Jurisprudence : CJCE, 04-06-2002, aff. C-503/99, Commission des communautés européennes c/ Royaume de Belgique

CJCE, 04-06-2002, aff. C-503/99, Commission des communautés européennes c/ Royaume de Belgique

A8099AYM

Référence

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Cour de justice des Communautés européennes

4 juin 2002

Affaire n°C-503/99

Commission des Communautés européennes
c/
Royaume de Belgique



ARRÊT DE LA COUR


4 juin 2002 (1)


"Manquement d'État - Articles 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) et 73 B du traité CE (devenu article 56 CE) - Droits attachés à l'action spécifique du royaume de Belgique dans la Société nationale de transport par canalisations SA et dans la Société de distribution du gaz SA"


Dans l'affaire C-503/99,


Commission des Communautés européennes, représentée par Mme M. Patakia, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,


partie requérante,


contre


Royaume de Belgique, représenté par Mme A. Snoecx, en qualité d'agent, assistée de Mes F. de Montpellier, M. Picat et A. Theissen, avocats,


partie défenderesse,


soutenu par


Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, représenté par Mme R. Magrill, en qualité d'agent, assistée de MM. J. Crow, barrister, et D. Wyatt, QC, ayant élu domicile à Luxembourg,


partie intervenante,


ayant pour objet de faire constater que, en maintenant en vigueur


- les dispositions de l'arrêté royal, du 10 juin 1994, instituant au profit de l'État une action spécifique de la Société nationale de transport par canalisations (Moniteur belge du 28 juin 1994, p. 17333), selon lesquelles cette action est assortie des droits particuliers suivants:


a) toute cession, toute affectation à titre de sûreté ou tout changement de la destination des canalisations de la société constituant des grandes infrastructures de transport intérieur de produits énergétiques ou pouvant servir à cet effet doit être notifié préalablement au ministre de tutelle, qui a le droit de s'opposer à ces opérations s'il considère qu'elles portent atteinte aux intérêts nationaux dans le domaine de l'énergie;


b) le ministre peut nommer deux représentants du gouvernement fédéral au sein du conseil d'administration de la société. Ceux-ci peuvent proposer au ministre l'annulation de toute décision du conseil d'administration qu'ils estiment contraire aux lignes directrices de la politique énergétique du pays, en ce compris les objectifs du gouvernement relatifs à l'approvisionnement du pays en énergie;


- les dispositions de l'arrêté royal, du 16 juin 1994, instituant au profit de l'État une action spécifique de Distrigaz (Moniteur belge du 28 juin 1994, p. 17347), selon lesquelles cette action est assortie des droits particuliers suivants:


a) toute cession, toute affectation à titre de sûreté ou tout changement de la destination des actifs stratégiques de la société doit être notifié préalablement au ministre de tutelle, qui a le droit de s'opposer à ces opérations s'il considère qu'elles portent atteinte aux intérêts nationaux dans le domaine de l'énergie;


b) le ministre peut nommer deux représentants du gouvernement fédéral au sein du conseil d'administration de la société. Ceux-ci peuvent proposer au ministre l'annulation de toute décision du conseil d'administration ou du comité de direction qu'ils estiment contraire à la politique énergétique du pays,


et en n'ayant pas prévu des critères précis, objectifs et stables concernant l'approbation des opérations susmentionnées ou l'opposition à celles-ci, le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) et 73 B du traité CE (devenu article 56 CE),


LA COUR,


composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, M. P. Jann (rapporteur), Mme N. Colneric et M. S. von Bahr, présidents de chambre, MM. C. Gulmann, D. A. O. Edward, A. La Pergola, J.-P. Puissochet, R. Schintgen, V. Skouris et J. N. Cunha Rodrigues, juges,


avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,


greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,


vu le rapport d'audience,


ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 2 mai 2001, au cours de laquelle la Commission a été représentée par Mme M. Patakia et par M. F. de Sousa Fialho, en qualité d'agent, le royaume de Belgique par Me F. de Montpellier et par Me O. Davidson, avocat, et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord par Mme R. Magrill, assistée de M. D. Wyatt,


ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 3 juillet 2001,


rend le présent


Arrêt


1.


