Jurisprudence : Cass. crim., 27-06-1972, n° 72-92.608, REJET

La présente décision est rédigée dans sa version originale en lettres majuscule. Pour faciliter votre lecture, nous avons tout rédigé en minuscule sauf les premiers lettres de phrase. Il se peut que certains caractères spéciaux ou accents n’aient pas pu être retranscrits.
Rejet des pourvois de : 1° X... de y... (andre), 2° z... (robert), contre un arret de la cour d'appel de paris, en date du 2 mai 1972, qui les a condamnes, chacun a quatre mois d'emprisonnement avec sursis et 6 000 francs d'amende, le premier, pour infraction aux articles 262 du code penal et l.o. 150 du code electoral, le second, pour complicite de cette infraction. La cour, joignant les pourvois en raison de la connexite ;

Vu les memoires produits au nom des deux demandeurs ;

Sur le moyen unique de cassation, presente par X... de Y..., et pris de la violation des articles 262 et suivants du code penal, 1 et suivants du code civil, 20 et 36 de la loi du 31 decembre 1970 et 7 de la loi du 20 avril 1810, defaut de motifs et manque de base legale, "en ce que l'arret attaque a condamne X... de Y... a la peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis et 6 000 francs d'amende pour infraction a l'article 262 du code penal ;

"au motif que les societes auxquelles il participait bien que civiles, faisaient publiquement appel a l'epargne et que, des lors, ce texte, dont la loi du 31 decembre 1970 n'avait fait que confirmer l'interpretation lui etait applicable ;

"alors qu'en l'absence de toute indication en ce sens dans la loi du 31 decembre 1970, la cour d'appel ne pouvait reconnaitre a ses dispositions un caractere confirmatif et interpretatif, que l'article 262 precite etait, des lors, inapplicable en l'espece s'agissant de faits de publicite anterieurs a l'entree en vigueur de la loi nouvelle et effectues dans l'interet de societes civiles et que la condamnation n'eut ete legalement justifiee que si les juges du fond avaient constate que les societes en cause avaient, contrairement a leur objet statutaire, deploye une activite differente de celle d'une societe civile faisant publiquement appel a l'epargne et lui conferant un caractere commercial, industriel ou financier, constatations qui ne figurent pas dans l'arret attaque" ;

Joint au premier et second moyen de cassation, presente par Z..., et pris : le premier de la violation des articles 262 du code penal, 1832 et suivants du code civil, 59 du code de procedure civile, violation du principe de la personnalite morale des societes, violation de l'article 593 du code de procedure penale ;

"en ce que l'arret attaque a condamne le demandeur du chef de complicite d'usage irregulier de titres, en raison de l'indication dans la publicite faite au profit de societes civiles, de la qualite de parlementaire du president de la societe gerante desdites societes ;

"au motif que les societes civiles constituaient un ensemble d'entreprises etroitement dependantes poursuivant un objet commercial et financier ;

Que l'article 262 du code penal s'applique a tout directeur ou gerant de societes, quelle que soit leur forme juridique, des lors que l'objet de celles-ci est en fait commercial, industriel ou financier ;

"alors que, d'une part, la cour, qui n'etait pas saisie d'une demande tendant a voir reconnaitre la fictivite des societes civiles, et n'avait pas le pouvoir de trancher une telle question, ne pouvait faire abstraction du principe de la personnalite morale des societes et considere qu'elles constituaient un groupement unique poursuivant une activite commerciale ;

"alors, d'autre part, que le juge penal est lie, concernant la definition de l'objet social, par la definition des statuts ;

Qu'au sens de l'article 262 du code penal, les societes a objet commercial sont uniquement celles auxquelles le pacte social assigne une activite commerciale ;

Que, par suite, la publicite realisee au profit de societes civiles ne pouvait justifier une incrimination penale" ;

Le deuxieme de la violation des articles 2 du code civil et du principe de la non-retroactivite des lois, 262 du code penal, 20 et 36 de la loi du 31 decembre 1970, 593 du code de procedure penale, defaut et contradiction de motifs, manque de base legale, "en ce que l'arret attaque a condamne les dirigeants d'une societe civile du chef d'infraction a l'article 262 du code penal et de complicite, et ecarte les conclusions dans lesquelles il etait soutenu que les societes civiles n'etaient soumises a ce texte que depuis la mise en application de la loi du 31 decembre 1970 ;

