Jurisprudence : Cass. com., 22-10-2013, n° 12-23.486, FS-P+B, Cassation

Cass. com., 22-10-2013, n° 12-23.486, FS-P+B, Cassation

A4670KNB

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Cass. com., 22-10-2013, n° 12-23.486, FS-P+B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/10932165-cass-com-22102013-n-1223486-fsp-b-cassation
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Abstract

Il n'est pas interdit au premier président d'une cour d'appel, saisi en application de l'article L. 464-8, alinéa 2, du Code de commerce, de tenir compte, s'il l'estime justifié par les circonstances de l'espèce, de l'appartenance de la personne morale sanctionnée à un groupe, pour apprécier si l'exécution immédiate de la décision est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives.



COMM. LG
COUR DE CASSATION
Audience publique du 22 octobre 2013
Cassation
M. ESPEL, président
Arrêt no 1020 FS-P+B
Pourvoi no B 12-23.486
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE,
FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par le président de l'Autorité de la concurrence, dont le siège est Paris,
contre l'ordonnance rendue le 3 juillet 2012 par le délégué du premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 7), dans le litige l'opposant
1o/ à la société Axiane meunerie, société par actions simplifiée, dont le siège est Maure-de-Bretagne,
2o/ à la société Minoteries Cantin, société par actions simplifiée, dont le siège est Reuilly,
3o/ à la société Nutrixo, société par actions simplifiée, dont le siège est Ivry-sur-Seine,
4o/ à la société Euromill Nord, société anonyme, dont le siège est Reims,
5o/ à la société Grands Moulins de Paris, société anonyme, dont le siège est Ivry-sur-Seine,
6o/ à la société Moulins Soufflet, société anonyme, dont le siège est Paris Corbeil-Essonnes,
7o/ à la société France farine, société anonyme, dont le siège est Maure-de-Bretagne,
8o/ à la société Friessinger Mülhe GmbH, dont le siège est Bad Wimpfen (Allemagne),
9o/ à la société Flechtorfer Mülhe Walter Thonebe GmbH & Co KG, dont le siège est Lehre (Allemagne),
10o/ au ministre de l'économie et des finances, domicilié Paris,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 24 septembre 2013, où étaient présents M. Espel, président, Mme Mouillard, conseiller rapporteur, M. Petit, conseiller doyen, Mmes Riffault-Silk, Laporte, Bregeon, M. Le Dauphin, Mme Mandel, MM. Grass, Fédou, Marcus, Mme Darbois, conseillers, M. Delbano, Mmes Tréard, Le Bras, M. Gauthier, conseillers référendaires, M. Mollard, avocat général référendaire, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Mouillard, conseiller, les observations de la SCP Baraduc et Duhamel, avocat du président de l'Autorité de la concurrence, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Axiane meunerie et de la société Minoteries Cantin, l'avis de M. Mollard, avocat général référendaire, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur la recevabilité du pourvoi de l'Autorité de la concurrence, contestée par la défense
Attendu que les dispositions de l'article L. 464-8, alinéa 5, du code de commerce, selon lesquelles le président de l'Autorité de la concurrence (l'Autorité) peut former un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris ayant annulé ou réformé une décision de l'Autorité, doivent s'interpréter comme lui permettant de former un pourvoi contre une décision statuant sur une demande de sursis à exécution formée contre une décision de l'Autorité rendue sur le fondement des dispositions des articles 81 ou 82 CE, devenus 101 et 102 TFUE ; que le pourvoi est recevable ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche Vu l'article L. 464-8, alinéa 2, du code de commerce ;
Attendu qu'il n'est pas interdit au premier président, saisi en application de ce texte, de tenir compte, s'il l'estime justifié par les circonstances de l'espèce, de l'appartenance de la personne morale sanctionnée à un groupe pour apprécier si l'exécution immédiate de la décision est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le délégué du premier président d'une cour d'appel, que, par décision no 12-D-09 du 13 mars 2012, l'Autorité a, pour des ententes anticoncurrentielles prohibées par les articles 101 TFUE et L. 420-1 du code du commerce, prononcé des sanctions pécuniaires contre la société Axiane meunerie ; qu'après avoir formé un recours, cette dernière a présenté une demande de sursis à l'exécution des sanctions sur le fondement de l'article L. 464-8, alinéa 2, du code de commerce ;