Par requête déposée au greffe de la Cour le 22 décembre 1999, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 226 CE, un recours visant à faire constater que, en maintenant en vigueur


- les dispositions de l'arrêté royal, du 10 juin 1994, instituant au profit de l'État une action spécifique de la Société nationale de transport par canalisations (Moniteur belge du 28 juin 1994, p. 17333, ci-après l'"arrêté royal du 10 juin 1994"), selon lesquelles cette action est assortie des droits particuliers suivants:


a) toute cession, toute affectation à titre de sûreté ou tout changement de la destination des canalisations de la société constituant des grandes infrastructures de transport intérieur de produits énergétiques ou pouvantservir à cet effet doit être notifié préalablement au ministre de tutelle, qui a le droit de s'opposer à ces opérations s'il considère qu'elles portent atteinte aux intérêts nationaux dans le domaine de l'énergie;


b) le ministre peut nommer deux représentants du gouvernement fédéral au sein du conseil d'administration de la société. Ceux-ci peuvent proposer au ministre l'annulation de toute décision du conseil d'administration qu'ils estiment contraire aux lignes directrices de la politique énergétique du pays, en ce compris les objectifs du gouvernement relatifs à l'approvisionnement du pays en énergie;


- les dispositions de l'arrêté royal, du 16 juin 1994, instituant au profit de l'État une action spécifique de Distrigaz (Moniteur belge du 28 juin 1994, p. 17347, ci-après l'"arrêté royal du 16 juin 1994"), selon lesquelles cette action est assortie des droits particuliers suivants:


a) toute cession, toute affectation à titre de sûreté ou tout changement de la destination des actifs stratégiques de la société doit être notifié préalablement au ministre de tutelle, qui a le droit de s'opposer à ces opérations s'il considère qu'elles portent atteinte aux intérêts nationaux dans le domaine de l'énergie;


b) le ministre peut nommer deux représentants du gouvernement fédéral au sein du conseil d'administration de la société. Ceux-ci peuvent proposer au ministre l'annulation de toute décision du conseil d'administration ou du comité de direction qu'ils estiment contraire à la politique énergétique du pays,


et en n'ayant pas prévu des critères précis, objectifs et stables concernant l'approbation des opérations susmentionnées ou l'opposition à celles-ci, le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) et 73 B du traité CE (devenu article 56 CE).


2.


Par requêtes déposées au greffe de la Cour respectivement les 22 et 27 juin 2000, le royaume de Danemark et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord ont demandé à intervenir dans l'affaire au soutien des conclusions du royaume de Belgique. Par ordonnances du président de la Cour des 12 et 13 juillet 2000, respectivement, ces États membres ont été admis à intervenir. Par lettre du 2 octobre 2000, le royaume de Danemark s'est désisté de son intervention.


Cadre juridique du litige


Droit communautaire


3.


L'article 73 B, paragraphe 1, du traité est libellé comme suit:


"Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites."


4.


En vertu de l'article 73 D, paragraphe 1, sous b), du traité CE [devenu article 58, paragraphe 1, sous b), CE]:


"L'article 73 B ne porte pas atteinte au droit qu'ont les États membres:


[...]


b) de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale ou en matière de contrôle prudentiel des établissements financiers, de prévoir des procédures de déclaration des mouvements de capitaux à des fins d'information administrative ou statistique ou de prendre des mesures justifiées par des motifs liés à l'ordre public ou à la sécurité publique."


5.


L'annexe I de la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en oeuvre de l'article 67 du traité (JO L 178, p. 5), comporte une nomenclature des mouvements de capitaux visés à l'article 1er de cette directive. Elle énumère notamment les mouvements suivants:


"I. Investissements directs [...]


1) Création et extension de succursales ou d'entreprises nouvelles appartenant exclusivement au bailleur de fonds, et acquisition intégrale d'entreprises existantes


2) Participation à des entreprises nouvelles ou existantes en vue de créer ou maintenir des liens économiques durables


[...]"


6.


En vertu des notes explicatives figurant à la fin de l'annexe I de la directive 88/361, on entend par "investissements directs":


"Les investissements de toute nature auxquels procèdent les personnes physiques, les entreprises commerciales, industrielles ou financières et qui servent à créer ou à maintenir des relations durables et directes entre le bailleur de fonds et le chef d'entreprise ou l'entreprise à qui ces fonds sont destinés en vue de l'exercice d'une activité économique. Cette notion doit donc être comprise dans son sens le plus large.


[...]


