Jurisprudence : CJCE, 20-06-2002, aff. C-287/00, Commission des Communautés européennes c/ République fédérale d'Allemagne

CJCE, 20-06-2002, aff. C-287/00, Commission des Communautés européennes c/ République fédérale d'Allemagne

A2776A39

Référence

CJCE, 20-06-2002, aff. C-287/00, Commission des Communautés européennes c/ République fédérale d'Allemagne. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1106115-cjce-20062002-aff-c28700-commission-des-communautes-europeennes-c-republique-federale-dallemagne
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c/
République fédérale d'Allemagne



ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)


20 juin 2002 (1)


«Manquement d'État - Sixième directive TVA - Articles 2, point 1, et 13, A, paragraphe 1, sous i) - Activités de recherche des établissements publics d'enseignement supérieur accomplies à titre onéreux - Exonération»


Dans l'affaire C-287/00,


Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. Wilms et K. Gross, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,


partie requérante,


contre


République fédérale d'Allemagne, représentée par MM. W.-D. Plessing et T. Jürgensen, en qualité d'agents,


partie défenderesse,


ayant pour objet de faire constater que, en exonérant de la taxe sur la valeur ajoutée les activités de recherche des établissements publics d'enseignement supérieur, au titre de l'article 4, point 21a, de l'Umsatzsteuergesetz (loi relative à la taxe sur le chiffre d'affaires), du 27 avril 1993 (BGBl. 1993 I, p. 565), tel que modifié par l'article 4, paragraphe 5, de l'Umsatzsteuergesetz-Änderungsgesetz, du 12 décembre 1996 (BGBl. 1996 I, p. 1851), la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 2 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1),


LA COUR (cinquième chambre),


composée de MM. P. Jann, président de chambre, S. von Bahr (rapporteur), D. A. O. Edward, A. La Pergola et C. W. A. Timmermans, juges,


avocat général: M. F. G. Jacobs,


greffier: M. R. Grass,


vu le rapport du juge rapporteur,


ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 13 décembre 2001,


rend le présent


Arrêt


1.


Par requête déposée au greffe de la Cour le 20 juillet 2000, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 226 CE, un recours visant à faire constater que, en exonérant de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») les activités de recherche des établissements publics d'enseignement supérieur, au titre de l'article 4, point 21a, de l'Umsatzsteuergesetz (loi relative à la taxe sur le chiffre d'affaires), du 27 avril 1993 (BGBl. 1993 I, p. 565), tel que modifié par l'article 4, paragraphe 5, de l'Umsatzsteuergesetz-Änderungsgesetz, du 12 décembre 1996 (BGBl. 1996 I, p. 1851, ci-après l'«UStG»), la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 2 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).


Le cadre juridique


La réglementation communautaire


2.


L'article 2, point 1, de la sixième directive soumet à la TVA les livraisons de biens ainsi que les prestations de services effectuées à titre onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel.


3.


En vertu de l'article 4, paragraphe 1, de ladite directive, est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d'une façon indépendante, l'une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2 de cette disposition. La notion d'«activités économiques» est définie à l'article 4, paragraphe 2, comme englobant toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, et notamment les opérations comportant l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.


4.


L'article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive précise que les États, les régions, les départements, les communes et les autres organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu'ils accomplissent en tant qu'autorités publiques, même lorsque, à l'occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions.


5.


L'article 13, A, paragraphe 1, de ladite directive, qui prévoit des exonérations en faveur de certaines activités d'intérêt général, dispose:


«Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:


[...]


i) l'éducation de l'enfance ou de la jeunesse, l'enseignement scolaire ou universitaire, la formation ou le recyclage professionnel, ainsi que les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectués par des organismes de droit public de même objet ou par d'autres organismes reconnus comme ayant des fins comparables par l'État membre concerné».


La réglementation nationale


6.


Selon l'article 4, point 21a, de l'UStG, sont exonérées de la TVA «les opérations réalisées par les établissements publics d'enseignement supérieur dans le cadre d'activités de recherche. Ne font pas partie des activités de recherche les activités quise limitent à appliquer des connaissances établies, la reprise de projets ainsi que les activités sans rapport avec la recherche».


La procédure précontentieuse


7.


Considérant que l'exonération de la TVA accordée en vertu de l'article 4, point 21a, de l'UStG est contraire au droit communautaire, la Commission a, le 6 novembre 1998, adressé à la République fédérale d'Allemagne une lettre de mise en demeure.


