Jurisprudence : CJCE, 12-12-2002, aff. C-273/00, Ralf Sieckmann c/ Deutsches Patent- und Markenamt

CJCE, 12-12-2002, aff. C-273/00, Ralf Sieckmann c/ Deutsches Patent- und Markenamt

A3717A4G

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CJCE, 12-12-2002, aff. C-273/00, Ralf Sieckmann c/ Deutsches Patent- und Markenamt. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1120740-cjce-12122002-aff-c27300-ralf-sieckmann-c-deutsches-patent-und-markenamt
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c/
Deutsches Patent- und Markenamt



ARRÊT DE LA COUR


12 décembre 2002 (1)


"Marques - Rapprochement des législations - Directive 89/104/CEE - Article 2 - Signes susceptibles de constituer une marque - Signes susceptibles d'une représentation graphique - Signes olfactifs"


Dans l'affaire C-273/00,


ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Bundespatentgericht (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre


Ralf Sieckmann


et


Deutsches Patent- und Markenamt,


une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 2 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1),


LA COUR,


composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, MM. M. Wathelet, R. Schintgen et C. W. A. Timmermans, présidents de chambre, C. Gulmann, D. A. O. Edward, A. La Pergola et V. Skouris, Mmes F. Macken (rapporteur) et N. Colneric, et M. J. N. Cunha Rodrigues, juges,


avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,


greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, chef de division,


considérant les observations écrites présentées:


- pour M. Sieckmann, par lui-même, Patentanwalt,


- pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, en qualité d'agent,


- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme R. Magrill, en qualité d'agent, assistée de M. D. Alexander, barrister,


- pour la Commission des Communautés européennes, par Mme K. Banks, en qualité d'agent, assistée de Me W. Berg, Rechtsanwalt,


vu le rapport d'audience,


ayant entendu les observations orales de M. Sieckmann et de la Commission à l'audience du 2 octobre 2001,


ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 6 novembre 2001,


rend le présent


Arrêt


1.


Par ordonnance du 14 avril 2000, parvenue à la Cour le 10 juillet suivant, le Bundespatentgericht a posé, en vertu de l'article 234 CE, deux questions préjudicielles sur l'interprétation de l'article 2 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1, ci-après la "directive").


2.


Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un recours formé par M. Sieckmann contre le refus du Deutsches Patent- und Markenamt (Office allemand des brevets et des marques) d'enregistrer une marque olfactive pour divers services des classes 35, 41 et 42 de l'arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l'enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que modifié et révisé.


Le cadre juridique


La réglementation communautaire


3.


La directive a pour objet, selon son premier considérant, de rapprocher les législations des États membres sur les marques afin de supprimer les disparités existantes susceptibles d'entraver la libre circulation des produits et la libre prestation des services et de fausser les conditions de concurrence dans le marché commun. Selon son troisième considérant, elle ne vise pas au rapprochement complet desdites législations.


4.


Le septième considérant de la directive énonce:


"[...] la réalisation des objectifs poursuivis par le rapprochement suppose que l'acquisition et la conservation du droit sur la marque enregistrée soient en principe subordonnées, dans tous les États membres, aux mêmes conditions; [...] à cette fin, il convient d'établir une liste exemplative de signes susceptibles de constituer une marque s'ils sont propres à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises; [...]"


5.


L'article 2 de la directive contient une liste exemplative de signes susceptibles de constituer une marque. Il est libellé comme suit:


"Peuvent constituer des marques tous les signes susceptibles d'une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises."


6.


L'article 3, paragraphe 1, de la directive, intitulé "Motifs de refus ou de nullité", prévoit:


"Sont refusés à l'enregistrement ou susceptibles d'être déclarés nuls s'ils sont enregistrés:


a) les signes qui ne peuvent constituer une marque;


b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif;


[...]"


La réglementation nationale


7.


Le Gesetz über den Schutz von Marken und sonstigen Kennzeichnungen (loi allemande sur la protection des marques et autres signes distinctifs), du 25 octobre 1994 (BGBl. 1994 I, p. 3082, ci-après le "Markengesetz"), a transposé la directive en droit allemand. Il est entré en vigueur le 1er janvier 1995.


8.


L'article 3, paragraphe 1, du Markengesetz dispose:


"Peuvent être protégés sous la forme de marques tous les signes, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, les signes auditifs, les représentations tridimensionnelles, y compris la forme du produit ou de son conditionnement, ainsi que les autres présentations, y compris les couleurs et les combinaisons de couleurs, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises."


