Jurisprudence : CJCE, 16-11-2000, aff. C-291/98, Sarrió SA c/ Commission des Communautés européennes

CJCE, 16-11-2000, aff. C-291/98, Sarrió SA c/ Commission des Communautés européennes

A8086AY7

Référence

CJCE, 16-11-2000, aff. C-291/98, Sarrió SA c/ Commission des Communautés européennes. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1092861-cjce-16112000-aff-c29198-sarrio-sa-c-commission-des-communautes-europeennes
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Cour de justice des Communautés européennes

16 novembre 2000

Affaire n°C-291/98

Sarrió SA
c/
Commission des Communautés européennes



61998J0291

Arrêt de la Cour (cinquième chambre)
du 16 novembre 2000.

Sarrió SA contre Commission des Communautés européennes.

Pourvoi - Concurrence - Article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE) - Notion d'infraction unique - Echange d'informations - Injonction - Amende - Détermination du montant - Méthode de calcul - Motivation - Circonstances atténuantes.

Affaire C-291/98P.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-9991

1 Concurrence - Amendes - Montant - Caractère approprié - Contrôle juridictionnel - Éléments pouvant être pris en considération par le juge communautaire - Éléments d'information non contenus dans la décision infligeant l'amende et non requis pour sa motivation - Inclusion

(Traité CE, art. 172 et 190 (devenus art. 229 CE et 253 CE); règlement du Conseil n° 17, art. 17)

2 Concurrence - Amendes - Décision infligeant des amendes - Obligation de motivation - Portée - Indication des éléments d'appréciation ayant permis à la Commission de mesurer la gravité et la durée de l'infraction - Indication suffisante - Communication ultérieure d'informations plus précises - Absence d'incidence

(Traité CE, art. 190 (devenu art. 253 CE); règlement du Conseil n° 17, art. 15, § 2, al. 2)

3 Pourvoi - Compétence de la Cour - Remise en cause, pour des motifs d'équité, de l'appréciation portée par le Tribunal sur le montant des amendes infligées aux entreprises - Exclusion - Remise en cause de cette appréciation pour des motifs tirés de la violation du principe de non-discrimination - Inclusion

(Traité CE, art. 85, § 1 (devenu art. 81, § 1, CE))

1 S'agissant des recours dirigés contre les décisions de la Commission infligeant des amendes à des entreprises pour violation des règles de concurrence, le juge communautaire est compétent pour apprécier, dans le cadre du pouvoir de pleine juridiction qui lui est reconnu par les articles 172 du traité (devenu article 229 CE) et 17 du règlement n° 17, le caractère approprié du montant des amendes. Cette appréciation peut justifier la production et la prise en considération d'éléments complémentaires d'information dont la mention dans la décision infligeant l'amende n'est pas comme telle requise en vertu de l'obligation de motivation prévue à l'article 190 du traité (devenu article 253 CE). (voir points 69, 71)

2 L'article 15, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 17 prévoit que, "Pour déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci". Dans ces conditions, les exigences de la formalité substantielle que constitue l'obligation de motivation sont remplies lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d'appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l'infraction. En l'absence de tels éléments, la décision serait viciée pour défaut de motivation.

La circonstance que des informations plus précises que ces éléments d'appréciation, telles que les chiffres d'affaires réalisés par les entreprises ou les taux de réduction retenus par la Commission, ont été communiquées ultérieurement, lors d'une conférence de presse ou au cours de la procédure contentieuse, n'est pas de nature à remettre en cause le caractère suffisant de la motivation de la décision. En effet, des précisions apportées par l'auteur d'une décision attaquée, complétant une motivation déjà en elle-même suffisante, ne relèvent pas à proprement parler du respect de l'obligation de motivation, même si elles peuvent être utiles au contrôle interne des motifs de la décision, exercé par le juge communautaire, en ce qu'elles permettent à l'institution d'expliciter les raisons qui sont à la base de sa décision. (voir points 72-73, 75)

3 Il n'appartient pas à la Cour, lorsqu'elle se prononce sur des questions de droit dans le cadre d'un pourvoi, de substituer, pour des motifs d'équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l'exercice de sa pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation, par celles-ci, du droit communautaire.

