Jurisprudence : Cass. civ. 2, 24-10-2013, n° 12-23.056, F-D, Cassation

Cass. civ. 2, 24-10-2013, n° 12-23.056, F-D, Cassation

A4606KNW

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Cass. civ. 2, 24-10-2013, n° 12-23.056, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/10932101-cass-civ-2-24102013-n-1223056-fd-cassation
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CIV. 2 MF
COUR DE CASSATION
Audience publique du 24 octobre 2013
Cassation
Mme FLISE, président
Arrêt no 1627 F-D
Pourvoi no J 12-23.056
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par la société Desse-Carmignac Aidi, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est Avesnes-sur-Helpe cedex,
contre l'ordonnance rendue le 12 juin 2012 par le premier président de la cour d'appel de Douai, dans le litige l'opposant à M. Philippe Y, domicilié Beaumont (Belgique),
défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 25 septembre 2013, où étaient présents Mme Flise, président, M. Taillefer, conseiller rapporteur, Mme Aldigé, conseiller, Mme Genevey, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Taillefer, conseiller, les observations de Me Brouchot, avocat de la société Desse-Carmignac Aidi, l'avis de M. Maitre, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches
Vu l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 10 de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, qu'à l'occasion d'une procédure pénale engagée à son encontre, M. Y a confié la défense de ses intérêts à M. ..., avocat, associé de la SELARL Desse-Carmignac-Aidi (l'avocat) ; qu'après avoir déchargé celui-ci de sa mission, M. Y a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau d'Avesnes-sur-Helpe afin de contester les honoraires payés à son avocat et en obtenir la restitution ;

