Jurisprudence : CA Paris, 1, H, 27-06-2002, n° 2001/19862



COUR D'APPEL DE PARIS
1ère chambre, section H
ARRÊT DU 27 JUIN 2002
(N° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 2001/19862 Pas de jonction
Décision dont recours décision n°09466 de la Commission des opérations de bourse en date du 24/07/2001 Nature de la décision CONTRADICTOIRE Décision ANNULATION- SANCTION

DEMANDERESSE AU RECOURS
S.A. OLITEC
Prise en la personne de sa présidente Madame J. ...,
Ayant son siège MALZEVILLE, et dont l'adresse du principal établissement se trouve NANCY
Représentée par la SCP ARNAUDY-BAECHLIN, avoué, PARIS
Assistée de Me O. POITIERS, avocat, 38/40, rue des Jardins - BAN ST MARTIN METZ CEDEX 02
EN PRÉSENCE DE
- La Commission des opérations de bourse, 17, PARIS Cédex 2 Représentée aux débats par Madame ..., munie d'un mandat régulier.

COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats et du délibéré,
Madame KAMARA, Présidente
Monsieur REMENIERAS, Conseiller Monsieur MAUNAND, Conseiller
GREFFIER
Lors des débats et du prononcé de l'arrêt Madame ...
MINISTÈRE PUBLIC
Monsieur ..., Substitut Général
DÉBATS
A l'audience publique du 29 Janvier 2002, après réouverture des débats
ARRÊT
Prononcé publiquement le VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE DEUX, par Madame KAMARA, Présidente, qui a signé la minute avec Madame JAGODZINSKI, Greffier.
Après avoir entendu le conseil de la requérante, madame le représentant de la Commission des opérations de bourse et le ministère public en ses observations, la requérant ayant eu la parole en dernier ;

Le 27 octobre 1998, la société Olitec a annoncé, au moyen d'un avis publié dans le journal "La Tribune", un chiffre d'affaires en augmentation de 28 % pour 1998 avec une prévision annuelle chiffrée à 320 millions de francs. Pour le premier semestre, un résultat positif était annoncé, mais en baisse de 26 % par rapport au précédent s'expliquant par la réalisation d'investissements lourds et par le coût d'une action marketing. Pour l'exercice 1998, un résultat net de 21 millions de francs était prévu, comparable à celui de l'année 1997.
Le 20 novembre 1998, la société Olitec a réitéré, dans un avis publié dans le journal "Les Echos", ses prévisions d'un chiffre d'affaires de 320

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millions de francs pour 1998, tout en annonçant une faible progression de son activité au cours du troisième trimestre en raison de décalages de commandes du nouveau modem "Smart Memory" sur le quatrième trimestre.
Dans un avis publié dans le journal "La Tribune", daté du 17 février 1999, la société Olitec a annoncé que le montant de son chiffre d'affaires pour l'exercice 1998 s'était élevé à 258,7 millions de francs, soit, selon les termes de l'avis, une progression de 20 %. Dans ce communiqué, il était fait mention pour la première fois de reports ou d'annulations de commandes imprévus s'élevant à 60 millions de francs, intervenus au cours du quatrième trimestre. A la fin de l'avis, la société Olitec confirmait, cependant, la teneur positive du résultat de l'exercice 1998.
Le 28 avril 1999, la société Olitec confirmait, dans un article publié dans le journal "Les Echos", le chiffre d'affaires pour l'année 1998 publié le 17 février 1999 et annonçait un résultat net négatif de 7,7 millions de francs.
Retenant que la société Olitec avait communiqué des informations inexactes, imprécises ou trompeuses, au moins dans ses avis publiés dans la presse les 20 novembre 1998 et 17 février 1999, et qu'elle avait ainsi contrevenu aux dispositions des articles L. 621-14 et L. 621-15 du code monétaire et financier ainsi qu'aux articles 2, 3, 4 et 8 de son règlement n° 9002, repris à l'identique par le règlement n° 98-07, la Commission des opérations de bourse (ci-après C.O.B.) a, par décision du 24 juillet 2001, prononcé à l'encontre de la société Olitec une sanction pécuniaire de 80 000 euros et ordonné la publication de la décision à son Bulletin mensuel et au Journal officiel de la République française.
Le 15 novembre 2001, la société Olitec a formé un recours en annulation et, subsidiairement, en réformation à l'encontre de cette décision.
LA COUR

