Jurisprudence : CJCE, 15-10-2002, aff. C-427/98, Commission des Communautés européennes c/ République fédérale d'Allemagne

CJCE, 15-10-2002, aff. C-427/98, Commission des Communautés européennes c/ République fédérale d'Allemagne

A2779A3C

Référence

CJCE, 15-10-2002, aff. C-427/98, Commission des Communautés européennes c/ République fédérale d'Allemagne. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1106118-cjce-15102002-aff-c42798-commission-des-communautes-europeennes-c-republique-federale-dallemagne
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Abstract

Par un arrêt du 15 octobre 2002 (CJCE, aff. . C-427/98), la CJCE considère que l'Allemagne a manqué à ses obligations communautaires en n'arrêtant pas les dispositions permettant, dans le cas d'un remboursement de bons de réduction, de rectifier la base d'imposition de l'assujetti ayant effectué ce remboursement..


c/
République fédérale d'Allemagne



ARRÊT DE LA COUR


15 octobre 2002 (1)


"Manquement d'État - Sixième directive TVA - Bons de réduction - Base d'imposition"


Dans l'affaire C-427/98,


Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. E. Traversa et A. Buschmann, puis par MM. E. Traversa et K. Gross, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,


partie requérante,


contre


République fédérale d'Allemagne, représentée par MM. W.-D. Plessing et C.-D. Quassowski, en qualité d'agents,


partie défenderesse,


soutenue par


Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, représenté initialement par M. J. E. Collins, en qualité d'agent, puis par Mme R. Magrill, en qualité d'agent, assistée de M. R. Anderson, barrister, ayant élu domicile à Luxembourg,


partie intervenante,


ayant pour objet de faire constater que, en n'arrêtant pas les dispositions permettant de rectifier la base d'imposition dans le cas d'un remboursement de bons de réduction, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 11 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), dans sa version résultant de la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995, modifiant la directive 77/388 et portant nouvelles mesures de simplification en matière de taxe sur la valeur ajoutée - champ d'application de certaines exonérations et modalités pratiques de leur mise en oeuvre (JO L 102, p. 18),


LA COUR,


composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, J.-P. Puissochet, R. Schintgen et C. W. A. Timmermans, présidents de chambre, MM. C. Gulmann, D. A. O. Edward, V. Skouris (rapporteur), Mmes F. Macken, N. Colneric, MM. S. von Bahr et J. N. Cunha Rodrigues, juges,


avocat général: M. F. G. Jacobs,


greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,


vu le rapport d'audience,


ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 29 mai 2001, au cours de laquelle la Commission a été représentée par MM. E. Traversa et K. Gross, la République fédérale d'Allemagne par M. W.-D. Plessing et le Royaume-Uni par M. J. E. Collins, assisté de M. K. Parker, QC,


ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 20 septembre 2001,


rend le présent


Arrêt


1.


Par requête déposée au greffe de la Cour le 26 novembre 1998, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), un recours visant à faire constater que, en n'arrêtant pas les dispositions permettant de rectifier la base d'imposition dans le cas d'un remboursement de bons de réduction, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 11 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), dans sa version résultant de la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995, modifiant la directive 77/388 et portant nouvelles mesures de simplification en matière de taxe sur la valeur ajoutée - champ d'application de certaines exonérations et modalités pratiques de leur mise en oeuvre (JO L 102, p. 18, ci-après la "sixième directive").


2.


Par ordonnance du président de la Cour du 22 juin 1999, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord a été autorisé à intervenir au soutien des conclusions de la République fédérale d'Allemagne.


Le cadre juridique


La réglementation communautaire


3.


L'article 11, A, paragraphes 1, sous a), et 3, sous b), de la sixième directive prévoit:


"A. À l'intérieur du pays


1. La base d'imposition est constituée:


a) pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées sous b), c) et d), par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations;


[...]


3. Ne sont pas à comprendre dans la base d'imposition:


[...]


b) les rabais et ristournes de prix consentis à l'acheteur ou au preneur et acquis au moment où s'effectue l'opération".


4.


Aux termes de l'article 11, C, paragraphe 1, premier alinéa, de la sixième directive:


"En cas d'annulation, de résiliation, de résolution, de non-paiement total ou partiel ou de réduction de prix après le moment où s'effectue l'opération, la base d'imposition est réduite à due concurrence dans les conditions déterminées par les États membres."


5.


L'article 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive dispose:


"Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:


a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée à l'intérieur du pays pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti".


6.