En ce qui concerne les entreprises mentionnées au point I 2 de la nomenclature et qui ont le statut de sociétés par actions, il y a participation ayant le caractère d'investissements directs, lorsque le paquet d'actions qui se trouve en possession d'une personne physique, d'une autre entreprise ou de tout autre détenteur donne à ces actionnaires, soit en vertu des dispositions de la législation nationale sur les sociétés par actions, soit autrement, la possibilité de participer effectivement à la gestion de cette société ou à son contrôle.


[...]"


7.


La nomenclature figurant à l'annexe I de la directive 88/361 vise également les mouvements suivants:


"III. Opérations sur titres normalement traités sur le marché des capitaux [...]


[...]


A. Transactions sur titres du marché des capitaux


1) Acquisition par des non-résidents de titres nationaux négociés en bourse [...]


[...]


3) Acquisition par des non-résidents de titres nationaux non négociés en bourse [...]


[...]"


8.


L'article 222 du traité CE (devenu article 295 CE) dispose:


"Le présent traité ne préjuge en rien le régime de la propriété dans les États membres."


Droit national


9.


L'arrêté royal du 10 juin 1994 prévoit à ses articles 1er, 3 et 4:


"Article 1er


Le jour où les actions que l'État détient actuellement dans le capital de la Société nationale d'investissement sont transférées effectivement à une ou plusieurs personnes physiques ou morales du secteur privé, la Société nationale d'investissement cédera une action du capital de la société anonyme Société nationale de transport par canalisations, ci-après dénommée la 'S.N.T.C., à l'État. Les droits particuliers définis aux articles2 à 5 ne sont attachés à cette action, en plus des droits d'information attachés aux actions ordinaires de la S.N.T.C., qu'aussi longtemps que cette action est la propriété de l'État, qui ne peut la céder que moyennant autorisation législative. Ces droits sont exercés par le ministre qui a l'énergie dans ses attributions, ci-après dénommé le 'ministre.


[...]


Article 3


L'action spécifique confère au ministre le droit de s'opposer à toute cession, affectation à titre de sûreté ou changement de la destination des canalisations de la S.N.T.C. constituant des grandes infrastructures de transport intérieur de produits énergétiques ou pouvant servir à cet effet, si le ministre considère que cette opération porte atteinte aux intérêts nationaux dans le domaine de l'énergie. [...]


Les opérations visées au premier alinéa doivent être notifiées préalablement au ministre. Le ministre peut établir des règles plus précises pour la forme et le contenu de cette notification. Le ministre peut exercer son droit d'opposition dans un délai de vingt et un jours après que l'opération concernée lui a été notifiée.


Article 4


L'action spécifique confère au ministre le droit de nommer deux représentants du gouvernement fédéral au sein du conseil d'administration de la S.N.T.C. Ces représentants du gouvernement y siègent avec voix consultative.


Les représentants du gouvernement peuvent en outre dans un délai de quatre jours ouvrables prendre recours auprès du ministre contre toute décision du conseil d'administration de la S.N.T.C. qu'ils estiment contraire aux lignes directrices de la politique de l'énergie du pays, en ce compris les objectifs du gouvernement relatifs à l'approvisionnement du pays en énergie. Ce délai de quatre jours court à partir du jour de la réunion au cours de laquelle la décision concernée a été prise, si les représentants du gouvernement y avaient été régulièrement conviés, et, dans le cas contraire, à partir du jour où les représentants du gouvernement ou l'un d'entre eux ont pris connaissance de la décision. Le recours est suspensif. Si le ministre n'a pas annulé la décision concernée dans un délai de huit jours ouvrables après ce recours, celle-ci devient définitive."


10.


L'arrêté royal du 16 juin 1994 prévoit à ses articles 1er, 3 et 4 des règles en substance identiques concernant la Société de distribution du gaz SA (ci-après "Distrigaz").


La procédure précontentieuse


11.


Par deux lettres du 8 juillet 1998, la Commission a informé le gouvernement belge qu'elle considérait que les actions spécifiques instituées par les arrêtés royaux des 10 et 16 juin 1994 pourraient enfreindre les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux et à la liberté d'établissement.


12.


Le gouvernement belge a, par deux lettres du 15 septembre 1998, répondu que les droits spéciaux attachés à ces actions n'avaient jusqu'alors pas été exercés et que les autorités concernées se déclaraient prêtes à garantir à la Commission qu'aucun de ces droits ne serait exercé de manière discriminatoire au détriment des ressortissants d'autres États membres.

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