Vu le mémoire déposé le 14 décembre 2001 par lequel la société Olitec demande à la Cour, à titre principal, de prononcer la nullité du procès-verbal d'audition de la dirigeante de la société en date du 18 mai 2000 et de la procédure subséquente et de déclarer irrecevables les poursuites engagées à son encontre, à titre subsidiaire, de réformer la décision déférée en la relevant des fins des poursuites, au motif que
- les services d'investigation de la C.O.B. n'ont respecté ni les conditions de convocation ni les conditions d'audition de Mme ..., dirigeante de la société Olitec, qui n'a pas valablement renoncé à se prévaloir de ces manquements,
- elle a respecté tant le principe d'une information exacte que celui d'une information permanente,
Vu les observations écrites de la C.O.B. produites le 17 janvier 2002 tendant au rejet du recours,
Vu le mémoire en réponse déposé par la société Olitec le 25 janvier 2002, Ouï le ministère public en ses observations à l'audience du 29 janvier 2002 tendant au rejet du recours,

Vu l'arrêt du 5 mars 2002 ordonnant la réouverture des débats et invitant la société Olitec et la C.O.B. à s'expliquer sur l'éventuelle nullité de la décision déférée en ce qu'elle ne permettait pas de contrôler qu'elle aurait été rendue dans les conditions d'indépendance et d'impartialité requises en vertu du principe d'ordre public institué par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et en conformité avec les dispositions de l'article L. 621-4 du code monétaire et financier et de l'article 9, alinéa 3, du décret du 23 mars 1990 modifié,

Vu les conclusions de la société Olitec après réouverture des débats déposées le 29 mars 2002 par lesquelles elle demande à la Cour de déclarer nulle la décision déférée, d'infirmer la décision de sanction à son encontre quant à la recevabilité des poursuites et au bien fondé des sanctions, motifs pris de l'irrégularité des conditions de convocation et d'audition de Mme ... entraînant la nullité du procès-verbal d'audition du 18 mai 2002 ainsi que de la procédure subséquente, et de la nullité de la notification des griefs en date du 15 février 2001 pour défaut de visa conforme, de déclarer nulle la note en délibéré déposée par la C.O.B. le 31 janvier 2002 et de déclarer irrecevables les "conclusions" et de la pièce communiquée par la C.O.B. devant la Cour ainsi que de la note déposée après la réouverture des débats, subsidiairement de dire mal fondées les poursuites et la sanction pécuniaire prononcée et de réformer la décision déférée, en la relevant des fins des poursuites,
Vu les observations de la C.O.B. déposées le 25 avril 2002, en réponse à l'arrêt avant-dire droit du 5 mars 2002 et aux conclusions de la société Olitec, tendant au rejet des suspicions d'ordre procédural formulées contre sa décision et précisant que, par décision n° 627 du 4 avril 2002, elle avait modifié l'article 17 de son règlement intérieur qui prévoit désormais, en sixième alinéa, que "la décision de la commission mentionne le nom des membres de la commission ayant participé au délibéré",

SUR CE,
Sur la nullité de la décision déférée
Considérant que, selon l'article 6.1° de la Convention européenne de

