Jurisprudence : Cass. crim., 24-09-2002, n° 01-85890, publié au bulletin, Action publique éteinte et rejet

Cass. crim., 24-09-2002, n° 01-85890, publié au bulletin, Action publique éteinte et rejet

A2629A3R

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Abstract

L'article 14 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante prévoit notamment que la publication par voie de presse de tout texte ou de toute illustration concernant l'identité des mineurs délinquants est interdite.



N° E 01-85.890 FS P+FN° 5296
SH24 SEPTEMBRE 2002
M. COTTE président,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre septembre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant
Sur le rapport de Mme le conseiller ..., les observations de la société civile professionnelle BOUZIDI, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général ... ;

Statuant sur les pourvois formés par
- ... Régis,
- ... Catherine,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 28 juin 2001, qui, pour publication d'information concernant l'identité d'un mineur délinquant, les a condamnés à 20 000 francs d'amende chacun et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I - Sur l'action publique
Attendu qu'est aministié, en application de l'article 2-2° de la loi du 6 août 2002, le délit de publication d'information concernant l'identité d'un mineur délinquant pour lequel seule une peine d'amende est encourue, lorsque, comme en l'espèce, il a été commis avant le 17 mai 2002 ; qu'ainsi l'action publique s'est trouvée éteinte à l'égard des prévenus dès la publication de ce texte ;
Attendu, cependant, que, selon l'article 21 de la loi précitée, la juridiction de jugement saisie de l'action publique reste compétente pour statuer sur les intérêts civils ;
II - Sur l'action civile
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs, Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 14 et 14-1 de l'ordonnance 45-174 du 2 février 1945, 121-6, 121-7 du Code pénal, ensemble les articles 2 et suivants, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt a dit les demandeurs coupables de publication de texte ou d'illustration concernant un mineur délinquant et complice de publication de texte ou d'illustration concernant un mineur délinquant, les condamnant à une amende délictuelle et à des dommages-intérêts ;
"aux motifs que s'agissant d'un même fait relaté dans trois articles dont chaque titre "hier matin, violente collision dans une rue de Rennes, dans une voiture volée fait deux morts", "deux morts dans une terrible collision à Rennes, le passager de la voiture volée identifié", "après la collision doublement mortelle de l'avenue des Gayeulles, tragique enchaînement d'un fait divers", démontre qu'il est question d'une seule et même information s'affirmant au fil de l'enquête menée par la journaliste ; qu'il convient de prendre lesdits articles dans leur globalité ; que, de surcroît, l'article du 27 janvier, paru huit jours après le second identifiant Nicolas ..., fait expressément référence dès la première ligne à la terrible collision ayant fait deux morts à Rennes, le 17 janvier ; qu'il est illustré par deux photographies similaires montrant la carcasse du cabriolet Mercedes pulvérisé, ces photographies rappelant s'il en était encore besoin qu'il s'agit de compléter l'information initiale ; que Nicolas ..., mineur de 16 ans, était nommé dans le second article comme étant le passager décédé du cabriolet Mercedes volé, l'article suggérant ainsi au lecteur que la victime était susceptible d'être l'auteur du vol ou du moins avait connaissance du vol, la jeunesse du conducteur âgé de 18 ans interdisant à l'évidence de penser qu'il aurait pu être le propriétaire d'un tel véhicule de luxe, voire même qu'un adulte ait pu le lui prêter ; qu'il importe peu en l'espèce que Nicolas ... n'ait pas été cité comme délinquant effectivement condamné, la simple présomption qu'il ait pu être voleur ou receleur au moment de l'accident suffisant à faire application de l'article 14 de l'ordonnance du 2 février 1945, celle-ci s'attachant à protéger le mineur bien avant toute déclaration de culpabilité par le juge ; qu'en tout état de cause, si un doute subsistait il était indéniablement levé par le troisième article ; qu'en effet le lecteur, notamment le lecteur rennais particulièrement touché par l'accident, n'a pu que faire le lien lors de la parution du troisième article en page rennaise entre le mineur passager du cabriolet Mercedes rennais volé et "Cédric" dont la personnalité de délinquant est abondamment décrite sur une demi-page du journal et confortée par le témoignage d'un jeune lecteur victime d'un accident le 25 septembre alors que "Cédric" était au volant d'une Ford Fiesta volée ; qu'en écrivant et publiant ce troisième article alors même qu'il est rédigé et présenté en lien avec les deux articles parus quelques jours plus tôt, Catherine ... et Régis ... ont sciemment commis les infractions reprochées, peu important que le prénom du mineur ait été changé, le lecteur n'ayant pu que comprendre que "Cédric" et Nicolas ... étaient la même personne ; qu'enfin, si Catherine ... n'avait voulu qu'illustrer le débat d'actualité sur la délinquance des mineurs, elle pouvait choisir un autre cas d'espèce parmi les nombreux mineurs délinquants de Bretagne ; qu'en conséquence Catherine ... et Régis ... doivent être déclarés coupables des faits qui leur sont reprochés le 19 janvier et le 27 janvier 1997 mais relaxés pour l'article paru le 18 janvier, le nom du mineur n'ayant pas été cité ; qu'eu égard à la gravité des faits, le droit du mineur à être protégé primant sur le droit à l'information, il convient de confirmer les peines prononcées par les premiers juges ;