Toutefois, l'exercice d'une compétence de pleine juridiction ne saurait entraîner, lors de la détermination du montant des amendes qui leur sont infligées, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité (devenu article 81, paragraphe 1, CE). (voir points 96-97)

Dans l'affaire C-291/98 P,

Sarrió SA, établie à Barcelone (Espagne), représentée par Mes A. Mazzoni, avocat au barreau de Milan, M. Siragusa, avocat au barreau de Rome, et F. Maria Moretti, avocat au barreau de Venise, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Elvinger, Hoss & Prussen, 2, place Winston Churchill,

partie requérante,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (troisième chambre élargie) du 14 mai 1998, Sarrió/Commission (T-334/94, Rec. p. II-1439), et tendant à l'annulation de cet arrêt, l'autre partie à la procédure étant: Commission des Communautés européennes, représentée par M. R. Lyal, membre du service juridique, en qualité d'agent, assisté de Me A. Dal Ferro, avocat au barreau de Vicence, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du même service, Centre Wagner, Kirchberg, partie défenderesse en première instance,

LA COUR

(cinquième chambre),

composée de MM. A. La Pergola, président de chambre, M. Wathelet (rapporteur), D. A. O. Edward, P. Jann et L. Sevón, juges,

avocat général: M. J. Mischo,

greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 18 mai 2000,

rend le présent

Arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 28 juillet 1998, Sarrió SA a, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 14 mai 1998, Sarrió/Commission (T-334/94, Rec. p. II-1439, ci-après l'"arrêt attaqué"), par lequel celui-ci a partiellement annulé la décision 94/601/CE de la Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/C/33.833 - Carton) (JO L 243, p. 1, ci-après la "décision"), et a rejeté le recours pour le surplus.

Les faits

2 Par la décision, la Commission a infligé des amendes à 19 fabricants fournisseurs de carton dans la Communauté, du chef de violations de l'article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE).

3 Il ressort de l'arrêt attaqué que cette décision faisait suite aux plaintes informelles déposées, en 1990, par la British Printing Industries Federation, organisation professionnelle représentant la majorité des fabricants de boîtes imprimées du Royaume-Uni, et par la Fédération française du cartonnage, ainsi qu'aux vérifications auxquelles avaient procédé, en avril 1991, sans avertissement préalable, des agents de la Commission, agissant au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204), dans les locaux de plusieurs entreprises et associations professionnelles du secteur du carton.

4 Les éléments obtenus dans le cadre de ces vérifications et à la suite de demandes de renseignements et de documents ont amené la Commission à conclure que les entreprises concernées avaient, du milieu de l'année 1986 à avril 1991 au moins (dans la plupart des cas), participé à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité. En conséquence, elle a décidé d'engager une procédure en application de cette dernière disposition et a, par lettre du 21 décembre 1992, adressé une communication des griefs à chacune des entreprises concernées, qui, toutes, ont répondu par écrit. Neuf entreprises ont demandé à être entendues oralement.

5 Au terme de la procédure, la Commission a adopté la décision, qui comprend les dispositions suivantes:

"Article premier

Buchmann GmbH, Cascades SA, Enso-Gutzeit Oy, Europa Carton AG, Finnboard - the Finnish Board Mills Association, Fiskeby Board AB, Gruber & Weber GmbH & Co KG, Kartonfabriek De Eendracht NV (dont le nom commercial est BPB de Eendracht NV), NV Koninklijke KNP BT NV (anciennement Koninklijke Nederlandse Papierfabrieken NV), Laakmann Karton GmbH & Co KG, Mo Och Domsjö AB (MoDo), Mayr-Melnhof Gesellschaft mbH, Papeteries de Lancey SA, Rena Kartonfabrik AS, Sarrió SpA, SCA Holding Ltd [anciennement Reed Paper & Board (UK) Ltd], Stora Kopparbergs Bergslags AB, Enso Española SA (anciennement Tampella Española SA) et Moritz J. Weig GmbH & Co KG ont enfreint l'article 85 paragraphe 1 du traité CE en participant:

- dans le cas de Buchmann et de Rena, de mars 1988 environ jusqu'à fin 1990 au moins,

- dans le cas de Enso Española, de mars 1988 au moins jusqu'à fin avril 1991 au moins,

- dans le cas de Gruber & Weber, de 1988 au moins jusqu'à fin 1990,

- dans les autres cas, à compter de mi-1986 jusqu'à avril 1991 au moins,

à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de 1986, en vertu desquels les fournisseurs de carton de la Communauté européenne:

- se sont rencontrés régulièrement dans le cadre de réunions secrètes et institutionnalisées, afin de négocier et d'adopter un plan sectoriel commun de restriction de la concurrence,

- ont décidé d'un commun accord des augmentations régulières des prix pour chaque qualité de produit dans chaque monnaie nationale,

- ont planifié et mis en oeuvre des augmentations de prix simultanées et uniformes dans l'ensemble de la Communauté européenne,

- se sont entendus pour maintenir les parts de marché des principaux fabricants à des niveaux constants, avec des modifications occasionnelles,

- ont pris, de plus en plus fréquemment à partir de début 1990, des mesures concertées de contrôle de l'approvisionnement du marché communautaire, afin d'assurer la mise en oeuvre desdites augmentations de prix concertées,

- ont échangé des informations commerciales sur les livraisons, les prix, les arrêts de production, les commandes en carnet et les taux d'utilisation des machines, afin de soutenir les mesures mentionnées ci-dessus.