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sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue publiquement par un tribunal indépendant et impartial ;
Que ces prescriptions s'appliquent à la procédure de sanctions prévue par les articles L. 621-14 et L. 621-15 du code monétaire et financier qui, bien que de nature administrative, visent comme en matière pénale, par leur montant élevé et la publicité qui leur est donnée, à punir les auteurs de faits contraires aux normes générales édictées par les règlements de la Commission et à dissuader les opérateurs de se livrer à de telles pratiques ;
Considérant qu'aux termes de l'article 9, alinéa 3, du décret du 23 mars 1990 relatif à la procédure d'injonctions et de sanctions administratives prononcées par la C.O.B., modifié par le décret du 1er août 2000, la décision est prise en la seule présence du président, des membres autres que le rapporteur et du secrétaire de la commission ;
Qu'en application de l'article L. 621-4 du code monétaire et financier, ni le président ni aucun membre de la commission ne peut délibérer dans une affaire dans laquelle lui-même ou, le cas échéant, une personne morale au sein de laquelle il exerce des fonctions ou détient un mandat, a un intérêt ; il ne peut davantage participer à une délibération concernant une affaire dans laquelle lui-même ou, le cas échéant, une personne morale au sein de laquelle il exerce des fonctions ou détient un mandat, a représenté une des parties intéressées au cours des trente-six mois précédant la délibération ;
Considérant que ces dispositions ont pour finalité d'assurer l'indépendance et l'impartialité de la C.O.B. lorsqu'elle prononce des injonctions ou des sanctions administratives ;
Considérant, néanmoins, que la décision déférée, signée du président de séance et de la secrétaire, ne précise pas le nom des membres ayant délibéré, alors même que le décret du 30 mars 1990, tel que modifié par le décret du 1er août 2000, ne prévoit plus l'établissement d'un procès-verbal de séance ou d'un registre d'audience comparable à celui qui se trouve régi par l'article 728 du nouveau code de procédure civile, susceptible de suppléer au silence de la décision, étant observé que l'article 5 du règlement intérieur modifié de la COB ne prévoit pas davantage l'établissement d'un procès verbal concomitamment au prononcé de ladécision, seul étant alors établi un projet de procès-verbal de séance, transmis aux membres de la Commission pour être examiné à la séance suivante, et le procès-verbal étant signé seulement par le président, après approbation du projet, donnée dans des conditions non réglementairement déterminées ;
Qu'elle ne permet donc pas de contrôler qu'elle aurait été rendue dans le respect du principe d'ordre public d'indépendance et d'impartialité institué par la Convention européenne, et en conformité avec les prescriptions légales et réglementaires ci-dessus rappelées ;
Que le procès-verbal de la séance du 24 juillet 2001 est inopérant dès lors qu'il a été approuvé au cours de la séance de la commission du 2 octobre 2001 à laquelle participaient, d'une part, M. ..., président de la C.O.B. ayant décidé l'ouverture de la procédure d'enquête à l'égard de la société Olitec, d'autre part, Mme ..., rapporteur ayant instruit l'affaire et notifié les griefs à la susnommée, lesquels ne pouvaient siéger au sein de la formation du 24 juillet 2001 en raison de l'exigence d'impartialité qui exclut qu'un même organe de la commission puisse cumuler les fonctions d'enquête, d'instruction et de sanction, étant encore observé qu'il résulte du procès-verbal du 2 octobre 2001 que, lors du vote sur l'approbation du procès-verbal du 24 juillet 2001, M. ..., qui aurait siégé dans la composition ayant sanctionné la société Olitec, avait dû s'absenter ; que, de surcroît, les conditions de majorité ou d'unanimité dans lesquelles ledit procès-verbal a été approuvé ne sont pas réglementairement définies ; qu'enfin, la signature de la secrétaire de la commission, qui n'est prévue par aucun texte en ce domaine, ne peut authentifier le procès-verbal en cause ;
Que n'est pas davantage opérante l'attestation signée, en dehors de toute disposition légale ou réglementaire, par les membres de la C.O.B. affirmant avoir siégé le 24 juillet 2001 ;
Considérant qu'il s'ensuit que, faute d'établir qu'elle aurait été prononcée par une autorité administrative impartiale, la décision déférée sera annulée ;
Que la Cour, statuant dans le cadre d'un recours de plein contentieux, est saisie du fond de l'affaire ;
