Jurisprudence : CE 6/4 SSR, 25-10-2002, n° 214428




CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N°s 214428, 214560

COMMUNE D'HYERES

MINISTRE DE L'ÉQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER

M. Thiellay, Rapporteur
M.Lamy, Commissaire du gouvernement

Séance du 2 octobre 2002
Lecture du 25 octobre 2002

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'État statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 4ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux


Vu 1°), sous le n° 214428, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 novembre 1999 et 7 mars 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour la COMMUNE D'HYERES ; la COMMUNE D'HYERES demande au Conseil d'État d'annuler l'arrêt du 16 septembre 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête qui tendait à l'annulation du jugement du 18 novembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé la décision implicite du préfet du Var refusant de modifier son arrêté du 5 janvier 1984 portant transfert de compétences à la commune pour les ports de Saint-Pierre, la Tour fondue, Porquerolles, Port Cros, l'Aygade du Levant et a enjoint au préfet de prendre un arrêté modificatif dans un délai d'un mois ;

Vu 2°), sous le n° 214560, le recours, enregistré le 18 novembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, du MINISTRE DE L'ÉQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER; le ministre demande au

Conseil d'État d'annuler l'arrêt du 16 septembre 1999 en tant qu'il concerne le port de SaintPierre, par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête de l'État qui tendait à l'annulation du jugement du 18 novembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé la décision implicite de rejet du préfet du Var de modifier son arrêté du 5 janvier 1984 portant transfert de compétences à la commune pour les ports de Saint-Pierre, la Tour fondue, Porquerolles, Port Cros, l'Aygade du Levant et a enjoint au préfet de prendre un arrêté modificatif dans un délai d'un mois;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 modifiée ; Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique

- le rapport de M. Thiellay, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Copper-Royer, avocat de la COMMUNE D'HYERES, de la SCP Delaporte, Briard, avocat de la Société nouvelle de remorquage et de travaux maritimes, et de la SCP Peignot, Garreau, avocat du département du Var,

- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement;

Considérant que la requête de la COMMUNE D'HYERES et le recours du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT sont dirigés contre le même arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué par une même décision;

Sur les interventions du département du Var

Considérant que le département du Var a intérêt au rejet des requêtes ; que par suite ses interventions sont recevables ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le tribunal administratif de Nice, pour annuler la décision du préfet du Var refusant de modifier son arrêté du 5 janvier 1984 fixant notamment la liste des ports pour lesquels la COMMUNE D'HYERES est compétente, a estimé que les ports de Port-Cros, l'Aygade du Levant, Porquerolles et Saint-Pierre, situés sur cette commune, constituaient chacun un ensemble portuaire unique, qu'ils recevaient un trafic élevé de passagers et que, par suite, ils devaient être

classés dans la catégorie des ports de commerce; que la cour a pu confirmer le jugement du tribunal administratif sur ce point sans opérer de distinction pour chacun des cinq ports, dès lors que sa motivation met à même le Conseil d'Etat, juge de cassation, de contrôler le raisonnement juridique retenu pour chaque port; que la cour a indiqué, pour l'ensemble des cinq ports, qui présentent selon elle les mêmes caractéristiques, les éléments de droit et de fait qui fondent son appréciation ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de son arrêt doit ainsi être écarté ; qu'elle n'a commis aucune irrégularité en écartant, au motif qu'il était inopérant, le moyen soulevé par le département du Var dans son intervention et tiré de l'accroissement non compensé de ses charges, conséquences des décisions juridictionnelles reconnaissant sa compétence sur les cinq ports précités ; qu'enfin, la cour n'avait pas à répondre au moyen inopérant tiré de la méconnaissance de la circulaire du ministre de l'intérieur du 2 février 1984 qui se borne à donner une interprétation des dispositions législatives précitées;