Article 2

Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux infractions précitées, si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leurs activités dans le secteur du carton, de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange d'informations commerciales:

a) par lequel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des ventes, des commandes en carnet, des taux d'utilisation des machines, des prix de vente, des coûts ou des plans de commercialisation d'autres fabricants;

b) par lequel, même si aucune information individuelle n'est communiquée, une réaction commune du secteur dans le domaine des prix ou un contrôle de la production seraient promus, facilités ou encouragés

c) qui permettrait aux entreprises concernées de suivre l'exécution ou le respect de tout accord exprès ou tacite sur les prix ou le partage des marchés dans la Communauté.

Tout système d'échange de données générales auquel elles seraient abonnées, tel que le système Fides ou son successeur, sera géré de manière à exclure non seulement toutes données permettant d'identifier le comportement de fabricants déterminés, mais aussi toutes données relatives à l'état des entrées de commandes et des commandes en carnet, au taux prévu d'utilisation des capacités de production (dans les deux cas, même si elles sont agrégées) ou à la capacité de production de chaque machine.

Tout système d'échange de ce type sera limité à la collecte et à la diffusion, sous une forme agrégée, de statistiques sur la production et les ventes qui ne puissent être utilisées pour promouvoir ou faciliter un comportement commun du secteur.

Les entreprises s'abstiendront également de tout échange d'informations intéressant la concurrence autre que les échanges admis, ainsi que de toute réunion ou contact en vue d'examiner l'importance des informations échangées ou la réaction possible ou probable du secteur ou de fabricants individuels à ces informations.

Un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision est accordé pour procéder aux modifications nécessaires de tout système éventuel d'échange d'informations.

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises suivantes pour les infractions constatées à l'article 1er:

...

xv) Sarrió SpA, une amende de 15 500 000 écus;

..."

6 Il ressort, en outre, des faits tels qu'énoncés dans l'arrêt attaqué:

"13 Selon la décision, l'infraction s'est déroulée au sein d'un organisme dénommé 'Groupe d'étude de produit Carton'(ci-après 'GEP Carton'), composé de plusieurs groupes ou comités.

14 Cet organisme a été doté, au milieu de l'année 1986, d'un 'Presidents Working Group'(ci-après 'PWG') réunissant des représentants de haut niveau des principaux fournisseurs de carton de la Communauté (environ huit).

15 Le PWG avait notamment pour activités la discussion et la concertation concernant les marchés, les parts du marché, les prix et les capacités. En particulier, il a pris des décisions d'ordre général concernant le calendrier et le niveau des augmentations de prix à mettre en oeuvre par les fabricants.

16 Le PWG faisait rapport à la 'President Conference'(ci-après 'PC') à laquelle participait (plus ou moins régulièrement) la quasi-totalité des directeurs généraux des entreprises concernées. La PC s'est réunie deux fois par an pendant la période en cause.

17 À la fin de l'année 1987 a été créé le 'Joint Marketing Committee'(ci-après 'JMC'). Son objet principal consistait, d'une part, à déterminer si, et, dans l'affirmative, comment, des augmentations de prix pouvaient être mises en oeuvre et, d'autre part, à définir les modalités des initiatives en matière de prix décidées par le PWG pays par pays et pour les principaux clients en vue d'établir un système de prix équivalent en Europe.

18 Enfin, le comité économique (ci-après 'COE') débattait, notamment, des fluctuations de prix sur les marchés nationaux et des commandes en carnet et faisait rapport sur ses conclusions au JMC ou, jusqu'à la fin de l'année 1987, au prédécesseur du JMC, le Marketing Committee. Le COE était composé de directeurs commerciaux de la plupart des entreprises en cause et se réunissait plusieurs fois par an.

19 Il ressort, en outre, de la décision que la Commission a considéré que les activités du GEP Carton étaient soutenues par un échange d'informations par l'intermédiaire de la société fiduciaire Fides, dont le siège est à Zurich (Suisse). Selon la décision, la plupart des membres du GEP Carton fournissaient à la Fides des rapports périodiques sur les commandes, la production, les ventes et l'utilisation des capacités. Ces rapports étaient traités dans le cadre du système Fides et les données agrégées étaient envoyées aux participants.

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