Jurisprudence : CAA Paris, 26-03-2002, n° 01PA00232, publié au recueil Lebon





M. A./C.C.


N° 01PA00232


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Société J.C. DECAUX


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M. RACINE


Président


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M. KOSTER


Rapporteur


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M. HAIM


Commissaire du Gouvernement


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Séance du 13 mars 2002


Lecture du 26 mars 2002


REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE Paris


(Formation Plénière)


VU, enregistrée au greffe de la cour le 19 janvier 2001, la requête présentée pour la société Jean-Claude DECAUX, dont le siège social est 17, rue Soyez, 92200 Neuilly-sur-Seine, par la SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la société J.C. DECAUX demande à la cour :


1°) d'annuler le jugement n° 9907485/3 en date du 5 décembre 2000 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé, d'une part, la délibération du conseil municipal de Villetaneuse du 22 octobre 1998 autorisant le maire à signer l'avenant n° 2 au contrat conclu le 20 décembre 1970 entre la commune et la société J.C. DECAUX et, d'autre part, ledit avenant n° 2 signé le 28 octobre 1998 ;


2°) de rejeter le déféré du préfet de la Seine-Saint-Denis dirigé contre la délibération et l'avenant susmentionnés ;


3°) d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement attaqué ;


4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30.000 F en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


................................................................................................................................................


Classement CNIJ : 39-01-03-02


A


VU les autres pièces du dossier ;


VU le code général des collectivités territoriales ;


VU le code des marchés publics ;


VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;


VU le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;


Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 13 mars 2002 :


- le rapport de M. KOSTER, premier conseiller,


- les observations de Me THIRIEZ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la société J.C. DECAUX,


- et les conclusions de M. HAIM, commissaire du Gouvernement ;


Considérant que le préfet de la Seine Saint-Denis a déféré au tribunal administratif de Paris la délibération en date du 22 octobre 1998 par laquelle le conseil municipal de Villetaneuse a autorisé le maire de la commune à signer l'avenant n° 2 à la convention conclue le 20 décembre 1970 avec la société J.C. DECAUX pour l'implantation de mobiliers urbains publicitaires ainsi que ledit avenant signé par le maire le 28 octobre 1998 ; que par jugement du 5 décembre 2000 le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, à qui la requête a été transmise en application du décret du 27 juillet 2000, a annulé la délibération et l'avenant ainsi déférés ; que la société J.C. DECAUX interjette appel de ce jugement ;


Sur la régularité du jugement attaqué :


Considérant qu'aux termes de l'article R.193 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel applicable à la date du jugement attaqué : "Toute partie doit être avertie, par une notification faite conformément aux articles R.139 et R.140 du jour où l'affaire sera appelée à l'audience... l'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience..." ; qu'aux termes de l'article R.107 du même code : "lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel par un des mandataires mentionnés à l'article R.108, les actes de procédure, à l'exception de la notification prévue aux articles R.211 et suivants, ne seront accomplis qu'à l'égard de ce mandataire" ;


Considérant que la société J.C. DECAUX soutient que son mandataire n'a pas été convoqué à l'audience du tribunal administratif de Cergy-Pontoise à laquelle son affaire était inscrite ; qu'il ne ressort pas du dossier de première instance que l'avis d'audience prévu par les dispositions précitées, ait été régulièrement adressé par le greffe du tribunal administratif de Cergy-Pontoise à l'avocat de la société J.C. DECAUX ; que, par suite, nonobstant la circonstance que le jugement attaqué fait mention de ladite convocation, la société requérante est fondée à soutenir que la formalité substantielle prévue à l'article R.193 précité n'a pas été observée ; que, dès lors, le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 5 décembre 2000 doit être annulé ;


Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le préfet de la Seine-Saint-Denis devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;


Sur la légalité des décisions attaquées et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du déféré préfectoral :


Considérant qu'aux termes de l'article 1er du code des marchés publics, dans sa rédaction alors en vigueur : "les marchés publics sont des contrats passés, dans les conditions prévues au présent code, par les collectivités publiques en vue de la réalisation de travaux, fournitures et services" ; qu'aux termes de l'article 250 du même code : "... les marchés des collectivités territoriales... sont passés après mise en concurrence dans les conditions et sous les réserves prévues au titre premier suivant" ; qu'enfin aux termes de l'article 255 bis dudit code : "(...) Sauf en cas de sujétions techniques imprévues ne résultant pas du fait des parties, avenants et décisions de poursuivre ne peuvent bouleverser l'économie du marché ni en changer l'objet" ;


Considérant que par convention conclue le 20 décembre 1970 la société J.C. DECAUX s'est engagée pour une durée de quinze ans, renouvelable pour une période de cinq ans, à fournir à la commune de Villetaneuse la jouissance gratuite d'abribus installés sur son domaine public moyennant le droit pour cette entreprise d'y exploiter à titre exclusif de la publicité ; que par avenant n° 1 conclu le 28 janvier 1972 pour une durée de 18 ans, renouvelable par période de 9 ans, les interventions de la société J.C. DECAUX ont été étendues, dans les mêmes conditions, à de nouveaux modèles et à d'autres types de mobiliers urbains ; qu'un avenant n° 2 en date du 28 octobre 1998 a prévu le remplacement du mobilier urbain existant et la réalisation de nouvelles prestations ; que ledit avenant a par ailleurs harmonisé la durée des engagements contractuels liant la société J.C. DECAUX à la commune de Villetaneuse en fixant une date d'échéance unique au 31 décembre 2007 pour l'ensemble des contrats ;