Attendu que, pour fixer à une certaine somme le montant des honoraires dus à l'avocat en application de l'article 10 de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971, l'ordonnance énonce que si les honoraires payés librement par le client à l'avocat après service rendu ne peuvent donner lieu à restitution, il convient de retenir qu'en l'espèce les trois factures payées par M. Y sont des factures provisionnelles qui ne sont pas détaillées quant au temps facturé et aux prestations déjà exécutées ; que le paiement de ces factures à titre provisionnel par M. Y ne saurait donc lui interdire de les contester et de demander au moins partiellement la restitution des sommes payées ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il constatait que M. Y avait signé une convention d'honoraires avec son avocat et qu'il avait réglé ces factures après service rendu, peu important que celles-ci aient pu revêtir un caractère provisionnel, le premier président n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 12 juin 2012, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne M. Y aux dépens ;
Vu l'article 700 du code e procédure civile, condamne M. Y à payer à la SELARL Desse-Carmignac Aidi la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Brouchot, avocat aux Conseils, pour la société Desse-Carmignac Aidi.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR confirmé la décision rendue le 14 avril 2011 par laquelle le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau d'Avesnes sur Helpe a taxé à la somme de 4.865 euros HT soit 5.818,54 euros TTC le montant des honoraires dus à la Selarl Desse-Carmignac-Aidi par M. Y et dit en conséquence que cette dernière devra lui restituer la somme de 9.448,40 euros ;
AUX MOTIFS QUE si les honoraires payés librement par le client à l'avocat après service rendu ne peuvent donner lieu à restitution, il convient de retenir qu'en l'espèce les trois factures payées par M. Y qui sont datées des 28 avril 2009 pour un montant de 6.300 euros, 5 mai 2009 pour un montant de 1.234,80 euros et 24 juin 2009 pour un montant de 7.732,14 euros sont des factures provisionnelles qui ne sont pas détaillées quant au temps facturé et aux prestations déjà exécutées ; que le paiement de ces factures à titre provisionnel par M. Y ne saurait donc lui interdire de les contester et de demander au moins partiellement la restitution des sommes payées ;
ALORS, D'UNE PART, QUE ce n'est qu'en l'absence de convention d'honoraires ou de paiement après service rendu qu'un client peut demander la fixation d'honoraires déjà réglés ; que dans ses conclusions d'appel, la Selarl Desse-Carmignac-Aidi avait souligné que les honoraires réglés par son client, M. Y, qui avaient fait l'objet d'un accord de sa part ne pouvaient plus faire l'objet d'une contestation ; que tout en constatant que M. Y avait signé une convention d'honoraires avec la Selarl Desse-Carmignac-Aidi, le premier président de la cour d'appel qui a cependant accueilli sa contestation des honoraires réglés, sur factures, n'a pas tiré les conséquences légales de ses observations au regard des articles 1134 du code civil et 10 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi du 10 juillet 1991, pris ensemble ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le caractère provisionnel de factures présentées par un avocat à son client ne met pas obstacle au principe d'interdiction de contestation des honoraires réglés par un client en exécution d'une convention d'honoraires ; qu'en se fondant sur la nature provisionnelle des factures d'honoraires émises par la Selarl Desse-Carmignac-Aidi, le premier président de la cour d'appel qui s'est ainsi fondé sur une circonstance inopérante, n'a pas tiré les conséquences légales de ses observations au regard des articles 1134 du code civil et 10 de la loi du 31 décembre 1971, repris par l'article 10 du décret no 2005-790 du 12 juillet 2005 pris ensemble ;
ALORS, ENFIN, QUE les factures émises par la Selarl Desse-Carmignac-Aidi correspondaient, selon le détail fourni, à des prestations déjà exécutées sur les territoires français et belges dans le cadre de la procédure ouverte contre M. Y pour blanchiment d'argent, sollicitées à titre de provision sur le montant total des honoraires qui seraient dus au terme de sa mission d'assistance et de conseil ; qu'en affirmant que ces factures seraient provisionnelles pour en déduire que leur paiement ne saurait interdire à M. Y de les contester, le premier président de la cour d'appel a dénaturé ces factures faisant ressortir leur absence de nature provisionnelle, violant ainsi l'article 1134 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR confirmé la décision rendue le 14 avril 2011 par laquelle le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau d'Avesnes sur Helpe a taxé à la somme de 4.865 euros HT soit 5.818,54 euros TTC le montant des honoraires dus à la Selarl Desse-Carmignac-Aidi par M. Y et dit en conséquence que cette dernière devra lui restituer la somme de 9.448,40 euros ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 10 de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 repris par l'article 10 du décret no 2005-790 du 12 juillet 2005 à défaut de convention entre l'avocat et son client les honoraires sont fixés selon les usages en fonction de la fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de la notoriété et des diligences de celui-ci ; qu'il résulte de l'examen des pièces produites aux débats que le juge d'instruction du tribunal de grande instance d'Avesnes sur Helpe a été saisi le 14 août 2008 d'une procédure ouverte contre M. Y du chef de blanchiment du produit provenant d'un crime ou d'un délit pour des faits commis courant 2007 et jusqu'au mois d'avril 2008, que dans le cadre de cette procédure une commission rogatoire internationale a été délivrée aux autorités belges afin de recueillir des renseignements sur la situation patrimoniale et fiscale de M. Y et que le blocage de ses avoirs bancaires a été ordonné, que saisi une première fois d'une demande de restitution des sommes bloquées par le conseil de M. Y en Belgique, Me ..., le juge d'instruction a rendu une ordonnance de rejet le 2 avril 2009, que Me ... a été saisi de la défense des intérêts de M. Y au mois d'avril 2009 pour suivre le dossier d'instruction à Avesnes sur Helpe, qu'une deuxième demande de restitution a été présentée par Me ... le 19 mars 2010 qui a été également rejetée par ordonnance du 27 mai 2010, que la première audition de M. Y par le juge d'instruction prévue le 7 juillet 2010 a été repoussée au mois de septembre 2010 à la demande de Me ... qui a alors été déchargé de sa mission, une ordonnance de non-lieu étant finalement intervenue le 5 avril 2011 ; qu'il est précisé dans la décision du bâtonnier que les diligences accomplies par Me ... sont constituées par des rendez-vous avec son client, sur le nombre desquels les deux parties sont en désaccord sans qu'aucune preuve puisse être fournie quant à leur nombre et à leur durée, un contact avec le juge d'instruction et le dépôt d'une demande d'acte (déblocage de comptes bancaires), une demande de renseignements hypothécaires, des recherches en doctrine et en jurisprudence, et un déplacement en Belgique à Charleroi pour rencontrer le juge d'instruction saisi sur commission rogatoire ; qu'au vu des diligences accomplies, de la nature de l'affaire, du fait que M. Y était assisté par ailleurs par un conseil en Belgique, le bâtonnier a exactement apprécié les honoraires de la Selarl Desse-Carmignac-Aidi à la somme de 4.865 euros HT soit 5.818,54 euros TTC ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur les honoraires pratiqués, réglés puis contestés, il sera observé que M. Y a marqué son accord sur un taux horaire de 300 euros HT, lui donnant par sa signature un engagement contractuel et que d'ailleurs, lorsqu'il recalcule ce que devrait être selon lui les honoraires dus, il le fait sur la base de 300 euros horaire ;
ALORS, D'UNE PART, QUE ce n'est qu'à défaut de convention entre l'avocat et son client que les honoraires sont fixés selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de la notoriété et des diligences de celui-ci ; qu'en dépit de l'existence d'une convention d'honoraires, le premier président de la cour d'appel qui a néanmoins taxé les honoraires de la Selarl Desse-Carmignac-Aidi en fonction des critères légaux précités, n'a pas tiré les conséquences légales découlant de l'article 1134 du code civil, ensemble de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ;
ALORS, D'AUTE PART, QU'excède ses pouvoirs le juge taxateur qui modifie unilatéralement, sans en justifier, le nombre d'heures de rendez-vous porté par un avocat dans ses factures ; qu'en réduisant à une heure la durée moyenne des rendez-vous consacrés à M. Y par la Selarl Desse-Carmignac-Aidi qui avait indiqué une durée d'heure et demi dans ses factures d'honoraires, non arguées de faux, le premier président de la cour d'appel a excédé ses pouvoirs de juge taxateur, violant ainsi l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971.

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