Attendu que, pour écarter le moyen de l'Autorité, qui, rappelant que la société Axiane meunerie faisait partie d'un groupe qui établissait des comptes consolidés et que les comptes de la société mère, la société Ariane, étaient eux-mêmes intégrés dans les comptes consolidés établis par la société Axereal, faisait valoir que ces sociétés étaient en mesure d'apporter leur soutien à la société Axiane meunerie, et pour ordonner le sursis à l'exécution des sanctions pécuniaires à hauteur des cinq sixièmes jusqu'à ce qu'il soit statué sur le recours formé par la société Axiane meunerie, l'ordonnance retient que le chiffre d'affaires du groupe n'est mentionné par l'article L. 464-2 du code du commerce que pour déterminer le maximum légal de la sanction, de sorte que les conséquences manifestement excessives de l'exécution immédiate de la décision doivent être appréciées au regard de la seule situation financière de la société sanctionnée ;

Attendu qu'en statuant ainsi, le délégué du premier président a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 3 juillet 2012, entre les parties, par le délégué du premier président de la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Axiane meunerie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Vu l'article R. 470-2 du code de commerce, dit que sur les diligences du directeur de greffe de la Cour de cassation, le présent arrêt sera notifié, par lettre recommandée avec avis de réception, à la Commission européenne, à l'Autorité de la concurrence et au ministre chargé de l'économie et des finances ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour le président de l'Autorité de la concurrence
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir ordonné le sursis de l'exécution provisoire des sanctions financières prononcées par l'Autorité de la concurrence le 13 mars 2012 à l'encontre de la société Axiane Meunerie SAS et ce, à hauteur des cinq sixièmes du montant des amendes telles que fixées par l'Autorité de la concurrence et ce jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur les recours en annulation ou en réformation formés par la société Axiane Meunerie à l'encontre de la décision du 13 mai 2012 ;
AUX MOTIFS QUE si, effectivement, une entreprise peut faire valoir à l'Autorité de la concurrence, avant que cette dernière ne prenne une décision, tous éléments utiles en vue de la prise en compte de difficultés financières, son silence à ce stade de la procédure ne peut valoir renonciation à un droit qu'elle n'a pas encore acquis puisque le droit pour l'entreprise de solliciter une suspension de la décision prononcée à son encontre ne peut naître qu'à compter de la date à laquelle cette décision lui est notifiée ; que la renonciation à un droit ne résulte que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer, actes inexistants en la présence espèce ; que dès lors la demande de la société Axiane Meunerie est parfaitement recevable en la forme ; que s'il est constant, d'une part, que la société Axiane Meunerie fait partie d'un groupe, d'autre part, que les comptes de la société mère sont eux-mêmes intégrés dans les comptes consolidés établis par l'Union des Coopératives agricoles Axereal dans le cadre de la convention de combinaison liant cette société avec les coopératives agricoles Agrapalys, Epix Centre et Episem, force est de constater qu'à ce stade de la procédure, les conséquences manifestement excessives de l'exécution de la décision doivent être appréciées au vu de la seule situation financière de la société frappée de l'amende ; que le chiffre d'affaires du groupe n'est en effet évoqué aux termes de l'article L. 464-2 du code de commerce que pour déterminer le maximum légal de la sanction ; qu'au vu des documents produits au débat, la sanction pécuniaire telle que prononcée par l'Autorité de la concurrence représente près de 40% du chiffre d'affaires de la société Axiane Meunerie réalisé soit la somme de 160.600.641 euros au 30 juin 2011, date du dernier exercice clos et près de huit fois ses fonds propres soit 8.718.039 euros ; que son expert comptable certifie d'ailleurs en pièce no 8 que " la société, en cas de rejet des demandes de sursis à paiement, ne serait pas en mesure à ce jour de faire face au paiement de ladite sanction " ; que le résultat net est en effet déficitaire ; qu'il convient d'observer qu'aucune procédure d'alerte n'a été lancée et ce même si des plans de restructuration ont été adoptés ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, en tenant compte d'une part du résultat déficitaire et des plans de restructuration déjà établis, qui justifient que le maintien du paiement total des deux amendes telles que fixées pourraient entraîner effectivement des conséquences manifestement excessives jusqu'à ce qu'il soit statué au fond ainsi qu'une procédure d'alerte, mais également du montant très important du chiffre d'affaires permettant un paiement partiel, il convient de suspendre l'exécution provisoire du paiement des amendes prononcées à hauteur des cinq sixièmes du montant de chacune de ces amendes et ce jusqu'à ce qu'il soit statué au fond ;
