Jurisprudence : TA Paris, du 31-10-2013, n° 1314533

TA Paris, du 31-10-2013, n° 1314533

A8370KNC

Référence

TA Paris, du 31-10-2013, n° 1314533. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/11028917-ta-paris-du-31102013-n-1314533
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Abstract

Le juge des référés du Conseil d'Etat rejette pour défaut d'urgence la demande tendant à la suspension de la décision verbale par laquelle le Premier ministre aurait autorisé la mise en place expérimentale d'une salle d'injection contrôlée (TA Paris, 31 octobre 2013, n° 1314533).



N° 1314533/9

ASSOCIATION PARENTS CONTRE LA DROGUE

Mme Régnier-Birster

Juge des référés

Ordonnance du 31 octobre 2013

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le juge des référés


Vu la requête, enregistrée le 14 octobre 2013 sous le n° 1314533, présentée pour l'association PARENTS CONTRE LA DROGUE dont le siège est 98, rue Riquet Paris (75018) représentée par son président, par Me Jeanson; l'association PARENTS CONTRE LA DROGUE demande au juge des référés :

- d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la décision du Premier ministre du 5 février 2013 d'ouvrir " une salle de shoot expérimentale à Paris ", jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision ;

- d'ordonner, sur le fondement des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, l'insertion dans deux quotidiens de la presse nationale du dispositif de l'ordonnance du juge des référés ;

- de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 450 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que l'association est recevable à agir contre la décision du Premier ministre du 5 février 2013 décidant d'ouvrir une salle de shoot expérimentale à Paris, matérialisée par l'information diffusée le jour même par les services du Premier ministre,

- que l'urgence est constituée dès lors que la mise en place de la salle, qui sera réalisée sous la forme de préfabriqués, est en cours comme en témoigne notamment le panneau apposé le 4 octobre 2013 sur les grilles de l'emprise SNCF, au 39 bd de la Chapelle à Paris 10ème arrondissement, informant de la fermeture de cet accès à compter du 7 octobre pour 3 à 4 semaines en raison de travaux visant à la mise en place et à la sécurisation de la future salle de " consommation à moindre risque ",

- qu'eu égard à l'objet de la décision, qui porte atteinte à la santé publique, et dont les effets seront difficilement réversibles compte tenu des subventions déjà allouées et extrêmement graves au regard du risque de mort par overdose et des sanctions pénales encourues, l'urgence est présumée sans que l'avis négatif rendu par le Conseil d'Etat le 8 octobre 2013 sur le projet de décret régularisant la création de la salle n'y fasse obstacle ;

- que les moyens soulevés tirés d'une part, de l'irrégularité de la décision du Premier ministre, dépourvue de tout avis et du contreseing du ministre de la santé, d'autre part, de l'incompétence du Premier ministre à décider d'une question relevant de la seule compétence de la loi et enfin, de la violation des interdictions posées et réprimées par le code de la santé publique et par le code pénal, qui prive de base légale la décision en litige, sont de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité, ainsi que l'avis négatif du Conseil d'Etat du 8 octobre 2013 l'établit ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2013, présenté par la ministre des affaires sociales et de la santé qui conclut au rejet de la requête ;

Elle soutient, en se référant au mémoire en défense présenté le 30 septembre 2013 dans la requête au fond n° 1310931, que l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation entraîne le rejet des conclusions à fin de suspension et ajoute que les mesures, qui ont pu être prises au niveau local, ne l'ont pas été en exécution d'une décision du Premier ministre ou d'une autre autorité de l'Etat et ne peuvent être regardées comme révélant l'existence d'une décision de l'Etat, qui reste toujours subordonnée à l'intervention d'actes juridiques appropriés de niveau législatif ;

Vu les pièces du dossier, et notamment les nouvelles pièces enregistrées le 29 octobre 2013 présentées par l'association PARENTS CONTRE LA DROGUE et communiquées à la défense ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la requête n° 1310931 enregistrée le 5 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat et le 29 juillet suivant au greffe du tribunal administratif de Paris par laquelle l'association PARENTS CONTRE LA DROGUE demande l'annulation de la décision dont la suspension est demandée par le présent référé ;