"au motif que la loi nouvelle, en prevoyant que des societes civiles entrent dans les precisions de l'article 262 lorsqu'elles font publiquement appel a l'epargne - leur objet reel devenant commercial et financier - n'a modifie en rien l'etat de droit anterieur que ce texte continue a s'appliquer sans que sa portee ait ete modifiee, le nouveau texte confirmant une situation preexistante comme il arrive frequemment ;

"alors que, d'une part, la cour n'a pu sans se contredire, admettre qu'un texte etait necessaire pour assujettir les societes civiles faisant appel a l'epargne, leur objet devenant commercial et financier, a l'article 262 du code penal, et estimer, d'un autre cote, que les dirigeants des societes civiles ayant en fait une activite financiere etaient, deja sous l'empire de la loi ancienne, soumis au meme texte ;

"alors, d'autre part, que la loi ne dispose que pour l'avenir, que, dans le silence du texte nouveau, les juges du fond n'ont pu legalement admettre que ses dispositions, creant une incrimination nouvelle, se bornaient a confirmer une situation preexistante ;

Que par suite, les juges du fond ne pouvaient retenir a l'encontre des dirigeants d'une societe civile une infraction definie posterieurement a la realisation des faits qui leur etaient reproches" ;

Attendu qu'il appert de l'arret attaque, qui confirme dans toutes ses dispositions la decision des premiers juges, que X... de Y... a exerce, de decembre 1969 a decembre 1970, alors qu'il etait depute de paris, les fonctions de president directeur general de la societe anonyme compagnie francaise de gestion immobiliere, dite cofragim ;

Que cette societe, commerciale par sa forme et son objet reel, constituait l'organe de direction et de gestion de la garantie fonciere revenus et de la garantie fonciere internationale, deux societes civiles immobilieres dont X... de Y... etait soit le directeur, soit le fondateur, les sieges sociaux des trois societes se trouvant dans les memes locaux ;

Attendu que l'arret precise : 1° que la premiere de ces societes, la garantie fonciere revenus, dont l'activite statutaire devait etre la propriete de tous immeubles en france et leur gestion ainsi que la participation a toutes societes civiles immobilieres n'ayant aucune activite speculative, etait, en fait, proprietaire d'actions et de parts de societes commerciales, soit directement, soit par l'intermediaire de filiales, avec des participations de plus de 90 % , pour un montant superieur a 10 000 000 de francs ;

Que ces participations ont ete comptabilisees, dans le bilan de 1970, pour pres de 69 000 000 francs sur un total d'immobilisations de 161 000 000 francs ;

Qu'enfin cette societe, a statut civil, a vendu avec benefice un terrain non bati pour le prix de 9 000 000 francs ;

2° que la seconde de ces societes, la garantie fonciere internationale, dont les statuts etaient identiques a ceux de la garantie fonciere revenus, mais pour les immeubles situes a l'etranger, n'a eu d'autre activite que celle de collecter des fonds parmi les epargnants, les capitaux recueillis etant destines a l'acquisition et a la souscription d'actions de societes etrangeres ;

Que les juges du fond ont deduit de ces constatations que la societe anonyme a objet commercial cofragim, qui, moyennant "une commission fixee a 10 % des souscriptions recues et a 10 % des produits bruts de toute nature (soit un total de 12 569 200 francs de commission en 1970), gerait les deux societes civiles immobilieres, qui etaient depourvues de tout organe propre de direction et de gestion, a donne auxdites societes, contrairement a l'apparence de leurs statuts, des activites finalement purement commerciales et financieres, avec appel a l'epargne publique", en les utilisant, contrairement au but recherche par les souscripteurs de parts, pour collecter des fonds representes par des titres places dans le public au moyen d'une publicite intempestive" ;

Qu'ainsi, la cofragim, societe dominante et les deux societes civiles immobilieres, qui dependaient etroitement d'elle, ont forme, dans un interet commun, quelles que soient leurs formes juridiques exterieures, un groupe de societes a objet commercial et financier, connu sous le nom generique de garantie fonciere" ;

Attendu que la cour enonce enfin que dans le cadre de cette publicite, X... de Y... a laisse figurer sa qualite de parlementaire dans des documents publicitaires diffuses a plusieurs centaines de mille exemplaires et que, pour les motifs que l'arret expose, ce prevenu etait "pleinement conscient qu'il commettait un delit" ;