"alors, d'une part, que la protection du mineur prévue par l'article 14 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ne s'applique qu'autant que le mineur était vivant au moment des faits, ces dispositions ayant pour objet de prohiber la divulgation de l'identité d'un mineur délinquant afin de permettre son reclassement ; qu'ayant constaté que le mineur délinquant était le passager décédé dans le véhicule, que les articles litigieux étaient postérieurs à ce décès, la cour d'appel, qui décide que les demandeurs doivent être déclarés coupables des faits qui leur sont reprochés, qu'eu égard à la gravité des faits, le droit du mineur à être protégé primant sur le droit à l'information, il convient de confirmer les peines prononcées par les premiers juges, lesquels ont condamné Régis ... à une amende d'un montant de 20 000 francs et Catherine ... à une amende d'un montant de 5 000 francs, n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations dont il résultait qu'aucune condamnation ne pouvait être prononcée du fait du décès du mineur avant la publication des articles litigieux, et a violé les textes susvisés ;
"alors, d'autre part, que l'article 14 de l'ordonnance du 2 février 1945 proscrit toute information sur l'identité d'un mineur dans le récit par la presse d'un fait divers où il est impliqué en vue de faciliter son reclassement ultérieur ; que ces dispositions ne peuvent s'appliquer lorsque le mineur délinquant est décédé antérieurement à la divulgation de son identité par voie de presse ; qu'en déclarant les demandeurs coupables du délit de publication par voie de presse et de complicité de publication par voie de presse de texte concernant l'identité ou la personnalité d'un mineur délinquant, tout en relevant que ce mineur était décédé antérieurement à la publication des articles litigieux, ce dont il s'évinçait qu'aucun délit n'était caractérisé en l'absence de l'un des éléments constitutifs de l'infraction, la loi protégeant exclusivement le mineur dont les proches ne peuvent qu'exercer l'action civile, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"alors, de troisième part, qu'en retenant que Nicolas ..., mineur de 16 ans, était nommé dans le second article comme étant le passager décédé du cabriolet Mercedes volé, l'article suggérant ainsi au lecteur que la victime était susceptible d'être l'auteur du vol ou du moins avait connaissance du vol, la jeunesse du conducteur âgé de 18 ans interdisant à l'évidence de penser qu'il aurait pu être le propriétaire d'un tel véhicule de luxe, voire même qu'un adulte ait pu le lui prêter, cependant qu'il ne résulte aucunement de l'article litigieux une quelconque allusion à des faits délictueux imputables au passager dont il était seulement indiqué qu'il était le passager décédé du cabriolet Mercedes volé, la cour d'appel qui motive cette affirmation dénaturante par le fait que la jeunesse du conducteur âgé de 18 ans interdisait à l'évidence de penser qu'il aurait pu être le propriétaire du véhicule voire qu'un adulte ait pu le lui prêter, s'est prononcée par là même par des motifs parfaitement hypothétiques et a violé les textes susvisés ;
"alors, enfin, que, s'il résulte des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale, que le droit d'exercer l'action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert d'un dommage aussi bien matériel que corporel ou moral, directement causé par l'infraction, les juges du fond doivent caractériser le préjudice subi par les ascendants du mineur délinquant du fait de la publication de son identité ; qu'en décidant que la large révélation du passé de délinquant dans le journal Ouest-France "n'a pu" que porter préjudice à M. et Mme ... alors même que Nicolas était décédé dans l'accident puis par motif adopté que les dispositions de l'article 14, si elles ont pour objet la protection des mineurs, sont aussi édictées dans l'intérêt des parents pour décider que l'action civile était recevable et condamner les demandeurs à payer la somme de 20 000 francs, les juges du fond qui constatent seulement le fait dommageable tenant à la publication n'ont par là même pas caractérisé le préjudice subi par les parents du jeune délinquant et violé les textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le quotidien Ouest-France a publié trois articles rendant compte d'un accident de la circulation où un mineur, âgé de 16 ans, dont l'identité a été précisée dans le deuxième article, a trouvé la mort alors qu'il était passager d'un véhicule volé ; qu'à la suite de l'information ouverte sur la plainte avec constitution de partie civile des parents du mineur, Régis ..., directeur de publication du journal, et Catherine ..., journaliste, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, le premier, du chef de divulgation de l'identité d'un mineur délinquant, et, la seconde, du chef de complicité de ce délit sur le fondement des articles 14 et 14-1 de l'ordonnance du 2 février 1945 ;
Attendu que, pour déclarer établie l'infraction poursuivie et condamner les prévenus à indemniser les parents du mineur, la cour d'appel retient que les trois publications présentent le mineur comme ayant pu être voleur et receleur du véhicule accidenté, le décrivant au surplus, dans le dernier article paru, comme étant l'auteur, précédemment, d'un autre vol de véhicule ; que, les juges relèvent que la large révélation du passé de délinquant de leur fils, victime de cet accident mortel, n'a pu que leur porter préjudice ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a caractérisé l'infraction en tous ses éléments et justifié l'allocation, au profit des parties civiles, de l'indemnité propre à réparer le dommage ;
Qu'en effet, l'interdiction, prévue par l'article 14 de l'ordonnance du 2 février 1945, de publier toute information relative à l'identité et à la personnalité d'un mineur délinquant, est générale et absolue et s'applique aussi lorsque ce mineur est décédé ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Par ces motifs,
I - Sur l'action publique
La DÉCLARE ÉTEINTE ;
II - Sur l'action civile
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré M. ... président, Mme ... conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Chanet, Anzani, MM. Beyer, Pometan conseillers de la chambre, MM. Ponsot, Valat, Lemoine, Mmes Menotti, Salmeron conseillers référendaires ;
Avocat général Mme Commaret ;
Greffier de chambre Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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