Conformément à l'article 20, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive:


"La déduction initialement opérée est régularisée suivant les modalités fixées par les États membres, notamment:


[...]


b) lorsque des modifications des éléments pris en considération pour la détermination du montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration, notamment en cas [...] de rabais obtenus; [...]"


7.


En vertu de l'article 21, point 1, sous c), de la sixième directive:


"La taxe sur la valeur ajoutée est due:


1) en régime intérieur:


[...]


c) par toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture ou tout document en tenant lieu".


La réglementation nationale


8.


Aux termes de l'article 10, paragraphe 1, première à troisième phrases, de l'Umsatzsteuergesetz (loi allemande relative à la taxe sur le chiffre d'affaires), dans la version en vigueur depuis le 1er janvier 1993 (BGBl. 1993 I, p. 365), telle que rectifiée le 25 juin 1993 (BGBl. 1993 I, p. 1160, ci-après l'"UStG"), la base d'imposition de la taxe sur le chiffre d'affaires se calcule comme suit:


"Le chiffre d'affaires est calculé selon la rémunération perçue pour les livraisons, les autres prestations (article 1er, paragraphe 1, point 1, première phrase) et lesacquisitions intracommunautaires (article 1er, paragraphe 1, point 5). La rémunération est constituée par tout ce que mobilise le bénéficiaire de la prestation pour obtenir cette dernière, à l'exclusion cependant de la taxe sur le chiffre d'affaires. Fait également partie de la rémunération ce qui est fourni à l'entrepreneur pour la prestation par une personne autre que le bénéficiaire de la prestation."


9.


L'article 17, paragraphe 1, de l'UStG dispose:


"En cas de modification de la base de calcul d'un chiffre d'affaires imposable au sens de l'article 1er, paragraphe 1, points 1 à 3,


1. l'entrepreneur qui a réalisé ce chiffre d'affaires doit rectifier en conséquence le montant d'impôt qui est dû,


et


2. l'entrepreneur destinataire doit rectifier en conséquence le montant d'impôt qu'il est en droit de déduire à ce titre;


ceci s'applique par analogie dans le cas de l'article 1er, paragraphe 1, point 5. Il est possible de renoncer à la rectification de la déduction de l'impôt payé en amont pour autant qu'un entrepreneur tiers paie à l'administration des Finances le montant de l'impôt correspondant à la diminution de la rémunération; dans ce cas, l'entrepreneur tiers est le débiteur de l'impôt. Les rectifications visées à la première phrase doivent être effectuées pour la période d'imposition au cours de laquelle a eu lieu la rectification de la base de calcul de l'impôt."


La procédure précontentieuse


10.


Dans une lettre du 31 juillet 1992 envoyée à chacun des États membres, la Commission a demandé si, dans l'État membre concerné, un fabricant qui émet des bons relatifs à ses produits a l'autorisation de réduire à due concurrence sa base d'imposition, lorsqu'il rembourse le montant indiqué sur le bon au détaillant qui a accordé une réduction de prix au consommateur final sur présentation de ce même bon.


11.


Dans sa réponse du 10 novembre 1992, le gouvernement allemand a expliqué, notamment, ce qui suit:


"La condition applicable à une rectification de la taxe et de la taxe en amont, conformément à l'article 17, paragraphe 1, de l'UStG, est [...] qu'il y ait une modification de la base de calcul du chiffre d'affaires du fournisseur par rapport à son client direct. Elle ne s'applique donc qu'aux réductions de prix (diminutions de rémunération) dues au fait que l'entrepreneur rend la rémunération à celui qui l'a versée. Un remboursement effectué par le fabricant non pas au profit du bénéficiaire de la prestation, mais d'une autre personne figurant dans la chaîne de distribution,n'entraîne pas de diminution de rémunération pour le fabricant. Si le fabricant émet un bon que le consommateur final peut directement racheter ou qu'il peut racheter par l'intermédiaire d'un commerçant, ou s'il rembourse au consommateur final un montant d'argent, il n'y a donc pas de diminution de la base de calcul au sens de l'article 17, paragraphe 1, de l'UStG."


12.


Dans une lettre de mise en demeure adressée au gouvernement allemand le 18 janvier 1994, la Commission a fait valoir que la législation allemande viole les principes de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la "TVA"), notamment l'article 11 de la sixième directive, en ce qu'elle dénie à un grossiste le droit à une réduction de sa base d'imposition et à une rectification à due concurrence de sa taxe sur le chiffre d'affaires, lorsque, sur présentation d'un bon, il rembourse une partie du prix à un détaillant auquel il n'est pas directement lié dans la chaîne de distribution.


