.L. Wedge Group-Europe la décharge de droits et pénalités à elle assignés, en matière de retenue à la source, par avis de mise en recouvrement du 14 décembre 1990 et réformé en ce sens le jugement du tribunal administratif de Paris du 24 octobre 1996 ;

Vu les autres pièces du dossier;

Vu le code général des impôts;

Vu le code de justice administrative;

Après avoir entendu en séance publique

- le rapport de Mme Guilhemsans, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Nicolay, de Lanouvelle, avocat de la S.A.R.L. Wedge Group-Europe,

- les conclusions de M. Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par l'arrêt contre lequel se pourvoit à cet égard le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, la cour administrative d'appel de Paris a prononcé la décharge de la cotisation de retenue à la source qui avait été assignée à la S.A.R.L. Wedge Crroup-Europe, en application des dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts visant les produits inclus dans les prévisions des articles 108 à 117 bis et bénéficiant à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France; que cette imposition avait été établie, à raison de 1"'avantage occulte", au sens de l'article 111-c, que la société Vulcan, dont elle a repris les droits et obligations, aurait consenti, en 1985, à la société Issam Investments, dont le siège était à Curaçao (Antilles néerlandaises) et qui, comme elle, était une filiale de la société néerlandaise Wedge International Holding, à l'occasion de la cession qu'elle lui a faite, pour le prix de 1 000 F, d'une créance chirographaire qu'elle détenait sur la société Le Bronze Industriel, alors en état de règlement judiciaire, et dont la valeur nominale était de 1 760 000 F ;

Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts: "Sont notamment considérés comme revenus distribués : ...c. les rémunérations et avantages occultes..." ;

Considérant qu'en cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées de l'article 111-c du code général des impôts, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du co-contractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause; que la preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le co-contractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession ;

Considérant qu'en énonçant qu'il n'était pas contesté que l'opération de cession de créance à la société Issam Investments avait été comptabilisée par la société Vulcan selon un libellé permettant d'identifier l'objet et le bénéficiaire de la transaction, et que, dès lors, l'avantage éventuellement consenti à la société acquéreuse ne pouvait être regardé comme un avantage occulte au sens des dispositions de l'article 111-c du code général des impôts, la cour administrative d'appel a, comme le soutient le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, fait une inexacte application de ces dispositions; que le ministre, par suite, est fondé à demander que les articles 2, 4 et 5 de l'arrêt attaqué soient annulés ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a établi la cotisation litigieuse de retenue à la source sur la base d'une estimation de l'avantage occulte

qu'aurait comporté, en faveur de la société acquéreuse Issam Investments, la cession de créance susmentionnée au montant même de la différence entre le prix convenu, de 1 000 F, et la valeur nominale de la créance, soit 1 760 000 F ; que, pour justifier cette attribution à la créance d'une valeur vénale intégralement préservée, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, qui ne soutient plus, en appel, que le recouvrement de la créance aurait été garanti par la subsistance d'une caution à la date de la cession, fait valoir que, jusqu'à cette date, la société débitrice Le Bronze Industriel avait honoré son engagement concordataire de rembourser, par fractions échelonnées sur dix années à compter de l'année 1982, l'ensemble de ses dettes chirographaires ; que, toutefois, il ressort des circonstances relatées par la S.A.R.L. Wedge Group-Europe, et dont le ministre ne conteste pas l'exactitude, qu'au cours des années 1983 à 1985, la situation financière de la société Le Bronze Industriel s'était aggravée dans une mesure telle qu'à défaut d'un plan de redressement envisagé par le groupe Wedge, qui en avait acquis le contrôle, et comportant, notamment, un apurement de ses dettes, par voie de rachat à bas prix des droits de l'ensemble des créanciers, elle eût été contrainte au dépôt de bilan ; que, si le ministre conteste que les aléas qui affectaient, ainsi, le recouvrement futur et, donc, la valeur vénale de la créance litigieuse aient été tels que ladite valeur eût été réduite au prix de 1 000 F, il n'en propose aucune autre estimation de nature à constituer la preuve, incombant à l'administration, de l'existence d'un écart significatif entre ce prix et la valeur réelle du bien cédé ; qu'il ne peut, dès lors, être regardé comme établi par l'administration que la cession litigieuse ait dissimulé un avantage occulte accordé par la société Vulcan à la société Issam Investments ;

Considérant qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par elle, que la S.A.R.L. Wedge Group-Europe est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement dont elle fait à cet égard appel, le tribunal administratif de Paris ne lui a pas accordé la décharge des droits de retenue à la source et pénalités litigieux ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761=1 du code de justice administrative

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à verser à la S.A.R.L. Wedge Group-Europe, en remboursement des frais exposés par elle en appel et devant le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens, la somme de 3 000 euros ;

DECIDE:

Article 1er : Les articles 2, 4 et 5 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 29 juin 2000 sont annulés.

Article 2 : Il est accordé à la S.A.R.L. Wedge Group-Europe décharge de 89 385,89 euros de droits et 13 407,89 euros de pénalités compris dans la cotisation de retenue à la source qui lui a été assignée par avis de mise en recouvrement du 14 décembre 1990.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 24 octobre 1996 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : L'Etat versera à la S.A.R.L. Wedge Croup-Europe, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 000 euros.

Article S : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la S.A.R.L. Wedge Croup-Europe.

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