Sur la recevabilité des observations écrites produites par la C.O.B.
Considérant que la société Olitec conclut à l'irrecevabilité des "conclusions" déposées par la C.O.B. devant la Cour et de la note après réouverture des débats au motif qu'elles sont signées par le président de la commission "qui présidait l'instance de jugement à l'origine de la décision déférée" ;
Considérant que le moyen n'est pas irrecevable comme n'ayant figuré ni dans la déclaration de recours ni dans l'exposé des moyens déposé le 14 décembre 2001, dès lors que, si, en application de l'article 12 du décret du 23 mars 1990 modifié, les moyens invoqués par le requérant à l'encontre d'une décision de la C.O.B. doivent être énoncés, à peine d'irrecevabilité, dans la déclaration de recours ou dans l'exposé des moyens déposé au greffe dans le mois suivant le dépôt de la déclaration, une demande fondée sur les observations écrites produites devant la Cour par la C.O.B. ne pouvait être formée avant le dépôt desdites observations ; que la demande de la société Olitec est donc recevable ;
Considérant que le droit à un procès équitable et l'exigence d'impartialité s'opposent à ce que le même organe de la C.O.B. puisse successivement mettre une personne en accusation, statuer sur sa culpabilité et la sanctionner ;
Considérant, en l'espèce, qu'il ressort des pièces de la procédure que M. ..., président de la C.O.B., avait pris la décision d'ouvrir le 26 mars 1999 une enquête à l'égard de la société Olitec ; que, dans ces conditions, il ne peut représenter la C.O.B. dans le cadre de l'instance pendante devant la Cour sur le recours formé par la société Olitec à l'encontre de la décision de sanction prononcée contre elle ni signer les observations écrites déposées par la commission ; que ces dernières seront, en conséquence, écartées des débats ;
Sur la recevabilité de l'attestation produite par la C.O.B.
Considérant que la société Olitec demande à la Cour d'écarter l'attestation, jointe aux observations écrites de la C.O.B., de M. ..., chargé de mission au service de l'inspection de la C.O.B., qui a procédé, le 18 mai 2000, à l'audition de Mme ..., président directeur général de la société Olitec, au motif qu'une partie ne peut se constituer une preuve à elle-même au soutien de son argumentation et qu'une preuve testimoniale ne peut émaner que d'un tiers et non de la personne chargée de l'enquête critiquée devant la juridiction pour avoir enfreint les dispositions légales et réglementaires régissant les convocations et les auditions des personnes entendues par la C.O.B. ;
Considérant que si, pour les raisons développées ci-dessus et auxquelles il est expressément référé, le moyen est recevable, il est néanmoins sans intérêt de se prononcer sur la validité ou la valeur probante de ladite attestation, laquelle sera écartée des débats en ce qu'elle y est inutile ;
Sur la régularité du procès-verbal d'audition de Mme ... du 18 mai 2000
Considérant que la société Olitec poursuit l'annulation du procès-verbal d'audition de sa dirigeante, Mme ..., en date du 18 mai 2000, motif pris de la violation, d'une part, des dispositions de l'article L. 621-11 du code monétaire et financier qui prévoit que toute personne convoquée a le droit de se faire assister d'un conseil de son choix et que les modalités de la convocation et les conditions dans lesquelles est assuré l'exercice de son droit sont déterminées par décret et, d'autre part, des dispositions de l'article 4 du décret du 23 juillet 1971 qui prescrit, notamment, l'envoi de la convocation à l'intéressé par lettre recommandée huit jours au moins à l'avance ; que la société Olitec fait valoir que sa dirigeante a été destinataire d'un appel téléphonique émanant de la C.O.B. l'invitant à se présenter le 18 mai 2000 pour s'expliquer sur la stratégie de communication financière de l'entreprise et que c'est dans ces conditions que Mme ... s'est présentée au rendez-vous en compagnie de M. ..., directeur du marketing, et de M. V. ..., dirigeant de la société Feri communication ; que la requérante expose qu'à l'occasion de l'audition de Mme ..., il a été remis à cette dernière un document intitulé "vos droits à l'occasion d'une enquête de la Commission des opérations de bourse" et que c'est sous la pression des enquêteurs que Mme ... a signé son procès-verbal d'audition ;
Considérant, sur les modalités de la convocation de Mme ..., que, s'il est constant que cette dernière n'a pas été convoquée par les enquêteurs de la C.O.B. selon les formes rappelées ci-dessus, elle a cependant expressément