Vu la décision par laquelle le président du tribunal a désigné Mme Régnier-Birster, vice-président de section, pour statuer sur les demandes de référé ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour et de l'heure de l'audience et les services du Premier ministre ayant informé que seule la ministre de la Santé serait représentée à l'audience ;

Après avoir présenté, à l'audience publique du 30 octobre 2013 à 9 heures 30, son rapport et entendu les observations de :

- Me Jeanson, représentant l'association PARENTS CONTRE LA DROGUE qui persiste dans ses conclusions et moyens en renvoyant :

- pour établir le lien entre les décisions des autorités locales et la décision de l'Etat en litige, à la pièce n° 6 relative au projet de délibération 2013 DPA 15 G de la ville de Paris, dont l'exposé des moyens précise que les demandes soumises au vote font suite à un accord gouvernemental,

- pour établir la matérialité des travaux, à la pièce n°16 portant sur l'annonce par le maire du 10ème arrondissement de l'ouverture prévue de la salle en novembre 2013, aux pièces relatives au panneau apposé au 39 bd de la Chapelle, aux pièces n° 24, 25 et 26 faisant état des déclarations de l'association Gaia sur le choix d'un local et le recrutement de personnel ;

Il précise, en réponse à une demande du juge des référés, que la présence du panneau apposé le 4 octobre 2013 au 39 bd de la Chapelle ne peut être confirmée au jour de l'audience, que les photos communiqués les 29 et 30 octobre dernier établissant l'existence de travaux sur le site de la SNCF et la présence de préfabriqués ont été prises postérieurement à l'apposition de ce panneau sans que la date précise puisse être indiquée ;

Il ajoute que l'absence de déféré par le préfet de la délibération 2013 DPA 15 G, adoptée par la ville de Paris le 8 juillet 2013, révèle également le lien entre les décisions des autorités locales et la décision de l'Etat ; qu'il ne peut dès lors être soutenu, comme l'a fait la défense dans ses écritures, que la décision du Premier ministre n'aurait été qu'une simple mesure d'annonce qui n'aurait eu aucune suite concrète en l'absence de mesures législatives ou réglementaires ; que l'affaire doit être rapprochée de celle dite des colonnes Buren ; enfin, il souligne les difficultés rencontrées pour obtenir les pièces relatives à la mise en place de la salle d'injection, difficultés qui témoignent d'une volonté de faire échec à l'engagement de recours juridictionnels et s'étonne de ce que la ministre reconnaisse la nécessité de mesures législatives ou réglementaires alors que l'exécution de la décision du Premier ministre a été engagée sans que des mesures de régularisation ne soient prises ;

M. Séval, chef de la division droits, éthique et appui juridique, pour la ministre des Affaires sociales et de la Santé qui persiste dans ses conclusions et moyens ;

Il précise, en réponse aux questions du juge des référés, que la différence relevée entre les écritures produites en référé et celles produites au fond, auxquelles il est renvoyé dans la procédure en référé, sur le caractère législatif ou réglementaire des mesures auxquelles reste subordonnée la concrétisation de l'annonce faite par le Premier ministre s'explique par la chronologie : qu'en effet, une simple mesure réglementaire avait dans un premier temps été envisagée sur le fondement de l'article L. 3121-5 du code de la santé publique autorisant les centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogue à concourir à la politique de prévention des risques ; qu'en raison du caractère sensible de l'affaire, le projet de décret, décret simple, a été soumis à l'avis du Conseil d'Etat ; que l'avis ayant conclu à l'intérêt de stabiliser le dispositif par une mesure législative, un texte législatif est en cours d'élaboration ; que l'encombrement du Parlement ne permet toutefois pas de préciser un calendrier ; qu'au demeurant une mesure réglementaire restera encore nécessaire après l'adoption d'une mesure législative ;

Il ajoute que si des mesures ont pu être prises au plan local dans une certaine précipitation, elles ne peuvent être qualifiées de mesures d'exécution de la décision en litige et ne peuvent engager l'Etat ; qu'ainsi, l'affaire en litige se distingue de celle dite des colonnes Buren ;