9.


Aux termes de l'article 8, paragraphe 1, du Markengesetz, sont refusées à l'enregistrement les marques "qui ne peuvent faire l'objet d'une représentation graphique" et, en vertu du paragraphe 2, point 1, de ladite disposition, sont refusées à l'enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.


Le litige au principal et les questions préjudicielles


10.


M. Sieckmann a déposé une marque auprès du Deutsches Patent- und Markenamt pour divers services des classes 35, 41 et 42 de l'arrangement de Nice, du 15 juin 1957, tel que modifié et révisé, lesquels comprennent la publicité, la gestion d'affaires commerciales, l'administration commerciale et les travaux de bureau (classe 35), l'éducation, la formation, les loisirs ainsi que les activités sportives et culturelles (classe 41), la restauration (alimentation), le logement temporaire, les soins médicaux, d'hygiène et de beauté, les services vétérinaires et agricoles, les services juridiques, la recherche scientifique et industrielle, la programmation d'ordinateurs et les services qui ne peuvent être classés dans d'autres classes (classe 42).


11.


Sous la rubrique du formulaire de déclaration intitulée "Représentation de la marque", prévue à l'article 8, paragraphe 1, du Markengesetz, et conformément à l'article 2 de la directive, dispositions selon lesquelles, pour pouvoir constituer une marque, un signe doit être susceptible d'une représentation graphique, M. Sieckmann a renvoyé à une description jointe en annexe à sa demande d'enregistrement. Cette description se lit comme suit:


"La protection de la marque est demandée pour la marque olfactive déposée auprès du Deutsches Patent- und Markenamt pour la substance chimique pure Methylcinnamat (= méthylester d'acide de cannelle) dont la formule chimique est représentée ci-après.Des échantillons de cette marque olfactive sont également disponibles auprès du laboratoire local dont les coordonnées sont indiquées dans les pages jaunes de la Deutsche Telekom AG ou auprès de la société E. Merck à Darmstadt.


C6H5-CH = CHCOOCH3"


12.


Pour le cas où la description mentionnée au point précédent ne satisferait pas aux exigences d'enregistrement prévue à l'article 32, paragraphes 2 et 3, du Markengesetz, le demandeur au principal a complété cette description de la manière suivante:


"Le demandeur donne son accord pour la consultation des dossiers concernant la marque olfactive 'Methylcinnamat', conformément à l'article 62, paragraphe 1, du Markengesetz et à l'article 48, paragraphe 2, de la Markenverordnung [le règlement sur les marques]".


13.


M. Sieckmann a en outre fourni avec sa demande d'enregistrement un récipient contenant un échantillon olfactif du signe et a indiqué à cet égard que l'odeur est habituellement décrite comme "balsamique fruitée avec une légère note de cannelle".


14.


Le Deutsches Patent- und Markenamt a rejeté la demande d'enregistrement au motif qu'il existait des doutes quant à la capacité de la marque faisant l'objet de la demande à être enregistrée au titre de l'article 3, paragraphe 1, du Markengesetz et quant à la possibilité d'en faire une représentation graphique conformément à l'article 8, paragraphe 1, de celui-ci. En définitive, il n'aurait pas été nécessaire de trancher la question de la capacité pour le signe d'être enregistré comme marque et de faire l'objet d'une représentation graphique dès lors que, en application de l'article 8, paragraphe 2, du Markengesetz, l'absence de tout caractère distinctif de ce signe s'opposerait en tout état de cause à l'enregistrement de celui-ci.


15.


Saisi par M. Sieckmann d'un recours contre cette décision de rejet, le Bundespatentgericht estime que des odeurs peuvent être susceptibles, d'un point de vue théorique, de s'imposer dans le commerce comme moyen autonome d'identification d'une entreprise, conformément à l'article 3, paragraphe 1, du Markengesetz.


16.


La juridiction de renvoi a constaté que la marque déposée serait propre à distinguer les services susmentionnés et ne serait pas considérée comme purement descriptive des caractéristiques desdits services.


17.


En revanche, selon ladite juridiction, il demeure des doutes quant à la question de savoir si une marque olfactive, telle que celle en cause dans le litige qui lui est soumis, peut remplir les conditions d'une représentation graphique énoncées à l'article 8, paragraphe 1, du Markengesetz.