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renoncé, en toute connaissance de cause et avant d'être entendue au fond, à se prévaloir de toute nullité pouvant résulter de l'irrégularité de sa convocation ; que Mme ... a, en effet, déclaré "Je me présente de mon plein gré pour être auditionnée. Je renonce expressément à me prévaloir de toute nullité pouvant résulter du fait que je n'ai pas été convoquée par lettre recommandée faisant référence à l'article 4 du décret n° 71-615 du 23 juillet 1971 et mentionnant le droit à l'assistance d'un conseil. Je reconnais avoir reçu ce jour de vos mains un document intitulé Vos droits à l'occasion d'une enquête de la Commission des opérations de bourse." ; que Mme ... a poursuivi sa déposition en indiquant "J'ai souhaité être accompagnée de Messieurs D. ..., directeur marketing d 'Olitec et S. V. ..., pdg de FRI communication." ; qu'il se déduit de ces déclarations que Mme ... a bien été informée de ses droits, non seulement le jour de la convocation par la remise du document établi à cette fin, mais encore avant sa comparution devant les enquêteurs, étant rappelé qu'elle s'est présentée pour être entendue en compagnie de deux conseils ; que, contrairement à ce que soutient implicitement la société Olitec, si, en application de l'article L. 621-11 du code monétaire et financier, toute personne convoquée a le droit de se faire assister d'un conseil de son choix, ce dernier n'est pas nécessairement un avocat ; que les développements de la requérante sur les règles d'audition des personnes en matière pénale et fiscale sont inopérants dès lors qu'une procédure spécifique a été instituée devant la C.O.B. ; que la société Olitec ne verse pas aux débats le moindre élément de nature à corroborer ses allégations sur les pressions qui auraient été exercées par les enquêteurs sur Mme ... afin qu'elle signât le procès-verbal d'audition incriminée alors qu'elle était assistée de deux personnes qui n'auraient pas manqué de témoigner du comportement prêté par la requérante aux agents chargés de mission de la C.O.B. ; que la société Olitec ne peut donc se prévaloir utilement d'une atteinte aux droits de se défendre ;
Que, sur le contenu de l'audition de Mme ..., la société Olitec ne peut valablement soutenir que les motifs de la convocation auraient été ambigus en ce qu'il aurait été excipé d'une question de stratégie de communication de l'entreprise, alors qu'il ressort des pièces de la procédure que, le 21 septembre 1999, Mme ... avait reçu un courrier de la C.O.B. l'informant que "la Commission menait une enquête sur l'information financière diffusée par sa société ainsi que sur le marché de son titre" ; qu'il lui avait été demandé un certain nombre de documents relatifs à l'enquête en cours, que Mme ... avait transmis le 28 septembre 1999 ; qu'une nouvelle demande de transmission de pièces avait été formulée par la C.O.B. le 16 décembre 1999 dans un courrier rappelant que cette dernière menait une enquête "sur l'information financière diffusée par la société Olitec" ; que Mme ... avait, comme précédemment, personnellement répondu à ce courrier ; qu'il ne pouvait donc pas exister d'ambiguïté sur l'objet de la convocation pour audition de Mme ... ;
Que la demande de la société Olitec tendant à voir annuler le procès-verbal d'audition de Mme ... du 18 mai 2000 et de la procédure subséquente doit être rejetée ;