Sur la légalité de l'arrêt attaqué

Considérant qu'en estimant que le jugement qui lui était déféré était suffisamment motivé, la cour administrative d'appel a porté une appréciation qui ne peut être discutée devant le juge de cassation ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 22 juillet 1983 susvisée modifiée par la loi du 29 décembre 1983, dans sa rédaction applicable à la présente espèce : « Le département est compétent pour créer, aménager et exploiter les ports maritimes de commerce et de pêche, dans le respect des dispositions prévues par le code des ports maritimes et des prescriptions des schémas de mise en valeur de la mer./ (...) La commune est compétente pour créer, aménager et exploiter les ports autres que ceux visés ci-dessus et qui sont affectés exclusivement à la plaisance, notamment ceux faisant l'objet à la date d'entrée en vigueur de la présente section d'une concession de port de plaisance. Cette compétence s'exerce dans le respect des dispositions prévues par le code des ports maritimes et des prescriptions des schémas de mise en valeur de la mer » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 29 décembre 1983, que les communes ne sont compétentes que pour créer, aménager et exploiter les ports exclusivement affectés à la plaisance et, le cas échéant, les ports de plaisance qui, en vertu de l'acte de concession, doivent accueillir, notamment, des bateaux de pêche ; que, toutefois, dès lors qu'existent des installations distinctes pour le transport ou la pêche, d'une part, et la plaisance, d'autre part, le port relève, dans son ensemble, de la compétence du département ; qu'enfin, un port doit être regardé comme exclusivement affecté à la plaisance dès lors que les autres activités ont, dans l'ensemble de son fonctionnement, un caractère accessoire par rapport à l'activité de plaisance ;


En ce qui concerne les ports de Porquerolles, l'Aygade, Port-Cros et la Tour fondue


Considérant que, pour juger que ces quatre ports ne pouvaient être regardés comme exclusivement affectés à la plaisance, la cour administrative de Marseille s'est fondée sur les circonstances qu'ils constituaient chacun un ensemble portuaire unique, qu'ils accueillaient à la fois une activité de plaisance et une activité régulière, organisée entre eux et avec d'autres ports de la côte, de transport de voyageurs et de marchandises et que des installations particulières étaient aménagées à cette fin ; que, dès lors qu'elle estimait, par une appréciation qui n'est pas entachée de dénaturation, que ces activités distinctes n'avaient pas un caractère seulement accessoire, elle a pu légalement déduire de ces constatations que les quatre ports ne

pouvaient être regardés comme exclusivement affectés à la plaisance au sens des dispositions législatives précitées ;

En ce qui concerne le port de Saint-Pierre

Considérant, en revanche, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans le port de Saint-Pierre, les installations dédiées au commerce ou à la pêche ne représentent qu'une très faible part de l'ensemble portuaire unique et que les activités qui s'y rapportent, mesurées notamment par le volume des recettes, ont un caractère accessoire par rapport aux activités de plaisance ; qu'ainsi c'est par une dénaturation des pièces du dossier que la cour administrative d'appel de Marseille a cru pouvoir déduire de l'existence d'installations distinctes que le port de Saint-Pierre ne devait pas être regardé comme exclusivement affecté à la plaisance ; qu'il y a lieu, pour ce motif, d'annuler son arrêt en date du 16 septembre 1999 en tant qu'il concerne le port de Saint-Pierre ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut « régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie » ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant que, pour les motifs précédemment indiqués, c'est à bon droit que le préfet du Var a refusé de modifier son arrêté du 5 janvier 1984 portant transfert de compétences en matière portuaire en ce qui concerne le port de Saint-Pierre, dès lors que ce port, qui doit être regardé comme affecté exclusivement à la plaisance, pouvait légalement être transféré à la COMMUNE D'HYERES en application des dispositions précitées de la loi du 22 juillet 1983 modifiée ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 18 novembre 1997 en tant qu'il concerne le Port de Saint-Pierre ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la société la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la COMMUNE D'HYERES à verser à la Société nouvelle de remorquage et de travaux maritimes une somme de 1500 euros au même titre ;

DECIDE:

Article 1er : Les interventions du département du Var sont admises.

Article 2 : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 16 septembre 1999 est annulé en tant qu'il concerne le port de Saint-Pierre. Les articles 2 et 3 du jugement du

tribunal administratif de Nice en date du 18 novembre 1997 sont annulés en tant qu'ils concernent le port de Saint-Pierre.

Article 3 : La COMMUNE D'HYERES versera à la Société nouvelle de remorquage et de travaux maritimes une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la demande présentée devant le tribunal administratif de Nice par la Société nouvelle de remorquage et de travaux maritimes, relatives au port de Saint-Pierre, sont rejetées.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la COMMUNE D'HYERES, présentées dans la requête n°214 428, et de la Société nouvelle de remorquage et de travaux maritimes est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE D'HYERES, au MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER, au département du Var et à la Société nouvelle de remorquage et de travaux maritimes.

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