Après avoir prononcé, à l'issue de l'audience tenue en présence de Mme Tardy-Panit, greffier, la clôture de l'instruction ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) " et qu'aux termes de l'article L. 522-1 dudit code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique (...) " ; que l'article L. 522-3 du même code dispose : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 " ; qu'enfin aux termes du premier alinéa de l'article R. 522-1 dudit code : " La requête visant au prononcé de mesures d'urgence doit (...) justifier de l'urgence de l'affaire " ;

2. Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier objectivement et concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant et de l'ensemble des circonstances de l'espèce, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ;

3. Considérant qu'il ressort des éléments versés au dossier que les services d'information du Premier ministre ont indiqué le 5 février 2013 à l'agence France-Presse que " Matignon avait donné son feu vert pour tenter l'expérience d'une salle de consommation de drogue " à Paris ; qu'une délibération a été adoptée par la ville de Paris le 8 juillet 2013 approuvant l'installation de cette salle au 39 bd de la Chapelle, dans le 10ème arrondissement et autorisant le dépôt des demandes d'autorisations d'urbanisme nécessaires ; qu'une convention d'occupation des sols a été signée entre la ville de Paris et la SNCF relative au terrain sis à cette adresse ; qu'un panneau y a été apposé le 4 octobre 2013, informant de la fermeture de l'accès à l'emprise SNCF, sis à cette adresse, à compter du 7 octobre 2013 pour 3 à 4 semaines en raison de travaux d'accès " en vue de la mise en place et de la sécurisation de la future salle de consommation à moindre risque " ; que des préfabriqués y sont implantés ; que l'association PARENTS CONTRE LA DROGUE soutient que l'urgence à suspendre l'autorisation donnée par le Premier ministre à une salle d'injection contrôlée, dite salle de shoot, ainsi constatée matériellement, et par le vote antérieurement de plusieurs subventions et la prise de diverses autres mesures, est présumée compte tenu de la gravité et de l'immédiateté de l'atteinte portée à la santé publique en violation des dispositions du code de la santé publique et du code pénal réprimant la consommation de drogues ; qu'il résulte toutefois des écritures des parties et de leurs observations à la barre que l'exécution de la décision du Premier ministre, favorable à l'expérimentation de salles d'injection contrôlée, est subordonnée à l'intervention de mesures réglementaires et législatives dont le calendrier n'est pas encore défini ; que l'absence d'intervention de ces mesures fait obstacle à la poursuite des mesures engagées par les collectivités locales en vue de cette expérimentation et à l'ouverture d'une salle d'injection contrôlée, également dite de " consommation à moindre risque " ; que, dans ces conditions, le caractère grave et immédiat de l'atteinte à un intérêt public et aux intérêts défendus par l'association n'est pas établi ; que, par ailleurs, l'enrôlement de la requête tendant à l'annulation de la décision en litige devrait intervenir d'ici la fin de l'année 2013 ; qu'il s'ensuit que la condition d'urgence n'est pas remplie à la date de la présente ordonnance ; que, par suite et à supposer même que l'acte en litige puisse être regardé comme une décision susceptible de recours pour excès de pouvoir, les conclusions aux fins de suspension de son exécution présentées par l'association PARENTS CONTRE LA DROGUE doivent, en tout état de cause, être rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative ;

4. Considérant que la présente ordonnance qui rejette les conclusions à fin de suspension n'appelle pas de mesure d'exécution ; qu'il y a lieu, et en tout état de cause, de rejeter les conclusions à fin d'injonction tendant à la publication du dispositif de la présente ordonnance ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions de l'association PARENTS CONTRE LA DROGUE dirigées contre le Premier ministre qui n'est pas, dans la présente instance de référé, la partie perdante ;

ORDONNE

Article 1er : La requête de l'association PARENTS CONTRE LA DROGUE est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association PARENTS CONTRE LA DROGUE, au Premier ministre et à la ministre des affaires sociales et de la santé.

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