Jurisprudence : CAA Paris, 2e ch., 13-10-1998, n° 96PA00380

Cour administrative d'appel de Paris

Statuant au contentieux
M. GUILLET


Mme PERROT, Rapporteur
Mme KIMMERLIN, Commissaire du gouvernement


Lecture du 13 octobre 1998



R E P U B L I Q U E   F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


    (2ème chambre)

    VU la requête, enregistrée le 13 février 1996 au greffe de la cour, présentée pour M. Patrick GUILLET, demeurant 87, boulevard Saint-Michel, Paris 5ème, par Me CHARRIERE-BOURNAZEL, avocat ; M. GUILLET demande à la cour :

    1 ) d'annuler le jugement n 9218615/3 en date du 5 juillet 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit déclaré responsable des dommages qui lui ont été causés par les poursuites engagées irrégulièrement à son encontre et soit condamné à lui verser les sommes de 50.000 F en réparation du préjudice moral subi et de 445 F et 260 F en remboursement des frais bancaires et postaux exposés ;

    2 ) de déclarer l'Etat responsable pour faute simple et faute lourde et de le condamner à lui verser la somme de 50.000 F susvisée et à lui rembourser les frais bancaires et postaux qu'il a exposés ;

    VU les autres pièces du dossier ;

    VU le code général des impôts ;

    VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

    VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

    Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

    Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 septembre 1998 :

    - le rapport de Mme PERROT, premier conseiller,

    - les observations de la SCP CHARRIERE-BOURNAZEL, CHAMPETIER DE RIBES SPITZER, avocat, pour M. GUILLET,

    - et les conclusions de Mme KIMMERLIN, commissaire du Gouvernement ;


    Considérant que M. GUILLET demande réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de l'engagement à son encontre, par les services chargés du recouvrement de l'impôt, de poursuites diligentées selon une procédure irrégulière ; qu'il fait appel du jugement en date du 5 juillet 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

    Sur la régularité du jugement :

    Considérant qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient M. GUILLET, le tribunal administratif de Paris n'a, par le jugement attaqué, omis de statuer sur aucun des moyens tirés des fautes des services de l'Etat, qu'il avait invoqués devant lui ;

    Sur la responsabilité de l'Etat :

    Considérant que les erreurs commises par l'administration fiscale lors de l'exécution d'opérations qui se rattachent aux procédures d'établissement ou de recouvrement de l'impôt ne sont, en principe, susceptibles, en raison de la difficulté que présente généralement la mise en oeuvre de ces procédures, d'engager la responsabilité de l'Etat que si elles constituent une faute lourde ; que, toutefois, il en va différemment lorsque l'appréciation de la situation du contribuable ne comporte pas de difficultés particulières ;

    Considérant qu'aux termes de l'article L.255 du livre des procédures fiscales : 'Lorsque l'impôt n'a pas été payé à la date limite de paiement et à défaut d'une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement avec constitution de garanties dans les conditions prévues par l'article L.277, le comptable du Trésor chargé du recouvrement doit envoyer au contribuable une lettre de rappel avant la notification du premier acte de poursuites devant donner lieu à des frais.' ;

    Considérant que l'administration fiscale a mis en recouvrement la taxe foncière dont M. GUILLET était, au titre de l'année 1986, redevable, à raison de deux immeubles dont il était propriétaire à Vincennes, le 31 août de ladite année ; que le contribuable, ainsi qu'il résulte de l'instruction, n'a cependant été informé de cette mise en recouvrement que le 20 septembre 1989, date à laquelle il a reçu l'avis d'imposition ; que l'intéressé ne s'étant pas acquitté de l'impôt litigieux à la date, du 30 octobre 1989, à laquelle expirait le délai limite de paiement prévu à l'article 1663 du code général des impôts et ayant couru à compter du 20 septembre 1989, le comptable du Trésor a émis à son encontre, le 12 juin 1990, un commandement de payer cette imposition, laquelle n'était pas atteinte par la prescription, puis a, le 26 juin 1990, délivré à l'établissement bancaire du requérant un avis à tiers détenteur sans avoir toutefois, ainsi qu'il n'est pas contesté, au préalable adressé à l'intéressé ainsi qu'il devait le faire, pour pouvoir engager des poursuites à partir du 30 octobre 1989, la lettre de rappel prévue par les dispositions précitées de l'article L.255 du livre des procédures fiscales ; que ce comportement des services du recouvrement est, dans les circonstances de l'espèce, où l'appréciation de la situation du contribuable ne comportait pas de difficultés particulières, constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;


    Considérant qu'il est constant que les poursuites engagées par le comptable du Trésor dans les conditions irrégulières relevées ci-dessus ont conduit M. GUILLET à exposer des frais bancaires et postaux et, eu égard aux démarches de toutes natures qu'il a dû engager, ont occasionné des troubles dans ses conditions d'existence ; que, compte tenu desdits frais bancaires et postaux s'élevant à 705 F, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par lui en évaluant à 2.000 F l'indemnité totale à laquelle il a droit ;

    Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. GUILLET est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;


Article 1er : Le jugement n 9218615/3 du tribunal administratif de Paris en date du 5 juillet 1995 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer à M. GUILLET la somme de 2.000 F.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. GUILLET est rejeté.

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Décisions similaires

Domaine juridique - CONTRIBUTIONS ET TAXES

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par thème
La Guadeloupe
La Martinique
La Guyane
La Réunion
Mayotte
Tahiti

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.