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Sur les autres moyens de procédure soulevés par la société Olitec
Considérant que les moyens soulevés par la société Olitec dans ses conclusions récapitulatives n° 2 après réouverture des débats, déposées le 29 mars 2002, tirés, d'une part, des conditions d'ouverture de la procédure de sanction par le président de la C.O.B. sous l'empire des dispositions applicables avant l'entrée en vigueur du décret du 1" août 2000 et de l'absence de régularisation par une nouvelle décision prise par le directeur général de la C.O.B., d'autre part, des conditions de désignation du rapporteur et de notification du rapport et, enfin, de la nullité de la notification des griefs, sont irrecevables dès lors qu'ils n'ont pas été énoncés dans la déclaration de recours ou dans l'exposé des moyens déposé au greffe dans le mois suivant le dépôt de cette déclaration et qu'ils sont fondés sur la procédure d'enquête antérieure à la décision déférée ;
Sur les manquements à l'obligation d'information du public
Considérant qu'en application des articles L. 621-14 et L. 621-15 du code monétaire et financier, la C.O.B. a le pouvoir de sanctionner les pratiques contraires à ses règlements quand elles ont notamment pour effet de fausser le fonctionnement du marché ou de porter atteinte à l'intérêt des investisseurs ;
Qu'aux termes de l'article 2 du règlement n° 90-02 relatif à l'obligation d'information du public, repris à l'identique par le règlement n° 98-07, "l'information donnée au public doit être exacte, précise et sincère." ; que l'article 3 dudit règlement dispose que "constitue, pour toute personne, une atteinte à la bonne information du public la communication d'une information inexacte, imprécise ou trompeuse." ; que l'article 4 prévoit que "tout émetteur doit le plus tôt possible porter à la connaissance du public tout fait important susceptible, s'il était connu, d'avoir une incidence significative sur le cours d'un instrument financier ou sur la situation et les droits des porteurs de cet instrument financier." ; qu'enfin, aux termes de l'article 8, "toute information visée aux articles 4 à 7 doit être portée à la connaissance du public sous la forme d'un communiqué dont l'auteur s'assure de la diffusion effective et intégrale et que la Commission des opérations de bourse doit recevoir au plus tard au moment de sa publication." ;
Considérant qu'il ressort des investigations auxquelles ont procédé les services de la C.O.B. que la société Olitec a failli à son obligation d'information exacte, précise et sincère et à son obligation d'information permanente du public ;
Qu'en effet, le 27 octobre 1998 la société Olitec faisait état, dans un avis publié dans le journal "La Tribune", des perspectives suivantes "Olitec, à partir de sa position actuelle de leader sur le marché français, a décidé de mettre en place une stratégie volontariste pour devenir un acteur majeur au plan international dans le domaine des solutions communicantes. La première étape de cette politique s'est concrétisée par le lancement du Smart Memory, produit conçu dès l'origine aux normes internationales et intégrant les technologies les plus évoluées. Une action de marketing international de grande envergure (18 MF d'investissement) a été lancée. La lbrte croissance de l'activité, prévision confirmée d'un chiffre d'affaires de 320 MF pour 1998, ainsi que la maîtrise des charges permettront de maintenir un résultat net à un niveau comparable à celui de 1997, soit 21 MF. Les premiers effets positifs de cette politique rendent Olitec très confiant pour les années à venir." ;
Que, le 20 novembre 1998, la société Olitec faisait paraître, dans le journal "Les Echos", un nouvel avis intitulé "Un 3' trimestre stable à 47,9 MF. Maintien des prévisions annuelles de CA à 320 MF.", dans lequel il était, notamment, mentionné "La faible progression de l'activité sur le trimestre est due au décalage d'une partie importante des commandes sur le il" trimestre dû à la sortie attendue du modem Smart Memory. Compte tenu du succès sans précédent rencontré par ce nouveau produit partout dans le monde et des carnets de commandes à la mi-novembre sur l'ensemble des modems de la marque, Olitec confirme sa prévision de 320 MF de chiffre d'affaires cette année et du maintien de sa marge brute." ;