Considérant que ces conventions ont été passées par la commune de Villetaneuse en vue de répondre à des besoins locaux d'intérêt général notamment en matière d'information municipale, de propreté et de protection des usagers des transports publics contre les intempéries ; qu'à cette fin la société J.C. DECAUX assure l'installation, l'exploitation et l'entretien des mobiliers urbains jugés nécessaires par la commune ;


Considérant en premier lieu que si le contrat litigieux emporte occupation du domaine public, il ne saurait être regardé dans son ensemble comme une simple concession domaniale, exercée à des fins exclusivement privatives et commerciales, dès lors qu'est absente l'une au moins des caractéristiques essentielles des contrats d'occupation du domaine public, la précarité et qu'il vise également à fournir à la commune les moyens dont elle a besoin pour assurer les missions d'intérêt général susmentionnées ;


Considérant en second lieu qu'en l'absence de versement de redevances par les usagers de la voirie publique et de prise en charge directe de l'exploitation d'un service public, le contrat en cause ne peut davantage être regardé comme un contrat de concession ou de délégation de service public ;


Considérant en définitive que par sa nature et son objet, qui comporte la réalisation et la fourniture de prestations de service pour le compte de la collectivité locale, ledit contrat entre dans le champ d'application du code des marchés publics ; que si les prestations fournies par la société J.C. DECAUX ne donnent pas lieu directement au versement d'une rémunération par la commune, les avantages consentis par cette dernière du fait, d'une part, de l'autorisation donnée à cette entreprise d'exploiter, à titre exclusif, une partie des surfaces offertes par le mobilier urbain à des fins publicitaires et, d'autre part, de l'exonération de tout versement de redevance pour occupation du domaine public, doivent être regardés comme représentant le prix acquitté par la commune en contrepartie desdites prestations ; que, par suite, quelle que soit la qualification choisie par les parties et même s'ils relèvent par ailleurs en partie du régime de la domanialité publique, les engagements litigieux constituent des marchés publics, soumis au respect des règles fixées par le code des marchés publics pour les marchés passés au nom des collectivités locales ; que, dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les moyens du déféré préfectoral, tirés de la méconnaissance du code des marchés publics, seraient inopérants ;


Considérant que si l'avenant n° 2 signé le 28 octobre 1998 prévoit le remplacement en 1998 de l'ancien modèle d'abribus par un nouveau modèle sur les 19 emplacements déjà existants ainsi que le remplacement de deux anciens modèles de mobiliers urbains publicitaires pour plan ou information, il porte aussi sur l'installation de deux abribus supplémentaires ainsi que sur l'équipement de 18 emplacements supplémentaires en mobiliers urbains publicitaires pour plan ou pour information ; qu'il prévoit enfin la réalisation d'un plan de la ville, d'affiches-texte d'information et d'équipements non publicitaires ; qu'ainsi c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que ledit avenant porte sur la fourniture, l'installation et l'entretien de mobiliers nouveaux ainsi que sur la réalisation de prestations distinctes qui n'étaient pas incluses dans le marché initial, modifié en 1972 et qu'il doit , par suite, être regardé non comme un simple avenant au sens de l'article 255 précité, mais comme un nouveau marché, soumis à une obligation de mise en concurrence préalable ;


Considérant qu'il est constant que l'avenant litigieux a été conclu sans respecter les procédures de mise en concurrence préalable, contrairement aux dispositions précitées de l'article 250 du code des marchés publics ; que la société requérante n'invoque aucune des exceptions prévues par ledit code permettant aux communes de passer des marchés négociés sans avoir recours à une mise en concurrence préalable ; que, par suite, la commune de Villetaneuse ne pouvait légalement passer l'avenant signé le 28 octobre 1998 ;


Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à demander l'annulation de la délibération du conseil municipal de Villetaneuse du 22 octobre 1998 autorisant le maire à signer l'avenant n° 2 au contrat passé entre la commune de Villetaneuse et la société J.C. DECAUX ainsi que dudit avenant signé le 28 octobre 1998 ;


Sur les conclusions de la société J.C. DECAUX tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :


Considérant que ces dispositions font obstacle à ce l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à verser à la société J.C. DECAUX la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;


D E C I D E :


Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 5 décembre 2000 est annulé.


Article 2 : La délibération du conseil municipal de Villetaneuse du 22 octobre 1998 autorisant le maire à signer l'avenant n° 2 au contrat passé entre la commune de Villetaneuse et la société J.C. DECAUX ainsi que ledit avenant signé le 28 octobre 1998 sont annulés.


Article 3 : Les conclusions de la société J.C. DECAUX tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.


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