13.


Par lettre du 11 avril 1994, le gouvernement allemand a répondu que les hypothèses retenues dans cette lettre de mise en demeure s'écartaient de celles que la Commission avait retenues dans sa lettre du 31 juillet 1992, en ce que, dans ladite lettre de mise en demeure, la Commission aurait supposé que le fabricant s'engageait à rembourser au détaillant le montant du bon et que ce remboursement passait par le grossiste.


14.


Dans une lettre de mise en demeure complémentaire du 14 juin 1995, la Commission a précisé qu'elle estimait qu'il ne convenait pas de distinguer selon que l'assujetti remboursant le bon ait eu ou non un rapport direct avec l'assujetti ayant accepté ce bon comme moyen de paiement ni selon que le bon soit remboursé au consommateur final directement par l'assujetti qui s'y était engagé ou par l'intermédiaire d'un autre assujetti.


15.


Dans sa réponse du 4 septembre 1995, le gouvernement allemand a maintenu sa position selon laquelle l'émetteur d'un bon peut réduire sa base d'imposition uniquement lorsqu'il est directement lié dans la chaîne de distribution à la personne à laquelle il rembourse la valeur du bon. Il a suggéré de suspendre en tout état de cause la procédure jusqu'à ce que la Cour statue sur les questions préjudicielles dont elle était saisie dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 24 octobre 1996, Elida Gibbs (C-317/94, Rec. p. I-5339), et Argos Distributors (C-288/94, Rec. p. I-5311), affaires qui étaient encore pendantes devant la Cour à la date de sa lettre. La Commission n'a donc pas, dans un premier temps, poursuivi la procédure en manquement.


16.


Par lettre du 5 mars 1997, la Commission a attiré l'attention du gouvernement allemand sur le fait que, dans l'arrêt Elida Gibbs, précité, la Cour avait partagé entièrement son analyse en la matière. Elle demandait donc à ce gouvernement de l'informer des dispositions juridiques qu'il avait prises pour se conformer audit arrêt.


17.


Dans sa réponse du 26 mai 1997, le gouvernement allemand a demandé à la Commission de prolonger la suspension de la procédure en manquement, car il était encore en train d'examiner l'arrêt Elida Gibbs, précité, et les conséquences qu'il convenait d'en tirer pour le droit allemand.


18.


La République fédérale d'Allemagne n'ayant toujours pas pris de mesures pour adapter sa législation eu égard à l'arrêt Elida Gibbs, précité, la Commission lui a adressé un avis motivé le 23 mars 1998.


19.


Dans une lettre adressée à la Commission le 26 août 1998, le gouvernement allemand, tout en admettant que le contenu de l'arrêt Elida Gibbs, précité, allait à l'encontre de son analyse, a réaffirmé sa position. Il a fait notamment référence à une circulaire administrative du ministère fédéral des Finances, du 15 avril 1998, intitulée "Appréciation de la base d'imposition du point de vue de la taxe sur le chiffre d'affaires lors de la remise de bons s'attachant à des produits" (Bundessteuerblatt 1998 I, p. 627).


20.


Ainsi qu'il ressort de cette circulaire, en vertu du droit allemand, la base d'imposition du fabricant ne peut être réduite du montant indiqué sur un bon que si le fabricant rembourse ce montant à un commerçant auquel il a auparavant directement livré la marchandise et qu'il établit une facture corrigée, aboutissant à une rectification correspondante par le commerçant de la taxe en amont qu'il déduit.


21.


Dans ces conditions, la Commission a décidé d'introduire le présent recours.


Sur le fond


22.


À titre liminaire, il y a lieu de relever que l'émission de bons de réduction constitue un système, utilisé par les fabricants pour la promotion des ventes de leurs produits, selon lequel les détaillants accordent aux consommateurs finals une réduction de prix en échange des bons délivrés par le fabricant et obtiennent ultérieurement le remboursement de la valeur nominale des bons par ce dernier.


23.


Il convient également de préciser que le recours de la Commission vise l'hypothèse, illustrée par des exemples chiffrés aux points 29 à 39 des conclusions de M. l'avocat général, dans laquelle, d'une part, un ou plusieurs grossistes interviennent dans la chaîne de distribution entre le fabricant et les détaillants et, d'autre part, les bons sont remboursés directement par le fabricant aux détaillants, sans intervention des grossistes.

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