8.


Dans cette lettre, la Commission, après avoir rappelé le contenu de l'article 4, point 21a, de l'UStG, constatait qu'un établissement public d'enseignement supérieur constitue un assujetti aux fins de la TVA, dans la mesure où, n'agissant pas en tant qu'autorité publique, il effectue des opérations à titre onéreux, et que les activités de recherche effectuées par un assujetti sont, au regard de la sixième directive, des opérations imposables et non exonérées. Elle rappelait également le libellé de l'article 2, point 1, de la sixième directive et faisait valoir que, étant donné que les activités de recherche ne sont pas exonérées, en particulier en vertu de l'article 13 de la sixième directive, elle considérait que, en exonérant de la TVA les activités effectuées par les universités publiques, la République fédérale avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 2, point 1, de la sixième directive.


9.


La lettre de mise en demeure étant restée sans réponse, bien que, sur demande du gouvernement allemand, une prolongation du délai de réponse jusqu'à la mi-mars 1999 lui ait été accordée, la Commission a, par lettre du 26 août 1999, émis un avis motivé invitant la République fédérale d'Allemagne à prendre les mesures nécessaires pour s'y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa notification.


10.


Dans l'avis motivé, après avoir relevé que, en vertu de l'article 4, point 21a, de l'UStG, les activités de recherche des établissements publics d'enseignement supérieur sont exonérées de la TVA et cité l'article 2, point 1, de la sixième directive, la Commission a réitéré, au point 3 dudit avis, qu'un établissement public d'enseignement supérieur constitue un assujetti aux fins de la TVA dans la mesure où, n'agissant pas en tant qu'autorité publique, il effectue des opérations à titre onéreux et que les activités de recherche effectuées par un assujetti sont, au regard de la sixième directive, des opérations imposables et non exonérées. Selon la Commission, en exonérant de la TVA ces activités effectuées par les universités publiques, la République fédérale d'Allemagne avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 2, point 1, de la sixième directive. Enfin, la Commission rappelait que, conformément à l'article 226 CE, elle avait informé le gouvernement allemand de cette infraction au droit communautaire par sa lettre de mise en demeure du 6 novembre 1998.


11.


Par lettre du 4 avril 2000, le gouvernement allemand a répondu à l'avis motivé, mais cette réponse n'ayant pas satisfait la Commission, celle-ci a introduit le présent recours.


Sur la recevabilité


Arguments des parties


12.


Le gouvernement allemand fait valoir que le recours de la Commission est irrecevable pour deux raisons.


13.


En premier lieu, la procédure précontentieuse, telle qu'imposée par l'article 226 CE, n'aurait pas été respectée par la Commission. En effet, contrairement aux exigences de la jurisprudence de la Cour (voir, notamment, arrêts du 20 mars 1997, Commission/Allemagne, C-96/95, Rec. p. I-1653, points 22 et 24, ainsi que du 28 octobre 1999, Commission/Autriche, C-328/96, Rec. p. I-7479, point 34), l'avis motivé, limité à sept phrases, ne contiendrait pas une présentation matérielle complète ni une appréciation juridique détaillée et cohérente de l'objet du litige, mais il se contenterait essentiellement de répéter le contenu de la lettre de mise en demeure.


14.


En second lieu, le gouvernement allemand soutient que, dans la requête, l'objet du litige est plus large que celui qui résulte de l'avis motivé, ce qui constitue une violation du principe de continuité entre la phase précontentieuse et le recours, qui serait l'expression spécifique du principe du droit d'être entendu (voir arrêt du 25 avril 1996, Commission/Luxembourg, C-274/93, Rec. p. I-2019, point 11).


15.


À cet égard, le gouvernement allemand fait valoir que, dans sa requête, la Commission ne motive plus son recours uniquement par une violation de l'article 2 de la sixième directive, comme dans l'avis motivé, mais invoque, en outre, l'article 13, A, de la sixième directive. L'argumentation de la Commission, en tant qu'elle est fondée sur ladite disposition, constituerait un aspect essentiel du recours de la Commission et, partant, un nouveau grief. En effet, l'article 2 de la sixième directive ne définirait que l'assiette de la TVA, c'est-à-dire les catégories de chiffres d'affaires qui doivent en principe être intégrées dans le système de ladite taxe, mais il ne résulterait pas directement de cette disposition que les chiffres d'affaires qui y sont décrits sont assujettis à l'impôt. Cet assujettissement résulterait uniquement des critères spécifiques d'exonération fiscale des articles 13 et suivants de la sixième directive.