Que l'avis publié, le 17 février 1999, dans le journal "La Tribune" contenait, sous l'intitulé "chiffre d'affaires 1998 + 20 %", l'information suivante "Le chiffre d'affaires 1998 s'établit à 258,7 millions de francs contre 215 millions de francs en 1997, soit une croissance de 20 %. Ce chiffre d'affaires en progression a été réalisé dans un marché informatique difficile en fin de ene trimestre. Le lancement réussi du Smart Memory a permis d'atteindre les objectifs dans les circuits de distribution habituels. Par contre, le chiffre d'affaires de fin d'année, réalisé auprès des grossistes a subi le contrecoup de reports ou d'annulations imprévus, d'un montant de l'ordre de 60 millions de francs en toute fin d'année, en dépit d'un carnet de commandes ferme. Dès aujourd'hui, Olitec met en place des structures commerciales mieux adaptées pour stimuler la demande et optimiser le chiffre d'affaires par canaux de distribution. L'export n'a pu profiter du lancement de la nouvelle gamme en raison des délais d'agrément et de commercialisation. Le résultat positif sera impacté par cette moindre croissance de l'activité." ;
Considérant que, le 20 novembre 1998, alors que la société Olitec confirmait une prévision de chiffre d'affaires de 320 millions de francs pour l'année en cours, la requérante savait qu'à cette date, 40 % des commandes du modem Smart Memory, qui rencontrait, notamment, des problèmes d'homologation, avaient été reportées ou annulées ; que c'est ainsi qu'une société Adisco Ltd reportait, par lettre du 29 octobre 1998, la première livraison des modems au mois de novembre, puis, par lettre du 11 novembre 1998, au mois de décembre et annulait sa commande, portant sur quinze mille modems, le 16 décembre 1998 ; que, le 29 octobre 1998, la société Ingram Micro demandait de suspendre "jusqu'à nouvel ordre" les livraisons portant sur plus de treize mille pièces pour les annuler par la suite ; que, le 16 octobre 1998, la société International Distribution Computer annulait partiellement ses commandes du modem Smart Memory ; que, du 16 novembre au 28 1998, la société Espace PC International procédait à l'annulation partielle de ses commandes ; que, le 16 novembre 1998, la société DSM annulait également sa commande ;
Que l'information donnée au public par la société Olitec le 20 novembre 1998 sur le décalage des commandes du troisième au quatrième trimestre et sur le succès sans précédent du modem Smart Memory était imprécise et trompeuse dès lors que des commandes, qui devaient être livrées au cours du dernier trimestre, donnaient lieu à des reports ou des annulations, dans une proportion non sérieusement contestée par la requérante de 40 %, et que le nouveau modem mis en vente par la société Olitec présentait de toute évidence des problèmes d'homologation et de commercialisation ; que les développements de la société Olitec sur la distinction qu'il conviendrait de faire entre les annulations et les reports de commandes sont inopérants dans la mesure où ces derniers, effectués en toute fin d'année, allaient nécessairement avoir une influence sur le chiffre d'affaires de l'année 1998 et ne pouvaient pas ne pas affecter les prévisions confirmées le 20 novembre 1998 ;
Considérant, par ailleurs, que la société Olitec a également manqué à son obligation d'information permanente du public entre le 20 novembre 1998 et le 17 février 1999, période au cours de laquelle elle n'a procédé à aucune communication à destination des investisseurs sur les difficultés de commercialisation du modem Smart Memory ; qu'il ressort, en effet, des investigations de la C.O.B. qu'après le 20 novembre 1998, d'autres clients ont reporté ou annulé leurs commandes ; que ce fut le cas, notamment, des sociétés Métrologie le 27 novembre 1998, A.E.E. le 2 décembre 1998 et Tech Data le 5 janvier 1999 ; que les difficultés de commercialisation du nouveau modem, rencontrées au cours des derniers mois de l'année, constituaient des faits d'autant plus importants que l'essentiel des prévisions de la hausse du chiffre d'affaires et des résultats positifs de la société Olitec pour l'année 1998 dépendait de la commercialisation du modem Smart Memory ; qu'au plus tard début janvier 1999, la société Olitec devait porter à la connaissance du public des annulations et les reports de commandes et leurs incidences sur les prévisions de chiffre d'affaires et de résultat ; que, dès lors, les développements de la société Olitec sur les problèmes de santé rencontrés par Mme ..., qui a été hospitalisée le 18 janvier 1999, sont inopérants ;