18.


Selon le Bundespatentgericht, la capacité pour un signe de faire l'objet d'une représentation graphique constitue un critère d'enregistrement qui, dans le cadre d'une procédure de recours, doit en tout état de cause être examiné en priorité par rapportaux autres motifs de refus énumérés à l'article 8, paragraphe 2, du Markengesetz; en effet, à défaut de cette capacité, l'enregistrement est impossible, même lorsque le signe s'est imposé dans le commerce comme la marque d'une entreprise particulière et échappe ainsi aux motifs de refus prévus à l'article 8, paragraphe 2, points 1 à 3, du Markengesetz, en particulier celui tiré d'une éventuelle absence de caractère distinctif dudit signe.


19.


Considérant que l'article 8, paragraphe 1, du Markengesetz doit recevoir une interprétation conforme à l'article 2 de la directive, le Bundespatentgericht a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:


"1) L'article 2 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, doit-il être interprété en ce sens que les 'signes susceptibles d'une représentation graphique' ne recouvrent de manière abstraite que les signes susceptibles d'être directement représentés sous une forme visible? Ou incluent-ils également les signes tels que les odeurs ou les bruits qui, en tant que tels, ne sont pas perceptibles à l'oeil, mais peuvent être indirectement représentés par d'autres moyens?


2) En cas de réponse positive à la seconde partie de la première question: les critères de la représentation graphique au sens de l'article 2 de la directive sont-ils remplis lorsqu'une odeur est représentée:


a) par une formule chimique;


b) par une description (faisant l'objet d'une publication);


c) par le biais d'un dépôt, ou


d) par une combinaison des succédanés de représentation mentionnés précédemment?"


20.


Par requête déposée au greffe de la Cour le 30 avril 2002, M. Sieckmann a demandé la réouverture de la procédure orale, qui a été clôturée le 6 novembre 2001 à la suite du prononcé des conclusions de M. l'avocat général.


21.


À l'appui de sa demande, M. Sieckmann soutient que lesdites conclusions ne traitent pas concrètement de la présente affaire et que celui-ci aurait commis une erreur au point 42 de ses conclusions.


22.


Il convient de rappeler que la Cour peut d'office ou sur proposition de l'avocat général, ou encore à la demande des parties, ordonner la réouverture de la procédure orale, conformément à l'article 61 de son règlement de procédure, si elle considère qu'elle est insuffisamment éclairée ou que l'affaire doit être tranchée sur la base d'un argument qui n'a pas été débattu entre les parties (voir arrêts du 10 février 2000,Deutsche Post, C-270/97 et C-271/97, Rec. p. I-929, point 30, et du 18 juin 2002, Philips, C-299/99, Rec. p. I-5475, point 20).


23.


La Cour estime qu'elle dispose de tous les éléments qui lui sont nécessaires pour répondre aux questions posées dans l'affaire au principal.


24.


Dès lors, il convient de rejeter la demande de M. Sieckmann.


Sur la première question


25.


Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 2 de la directive doit être interprété en ce sens que peut constituer une marque un signe qui n'est pas en lui-même susceptible d'être perçu visuellement.


Observations soumises à la Cour


26.


M. Sieckmann fait valoir que l'article 2 de la directive n'exclut pas qu'une marque olfactive puisse, en principe, être enregistrée. Il estime qu'une telle marque relève de cette disposition, tout comme les marques sonores, les couleurs, les hologrammes et d'autre marques "non classiques".


27.


Il soutient qu'il conviendrait de comprendre la notion de "représentation graphique" comme "représentation ou représentation électronique ou dépôt effectué d'une autre manière". Selon lui, la formule chimique structurale devrait toujours être déposée avec une description ou un dépôt du signe auprès du Deutsches Patent- und Markenamt. Il fait valoir également que la marque en cause au principal peut, en quantités usuelles, être obtenue auprès des fournisseurs locaux de laboratoires ou, pour partie, directement auprès des fabricants et des distributeurs de produits chimiques fins organiques. Par la connaissance de la dénomination chimique, qui devrait être publiée, les tiers seraient, après achat de ce produit chimique et indépendamment du dépôt de l'échantillon et d'une publication de la description olfactive de la marque, en mesure de se faire une idée exacte et objective de celle-ci et, le cas échéant, de la comparer avec d'autres caractéristiques olfactives.

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