Attendu qu'en retenant, en cet etat, X... de Y... dans les liens de la prevention, la cour d'appel a donne une base legale a sa decision ;

Qu'il appartenait, en effet, aux juges du fond de determiner, comme ils l'ont fait, l'objet reel, au sens de l'article 262 du code penal, des societes en cause ;

Que, des lors, en deduisant de ses propres constatations que lesdites societes avaient eu, en fait, un objet commercial et financier, la cour d'appel a caracterise l'infraction prevue et reprimee par l'article 262 precite ;

Qu'ainsi, les demandeurs au pourvoi ne sauraient se faire un grief de ce que l'arret de la cour, pour repondre d'ailleurs a leurs conclusions, ait cru devoir, par un motif surabondant, affirmer que la loi n° 70-1300 du 31 decembre 1970 n'avait "modifie en rien l'etat de droit anterieur" des lors que les juges du fond avaient constate, a juste titre, que les faits a eux deferes entraient dans les previsions de l'article 262 du code penal, des avant la promulgation de la loi du 31 decembre 1970 susvisee ;

D'ou il suit que les trois moyens produits par les demandeurs doivent etre rejetes ;

Sur le troisieme moyen de cassation, propose par Z..., et pris de la violation des articles 262 du code penal, 59 et 60 du meme code, 593 du code de procedure penale, violation des regles relatives a l'erreur de droit, defaut de motifs, motifs hypothetiques et dubitatifs, manque de base legale, "en ce que l'arret attaque a declare le demandeur complice du delit, d'usage irregulier de titres retenu a l'encontre du president-directeur general d'une societe, et ecarte le moyen deduit de l'erreur de droit qu'il avait commise ;

"au motif que, d'une part, son president-directeur general etait a tout le moins a meme de l'informer ;

"alors, d'une part, que, n'ayant pas demontre que le demandeur avait effectivement ete informe, la cour s'est fondee sur une pure hypothese ;

"au motif, d'autre part, que le demandeur avait, par des artifices coupables, donne des instructions pour que l'infraction soit commise et qu'il avait assiste l'auteur principal dans les faits constituant le delit ;

"alors, d'autre part, que la cour n'a pas caracterise les faits propres a etablir la participation du complice a l'infraction ;

Qu'elle s'est abstenue de rechercher si, comme le soutenait le demandeur dans ses conclusions, le silence garde, non seulement par les professionnels de la publicite, mais par des organismes officiels, comme le bureau de verification de la publicite et la commission des operations de bourse n'etaient pas de nature a faire naitre dans l'esprit de la personne poursuivie comme complice, une erreur de droit quant au caractere delictueux des faits retenus a l'encontre de l'auteur principal" ;

Attendu que, pour retenir le demandeur dans les liens de la prevention en qualite de complice, l'arret attaque enonce qu'il resultait du dossier de la procedure et des debats, sans qu'il y ait lieu de faire droit aux conclusions du prevenu qui sollicitait un complement d'information a l'effet de faire entendre de nouveaux temoins, que Z..., qui controlait en fait toutes les activites du groupe cofragim-garantie fonciere, etait le reel promoteur de la publicite delictueuse qu'il avait mise en oeuvre ;

Que, "sans opposition de l'interesse, il avait donne toutes instructions necessaires pour que la mention "depute de paris" figure apres le nom de X... de Y..., president-directeur general de la societe anonyme cofragim, qui apparaissait, ce qu'il etait en fait, le directeur responsable de toutes les garanties foncieres gerees par cette societe anonyme ;

Qu'ainsi la cour d'appel, qui s'est expliquee sur les conclusions du demandeur tendant a voir ordonner certaines mesures d'instruction complementaires, que les juges ont estimees inutiles ou inoperantes, a caracterise a l'encontre de Z..., au sens de l'article 60 du code penal, la complicite de l'infraction prevue et punie par l'article 262 du code penal ;

Qu'il s'ensuit que le moyen doit etre ecarte ;

Et attendu que l'arret est regulier en la forme ;

Rejette les pourvois de X... de Y... andre et de Z... robert, contre l'arret de la cour d'appel de paris, du 2 mai 1972.

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Décisions similaires

Lancer la recherche par visa

Domaine juridique - SOCIETE ANONYME

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par thème
La Guadeloupe
La Martinique
La Guyane
La Réunion
Mayotte
Tahiti

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.