Appréciation de la Cour


16.


Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la procédure précontentieuse a pour but de donner à l'État membre concerné l'occasion, d'une part, de se conformer à ses obligations découlant du droit communautaire et, d'autre part, de faire utilement valoir ses moyens de défense à l'encontre des griefs formulés par la Commission (voir, notamment, arrêts Commission/Allemagne, précité, point 22, et du15 janvier 2002, Commission/Italie, C-439/99, non encore publié au Recueil, point 10).


17.


La régularité de cette procédure constitue une garantie essentielle voulue par le traité non seulement pour la protection des droits de l'État membre en cause, mais également pour assurer que la procédure contentieuse éventuelle aura pour objet un litige clairement défini (voir arrêt du 13 décembre 2001, Commission/France, C-1/00, non encore publié au Recueil, point 53).


18.


Il s'ensuit, premièrement, que l'objet d'un recours intenté en application de l'article 226 CE est circonscrit par la procédure précontentieuse prévue à cette disposition. Dès lors, le recours doit être fondé sur les mêmes motifs et moyens que l'avis motivé (voir, notamment, arrêt Commission/Italie, précité, point 11).


19.


Deuxièmement, l'avis motivé doit contenir un exposé cohérent et détaillé des raisons ayant amené la Commission à la conviction que l'État intéressé a manqué à l'une des obligations qui lui incombent en vertu du traité (voir, notamment, arrêt Commission/Italie, précité, point 12).


20.


En l'espèce, d'une part, il convient de relever que, tout au long de la procédure, qui a débuté avec l'envoi de la lettre de mise en demeure, le manquement reproché à la République fédérale d'Allemagne est resté identique, à savoir l'exonération de la TVA des activités de recherche des établissements publics d'enseignement supérieur, au titre de l'article 4, point 21a, de l'UStG. À cet égard, il est clairement indiqué dans ladite lettre que la Commission considère que ces activités constituent des opérations taxables, en vertu de l'article 2, point 1, de la sixième directive, et qu'elles ne sont pas exonérées.


21.


D'autre part, il y a lieu de constater que la Commission n'a pas modifié l'objet du litige par un changement des motifs du manquement constaté. Certes, il est vrai que ce n'est que dans sa requête que la Commission présente explicitement ses arguments pour démontrer que l'article 13, A, paragraphe 1, sous i), de la sixième directive n'est pas applicable en l'espèce. Toutefois, il n'en reste pas moins que, dans sa lettre de mise en demeure, la Commission avait déjà indiqué que, d'après elle, les activités de recherche desdits établissements ne sont pas exonérées, «en particulier en vertu de l'article 13 de la directive». À cet égard, il importe de rappeler que l'avis motivé se réfère expressément à la lettre de mise en demeure.


22.


Il convient dès lors de considérer que, dans l'avis motivé, la Commission a défini en des termes suffisamment précis l'infraction alléguée et les raisons pour lesquelles elle estime que la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la sixième directive.


23.


En outre, il est constant que la lettre de mise en demeure est restée sans réponse, bien que la Commission ait accordé au gouvernement allemand une prolongation du délai de réponse. Si ce dernier avait répondu à ladite lettre, la Commission aurait été enmesure de préciser, dans l'avis motivé, les griefs qu'elle avait déjà fait valoir de manière plus générale dans la lettre de mise en demeure. Dans une situation telle que celle résultant du silence dudit gouvernement, il ne saurait être reproché à la Commission d'avoir, pour l'essentiel, repris en des termes quasi identiques le contenu de la lettre de mise en demeure dans l'avis motivé.


24.


Par ailleurs, si la Commission a invoqué, pour la première fois dans la requête, précisément l'article 13, A, paragraphe 1, sous i), de la sixième directive, elle s'est bornée ainsi à répondre à un moyen de défense soulevé également pour la première fois par le gouvernement allemand en réponse à l'avis motivé et, ce faisant, elle n'a modifié ni la définition ni le fondement du manquement allégué (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 1982, Commission/Danemark, 211/81, Rec. p. 4547, point 16).

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