Jurisprudence : Cass. civ. 3, 23-10-2013, n° 12-24.919, FS-P+B, Cassation

Cass. civ. 3, 23-10-2013, n° 12-24.919, FS-P+B, Cassation

A4585KN7

Référence

Cass. civ. 3, 23-10-2013, n° 12-24.919, FS-P+B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/10932080-cass-civ-3-23102013-n-1224919-fsp-b-cassation
Copier

Abstract

Peut-on imaginer une construction à la fois conforme et non conforme au permis de construire ? Il faut croire qu'il ne s'agit pas d'une simple hypothèse quelque peu paradoxale, si l'on songe au "casse-tête" apparent que s'est évertuée à résoudre la troisième chambre civile de la Cour de cassation par un arrêt du 23 octobre 2013.. Par un arrêt rendu le 23 octobre 2013, la troisième chambre civile de la Cour de cassation retient que la responsabilité du maître d'ouvrage peut être engagée au titre de la faute résultant de la violation d'une règle d'urbanisme, laquelle peut être établie par tous moyens, et notamment par une expertise judiciaire contredisant le certificat de conformité des travaux au permis de construire (Cass. civ. 3, 23 octobre 2013, n° 12-24.919, FS-P+B).



CIV.3 JL
COUR DE CASSATION
Audience publique du 23 octobre 2013
Cassation
M. TERRIER, président
Arrêt no 1206 FS-P+B
Pourvoi no J 12-24.919
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par M. Olivier Z, domicilié Paris,
contre l'arrêt rendu le 7 mai 2012 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (4e chambre B), dans le litige l'opposant
1o/ à M. Ludovic Y, domicilié Sainte-Maxime,
2o/ à Mme Mireille X, domiciliée Toulon, pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Techma,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 17 septembre 2013, où étaient présents M. Terrier, président, Mme Abgrall, conseiller référendaire rapporteur, M. Mas, conseiller doyen, MM. Pronier, Jardel, Nivôse, Maunand, Roche, Bureau, Mme Dagneaux, conseillers, Mmes Vérité, Guillaudier, Georget, Renard, conseillers référendaires, M. Laurent-Atthalin, avocat général, M. Dupont, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. Z, de Me Le Prado, avocat de M. Y, l'avis de M. Laurent-Atthalin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 mai 2012), que M. Z, estimant que la maison en cours d'édification sur le terrain voisin, dépassait la hauteur autorisée par le plan d'occupation des sols et le permis de construire, a obtenu par une ordonnance du 13 novembre 2002, la désignation d'un expert ; qu'après le dépôt du rapport, M. Z a assigné M. Y en démolition du toit de sa maison et paiement de dommages-intérêts, que ce dernier a appelé en intervention forcée le maître d'oeuvre, la société Techma et Mme X, ès qualités de mandataire liquidateur de cette société ;