Considérant que la diffusion d'une information imprécise et trompeuse par la société Olitec sur les prévisions de résultats et les difficultés de lancement du modem Smart Memory et l'absence d'information permanente du public sur les difficultés de commercialisation rencontrées à la fin de l'année 1998 ont été de nature à inciter les investisseurs à acheter des actions Olitec dont le cours est passé de 106,715 euros le 19 novembre 1998, niveau auquel il se situait depuis le 27 octobre 1998, à 121,960 euros le 23 novembre 1998 ; que les manquements commis par la société Olitec à ses obligations, tant d'information exacte, précise et sincère que d'information permanente, a permis au cours de l'action de la société Olitec de connaître des fluctuations positives qui n'auraient pas été observées si l'information avait été conforme à la réalité ; que l'examen du graphique historique simplifié, retraçant l'évolution du cours de l'action Olitec du 1" janvier 1998 au 21 octobre 1999, fait apparaître une baisse régulière et constante du titre depuis juillet 1998, qui est passé de l'ordre de 200 euros à 80 euros environ, puis une nette remontée à partir de la fin du mois d'octobre 1998 ; que le titre allait se maintenir jusqu'au début du mois de janvier 1999, puis chuter de manière significative à compter du 17 février 1999, date de publication de l'avis annonçant les annulations et les reports de commandes du modem Smart Memory et la réalisation d'un chiffre d'affaires bien en-deçà des prévisions affichées et confirmées précédemment, pour se stabiliser ensuite aux environs de 60 euros ; qu'au regard de ces éléments, il ne peut pas être sérieusement soutenu que les informations publiées le 27 octobre 1998 et confirmées le 20 novembre 1998, à une date à laquelle la situation réelle de l'entreprise ne permettait pas le maintien des prévisions antérieures et imposait la publication d'informations complémentaires sur les difficultés de commercialisation du nouveau modem, n'ont pas eu d'effet sur l'évolution du cours de l'action Olitec dont la hausse relevée ci-dessus, de la fin de l'année 1998 au début de l'année 1999, ne s'explique que par la publication, puis le maintien des informations incriminées ; que l'affirmation selon laquelle le cours aurait connu une orientation à la baisse dès le 7 janvier 1999 est inexacte dès lors qu'il ressort du graphique historique simplifié que le cours de l'action de la société Olitec a connu une chute significative à partir du 17 février 1999 seulement et, s'il est remonté par la suite, n'a plus jamais atteint le niveau précédent et s'est stabilisé aux environs de 60 euros ;
Considérant que les manquements relevés sont incriminés par l'article L. 621-14 du code monétaire et financier dans la mesure où ils ont eu pour effet de fausser le fonctionnement du marché et de porter atteinte aux intérêts des investisseurs ; que la valorisation du titre Olitec a, en effet, résulté d'investissements et d'arbitrages fondés sur des éléments inexacts ; que les investisseurs ont été trompés par des prévisions inexactes de chiffre d'affaires et de résultat et ont conservé ou acquis des titres qui ont subi une forte baisse lorsque la réalité de la situation de l'entreprise a été connue ;
Que la société Olitec a donc commis les manquements prévus par les articles 2, 3, 4 et 8 du règlement n° 90-02, repris à l'identique par le règlement n° 98-07, et les articles L. 621-14 et L. 621-15 du code monétaire et financier ;
Considérant qu'en vertu de l'article L. 621-15 précité, le montant de la sanction pécuniaire doit être fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits tirés de ces manquements ;
Qu'en l'espèce, les agissements de la société Olitec, qui ont eu pour effet de fausser la perception que les investisseurs avaient de sa situation financière, ont perturbé le marché, dont le bon fonctionnement dépend de l'exactitude et de la sincérité des informations données au public, et ont gravement porté atteinte aux intérêts des investisseurs qui ont été conduits à acheter ou à conserver un titre dont le cours a chuté de manière significative après la diffusion d'informations correspondant à la réalité de la situation de l'entreprise ; qu'au regard des avantages tirés de ces manquements par la société Olitec, dont le titre a connu, pendant plusieurs mois, une valorisation d'un montant double à celui auquel il pouvait prétendre, il sera fait une juste application du principe de proportionnalité en fixant à 80 000 euros le montant de la sanction pécuniaire infligée à la société Olitec et en ordonnant la publication de la décision ;
Cour d'Appel de Paris ARRÊT DU 27 JUIN 2002 1ère chambre, section H RG 1-1° 2001/19862 - 12ème page
d f,

PAR CES MOTIFS
Annule la décision de la Commission des opérations de bourse du 24 juillet 2001, Statuant à nouveau,
Écarte des débats les observations écrites et l'attestation de M. ... produits par la C.O.B.,
Prononce à l'encontre de la société Olitec une sanction pécuniaire de 80 000 euros (quatre-vingt mille euros), à verser au Trésor Public,
Ordonne la publication du présent arrêt au Bulletin mensuel de la Commission des opérations de bourse et au Journal officiel de la République française,
Condamne la société Olitec aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
le





Cour d'Appel de Paris 1ère chambre, section H
ARRÊT DU 27 JUIN 2002
RG N° 2001/19862 - 13ème page
( f

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