ALORS QUE, D'UNE PART, l'existence de conséquences manifestement excessives, susceptibles de justifier, en application de l'article L. 464-8 du code de commerce, le sursis à exécution d'une décision de sanction prononcée sur le fondement du I de l'article L. 464-2 du même code, doit s'apprécier en tenant compte de l'appartenance de l'entreprise concernée à un groupe, et notamment du chiffre d'affaires total de celui-ci ainsi que de sa capacité contributive, au regard desquels la sanction a été déterminée au préalable par l'Autorité de la concurrence et sera ultérieurement contrôlée par le juge du fond ; qu'en l'espèce, le délégué du Premier président a constaté que la société Axiane Meunerie faisait partie d'un groupe et que les comptes de la société mère étaient eux-mêmes intégrés dans les comptes consolidés établis par l'Union des Coopératives Agricoles Axereal ; qu'en jugeant que les conséquences manifestement excessives devaient être appréciées au regard de la seule situation de la société frappée de l'amende, pour en déduire que la sanction était susceptible d'entraîner pour la société Axiane Meunerie de telles conséquences, le délégué du premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 464-8 du code de commerce ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, dans ses écritures déposées le 24 mai 2012 (p. 2 s. spéc. § 8), le Président de l'Autorité de la concurrence avait fait valoir que la société Axiane Meunerie n'avait pas même cherché à demander la prise en considération par l'Autorité de ses difficultés financières alors que cette possibilité lui avait été expressément rappelée en temps utile, pour en déduire que ce comportement devait être pris en compte pour apprécier si la sanction était ou non susceptible d'entraîner, pour cette société, des conséquences manifestement excessives ; qu'en considérant que l'Autorité de la concurrence s'était fondée sur l'absence de demande de prise en compte des difficultés contributives de la société Axiane Meunerie pour contester la recevabilité de la demande de sursis, cependant que le moyen tiré de l'absence de demande de prise en compte des difficultés contributives tendait au rejet, au fond, de la demande, le délégué du Premier Président a dénaturé les conclusions du Président de l'Autorité de la concurrence et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, DE TROISIÈME PART, l'Autorité peut prendre en compte l'existence de difficultés contributives individuelles d'une entreprise lorsqu'elle détermine la sanction à lui imposer, à condition que l'existence,
l'étendue et les conséquences de celles-ci soient démontrées par l'intéressée ; qu'il s'en déduit que c'est à l'entreprise concernée, qui dispose de toute information à cet égard, d'en faire état en temps utile devant l'Autorité ; qu'en l'espèce, malgré l'invitation expresse faite par l'Autorité, la société Axiane Meunerie n'a nullement fait état de difficultés contributives pendant la procédure ; que celles qu'elle a ensuite invoquées à l'appui de sa demande de sursis à exécution se fondaient sur des faits et des éléments qu'elle était en mesure de signaler en temps utile à l'Autorité, et non sur des éléments postérieurs à la décision de celle-ci ; que, dans ses écritures déposées le 24 mai 2012 (p. 2 s. spéc. § 8), le Président de l'Autorité de la concurrence avait fait valoir ces éléments de sorte qu'en se bornant à affirmer que l'absence de demande de prise en compte des difficultés financières de la société Axiane Meunerie ne faisait pas obstacle à la recevabilité de sa demande de sursis à exécution de la décision prononçant la sanction, sans rechercher, comme il le lui était demandé, les conséquences qui devaient être tirées, dans le cadre de l'examen de la demande de sursis, de la carence de la société à invoquer devant l'Autorité la prise en considération de difficultés préexistantes, le délégué du Premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'alinéa 2 de l'article L 464-8 du code de commerce.

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