Attendu que pour débouter M. Z de sa demande de dommages intérêts, l'arrêt retient que le 4 octobre 2004, M. Y s'est vu accorder un certificat de conformité pour les travaux ayant fait l'objet du permis de construire accordé le 12 octobre 2001, que ce certificat, dont la légalité n'est pas contestée, atteste de la conformité des travaux au permis de construire, que cette décision administrative, que le juge de l'ordre judiciaire ne saurait remettre en cause, prévaut sur les constatations effectuées par les experts judiciaires et apporte la preuve qu'aucune violation des règles d'urbanisme ne saurait être reprochée à M. Y et qu'en l'absence de faute imputable à M. Y celui-ci ne saurait voir engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la faute de M. Y, résultant de la violation d'une règle d'urbanisme et recherchée sur le fondement de l'article 1382 du code civil, pouvait être établie par tous moyens, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 mai 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. Y aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y à payer à M. Z la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de M. Y ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. Z
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Monsieur Z ne justifiait d'aucun préjudice personnel à l'appui de sa demande en démolition de l'ouvrage non conforme aux prescriptions du plan d'occupation des sols de la commune de Grimaud en ce qui concerne la hauteur des constructions, et rejeté en conséquence sa demande en dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE " un constructeur engage sa responsabilité délictuelle lorsqu'il édifie un ouvrage en violation d'une règle d'urbanisme et occasionne ainsi un préjudice personnel à un tiers ; que dans le cas présent Monsieur Y a fait construire une maison d'habitation à Grimaud, quartier de Guerrevieille, en vertu d'un permis de construire no PC8306801XC065 qui lui a été accordé par arrêté du 12 octobre 2001 ; que le chantier a été achevé le 29 mars 2004 ; que le 4 octobre 2004 Monsieur Y s'es vu accorder le certificat de conformité pour les travaux ayant fait l'objet de ce permis de construire ; que ce certificat de conformité, dont la légalité n'est pas contestée, atteste de la conformité des travaux au permis de construire du 12 octobre 2001; que cette décision administrative que le juge de l'ordre judiciaire ne saurait remettre en cause, prévaut sur les constatations effectuées par les experts judiciaires et apporte la preuve qu'aucune violation des règles d'urbanisme ne saurait être reprochée à Monsieur Y ; qu'en conséquence, en l'absence de faute imputable à Monsieur Y, ce dernier ne saurait avoir engagée sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur Z de sa demande de dommages et intérêts " ;
ET AUX MOTIFS, À LES SUPPOSER ADOPTES DES PREMIERS JUGES, QUE " il est constant que le fonds de Monsieur Z ne fait pas partie du lotissement auquel appartient celui de Monsieur Y ; que Monsieur Y était donc tenu de respecter en sa qualité de propriétaire de la commune les règles d'urbanisme édictées par le plan d'occupation des sols de la commune de GRIMAUD; qu'il n'est pas contesté par les parties qu'au vu, d'une part, du permis de construire octroyé à Monsieur Ludovic Y et, d'autre part, du plan d'occupation des sols de la commune de GRIMAUD, la construction litigieuse ne devait pas dépasser une hauteur de 6 mètres au dessus du niveau du sol ; que le rapport d'expertise de Monsieur Jean-Michel ..., géomètre expert, remis le 11 décembre 2007 conclut que " la construction édifiée dépasse légèrement le seuil autorisé par le plan d'occupation des sols de la commune de GRIMAUD et, de la même manière, n 'est pas conforme au permis de construire accordé " ; que l'expert a constaté que la hauteur à l'égout du toit dépassait de 34 cm de hauteur autorisée sur l'angle sud est de la maison, de 43 cm sur l'angle sud ouest,
et un dépassement de 54 cm pour le faîtage ; qu'en outre, le rapport d'expertise de Monsieur Bernard ..., remis le 25 juin 2004, établissait également que " les cotes de l'égout du toit trouvées aux deux angles de la toiture [...] font apparaître un dépassement en hauteur respectivement de 0,54 m et de 0,44 m " ; que les deux experts missionnés ont donc conclu à un dépassement de la toiture par rapport à la hauteur maximum autorisée sur le fondement de mesures et opérations techniques dont le sérieux et les conclusions ne sont pas remises en cause par l'attestation du constructeur produite par Monsieur Y non étayée par une mesure technique ou une critique argumentée des opérations menées par les experts judiciaires ; que toutefois, le propriétaire voisin qui se plaint du non-respect d'une règle d'urbanisme doit, pour obtenir la démolition de l'ouvrage, justifier d'un préjudice personnel ; que Monsieur Olivier Z invoque, d'une part, de la perte de vue sur la mer dont il disposait antérieurement et, d'autre part, la perte de valeur de sa propriété résultant de la perte de la vue sur la mer ; que s 'agissant de l'évaluation de ce préjudice, l'expert ... a constaté sur deux photographies produites par le demandeur au cours de l'expertise, qu'il existait une gêne à la vue sur le golfe de GRIMAUD. Monsieur SURPLYs'est rendu sur la terrasse de la maison de Monsieur ... ... et a constaté que " (..) nous nous sommes rendus sur la terrasse de la maison Z, et avons pu regarder vers la mer et constater que la maison Y était peu visible. Depuis ce point, le toit de la maison Y interrompt cependant la ligne d'horizon que M. Z voyait auparavant. Comme nous l'avons dit, cette interruption correspond à 12 degrés de vue environ sur un panorama de 100 degrés environ, soit 10 % de vue occultée, ainsi qu'un angle de vue de moins d'un demi degré (0,48o) sur un plan vertical, du fait du dépassement de 54 cm de la cote du faîtage au regard de la cote prévue au permis de construire [...] " ; qu'il a joint à son rapport une photographie de la vue depuis la terrasse de la propriété ROBIN; que Monsieur Z n 'apporte aux débats aucun document ni aucun élément de nature à établir la réalité de la perte de valeur de son bien après la construction de la maison Y; qu'en ce qui concerne la vue sur la mer, il convient de noter que les propriétés en litige ne se situent pas en bord de mer mais qu'elles bénéficient d'une vue lointaine sur le golfe de GRIMAUD ; que Monsieur Z ne peut revendiquer une servitude de vue sur la mer qui n'est prévue par aucun texte légal ou conventionnel ; qu'en outre, l'expert judiciaire a déterminé l'amputation de la vue de façon précise qui démontre que cette dernière est légère, le golfe de GRIMAUD étant encore visible depuis la terrasse de Monsieur Z, de même que les collines de SAINT TROPEZ; que de plus, compte tenu de l'étendue du dépassement, il n 'est pas démontré que l'abaissement de la hauteur de la construction Y supprimerait l'obstacle à la vue décrit par l'expert ; que Monsieur Z ne justifie donc pas d'un préjudice certain en lien avec la faute de Monsieur Y qui a édifié une construction dont la hauteur dépasse celle autorisée par le règlement d'urbanisme ; que sa demande de démolition et sa demande à titre de dommages-intérêts seront donc rejetées" ;
ALORS 1o) QUE si le permis de construire régit les rapports du constructeur envers l'administration, qui ne délivre les autorisations, en fonction des dispositions légales et réglementaires applicables, que sous réserve des droits des tiers, la violation de ses dispositions revêt le caractère d'une faute, non seulement à l'égard de l'administration, mais également envers les voisins ; que la délivrance d'un certificat de conformité ne fait pas disparaître la faute résultant du non-respect des prescriptions du permis de construire, dès lors que la responsabilité du propriétaire est recherchée sur le fondement de l'article 1382 du code civil; qu'en considérant que le certificat de conformité prévalait sur les constatations non contestées des experts judiciaires, selon lesquelles la construction de Monsieur Y présentait des dépassements de hauteur de respectivement 0,54 et 0,44 m par rapport aux règles d'urbanisme prévoyant une hauteur maximum de 6 mètres, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
ALORS 2o) QUE le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage, et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir expressément constaté que la construction de Monsieur Y présentait des dépassements de hauteur de respectivement 0,54 et 0,44 m, ce dont il résultait que le toit de la maison Gaudé interrompait la ligne d'horizon et que Monsieur Z subissait de ce fait un préjudice personnel et certain résidant dans une perte de vue de 10 %, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1382 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice.

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Décisions similaires

Lancer la recherche par visa

Domaine juridique - ARCHITECTE

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par thème
La Guadeloupe
La Martinique
La Guyane
La Réunion
Mayotte
Tahiti

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.